[Cette nouvelle et celles qui vont suivre s'inscrivent dans l'un de mes univers récurrents, celui des "Fragments d'Apocalypse". Il s'agit en quelque sorte de courts exercices de style prenant appui sur l'univers en question. Tout ce que vous devez savoir sur l'univers des Fragments d'Apocalypse est qu'il se situe dans un futur alternatif, après une catastrophe nommée "l'Apocalypse" qui a bouleversé le monde et ses habitants. ]
Fragments d'apocalypse
1. Jules Renouard
Souvent ai-je rempli ces pages de mots dont je me satisfaisais. Souvent ai-je accepté d'avancer sur le chemin que je me traçai à moi-même. Il y avait alors devant moi des choix qui s'offraient, des alternatives ; et rien qui ne m'empêchait d'y accéder. En arriver là était, incontestablement, ce que j'avais voulu. Doucement, très doucement, je me dessaisissais de l'encre et du papier et j'apprenais, sans le vouloir, à prendre des habitudes. Jamais plus qu'aujourd'hui n'ai-je detesté les habitudes.
Lorsque la ville se présenta, silencieusement encaissée dans une vallée où fleurissaient autant d'arbres que de tuiles, je ne pensais d'abord pas m'y arrêter. Ou alors juste le temps de fouiller les décombres et d'y manger avant de m'habituer – j'emploie ce mot à dessein – à l'oublier. C'était, en quelque sorte, ce qui était convenu entre les villes et moi : lorsque l'une d'elle se plantait sur mon chemin, elle me laissait partir sans rien me demander. D'ailleurs, je ne les cherchais pas : il arrivait simplement que les sentiers, tracés depuis plusieurs années par les pionniers, soient traversés par d'anciens conglomérats d'habitations qui fournissaient, en cas de grêle, un abri adequat. Mon rythme n'était pas celui des pionniers, des hommes endurants des premiers temps après l'Apocalypse, et j'aurais bien eu du mal à parcourir en un seul jour la distance qui séparait deux villes. Elles n'étaient donc pour moi que des compagnes occasionnelles... A peine de bonnes amies que je ne saluais guère plus que les échassiers qui, parfois, suivaient ma trace depuis les hauteurs. Les choses étaient bien plus simples ainsi, et toutes les villes que j'avais croisées jusqu'ici m'avaient laissé faire. Elles me confiaient sans hésiter une partie de la nourriture qu'elles gardaient encore dans leurs entrailles (malgré les nombreuses allées et venues d'hommes et de femmes, il restait toujours suffisamment de vivres) ; mais je n'y restais pas pour dormir : je m'étais habitué à la fraîcheur de la canopée dans laquelle je nichais lorsque venait la nuit. M'enroulant dans les branches, acceptant les sabres du feuillage sur mon visage, je me couchais sans avoir peur de dormir. La pierre, froide et lisse, m'effrayait trop pour que les granges abandonnées ou les fermes n'aient quelque attrait pour moi. Le rituel était trop adroitement installé dans mon esprit pour être remplacé par une quelconque autre pratique : grimper à l'arbre qui me paraissait le plus haut, trouver la branche qui fût à la fois suffisamment haute pour me protéger des dangers et suffisamment épaisse pour supporter mon poids, dérouler le filet de lianes qui connaissait par coeur la forme de mon corps ; alors la nuit filtrait à travers la voûte chlorophylienne en de curieuses étoiles qui semblaient des nervures. Il m'aurait été impossible, pensais-je, d'abandonner mon refuge végétal pour la paille séchée, le bois pourri, et les carreaux de terre.
La ville s'offrit à moi autant que toutes les autres. Les cheminées renfoncées n'avaient presque plus de pierres et seuls les toits les plus bas étaient encore debout. Je devinais un ancien commerce dont l'enseigne n'était plus lisible mais qui restait reconnaissable par les deux vitrines, des crevasses où s'engouffrait le vent. Il y avait là des signes qui m'étaient familiers et, sans hésiter, j'entrais pour fouiller à la recherche de nourriture. Le calme ne me surprit pas ; je pris une vingtaine de conserves restées sur les rayons et retournait dehors où, déjà, venait le froid du soir. Il ne me fallait pas m'attarder ici, pensais-je, ou la nuit allait tomber avant que je n'ai pu regagner les hauteurs et les arbres. Quelques rapaces nocturnes – des faucons crécerelles que je reconnaissais à leur cri – osaient déjà se poser sur un abreuvoir en ruine et me regardaient. Je m'en souviens encore : un sourire me vint à leur vue. Qu'avais-je alors en tête ? Il m'est à présent impossible de me le rappeler.
Sur l'abreuvoir moussu se trouvait un journal et l'incongruité d'une telle découverte me frappa tout de suite : le papier était une chose par trop fragile pour résister au temps et les livres étaient extrêmement rares dans les villes que je visitais. Il ne restait le plus souvent que quelques volumes reliés sur les étagères de grandes bibliothèques. Ces livres m'intriguaient, moi qui n'avait, je dois à présent le confesser – surtout à présent – comme seule lecture que ce carnet où je décrivais chaque jour de mon périple, non pas tant par goût pour l'écriture, mais davantage pour me les rappeler. Quand mon regard croisait celui d'un livre, je m'empressais d'en tâter la couverture glacée et d'en tourner les pages ; il en sortait une odeur exotique, très acre, que je n'appréciais pas véritablement mais qui, sans qu'alors je ne sache pourquoi, m'excitait. J'en lisais les premières lignes que je recopiais soigneusement au centre de la page comme s'il se fût agit d'une parole divine, et j'écrivais tout à l'entour une glose dense et répétitive.
« La désertion des villes s'organise partout dans l'attente de l'Apocalypse. Nouvelles consignes du conseil des provinces européennes. Jules Renouard, Saint-Gohard »
La date, je ne la sais plus. Je ne crois pas l'avoir même entraperçue. La date de cet article n'a pas d'importance. Le nom ne me dit rien non plus ; ou si, peut-être, mais dans un passé qui dépasse l'Apocalypse et qui n'est fait que de bribes. Il se peut que Renouard ait été un nom de famille. Peut-être le mien. Mais ce n'est pas le nom qui m'intéresse ici. C'est le lieu. Je déchiffre les onze lettres séparées symétriquement par un symbole typographique. Elles sont étranges. Trop étranges pour que je passe mon chemin, malgré les jappements suraigus des crécerelles qui sentent la nuit venir. Il m'est absolument nécessaire de comprendre ces lettres. Est-ce le nom de la ville dans laquelle je me trouve ? Rien ne peut me le dire ; aucun signe que je puisse reconnaître. Est-ce une autre ville, dans une autre vallée, près d'ici ? Les crécerelles se juchent sur une tuile branlante, juste au-dessus de ma tête.
Je suis né à Saint-Gohard. J'y ai vécu les premières années de ma vie ; les années dont on ne peut se souvenir que par fragments de mémoire, en creusant profondément non pas dans son esprit mais dans ses entrailles, parce que le cerveau n'admet pas qu'on ait pu avoir aux premiers temps des pensées suffisamment nobles pour rester gravées en lui. Après eut lieu l'Apocalypse et, je crois, l'éclosion de mes premières impressions organisées. Saint-Gohard dut rester dans un coin de mon corps, peut-être sous le foie, et n'émerger qu'en apparaissant sans prévenir sur un morceau de papier journal. Il y avait à Saint-Gohard un vaste marché dans lequel se mêlaient les odeurs des fruits et des gens. Une question s'impose : comment ai-je pu supprimer à ce point onze lettres de mon existence ? Il y avait à Saint-Gohard une très haute église, au très haut clocher, à l'intérieur de laquelle, même lorsqu'elle était pleine, régnait un épais silence. La seule réponse que je parviens à concevoir est que quelqu'un m'ait forcé à oublier ces lettres en m'interdisant de les dire et de les écrire. Il y avait à Saint-Gohard une petite fontaine au coin d'une rue, et l'eau qui en coulait était très douce dans mes mains. Mais qui d'autre que moi a pu former mon esprit à l'omission ? Mes parents sont morts avant d'avoir pu m'énoncer quoi que ce fût, et les personnes qui m'ont élevé jusqu'à mon départ ne savaient pas d'où je venais. Saint-Gohard était loin alors, dans sa vallée creusée sous les frondaisons, et abandonnée depuis. Peut-être, me dis-je, le nom même de Saint-Gohard – les onze lettres – n'ont plus aucun sens et n'existent pour aucune autre personne que moi.
Sans éprouver la moindre difficulté, je retrouve le chemin qui mène jusqu'à l'église. Quelques maisons n'ont plus de portes, d'autres ont perdu leurs fenêtres et leur colombage, mais certains noms de rues subsistent sur des plaques bleues m'indiquant la route à prendre – rue vieille, rue de la fontaine aux ors, rue de l'église. Je n'ai pas besoin de beaucoup d'efforts pour franchir la pente douce ; l'église de Saint-Gohard est bâtie à flanc de côteau pour que son clocher domine la ville et que l'écho des cloches se répercute encore après qu'elles se soient tues. Ce clocher, je ne le vois pas ; il n'existe plus. La tour qui l'accueillait est éventrée et offre au ciel une ramure de briques et de mortier. Flanquée sur la façade qui émerge depuis le bout du sentier, l'unique tour est toujours appuyée sur les quatre piles d'un étrange porche qui, encore maintenant, m'intimide. Des rinceaux de lierre courent le long des piles qu'ils torsadent jusqu'au chapiteau, évasée en corolles feuillues. Je reconnais au portail, sans me tromper, une parousie qui, il me semble m'en souvenir, m'effrayait plus que tout, comme annonciatrice d'une tragédie improbable. D'un côté vont les justes, vêtus de leur draperie de pierres, et de l'autre les damnés qui n'ont pas su prier. Est-ce cela que je devais croire, alors ? Ou alors ces visages, érodés par le temps et par l'Apocalypse, sont par trop interchangeables – les justes et les damnés dans un même Enfer ? Non, je ne parviens plus à les reconnaître les uns des autres : le corps des justes est saisi de la torsion diabolique des damnés et des herbes leurs poussent sous les yeux, et dans la coiffe. Et le Christ lui-même n'est plus sur le portail : une tempête l'aura arraché, ou bien encore est-il parti de son propre chef.
Je ne peux m'empêcher de toucher les piles et de sentir la douceur de la roche. Les sculptures à peine saillantes ont du mal à me parler ; les rois de l'Ancien Testament et les apôtres de pierre ont pris l'apparence d'une colonnade inutile ne soutenant plus un bas-côté déjà effondré. Ils ne me racontent plus les histoires que je croyais entendre lorsqu'on m'emmenait dans ce lieu dont je ne pouvais comprendre l'exacte signification. Il y a, si ma mémoire ne me fait pas défaut, la légende d'un grand prêtre qui voit arriver dans la ville où il officie une horde de soldats barbares. Il se disait que ces guerriers, vêtus d'armures solides et possédant la force du boeuf, n'étaient venus en ces lieux que pour y semer le chaos. Rien de plus ne les animait que ce besoin de détruire ce qui avait été patiemment bâti par l'abnégation des hommes. Nul ne connaissait leur visage, et beaucoup racontaient qu'ils avaient des têtes d'animaux sauvages : les défenses des sangliers, les poils drus et secs des ours des montagnes, les griffes des aigles... Ainsi allait la rumeur, jusqu'à ce qu'elle prenne corps pendant le rite que célébrait le grand prêtre devant tous ses fidèles. En quelques instants, il n'y eut plus que des ruines. L'autel était rougi par le sang des victimes, apparaissant en tâches sombres sur la roche blanche ; les vitraux qui reflétaient pourtant toute la patience des artisans qui les avaient conçu furent transpercés par les armes des barbares. Des ruines s'élevèrent bientôt en lieu et place de l'église et les barbares repartirent pour poursuivre en d'autres lieux leur office. Le grand prêtre, pourtant, avait tenté d'implorer leur pardon : il s'était d'abord agenouillé devant eux, s'offrant en sacrifice s'ils épargnaient ses fidèles ; puis, face à leurs glapissements bestiaux, avait tenté de les arrêter par la force, utilisant sa crosse comme un bâton. Elle se brisa sur le casque cornu du plus gros d'entre eux qui, sans même regarder qu'il tuait, décapita de sa hache le pauvre grand prêtre.
Le panneau metallique installé devant l'église est encore debout et les mots qui y sont gravés sont encore lisibles. Il me faut, comme toute parole qui vient à moi, les recopier.
« Saint Gohard fut évêque de Nantes au IXe siècle, à l'époque où les Normands ravagaient l'ouest du pays. La légende raconte qu'il trouva la mort lors d'un de leur raid (vers 843). L'église Saint-Gohard a été édifiée en 1875 dans le style néoroman à l'emplacement de l'ancienne basilique du XIIe siècle, détruite pendant la guerre. Restée debout depuis, elle demeure donc l'un des principaux représentants de ce courant architectural dans la région. On dit que Pie IX serait venu en personne pour la consacrer lors des dernières années de son pontificat. »
***
Je suis débout dès que le soleil se lève ; il passe à travers les éclats de vitraux et colore l'intérieur de l'église où je me suis endormi. Il déclame une autre histoire que je reconnais ; celle-ci plus ancienne et plus noble, est faite des éclats rouge, bleu, jaune et vert, cachés dans le buis qui a poussé en éventrant les dalles de l'autel. Cette histoire est la quête d'un héros sauveur qui, armé de rien, parcourt un pays oppressé par des envahisseurs étrangers. Il rassemble autour de lui des hommes aux dons multiples et, au cours d'un repas, révèle qu'une trahison va avoir lieu, dont il sera la victime, et qu'ils ne devront rien en faire, car ainsi le destin en a décidé (je dis « le destin » comme je pourrais dire autre chose ; à vrai dire, je ne puis bien savoir le sens même du mot destin : s'il s'agit d'une force cosmique agissante ou d'un hasard que nul ne maîtrise ; l'état actuel du monde me ferait dire que le hasard a vaincu). Alors ses compagnons, qui tous respectent ses qualités de meneur d'hommes et son courage face à l'adversité, s'agitent, se retournent, s'inquiètent, s'invectivent les uns les autres ; le traître, a-t-il dit, est parmi eux ! Effroi dans l'assemblée. Cris et hurlements. Déjà s'entendent l'éclat des armes raclant la pierre des soldats venant arrêter le héros. Le héros, pensè-je, est toujours trahi par celui auquel on s'attend le moins ; celui, peut-être, qui croit le plus en lui et qui, pour cette même raison, ne peut le voir que mort. Tel est la leçon que je retiens, à présent, de l'histoire qui m'était racontée et qui ne m'arrivait que par des éclats dont je devais moi-même reconstituer le sens.
Dois-je comprendre que le grand prêtre dont j'écrivais l'histoire hier aurait subi un sort analogue à celui de ce héros fondateur : l'un de ses fidèles l'aurait trahi et aurait laissé ouvertes les portes de l'église pour que les barbares puissent y entrer ? Ou, pire encore, le traître aurait-il permis aux barbares, en échange de quelques deniers, de prendre les habits des fidèles, de se mêler à l'assemblée et, au moment le plus opportun, de se dévoiler et commencer leur oeuvre de destruction ? La trahison n'est-elle pas dans toutes les histoires, comme un motif inévitable de l'action ?
Tandis que je réfléchis à ces étranges concordances que les vitraux brisés projettent auprès de moi, l'église m'apparait comme plus vide encore. Une grande partie de sa toiture a disparu et occupent sa place les branches d'un chêne encore jeune. Le reste de la voûte encore en place – comment tient-elle ? - n'en est que plus inutile, ne parvenant qu'à peine à combler les ravages de l'Apocalypse. Tout le choeur, en revanche, est entièrement intact. Les sculptures qui l'ornent sont autant de bas-reliefs narrant la suite de l'histoire de saint Gohard. Je la déchiffre pour la première fois de ma vie car, en vérité, je n'ai aucun souvenir de mes premières années – rien d'autre, ai-je dit déjà, que le lourd silence qui compressait toute personne présente dans ce lieu ; rien ne me revient des passages de cette histoire dont je lis ici, plus que des mots, des images parlantes :
Après la mort du courageux grand prêtre, les guerriers normands pénètrent dans la ville et abattent un à un tous ses murs avec leurs haches. Les quelques habitants qui tentent de s'interposer sont réduits en morceaux. Dans la séquence suivante, pourtant, on voit arriver un important groupe armé dont les lances saillent au-dessus de la mêlée ; ce peut-etre, je le devine aux armoiries qu'ils portent, la milice de la ville. Les corps sont solidement enfoncés les uns dans les autres, comme un bloc de granit, tirant leur force du nombre. Tous les visages sont identiques ; leur regard clair et leur face imberbe s'opposent aux traits hirsutes des Normands, hideuses caricatures, tantôt aux dents proéminentes retournant la roche sur elle-même, tantôt à la chevelure bouclée qui s'effrite. Est-ce là le salut des habitants ? Le combat, sûrement, est rude. La milice tend une rangée de boucliers aux haches des barbares qui répondent par des grognements – leurs bouches sont des orifices évidés à même la pierre. Un ange passe au-dessus de la mêlée, transportant dans ses bras le noble prêtre qui n'avait pas rompu face aux envahisseurs ; l'incrédulité de son regard est-elle l'oeuvre de l'érosion ou d'un habile artisan ? Toutefois, la menace est trop importante et la milice succombe. Les gueules triomphantes des barbares s'élargissent et dominent tous les meurtres et rapines que le grand prêtre survole, impuissant. Les méfaits des Normands sont à l'image des sept péchés capitaux ; des saynètes d'horreurs où les démons s'extirpent de la pierre comme nés d'enfers chtoniens.
D'un coup, me dis-je, l'église s'est peuplée. Des êtres que je n'avais pas su apercevoir avant ont éclos, et me parlent ! Le silence est rompu ! Les bouches grimaçantes courent tout le long de la corniche et suivent les tribunes de la nef. Le récit qu'elles me font m'a intrigué et je veux en savoir plus, oui, plus, car d'un coup, le chemin que je suivais jusque là, le long de la voie tracé par les pionniers, a trouvé comme un but gravé – à mon intention, mais je ne puis le croire – sur toute la surface des murs de l'église. Je relis alors les pages écrites jusqu'à présent, avant mon arrivée dans la ville. Des récits de voyage décousus et sans vie où la vue d'un oiseau rare était la seule émotion que je me permettais de noter. Des pages et des pages d'étourneaux inutiles que je dessinais même parfois ; autant de dessins inachevés car, comme de bien entendu, l'animal ne m'attendait pas pour aller rejoindre les branches des arbres où se cachait son nid. Quelle stupidité ! Quelle perte de temps ! Tous les jours les mêmes remarques fades sur le climat et la topographie... Des heures passées à guetter les signes laissés par les pionniers – pour quoi, pour mieux me perdre ? Les gargouilles cornues qui me regardent à présent ont bien raison de rire de moi et, assis sur les dalles de l'autel, je me joins à elles ! Une à une je brûle les pages de mon cahier qui précèdent l'arrivée dans la ville. Une petit feu s'allume au centre du sanctuaire ; il me chauffe autant qu'il me rejouit. L'occasion m'est donnée, je le crois, de commencer ici une nouvelle existence.