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De l’eau fraîche lui coulait sur le visage, balayant doucement la couche de crasse qui s’y était installée. Ses yeux se fermèrent doucement sous le liquide bienvenu comme pour mieux en apprécier les effets. Il baissa la tête, laissant ses cheveux s’humidifier, se tremper lui donnant une sensation de propreté nouvelle. Buvant quelques gorgées puis jusqu’à plus soif, il se rassasia, humidifiant sa bouche sèche, rinçant sa gorge irritée, abreuvant son corps. L’eau continuait à affluer de sorte qu’il eut voulu réduire un tout petit peu le débit de ce flot incessant qui lui inondait le visage, les cheveux, lui rafraîchissait les idées.
Il lui fallait respirer !
Il commença à secouer la tête de droite et de gauche cherchant de l’air pour ses poumons. Le précieux liquide arrivait à présent en trop grosse quantité et perdait de son premier abord plaisant. Son corps réclamait de l’air, de l’oxygène et l’eau qui tombait toujours en masse. Il tenta de se lever, en vain, ses poignets étaient accrochés au sol, le maintenant à genoux assis sur ses talons, le dos droit. Il sentait des poches d’oxygène à travers ce flot et baissa la tête vers le sol, haletant comme un chien, prenant des inspirations dès que sa bouche trouvait un trou d'air dans ce déluge. Il allait mourir noyé si ça continuait.
Que se passait-il au juste ?!
Le débit commença à réduire puis la vanne commandant l’arrivée du liquide se referma dans un grincement sinistre au dessus de lui. Toujours penché en avant il haletait tranquillement, reprenant son souffle. A présent il distinguait la grille de fer qui s’imprimait dans ses genoux et ses tibias. L’eau coulait en petits filets de ses cheveux, tombant dans la cuve au dessus de laquelle il se trouvait.
_ Eh bien, eh bien… on faisait une grasse matinée ?!
Noé releva la tête, les poignets solidement attachés au quadrillage qui le séparait du fond du bassin. Son regard s’était habitué à l’obscurité ambiante et il ne mit pas de temps à reconnaître son interlocuteur. Des images affluèrent immédiatement dans son esprit par flashs.
Il se réveillait en plein cauchemar.
Son esprit avait tenté de l’en protéger, mais les souvenirs de la torture qu’il avait subit ces derniers temps –des heures, des jours, des mois peut-être… il n’en savait plus rien- le tenaillaient au plus profond de son abdomen. Son estomac se serra à en vomir quand il reprit conscience de ce qu’il avait vécu.
Ses yeux étaient si douloureux…
Son bourreau désigna la vanne qui retenait le déluge d’eau au dessus du corps abîmé de son martyr :
_ Tu sais, avant la guerre, avant tout ce merdier, cette vanne servait à refroidir les pièces forgées par choc thermique. Je crois qu’ils en ont sous-estimé l’utilisation, c’est également un parfait réveil.
Le bourreau s’approcha, Noé n’arrivait pas à distinguer la couleur de ses vêtements, n’était qu’il dévisageait difficilement ses traits. Au fond de lui il connaissait son prénom, il avait déjà vu cet homme auparavant mais même s’il croyait savoir qu’il il était, il n’arrivait pas à en avoir une image nette.
Son nez recommença à saigner.
_ Si tu savais le plaisir que je prends à faire ce que je fais ! continua l’homme, comprenant que Noé était trop épuisé ne serait-ce que pour lui répondre.
Il sortit un objet noir métallique de sa poche arrière, un flingue, Noé ne savait pas comment mais il en était sûr. Il le leva devant ses yeux qui semblaient le lorgner comme s’il n’attendait que de mourir pour échapper à ce moment sordide.
Des picotements voyageaient sur son torse.
Son bourreau continua néanmoins son monologue répondant à d’hypothétiques questions.
_ Pourquoi est-ce que j’aime ça ?! Parce que l’on imagine toujours le détestable personnage d’une histoire récitant la chronologie de ses actes infâmes, se piégeant lui-même et se faisant serrer à la fin en libérant son souffre douleur, le héros en général.
Il s’accroupit devant Noé, à présent à hauteur de sa victime il esquissa un léger sourire.
_ Ou sa femme… Et pourtant personne n’est venu te chercher, n’est ce pas ? Personne n’est venu te libérer ! Tu n’es peut-être pas le héros en fait, conclut-il pour lui même.
Il fit le tour et se posta debout à sa gauche, son arme le long de son corps, tapotant sa cuisse.
_ Ainsi je me permets cette petite tirade, en toute sécurité. Tu crois avoir gagné parce que tu as résisté, parce que tu n’as pas voulu répondre à mes questions ?! Mais au final, tu mourras dans l’ignorance. J’imagine que tu ne sais toujours pas qui t’a trahi, qui t’a amené à moi ?!
Noé ne comprenait plus qu’à moitié ce qu’on lui disait. Du sang coulait de son nez et de ses yeux, traçant une ligne vive vers sa gorge meurtrie, oppressée par un collier de fer trop serré. Sur son torse on ne distinguait que très peu la couleur de sa peau sous les souillures et le sang séché. La douche n’en avait éliminé qu’une maigre partie. Il tourna la tête sur le côté comme pour enlever de l’eau de son oreille bourdonnante et, en observant le sang en tomber à travers la grille vers le fond de la cuve, il vit ses jambes meurtries. Ses talons avaient été tailladés au niveau du tendon d’Achille ainsi que le pourtour de ses genoux. Voilà pourquoi il n’arrivait pas à se lever s'ils n'étaient les menottes.
Il n’arriva pas à pleurer, ses yeux cherchaient à comprendre le sens de la scène qui se déroulait. Il n’avait pas souvenir d’avoir été autre part que dans cette pièce avant. Qu’y avait-il d’autre dans la vie ? Il ne pouvait mettre le doigt dessus. Il était né quelques secondes auparavant et de n’avait expérimenté que la douche froide, la douleur et le bourdonnement de ses oreilles.
Son bourreau passa une main devant les yeux de son patient qui ne daignèrent pas réagir.
_ Mouais… fit-il. J’y suis peut-être allé un peu trop fort. Va falloir que je pratique un peu plus.
Il mit à nouveau Noé en joue, enleva le cran de sécurité et tourna la tête sur le côté en grimaçant pour éviter de recevoir du sang sur le visage.
_ Dommage que personne d'autre ne soit là pour apprécier le moment.
Noé, hagard tourna la tête et contempla l’embouchure métallique de l’arme qui le fixait…