Préambule- A Quelques Couleurs près Soudain, un vent frais souffla sur la moite et chaude jungle d’Ether, qui fut accueilli avec soulagement par toute la faune, à l’exception des Gardiens, qui frissonnèrent sans trop savoir pourquoi. Le village était plongé dans un grand et paisible silence et Dude le grand prêtre se préparait à prononcer sa grande homélie au gardien de Temple pour les préparer à leur mission et retransmettre les messages des Anciens. Il avait parcouru plusieurs centaines de kilomètres et était encore tout fourbu de son voyage. Une grande crue l’avait obligé à faire un détour de plusieurs jours, si bien qu’il n’avait pu être présent pour les préparatifs. A ses côtés, Gulix et Gulzan, les deux seuls responsables du village pour cette grande cérémonie hésitaient à lui faire part de la vague manifestation du Gardien. Ils s’étaient tous deux convaincus de bien fonder de leur initiative, car, selon les maximes des petites créatures vertes, un bugne est un bugne, et rien dans le monde réelle ou rêvé ne pouvait contredire ce fabuleux axiome universel. Il y avait presque de la mathématique dedans. Et s’ils avaient vraiment connu Boubli et Grobul, ils auraient tout eu lieu de craindre le pire, car si les mathématiques s’en mêlaient, alors aussi vrai que les bugnes sont verts, il y aurait ici et là bien des catastrophes. Restait à savoir si le Géant les avait intégrés dans son grand rêve. Dude éclaircit sa voix en commençant sa litanie. Instantanément, le prêtre et le chaman le félicitèrent sur son choix de texte, comme s’ils avaient eu besoin de sa clémence au cas où tout ne se passa pas comme prévu. Au moment, où tout le monde s’agenouillait, un noeud d’angoisse se forma dans le ventre du prêtre et du chaman du village. Ils ne savaient pas pourquoi mais quelque chose leur soufflait qu’ils allaient devoir affronter un peu plus qu’une catastrophe. Dans la foule qui s’était formé autour des représentants du village, une petite voix fusa dans le grand silence méditatif qui régnait soudain. Une fois la cérémonie terminée, Gulix et Gulzan s’approchèrent de lui, la gorge nouée.
- Le Feu a besoin des flammes pour brûler et le passé fige le présent comme l’eau la glace et…
- Il a parlé ! Il a parlé ! Il a parlé !
Un grand cri, qui souleva un murmure inquiet avait retenti dans la place du village. C’était si incongru et le ton si excité que le Grand Prêtre s’interrompit et sortit immédiatement de la Grande Salle pour se diriger vers ce bruit.
- Il a parlé ! Il a parlé !
- On a compris !
- Mais qu’a-t-il dit ?
Tous les habitants étaient suspendus aux lèvres du gardien du Géant, le même qui l’avait vu bougé il y avait quelque temps. Décidément, de graves choses se passaient ! Il n’allait quand même pas ouvrir les yeux ? Ce serait trop terrible pour le monde entier ! C’était ce type de raisonnement qui emplissait les têtes des villageois. Le Gardien les regardait tous, un peu surpris par l’inquiétude de ceux qui l’entouraient car, sous l’excitation de sa nouvelle, il n’avait pas pris le temps de chercher à comprendre les implications possibles de l’événement.
- Ben, c’est-à-dire que je n’ai pas tout compris, dit-il pendant qu’un murmure de déception accompagna cette phrase, mais il a dit quelque chose de très important à mon avis.
- C’est certain, dit le prêtre avec une once d’impatience.
- Il a dit : "L’Epée. Ne pas sortir l’épée ! ".
- Et c’est tout ?
- Non, mais il s’est écoulé au moins une heure, d’ailleurs j’ai longuement hésité à déjà venir vous les dire sur le champ mais j’avais trop peur qu’il continue pendant mon absence, puis, il a rajouté beaucoup plus tard : " Rouge, Noir, Bleu. Trois, pour diviser. Blanc, Noir, Rouge, Bleu. Quatre, pour réunir à nouveau ". Et j’ai encore attendu, au cas où il y aurait une suite.
- Et alors ?
- Ben ça fait deux jours que j’attends, mais il n’a rien dit d’autre depuis. Alors, ça veut dire quoi ?
Toute l’assemblée s’était retournée vers le Grand Prêtre qui pâlit légèrement devant son obligation de ne pas la décevoir. Il éclaircit sa voix et, en même temps qu’il se demandait bien ce qu’il allait pouvoir dire de ces quelques mots, même si on lui avait bien dit que son métier ne serait pas toujours facile, et se mit à clamer très fort :
- Chers frères ! Nous attendions ce moment depuis des années ! Nous attendions et nous nous préparions à affronter de grandes choses. Il s’agit donc de notre heure ! Le message est clair !
Un vif intérêt et un certain étonnement étaient visibles sur les visages. Le prêtre pendant ce temps cherchait d’autres mots à dire.
- Le Géant a parlé ! Par l’intermédiaire de la bouche du Gardien, les Anciens nous informent ! Oui, mes frères, ce sont les Anciens eux-mêmes qui ont parlé, privilège de notre race que nous devons honorer ! Agenouillons-nous et prions les Anciens !
- T’as compris ce qu’il voulait dire, toi ?
- Non, lui répondu un chuchotement inquiet par le bruit de son voisin.
Le Grand Prêtre se devait de trouver quelque chose à faire qui soit digne de l’évènement. Soudain, il eût une étincelle, le type même d’étincelle que seules les Anciens peuvent donner, se rassura-t-il.
- Mes frères, comme je vous l’ai dit le message est clair. Suivez-moi, nous devons agir !
Il se dirigea vers la grande dalle blanche du village, puis prit trois craies de couleurs. Ses deux subalternes l’accompagnaient et cherchaient un moyen pour communiquer avec lui. Mais il y avait tant de ferveur dans le haut dignitaire qu’ils préférèrent s’abstenir.
- Les signes parlent ! Les signes règnent sur le Monde et les Etoiles!
Et il traça trois grande croix, une bleue, rouge et une noire. Puis il prit une poignée de sable blanc qui entourait la pierre immaculée et dessina au centre de chacune un cercle blanc puis un autre grand cercle tout autour des signes.
- Voilà, les signes. Pour que toutes menaces disparaissent de cette Terre, Que ces signes disparaissent par la seule force du vent !
Il s’approcha des croix et souffla dessus très fort. Le sable, puis la poussière colorée des craies disparurent presque totalement.
- Que les Anciens nous protègent ! Que les mauvaises conjonctions astrales se dissipent comme la poussière au vent "
En même temps qu’il essuya de son index une trace bleue que l’humidité avait capturée malgré son souffle, il se dit que le destin des peuples tenait à vraiment peu de choses.
- Et l’épée ? Vous avez oublié l’épée ?
- Chaque chose en son temps.
- Au fait, maître, ce n’est pas le premier signe du Géant…
- Ah bon ?
- Non, hier, il avait bougé.
Il était inutile de poser des questions pour comprendre que Dude voyait tout un coup les choses différentes. Il regardait ses craies de l’œil de celui qui a fait une bêtise…
- Et c’est maintenant que vous me le dîtes ?
- A dire vrai, on voulait pas vous déranger. Et puis, on a fait le nécessaire. On envoyé un bugne…
- Deux, même, rectifia Gulix…
Il y eut un long silence où l’on aurait pu mesurer toute l’étendue d’Ether dans ce petit temple qui les coupait de l’activité excitée du village.
- Alors le destin est en route, fit Dude, mais sa main tremblait en tenant les craies.
Dans la douce pénombre du temple, tous trois se sentirent infiniment seul sur Ether. Plus encore que les deux dignitaires du village, le visage du Grand Prêtre s’était drapé d’une pâleur mortifère.
Rêve d'Ether : Préambule Partie 2 - A Quelques Couleurs près
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- Écrit par Zarathoustra
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