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CHAPITRE 23 : Un espoir caché

 

 

Dans l’obscurité totale de sa chambre, Aurélia laissa s’échapper un long soupir sans raison, un peu comme une fleur qu’on ramasse. Pourtant c’était non pas le sien mais un tout autre souffle à ses côtés, court, régulier et profond qui emplissait toute la pièce et toutes ses pensées, car il dissimulait une longue et lente lutte silencieuse dont elle se sentait exclue. Son rythme régulier et pourtant si fragile aurait dû l’agresser à la longue, ou la bercer pour trouver à son tour le sommeil, mais il était une preuve qu’un autre monde existait, un monde qui l’avait happée face aux vuldoniens, un monde violent où l’on se bat avec son corps tout entier pour survivre. Dolorès, la furie qui avait apporté l’ultime message à sa matriarche, gisait dans son lit tout à côté d’elle, sans doute indifférente à ses émois de jeune fille. Elle avait lutté pour vivre et continuait, inconsciente, pour survivre. C’est pourquoi Aurélia jalousait ce souffle qui sortait de sa bouche. Longtemps elle l’avait regardée dormir. Elle admirait sa beauté à la fois si fluide et sauvage. Elle possédait le même corps parfaitement sculpté de félin que la matriarche. Comparé au sien, avec ses formes affaissées et encore tendre, vierge de toute caresse et de tout coup, il semblait avoir traversé mille épreuves tout en conservant la grâce du cygne. Mais là, dans la nuit, il se dérobait à son regard.


En l’espace d’une journée, cette espace d’habitude si chère et intime était devenue comme hostile, comme si des fantômes la hantaient pour l’agresser ou se moquer d’elle. D’abord, cette image du rituel de sang qui la harcelait, avec ce baiser à la saveur inconnue. Puis ce corps enfiévré et inerte dans son lit qu’elle avait accepté de garder auprès d’elle pendant sa convalescence et contre lequel elle aurait voulu se blottir pour sentir sur sa peau la molle et troublante chaleur, comme pour retrouver la même ivresse du baiser. Et enfin, comme un puits sans fond, comme deux astres noirs, les fioles opaques rempli de poison, bien que cachées dans son tiroir de meuble de chevet, distillaient insidieusement leurs sombres éclats aussi profonds que de l’obsidienne dans toute la pièce.

Ces deux fioles la fascinaient comme une chose terrifiante que l’on dit aux enfants pour qu’ils restent sages, comme une petite lueur aux contours flous et vacillants qui aurait la puissance de l’interdit.  Régulièrement, elle s’en saisissait et leur forme ainsi que leur poids l’apaisaient immédiatement. Elle aimait les sentir dans le creux de sa main, voir dessus leur surface parfaitement lisse le reflet de son propre visage lorsqu’elle les examinait. Et là, elle devinait le flux des liqueurs mortelles dans la fiole, comme une présence. Elle se disait qu’elles ne pouvaient lui mentir. Les fioles gardaient jalousement leur secret. Pourtant, jamais elle n’avait senti si intensément la peur en elle. Elle aurait voulu les humer pour avoir un aperçu de leurs pouvoirs, car peut-être la matriarche s’était-elle moquée d’elle mais elle n’osait pas même retirer le bouchon de peur que toutes les horreurs qu’elle avait entendues sur les elfes noirs déferlent instantanément dans sa chambre. Si leur opacité était celle de la nuit, la noirceur qu’elles renfermaient devait l’être plus encore. C’est pourquoi elle les enfermait dans ce tiroir. C’est pourquoi régulièrement elle les sortait de ce même tiroir. C’est pourquoi elle luttait pour ne pas l’ouvrir à nouveau car elle voulait se prouver qu’elle n’en avait pas besoin pour combler son sentiment de solitude.

En l’espace d’une matinée, tous ses repères s’étaient effondrés et elle n’avait personne vers qui se retourner sauf cette étrangère qui dormait profondément et qui était la preuve de tout ce qu’elle avait osé en une simple journée. Elle avait longuement contemplé ce corps et ce visage, jusqu’à lui rappeler le baiser de la matriarche. Elle avait même fixé ces lèvres en se demandant si toutes produisaient le même effet. Et lorsqu’elle s’en était approchée pour reproduire le geste, bien qu’elle sentît confusément de la honte, elle avait arraché un autre baiser à la guerrière inconsciente. Elle fut surprise par le léger tournis qui en suivit tout comme la saveur fruitée qu’il lui avait laissé. Elle sentait en elle la même fièvre, comme si toutes deux luttaient contre un mal invisible. Elle se demanda si les lèvres d’un homme produisaient pareil délice et si son inexpérience de l’amour ne lui jouait pas des tours. Un instant, elle s’imagina dans les bras du palefrenier qui l’avait une fois regardée avec insolence. Elle s’était sentie profondément agressée, pourtant, même s’il n’avait pas son rang, il avait sans doute son âge. Puis elle repensa à toutes ces femmes qui avaient passé dans le lit de son père. Elle les trouvait alors si faibles et ridicules, mais là, d’un seul coup, le corps paisible et inerte de l’elfine bousculait toutes ses convictions. Au milieu de l’après-midi, elle avait fini par sortir de sa chambre dans la précipitation, le feu aux joues, pour retrouver sa vieille nourrice, la seule personne vers qui elle pouvait se retourner pour l’aider à gérer la situation. Elle savait que si la population était partagée sur son geste avec les furies, elle la condamnerait sans appel si elle apprenait qu’elle continuait d’abriter une telle créature. Sa nourrice fut horrifiée par ses paroles et refusa tout net de l’aider. Ce n’est qu’en fin d’après-midi qu’elle était revenue sur sa décision. Dès que la guerrière pourrait tenir debout, elles l’emmèneraient chez elle. Pour l’heure, elles s’étaient arrangées pour que personne d’autres ne vinssent dans la chambre.

Depuis plusieurs minutes, ses yeux grands ouverts dans l’obscurité cherchaient à deviner l’ouverture de la fenêtre comme pour s’échapper de sa propre chambre et y trouver un léger réconfort dans la légère fraîcheur qui s’en échappait. Elle se leva et se dirigea à tâtons jusqu’à la fenêtre. Là aussi, au dehors l’obscurité était totale. Derrière elle, le souffle de l’elfe, pourtant si léger, continuait à la harceler. Elle cherchait à pénétrer de son regard la nuit qui l’isolait également. Au loin, elle aurait dû voir les cimes des arbres qui recouvraient la colline sur laquelle le château était assis, la vallée avec la Locelane qui coulait à ses pieds et toute la ville sur sa gauche, dont seules quelques rares lumières prouvaient l’existence. Elle aurait dû de cette fenêtre dominer tout cet univers. Et là, elle se sentait juste minuscule et fragile, aussi vulnérable que sa chair face au poignard de l’elfine qui avait entaillé sa main.

Elle prit quelques bouffées d’air à pleins poumons pour chasser toutes ses pensées, une caresse de fraîcheur l’envahit et frôla sa joue. Au lieu de rêvasser de la sorte et de ruminer ces pensées ridicules, elle aurait dû se préparer pour affronter au matin les vuldoniens pour leur donner sa réponse, surtout qu’en les défiant sur ce coup de tête elle leur avait donné les meilleurs arguments pour la faire céder immédiatement. Mais elle préférait repenser à ce monde qui s’était dévoilé au contact de la matriarche. Qu’avait-elle voulu dire par cette phrase « la liberté, c’est remplir son devoir ? » Comment pouvait-on se sentir à ce point prisonnière et libre à la fois ?

Sans plus chercher de réponse, elle plongea la tête plus au dehors de sa chambre, pour sentir davantage l’air de la nuit sur son cou tout tendu vers l’extérieur et sa poitrine à moitié dénudée. A force de s’étirer au dehors, elle eut l’impression de pénétrer dans un nouveau monde, un monde d’obscurité et de vie, un monde où la lumière vacille pour mieux briller. Un léger murmure de la nature sauvage perçait maintenant le silence qui l’avait enveloppée. Curieusement, elle ne put s’empêcher de penser que quelque chose l’appelait, que quelque part, au milieu de ce monde dévoyé, une présence l’attendait, comme si cette nuit si noire cachait en son sein un rêve ou un cauchemar aussi transparent qu’un tulle de robe blanche. Et elle s’enivra longuement de ses sensations nouvelles qui réveillaient son corps et son esprit dans un tourbillon qui prenait naissance au milieu de son corps. Une étrange fièvre la possédait qui lui donnait des larmes aux yeux. Puis elle retourna dans son lit et se blottit tout contre le corps brûlant de l’elfine. Lorsqu’elle ferma les yeux pour enfin dormir, elle vit toujours cette nuit qui l’entourait mais elle ruisselait maintenant de lumière comme une cascade. Et son cœur battait très fort, comme s’il hurlait sans un bruit.

 

**

*

 

Depuis le départ du comte, Milfred avait passé toute la journée et une partie de la nuit à boire. Son père, inquiet de la froide détermination de son fils quand il l’avait quitté, l’avait retrouvé en train de dormir dans un caniveau. Il puait déjà comme un poivrot la sueur, les odeurs de mauvaise cuisine et d’eau rance. Ce dernier grimaça quand il voulut le redresser.

- Allons, ressaisis-toi !

- Hein !

- Ressaisis-toi !

Tant bien que mal, Konrad réussit à le faire tenir debout. Une fois rentré, il le lava et le rasa pour lui redonner meilleure image. Petit à petit, son fils retrouvait ses esprits. Mais ses yeux étroits et les grimaces écœurées à chaque effort montraient que la journée allait lui être difficile. Il aurait dû le laisser tranquille mais son expérience de prêtre le poussait à agir, car Milfred aurait certainement qu’une seule envie, celle de reboire, dès qu’il aurait le dos tourné. Il devinait une grande souffrance, celle qui peuve à jamais transformer un homme.

Peut-être était-ce le moment de l’amener plus près de Vuldone ? Si lui-même n’avait pas été très précoce pour découvrir la foi, il jugea le moment opportun pour le tester, et surtout éviter qu’il bascule dans la boisson. Il avait justement une réunion importante qui pourrait montrer à son fils que la vie de prêtre ne se limite pas à écouter ses ouailles.

Il s’apprêtait à l’inviter quand quelqu’un frappa à sa porte.

- Il y a quelqu’un pour accueillir un pauvre hère ?

Il connaissait cette voix. Elle venait de son enfance et l’avait accompagné une bonne partie de son existence : de Treillères ! L’œil de Dieux ! Il l’accueillit à bras ouvert. A ses côté se tenaient Petit Louis qui se faisait le plus discret possible devant ces franches accolades. La pièce était assez mal éclairée et un peu crasseuse, une odeur indéfinissable y flottait. Après quelques minutes de retrouvailles au cours duquel le capitaine expliqua les derniers évènements et motiva sa venue, le jeune soldat se sentit observé de coin puis carrément franchement. L’homme qui le fixait dégageait néanmoins une étrange aura, comme s’il était empli d’une immense force intérieure, son regard était terrifiant pour qui l’affrontait.

-          Jeune homme, je sens que je peux vous aider, je me trompe ?

-          C’est-à-dire, je ne sais pas … Qui êtes-vous  d’abord?

-          Qui je suis ? Je suis à la fois misérable et très puissant. Je peux t’ouvrir des portes auxquelles nul autre n’a accès. Mais aucune ne mènera vers de l’or ou la puissance, si c’est ce que tu recherches, même si j’en doute. Et pourtant tu seras plus riche et plus fort que le Comte lui-même si tu sais les franchir…

-          Toi, tu sais toujours aussi bien nous baratiner, interrompit l’œil de Dieu.

-          Pourquoi ? Je fais fausse route ?

-          Tu m’épateras toujours ! Non, bien sûr, tu ne fais pas fausse route ! Tu as même tapé dans le mille. Cette jeune recrue veut parler au Comte en personne !

-          Le Comte ? Mais il n’est pas ici, il est parti à la capitale il y a deux jours.

-          Ce n’est pas grave, tu n’es pas à un jour près, Petit Louis, non ?

Petit Louis hésitait. D’un côté, il serait bien parti, car quelque chose en son vis-à-vis le mettait profondément mal à l’aise ; de l’autre, il sentait aussi qu’il tenait là une chance unique à saisir et que ni l’Œil de Dieu ni Konrad n’avaient de mauvaises intentions. Seulement, il n’avait pas l’habitude d’affronter de tels individus, il décryptait beaucoup plus facilement les traces des lapins et des sangliers. Les mots pouvaient aisément le tromper, mais il avait appris à lire les expressions et les émotions de chaque animal, et l’homme en était un. Rien d’hostile ne filtrait de ce visage, il en était sûr, seulement il sentait que cet homme n’était pas la solution qu’il recherchait. Ce dernier les invita à boire un verre, ils acceptèrent de bon cœur. La salle à manger qui servait également de cuisine était plus propre. La même austérité émanait de la pièce mais la même odeur y régnait que dans le hall..Il comprit qu’elle provenait de Milfred qui arrivait maintenant à se tenir debout et à esquisser des sourires de bienvenu. Les deux hommes se regardèrent un instant. Petit Louis paraissait un peu plus âgé et plus mûr. Ils gardèrent l’un et l’autre le silence, laissant la parole aux deux vieux compagnons.

-          Tu parlais de voir le Comte. Treillères, veux-tu à la place te joindre à moi pour une petite réunion? Elle pourrait faire d’une pierre deux coups…

-          Tu sais, je ne suis pas fait pour les réunions.

-          Mais je ne pense pas que tu aies assisté à l’une de ce genre. C’est là où je peux l’aider. Pas moi directement, mais les amis que je souhaite vous présenter. D’ailleurs, tous ne sont pas forcément mes amis, rajouta-t-il en riant.

-          Pourquoi nous aideraient-ils ?

-          Parce qu’en l‘absence du Comte, qui peut le remplacer mieux que sa propre fille ?

Rapidement, il expliqua les intentions de l’ordre vis-à-vis de la Comtesse. Quand on évoqua son attitude à l’égard des furies et de la matriarche qui avait usurpé l’identité d’ambassadrice, Milfred sursauta et mobilisa toute l’attention que son état permettait. Il découvrait les nouvelles que toute la ville ne cessait de colporter depuis des heures, mais il avait été trop saoul pour les comprendre.

-          Je pourrais venir avec vous ?

-          A dire vrai, je n’osais te le proposer vu ton état.

En temps normal, Konrad n’aurait jamais dû apporter tout ce monde, mais il n’aimait pas le rôle que l’Ordre jouait vis-à-vis de la Comtesse, aussi le tempérament de l’Œil de Dieu pouvait très bien l’aider à infléchir ses supérieurs. Les religieux avaient obtenu que la jeune femme se rendît dans leur temple plutôt que dans le château. C’était bien sûr une façon de signifier que le rapport de force s’était inversé depuis la dernière réunion. Treillères avait cette petite lueur impertinente dans les yeux qui en disait long sur son excitation à venir mettre un peu de désordre. Avant de jouer, il voulut savoir s’il n’avait pas un atout en main qu’il ignorait.

-          Bon, jeune homme, tu ne voudrais pas nous en dire un peu plus avant ?

-          Non, pas maintenant.

-          Tu es sûr que tu ne nous fais pas faire une bêtise, dis ?

-          Pourquoi ?

-          Tu te rends compte, j’espère, que nous nous t’amenons devant des personnes qui n’aiment pas être importunées inutilement ?

La volonté de Petit Louis vacillait. Il avait de la sympathie pour son chef et Konrad avait finalement gagné sa confiance. Mais il garda son habituel mutisme. Le prêtre prit alors la parole.

-          Le Comte est un animal très rusé, tu sais. Et sa fille l’est aussi. Je ne suis pas sûr que ce soient ces personnes dont tu as besoin. Notre Ordre peut aussi t’aider. Si tu nous confies ton secret, je te promets de te conseiller impartialement.

-          En fait, j’ai maintenant peur que vous me preniez pour un fou. Or je ne le suis pas…

-          Mais nous sommes tous un peu fou ici, tu sais. Regarde la Comtesse qui délivre des elfes noirs, tu crois qu’elle n’était pas un peu folle ? Et Treillères qui défie son chef pour prendre aussi leur défense ? Et moi qui vous emmène dans une réunion normalement secrète ? Nous sommes tous fous !

-          Moi, c’est différent. J’ai vu quelque chose d’impossible.

-          Comme quoi ?

-          Un monolithe au milieu d’une forêt.

Petit Louis leur raconta toute son histoire sur le chemin. Les deux religieux semblaient très excités.

-          Je crois qu’on devrait en parler à l’Ordre plus qu’à la Comtesse. Cette couleur, c’est un signe de Vuldone. C’est peut-être même ce que tout l’Ordre attend depuis si longtemps.

L’éclaireur ne répondit rien. Ces derniers jours, la pensée de voir le Comte s’était substitué à l’objet même de ses démarches. Le Monolithe était redevenu une abstraction, un prétexte, mais en racontant son histoire, toutes les sensations de la scène de la forêt émergeaient dans son corps : sa frayeur, ses démangeaisons dans l’extrémité de ses doigts et cette couleur qui semblait l’appeler, parfois jusque dans ses rêves.

-          Fais comme tu veux. Si tu crois qu’une Comtesse te sera de plus grand secours que nous…

Il voulut rétorquer que ce n’était pas ce qu’il pensait, mais à nouveau, il garda son mutisme. Son esprit bloquait sur l’alternative qui s’offrait à lui. Tout se précipitait et il ne se sentait plus du tout prêt pour affronter la situation. Il regrettait même d’avoir quitté un jour sa forêt natale dans laquelle tout choix était dicté par des besoins simples et clairs. Or, ici, dans ce monde qu’il découvrait, tout s’embrouillait et pour avancer il fallait reculer ou piétiner. A ses côté, Milfred se tenait la tête basse et tout deux se sentaient proche de l’autre sans qu’ils n’eussent prononcé un seul mot. Il lui sourît tristement en signe de soutien et qui voulait dire « je ne voudrais pas être à ta place ».

 

Le Temple faisait partie des plus beaux bâtiments de la ville. Il avait été construit pendant l’âge d’or de la ferveur religieuse de Vuldone. Les architectes et les artisans avaient multiplié les matériaux pour créer des contrastes saisissants autour de la dominante crayeuse du calcaire blanc du Mothy avec les teintes grises et marron des différents granit d’Oscas, du bois noir de chamaris et de mosaïques multicolores qui drapaient l’édifice de couleur de pierres précieuse.  Deux tours formaient deux mains en l’air et encadraient une partie ovale comme un visage dans lequel se tenait l’énorme porte d’entrée. La salle du rendez-vous se situait dans les soubassements, de manière à être la plus secrète possible. Trois personnes attendaient les plus hauts dignitaires. A la vue du groupe qui accompagnait Konrad, ils froncèrent les sourcils. Ce dernier avait la charge du plus grand temple de l’Ordre dans Locelane. C’est pourquoi il avait été convié à la réunion. Visiblement il était connu et respecté, mais une gêne palpable se lisait sur les autres visages.

La pièce était éclairée par des candélabres fixés sur les parois qui délivraient une lumière chaleureuse et intime. Les hautes voutes de pierres quant à elles maintenaient un climat solennel et poussaient au recueillement.

Une porte s’ouvrit et deux nouveaux individus rentrèrent dans la pièce, leurs deux visages étaient émaciés, l’un portait une vieille redingote et l’autre avait le torse nu sur lequel plusieurs longues cicatrices dessinaient comme une série de signes mystérieux et inconnus, avec un pantalon de toile bleu tenu par une ceinture dorée autour de la taille. Contre toute attente, toute l’assemblée se leva et se tut à leur approche. Petit Louis reconnut Vautreuil dans sa redingote. Le second ne lui inspirait aucune confiance.

Les vuldoniens avaient prévu de se réunir un peu avant l’arrivée de la comtesse suite aux évènements exceptionnels de la veille pour définir leur stratégie. Seul au milieu, le jeune homme regardait l’assemblée le dévisager. Il se sentait profondément mal à l’aise, une odeur d’humidité et de champignon planait et l’écœurait légèrement. Faire face à tant de gens n’était vraiment pas dans ces habitudes. Plus que tout, la lueur pleine de sourde sauvagerie dans les yeux de certains religieux l’effrayait. Il n’y avait rien de semblable chez le vieil homme et le capitaine. Plusieurs messes basses eurent lieu à sa vue et de celle de l’œil de Dieu. Visiblement, l’inconnu qui semblait diriger l’assemblée montrait un certain agacement à ne pas avoir été prévenu de leur présence. En retrait, Treillères souriait du trouble qu’il avait causé.

De plus en plus inquiet du silence plein de murmures qui régnait depuis plusieurs longues minutes, Petit Louis se frottait nerveusement les doigts. Il ne faisait plus de doute qu’il avait fait une erreur en acceptant de venir ici.

 

-          La séance peut commencer, fit l’homme à la redingote. Comme vous le savez, nous envisageons de le pousser à marier sa fille au Comte de Calignane qui est des nôtres. Ce serait pour nous une grande victoire contre le Comte ! Mais l’animal est habile, nous préférons mieux cerner son jeu avant d’avancer nos pions face à lui. Nous sommes ici pour parler également d’autres choses. Comme vous le savez, nous attendons un signe de Vuldone depuis maintenant suffisamment longtemps pour que celui-ci soit imminent. On me dit que l’œil de Dieu a trouvé quelqu’un qui pourrait l’avoir vu.

 

A ces mots, Petit Louis tressaillit. Il se sentit trahi. Face à cette assemblée la peur le gagnait, un peu la même qu’il avait ressentie en touchant le monolithe, comme si tout autour de lui quelque chose allait lui brûler les doigts. Il mit ses mains derrière son dos, ne sachant pas si c’était à lui de parler ni ce qu’il allait dire. Au fond de lui, une vibration, comme si quelque chose cherchait à communiquer avec lui, lui parcourait l’échine et les tempes. Une lueur bleue envahissait peu à peu son esprit. Puis un terrible sifflement résonna dans toute sa tête. Il ignorait si les autres pouvaient eux aussi le percevoir, mais, tout en se bouchant les oreilles, il les dévisagea à son tour pour se rassurer. L’effet fut inverse, toutes ces têtes autour de lui semblaient complètement hostiles, puis, peu à peu, elles semblèrent même flotter autour de lui. Le bruit devint encore plus assourdissant, à un tel point qu’il ne put retenir un hurlement de douleur. Il avait de plus en plus de mal à garder son équilibre. Cette odeur lui donnait envie de vomir. Tous ces yeux exorbités qui le fixaient le rendaient fou, puis tout se mit à tourner autour de lui, tout devint bleu. Un choc violent à l’arrière du crâne fit la dernière chose qu’il sentit avant de sombrer dans l’inconscient.

 

 
Sa tête tournait toujours, le voile bleu sur ses jeux restait présent. Peu à peu, Petit Louis émergea de son malaise. Des voix avec des morceaux de phrases traversaient son esprit : « Hérétiques… Menaces terribles… Signes de Vuldone…Atout majeur… » Tout ces mots passaient à une vitesse phénoménale dans son esprit, ne laissant de traces que lorsqu’il sentait un lien étroit avec son évanouissement. Des flammes semblaient vaciller autour de lui, des images déformées se tordaient dans ses yeux, mais  la réalité commençait à reprendre forme, les sons devenaient plus distincts. Les vuldoniens étaient en cercle autour de lui, formant des petits groupes qui l’ignoraient complètement, plongés dans des discussions passionnées. Sans trop savoir pourquoi, il avait peur, comme si partout autour de lui se cachait une grande menace. Il avait envie de s’enfuir mais il était bien trop faible pour se lever.

- Que faisons-nous ? Elle doit arriver d’un moment à l’autre !

- Pour l’instant, nous n’avons rien découvert, seul l’Œil de Dieu est convaincu que c’est important… D’ailleurs, où est-il passé ?

- Je suis là ! Je vous regarde vous animer et je constate, comme à votre habitude, que personne ne s’intéresse vraiment à notre ami. Vous recherchez juste à prendre son secret pour votre quête de pouvoir. Mais, ici-bas, nous n’arriverons jamais à inspirer autre chose que la crainte et le fanatisme si nous n’avons pas plus de compassion !

- Tu es décidément un hérétique toi aussi, fit Jacques Dormont, le sénéchal de Calignane, son torse nu. Son ton était pince sans rire. Pourquoi devrions-nous mettre en péril tout notre plan pour une simple intuition ? Je sais que tu es très doué pour les insolences et les jeux de devinettes, mais ne crois pas que cela te place au-dessus de nous ou que tu échappes à toutes nos règles !

- Ne t’inquiète pas pour moi. Je suis certain qu’il a trouvé le signe.

- Moi aussi, je suis certain qu’il dit la vérité, rétorqua Konrad.

-  Je vous rappelle que ce n’était pas l’objet de la réunion. Nous devions décider du sort de la comtesse depuis son… étrange bienveillance pour ces impies.

- Mais, imbéciles que vous êtes, vous n’êtes donc pas prêt à l’écouter, fulminait Treillères, d’ailleurs vous n’écoutez jamais rien sauf votre propre folie !

- Attention, tu vas un peu trop loin. Nous savons que ta foi est grande, nous savons tout ce que tu as déjà accompli, tu as même ma confiance, mais c’est à toi de ne pas outrepasser certaines limites !

- Tu as raison, Vautreuil. Mais vous êtes devant ce qui peut bouleverser l’équilibre de toutes les nations et vous butez sur des questions stériles de dogme ou de choses encore plus puériles !

 

Un bruit dans le couloir arrêta net la discussion.

-          Elle arrive !

-          C’est malin ! Nous n’avons rien pu décider. Tout ceci n’aura servi à rien. Mettez-le dans la pièce de derrière, rajouta Dormont en désignant le jeune homme par terre.

 

Trois hommes se penchèrent sur Petit Louis et l’emportèrent. Il était redevenu lucide et avait suivi avec intérêt toute la dernière discussion. Derrière lui, un grand silence régnait maintenant, à l’exception d’un léger bruit de pas caressant la pierre des escaliers. Il préféra simuler l’inconscience, trop heureux de s’éloigner de cette assemblée, mais il mourrait envie de voir la personne attendue. La porte s’était refermée derrière lui avant qu’il n’ait pu se décider entre se laisser transporter ou se redresser au risque d’attirer des foudres sur lui. Une chose était sûre, il s’agissait effectivement d’une femme.

 

**

*

 

Il ignorait combien de temps il était resté inconscient. Ce devait avoir duré car le froid et l’humidité de la pierre avaient envahi tout son dos. De temps à autre, un frisson lui parcourait l’échine. La pièce était quasiment dans l’obscurité si bien qu’il était difficile de faire abstraction de ce qui se tramait à côté. Ce qu’il pouvait en voir lui faisait penser à un cachot. Les murs étaient nus, des chaînes pendaient du mur et une planche en bois servait de banc ou de lit.

Malgré l’épaisseur des murs, les sons des voix passaient sous la porte. Petit Louis écoutait sans écouter. Son esprit, habitué au silence, avait du mal à se concentrer. Pourtant, quelque chose captait toute son attention de manière totalement inconsciente. Plus que les mots eux-mêmes, c’était le ton de la voix qui lui parlait : Celle d’une femme à la fois autoritaire, volontaire et charmeuse. Tout d’abord, il l’avait imaginée belle et gracieuse, telle une fée. Puis, il sentit comme une fêlure secrète qui le rapprochait d’elle. Sans arriver trop à la définir précisément, il se dit que cet être avait soit dû supporter une terrible épreuve ou qu’il avait dû prouver quelque chose d’important. Il se dit  également qu’elle n’était peut-être pas si magnifique que l’image phantasmatique qui d’abord avait jailli dans sa tête.

Son esprit embrumé par des années de solitude n’avait pas encore repris toute la puissance qu’il contenait. Les termes de pouvoir, de responsabilité, de compromis etc. formaient pour lui une langue étrangère. Mais le son d’une voix, c’était différent. Pour lui, c’était comme retrouver la forêt pour découvrir sa proie. Plus elle résonnait en lui et plus il pouvait la voir. La seule chose qui marqua vaguement son esprit se réduisit à une question de mariage. Les intonations qu’il percevait étaient froides et résignées, bien qu’elles voulaient souligner une indifférence, il sentit aussi un ennui profond à être dans la pièce d’à côté. Il se dit alors que cette femme devait aimer l’indépendance et que peut-être se cachait là sa blessure. Il la voyait maintenant comme un animal en cage, comme un rapace fait pour voler haut dans le ciel que l’on enchaîne à une branche morte.

Tout ceci circulait dans sa tête non pas avec des mots ou des phrases mais avec des intuitions et l’instinct. Aucun raisonnement, non, de pures sensations, à la fois plus riches et plus précises que les termes les plus savants. Les deux gardes qui le surveillaient lâchement regardaient fixement la porte. Eux comprenaient les mots et les tractations qui se négociaient derrière, pas l’être qui les prononçaient.

Soudain, un long frisson le fit éternuer. Un lourd silence envahit les deux pièces.

-          Qui cachez-vous ? Qui m’espionne à côté ?

-          Personne. Ou du moins personne d’important. Juste avant que vous n’arriviez, nous étions en train de recueillir un témoignage, malheureusement la personne a eu un malaise. Nous avons préféré ne pas vous gêner pendant notre entretien. Nous l’avons juste apporté à côté. Il a dû prendre froid en restant trop longtemps allongé sur la pierre.

-          Vous me racontez des sornettes. Vous me cachez quelqu’un d’important, un espion contre mon père.

-          Je vous dis qu’il n’a rien à voir avec l’affaire qui nous intéresse !

-          Montrez-le-moi et je verrais bien si vous dîtes vrai.

-          Bien, comme vous voulez. Qu’on le fasse entrer…

 

La porte s’ouvrit, faisant pénétrer toute la lumière nécessaire pour confirmer son impression. Il ignorait précisément où il était mais la pièce qu’il quittait devait bien être une cellule de prisonnier.

Enfin, il put la voir. Effectivement, elle ne ressemblait pas à une fée. Bien que jeune, ses traits montrait une grande force de caractère et, plus que tout, il fut saisit par ses yeux, ou plus exactement par le regard qu’elle fixa sur lui, comme si l’espace d’une brève seconde lui seul existait dans la salle. Ce fut très fugace, mais cela suffit pour la lui rendre sympathique. Elle avait de longs cheveux châtains retenus par de fines broches dorées. Sa bouche un peu trop grande brisait l’harmonie du haut de son visage.  Son nez légèrement retroussé se détachait de ses petites pommettes mais renforçait l’impression de volonté de son menton avancé. Tout ceci formait un curieux visage dans lequel chaque partie était racée sans pour autant dégager ce qu’on aurait pu appeler  de la beauté. Il n’y avait rien de laid non plus. En fait, si, il y avait une vraie beauté, celle qu’on ne peut  apprivoiser d’un regard, mais qui se dérobe comme le renard.

Toutefois, Petit Louis aimait ce regard et cette bouche qui amplifiaient si fortement et si parfaitement ses expressions. Pour lui, de tels signaux lui dévoilaient plus son âme que n’importe quel religieux aurait pu le faire. Face à elle, il était le chat qui devine le chagrin ou le chien la peur. Ce qu’il voyait à cet instant, c’était une grande intelligence et un être qui s’était construit une carapace pour mieux se protéger.

Lorsque Aurélia vit l’homme qui avait éternué, elle fut, tout d’abord, mal à l’aise. Effectivement, elle s’était trompée, ce ne pouvait être un espion, il semblait bien trop rustre pour espérer se faufiler dans les méandres de la société. Néanmoins, une indéniable impression de puissance et de force animale se dégageait de lui. Bien qu’il semblât comme absent et perdu, elle reconnut en lui un être de parole capable de garder un secret. S’il avait été un peu plus soigné et si elle avait eu la tête à cela, cet homme aurait pu lui plaire. Pour l’heure, elle se sentait un peu sotte et cherchait un moyen de reprendre le dessus sur ces interlocuteurs.

-          Décidément, vos espions ne sont plus ce qu’ils étaient, plaisanta-t-elle. Vous ne m’ôterez pas de l’esprit que cet homme à quelque chose d’important à vous raconter, sinon, vous auriez attendu ma visite pour le questionner après librement. Je me trompe ?

-          C’est-à-dire qu’honnêtement nous n’en savons rien. C’est Gerard de Treillères qui le croit. Vous le connaissez, il vit toujours dans des rêves qui nous échappent.

Dormont essayait de reprendre le contrôle de la situation. De son côté, l’œil de Dieu hésitait à intervenir : soit il brisait le silence pour enfin espérer confirmer ses intuitions mais il risquait la colère de ses confrères, soit il se taisait mais il sentait que Petit Louis ne dirait rien après. Il avait senti en lui une partie de la secousse qui avait cloué au sol le jeune homme, il ne savait encore quoi en penser. Il se décida à agir.

 

Alors, de manière théatrale, Gérard de Treillères se retourna vers ses interlocuteurs, ses yeux brillaient comme ceux d’un enfant sur le point de  faire une bêtise.

-          Je crois que, effectivement, ce jeune homme a des choses importantes à nous dire et c’est ce qu’il va faire si vous le laissez parler…

 

Petit Louis se redressa comme s’il venait de prendre un coup par surprise. Toute l’assemblée le regardait. En fait, il n’avait pas vraiment prévu de raconter son histoire, il en avait même encore moins envie. Pourtant, il sentait qu’il n’avait pas vraiment le choix, mais en cédant ainsi, tout le petit plan qui avait guidé sa ligne de conduite s’évanouissait. Bien sûr, il y avait ici certainement des personnes importantes, peut-être même de confiance. Au fond de lui, il sentait pertinemment qu’il était sur le point de perdre le contrôle de sa destinée. De grandes choses allaient se dérouler et elles allaient certainement l’emporter loin de son petit monde de tapis de mousse et de bois au milieu de ronces.

Son capitaine l’avait vraiment mis dans l’embarras. De tous les yeux qui le fixaient, seuls ceux de la jeune femme exprimaient une curiosité amusée, sans doute parce qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’il allait dire. D’ailleurs, sans trop savoir pourquoi, sa présence le rassurait, elle représentait la note douceur de la pièce. Treillères avait jusqu’à présent joué ce rôle mais il venait de le précipiter dans un gouffre inconnu. Une nouvelle fois, il eut l’impression qu’elle le regardait comme s’il était seul au monde.

 

-          En fait, non, je n’ai pas… Enfin, si, mais je ne sais pas si ça vous intéressera. Je suis ici pour vous dire qu’il s’est passé quelque chose de pas normal.

Les mots sortaient difficilement de sa bouche. Il se sentait ridicule et même Aurélia avait maintenant un sourire moqueur.

-          Dans la forêt, une roche est apparue, une sorte de monolithe bleu. Moi seul connais sa localisation.

D’un seul coup, un silence attentif brisa la tension qui régnait jusqu’à présent.

-          Je ne sais pas ce que c’est, en fait. La première fois qu’elle est apparue devant moi, j’ai eu peur. Cette peur ne me quitte jamais depuis. Je sais qu’elle contient quelque chose de très puissant. Depuis que je l’ai touchée- un murmure gronda dans la pièce-, je suis pris de malaise…

-          Il est corrompu ! Qu’on s’écarte de lui !

-          C’est le signe !

-          Laissez-le parler !

-          Non, c’est Vuldone qui nous vient en aide !

Presque plus personne ne l’écoutait, la jeune femme le fixait avec un regard ambigu de qui cherche à comprendre et qui veut tirer avantage de la situation. Dormont et de Treillères se défiaient des yeux.

-          Silence, trancha Dormont. Nous ne pouvons pour l’instant rien déterminer. La couleur bleue est troublante mais l’esprit de peur qui l’habite signifie peut être autre chose. As-tu déjà eu des malaises similaires à tout à l’heure ?

Petit Louis n’avait pas envie de lui répondre. Il était sur la défensive car il sentait que sa réponse l’engagerait au-delà de tout ce qu’il avait escompté.

-          Viens, cette jeune femme peut te conduire près du Comte, fit Gérard en se saisissant du bras de son protégé. Il s’agit même de la personne la plus digne de confiance pour cela, car, vois-tu, il s’agit tout simplement de la fille du Comte. Si elle décide de te protéger, alors ces énergumènes ne pourront plus rien te faire.

-          Ne fais pas ça, l’œil de Dieu ! Tu risques trop gros !

-          Je ne risque pas plus que de rester avec vous à ne rien faire, à attendre que vous daigniez ouvrir vraiment les yeux et vos oreilles au lieu de vouloir toujours plus de pouvoir !

Une grande hostilité faisait bloque contre le vieux capitaine. Il fit un pas en direction de la jeune femme.

-          Nous vous accompagnons ?

-          Comtesse, ne commettez pas cette erreur ou votre père le regrettera !

-          Qui êtes-vous pour me donner des ordres ? Je sais pertinemment ce que j’ai à faire. Et si je lui demande de venir avec moi, je ne vois pas en quoi cela pourrait mettre en cause notre accord ! Il s’agit d’une information importante que mon père se doit de connaître. Cela dépasse certainement nos querelles. S’il s’agit bien de ce que nous pensons, vous serez les premiers à en bénéficier. Seulement, accepter que le pouvoir en place prenne les mesures nécessaires. Je vous promets de ne pas vous en écarter. Seulement l’Etat que mon père représente à des obligations tout autres que les vôtres. Pas incompatibles, comme je ne cesse de vous le répéter, mais différentes. Que nous agissions chacun pour des buts distincts ne veut pas dire que nous allons à leur encontre! Par conséquent, m’accordez-vous cette faveur ?

Les yeux que braqua le vuldonien sur elle restaient férocement hostiles. La réaction d’Aurélia le frustrait mais lui apportait des arguments qu’il ne pouvait réfuter sans se compromettre lui aussi aux yeux de ses frères.

-          Soit, Comtesse, emportez-le avec vous, à la condition que nous puissions l’interroger demain et nous rendre près de ce monolithe.

La tension retomba un peu.

-          Quant à toi, Treillères, inutile de revenir parmi nous !

Petit Louis monta les marches la tête vide, il sentait ses tempes battre, un voile bleu profond transformait autour de lui la semi obscurité de l’escalier pendant qu’une migraine l’empêchait de réagir. Il tenait debout par la seule force de sa volonté, il savait qu’à chaque marche qu’il gravissait, il se rapprochait de son but, même si plus que jamais il ignorait ce qu’il était.

 

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