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Canton

Quand Noé pénétra dans la salle de réunion après Naïa, il ne pu s’empêcher de marquer un temps d’arrêt. Assis au bout de la table, en face du siège vide de l’administratrice, se trouvait Hayao. Personne ne semblait s’apercevoir qu’il n’avait aucune raison d’être présent, conversant même tout naturellement avec le secrétaire d’état Hackman à sa gauche. Ils n’eurent pas le temps de s’asseoir que l’administratrice entrait à son tour pour venir prendre place.

Noé voulut demander de l’explication à Hayao mais il fut interrompu par l’arrivée, derrière l’administratrice d’un petit homme aux cheveux grisonnants et à la bedaine développée suivit de Tetsuo. Noé chercha une réponse dans le regard de son coéquipier au sujet de son défi particulier, quand ce dernier pris place à sa gauche. En vain, celui-ci chuchota deux mots à l’oreille de son collègue avant qu’Hackman ne prenne la parole :

_ Bien, Monsieur Kanéda, auriez vous avancé dans les preuves de votre alibi ?

Il ne pu s’empêcher de jeter un regard à Noé et Naïa comme pour leur souligner leur insignifiance avant de se rasseoir.

_ Nous avons trouvé un moyen de…

_ Vous ne deviez pas trouver un moyen de contrer l’Ange, vous deviez nous prouver que vous contrôliez la situation à votre arrivée, le coupa Hackman.

Tetsuo marqua un temps comme pour attendre la fin du commentaire, Hackman jaugea la réaction de l’assemblée puis se renfonça dans son siège.

_ Bien, comme je disais, nous avons trouvé un moyen de défense contre l’Ange et avons compilé un programme que nous implémenterons dans le bouclier électromagnétique afin de nous protéger continuellement contre la menace du Nouveau Monde.

_ Vous parlez de menace, mais nous n’avons toujours pas la preuve des mauvaises intentions du Nouveau Monde, ré intervint Hackman.

_ Vous ne m’avez pas demandé de juger de la position du Nouveau Monde mais de prouver que…

_ Vous saviez peut-être comment désactiver l’Ange, mais rien ne nous dit que vous en aviez l’intention.

_ Nous n'allions pas nous suicider pour…

Hackman se leva pour distribuer des dossiers à l’Administratrice, au général Onara, chef des armées terrestres, à l’amiral Ivanov, chef de la petite flotte aérienne eurasiatique, ainsi qu’aux trois conseillers qui étaient surtout présents pour faire décor. Ce faisant il ne se priva pas de couper à nouveau la parole à Tetsuo :

_ Après tout nous avons enquêté sur vous et votre participation à des actes terroristes informatisés, l’agent Noé ici présent avait un dossier assez fourni chez les psychologues de la CITL et mademoiselle Dinnings, elle, était plutôt vu comme une réactionnaire parmi les siens. Je ne parle même pas des deux lurons qui manquent !

Noé se leva colérique.

_ Mesurez vos propos, l’un d’entre eux a pris une balle pour sauver votre peau à notre arrivée !

_ Parlons en ! Nous sauver de la menace que vous avez amenée doublé du refus d’obtempérer et d'insulte à un soldat dans l’exercice de ses fonctions ! Votre sœur quant à elle est apparemment assez mal vue par la CITL pour son tendance à remettre en cause leurs méthodes. Vous n’avez pas vraiment le profil d’innocents à vous cinq et malheureusement pour vous, nous ne pouvons toujours pas donner crédit à vos dires.

Hackman regagna son fauteuil, maintenant un pan de son veston contre lui.

_ Je crois que vous devrez reprendre votre place dans le banc des accusés avec un délit supplémentaire : mensonge sous serment. Nous avons des témoins, mais ça vous le savez, puisque vous avez aussi humilié un juge publiquement en le méprisant.

Noé ne savait plus quoi dire, il commençait à regretter d'être venu en Eurasie. Un des conseillers, l'espagnol, pris la parole:

_ Dites nous quel intérêt Oïc aurait-il à nous attaquer alors qu'il peut aisément prendre le contrôle du Nouveau Monde, comme vous nous l'avez annoncé.

Le Général Onara s'avança souriant :

_ Pour contrôler le monde bien sûr !

Hackman se joint à son collègue.

_ Il est vrai que votre scénario de ce côté est peu recherché, railla-t-il.

Les deux autres conseillers sourirent à leur tour. Ivanov aurait même cru voir un début de rictus chez son voisin de droite, partisan du Sun Yee On.

Naïa prit Noé de court :

_ Mais si vous aviez quelques notions logistiques voire militaires, Monsieur Hackman, vous sauriez probablement que le Nouveau Monde est très instable du fait de sa population militarisée. Ainsi, il vaut mieux pour Oïc conquérir votre nation avant même de prendre la tête d'une armée plus grande au risque de ne pouvoir les entretenir.

Hackman rongeait son frein, Onara lui vint en secours :

_ Mais Oïc a déjà de la place en ex-Australie… surtout pour le peu d'hommes dont il doit disposer.

_ Il a la CITL à sa botte, il prépare ce coup depuis bien longtemps et si la CITL était enclin à payer des sommes astronomiques pour commercer avec vous, il n'est pas de cet avis. Dois-je vous rappeler que vous êtes la seule nation exportatrice d'énergie électrique grâce à vos centrales thermiques et hydroélectriques ? Sachez que le Nouveau Monde, même s'il ne le montre pas encore, commence à accuser des signes de fatigue. Il n'a plus aucun lien avec les états pétroliers et ses réserves ne lui dureront pas plus de trois, quatre ans. De plus la majorité de ses centrales nucléaires encore debout ne sont plus sûres de fonctionnement à cause des dégâts causés par la pulsion. Votre politique d'embargo énergétique et alimentaire vers leur continent leur fait cruellement défaut de ressources et ils ne sont que partiellement développés question énergies alternatives ou renouvelables. Vous ne faîtes qu'aggraver votre cas.

_ Nous devrions prendre contact avec Akdov pour lui vendre de l'électricité ? Et ce serait réglé ? Vous m'intéressez ! plaisanta à nouveau Hackman.

_ Non, cela ne changerait plus rien à présent. Votre politique porte déjà ses conséquences, vous étranglez petit à petit le Nouveau Monde et vous espérez le voir à vos côtés dans les coups durs ? Akdov voit Oïc comme un sauveur, celui-ci se chargera de votre nation en premier car il lui faut un endroit où accueillir son futur peuple. Il ne peut se permettre de courir deux lièvres à la fois. D'abord il prendra l'Eurasie, puis le contrôle du Nouveau Monde. Il pourra alors aisément projeter de s'occuper de l'Afrique par la suite.

_ Pourquoi Akdov ne s'est il pas lancé dans cette campagne tout seul ? Après tout ses soldats s'ennuient déjà et commencent à remuer comme des tigres en cage.

Noé intervint :

_ Parce que Akdov mettrait plusieurs années pour conquérir l'Eurasie avec son armée. Oïc a dérobé le biod afin de rendre la tâche plus facile, Akdov ne peut pas se permettre d'exposer ses troupes au disrupteur et les enverra donc après... Ils ont trouvé votre point faible, ils vont l'exploiter, prendre votre pays, Oïc se débarrassera d'Akdov et amènera les soldats du Nouveau Monde ici. Une fois établi, plus rien ne s'opposera à lui. Ce sera une guerre pour l'énergie et la nourriture. Le seul type d'énergie durable et dont ils ont besoin est ici. Les seules réserves alimentaires et champs fertiles ou productifs sont ici aussi.

_ Mais il n'y a aucun signe avant coureur, fit le conseiller chinois en tournant les pages d'un de ses dossiers. Il y a si peu de temps que la guerre est finie, nous n'avons pu faire le point sur l'état des puissances voisines.

Adam Popper, assis entre Tetsuo et Naïa prit alors la parole :

_ Mais voilà, vous êtes assis sur le plus gros tas de charbon et de lithium du monde ainsi qu'un potentiel hydroélectrique peu exploité. Le Nouveau Monde vit  sur ses derniers barils de pétrole, toute son activité industrielle est basée sur l'essence, le charbon, le nucléaire. Ils ne peuvent construire de centrales nucléaires à court terme, la plupart de leurs sites ont été détruits ou fragilisés pendant la guerre, ils n’ont plus les compétences nécessaires et cela leur coûterait trop cher. Une nation militaire doit subvenir à ses besoins sans trop dépenser. Ils sont affamés et vous gaspillez. Vous êtes une cible de choix, un grenier de nourriture pendant une famine, une pompe à énergie pendant un black-out.

Tetsuo prit la parole à son tour :

_ Vous n'entendez pas encore parler d'un coup d'état à la CITL ? Evidemment, cela fait des années que l'Amiral Oïc place ses pions dans le gouvernement. Il n'a pas besoin de renverser leur chancelier, c'est un de ses hommes. Qu'attend-il ? Il se prépare, il rassemble ses effectifs, règle quelques derniers détails. Vous n'avez plus de nouvelles de vos espions ? Il y a longtemps qu'ils ont été découverts. Ils sont probablement déjà morts ou à la solde de l'amiral Oïc, tout comme la presse et les services publics. Il ne reste que le peuple, qui apprendra sous peu que l'Eurasie a fomenté contre la CITL et qu'il leur est nécessaire de se défendre.

_ On dirait que vous l'appréciez, remarque le conseiller français.

_ C'est mon ennemi, le vôtre, je ne le sous estime pas, je ne l'admire pas mais nous devons admettre qu'il a bien joué.

_ Arrêtez vos sornettes ! Nous n'avons pas le temps pour ça ! fit Hackman. Où sont vos preuves ? Nous avons rendez vous dans deux heures avec l'Amiral Oïc pour un démenti officiel et demain vous serez soit remis aux autorités de la CITL soit vous serez dans nos prisons !

_ Demain sera un autre jour, souffla Tetsuo. Demain plus personne ne sera à l'abri. Une visite d'Oïc ? Non, il ne vous enverra que son biodisrupteur.

Hackman riait nerveusement, secouant la tête de dénégation. Hayao acquiesça et pris la parole à son tour :

_ La seule façon de s'en sortir est de vaincre. Aucun compromis ne satisfera Oïc, ce ne sera donc pas un combat ordinaire. Il se permettra tous les coups bas et nous devrons en faire autant, lui ne s'en privera pas. S'il gagne, l'Afrique ne sera plus un obstacle. S'il gagne, c'est que nous sommes tous morts.


Wyndham

Hummel pénétra dans le bureau de l'amiral Oïc, Plattner se trouvait déjà assis sur une des chaises. Il se planta devant le bureau :

_ Je dois vous informer, Amiral, que l'homme qu'a envoyé notre intermédiaire en Eurasie pour saboter le générateur ELW de Sandoping est tombé, il a été arrêté dans la nuit et conduit au poste.

Oïc serra les dents.

_ A-t-il rempli sa mission ?

_ Affirmatif.

_ A-t-il été interrogé ?

_ Non pas encore, mais je pense qu'ils ne vont pas attendre longtemps, Amiral. Une autre source nous a informés que l'équipe du CRIJ commence à être prise au sérieux. Si nous attendons plus longtemps, nous perdrons l'avantage de la surprise si nous ne l'avons pas déjà perdu.

Oïc n'avait pas perdu son temps lui et avait nommé deux nouveaux colonels. Plattner se trouvait être son homme de main dans lequel il avait le plus confiance mais surtout le leader de ses troupes terrestres. Hummel était le chef de la division Noire de leur armée : les commandos d'assassins, formés pour agir derrière les lignes ennemies, malheureusement il pêchait par un petit manque d'autonomie et se reposait toujours sur lui pour les décisions. Oïc n'appréciait pas trop son côté sombre, introverti. Même s'il n'avait plus que deux colonels de fortune, il savait qu'il n'y perdait pas trop au change, leur loyauté et leur esprit militaire surpassaient ceux de Naem et Oria.

_ Combien de temps avant l'arrivée de l'avion ?

_ Deux heures.

_ Me croient-ils toujours à l'intérieur ?

_ Oui Amiral.

_ Bien nous nous tiendrons donc au plan d'origine.

_ Et pour le lieutenant Chaz, au poste militaire de Sandoping ?

_ Laissez le. De toute façon nous n'avons plus le temps de l'extraire. Je perds encore un de nos meilleurs hommes… Plattner, sélectionnez les hommes que vous sentez les plus à même de diriger et créez moi cinq divisions.

_ Cinq, au lieu des sept actuelles ?

_ Non, en plus. Recrutez parmi la population de réserve pour combler les sept premières et récupérez les hommes dont vous aurez besoin dans celles ci. Le biod affaiblira l'Eurasie mais nous aurons besoin d'attaquer sur plusieurs fronts. Trois divisions d'infanterie légère, une pour vos blindés et une pour les hommes de Hummel.

Oïc se tourna vers ce dernier :

_ Nommez un commandant qui vous remplacera à la tête de la division Noire. Vous connaissez à présent tous les espions du Nouveau Monde ou eurasiatiques dans nos rangs ?

_ Oui, tous.

_ Supprimez les. Nous ne pouvons perdre de temps à faire de la désinformation. Akdov ne nous en tiendra pas rigueur, il sait qu'il n'avait pas à nous infiltrer ; pour ceux de l'Eurasie, nous perdons de l'énergie à les empêcher de communiquer. D'autres questions ?

_ Non Amiral.

_ Bien. Vous êtes à présent nommés généraux.

Il se leva et se dirigea vers le mur à gauche de son bureau où était accrochée une carte de l'Eurasie et de l'Océanie.

_ Envoi des premières troupes à 10:30, il leur faudra plus de deux heures pour parvenir en Eurasie. L'avion supposé me transporter arrivera à 12:00 et nous tuerons alors les têtes pensantes eurasiatiques. En même temps nous tirons le biod sur les dix villes protégées par bouclier. Toutes sauf Kiev, ce ne sera plus qu'une formalité après, pour l'instant ils ne sont pas dangereux et vu leur politique, dont je suis garant, ils se retrancheront sans porter d'aider au reste du pays. Double ration pour Sandoping, l'explosion du générateur pourrait entraver l'action du biod. Hummel, vos hommes sont en place ?

_ Oui, nous avons une cellule de six hommes par ville qui empêcheront l'initialisation des générateurs électromagnétiques. Ils tiendront le bâtiment jusqu'à l'arrivée des renforts.

_ Six ? Cela suffira-t-il ?

_ Ils savent s'y prendre et avec plus d'hommes nous serions vites repérés ou aurions plus de mal à conserver le lieu. Ce ne sont que quelques petites salles, le générateur en lui-même est à part.

_ Je le sais bien, merci ! Je ne veux pas qu'ils détruisent le bâtiment, si Akdov se met en tête d'attaquer juste derrière nous, nous devons être capables de nous protéger avec ces mêmes boucliers. Les troupes arriveront à leur PC entre 13:00 et 15:00. Je veux que les cinq divisions que je vous ai demandées soient placées autour de Sandoping à 16:00. Vous le savez nous n'avons pas assez d'hommes pour prendre en siège les dix cités. Nous nous concentrerons donc sur Hô Chi Minh, Saïgon, Canton, Sandoping et Pékin et diviserons ainsi leurs forces et leurs ressources.

_ Mais nous risquons d'être attaqués sur deux fronts, intervint Hummel.

_ L'arrivée de l'équipe du CRIJ nous a un peu aidés puisque l'Ange a détruit la plupart des tourelles de défenses entre l'Eurasie et le Moyen Orient. Nous ne savons pas ce qui peut arriver par là, mais nous aurons le temps de réagir en laissant entre nous et cette ouverture Delhi. De plus l'Eurasie est basée sur la défense, si leurs boucliers se ferment ils seront en état de siège, s'ils cherchent à en sortir, nous tirerons à nouveau du biod.

Hummel sourit, Oïc reprit :

_ Nous enverrons une division sur chacune de ces villes et deux en plus sur Canton. Hummel vous prendrez la tête des opérations autour de Sandoping et Plattner celles de Canton. Je m'occuperai de l'attaque sur les autres villes qui seront essentiellement bombardées de biod. Nous devons mener une action des plus rapides. Le siège n'est pas une préférence, nous ne pourrons approvisionner facilement nos troupes une fois au front. Ce sont les villes qui seront prises les premières qui accueilleront les unités n’ayant pu prendre la leur. Cela nous permettra de relancer une attaque demain sans trop de problèmes logistiques.

L'amiral réfléchit puis résuma comme pour vérifier la teneur finale des évènements à venir :

_ On bombarde toutes les villes de biod mais seule une ligne séparant la Chine en deux sera assiégée. A l'est ils seront attaqués par la mer et à l'ouest ils ne bougeront pas de peur de mouvements du Moyen-Orient. Je veux un rapport tous les quarts d'heures à partir de 12:00, compris ?

_ Entendu Amiral, répondit Hummel.

_ Plattner ?

_ Oui, Amiral.

Il semblait à Oïc que ce dernier n'était pas au comble de sa motivation.

_ En attendant Hummel prenez contact avec le Chancelier, nous devons avoir le champ libre pour toute action militaire, nous verrons si son travail de propagande a porté ses fruits… Disposez.


Canton

Tetsuo se rua dans le bureau de l'Administratrice suivit par deux gardes qui n'avaient eu le temps de réagir.

_ Ils ne vont plus tarder !

Hackman qui se trouvait dans le siège face au bureau, pivota et fit une moue qui énerva de suite Tetsuo. Noé entra à son tour au grand désarroi des gardes qui n'arrivaient pas à faire sortir Tetsuo.

_ Que voulez vous encore, Monsieur Kanéda ?

Ces mots, Hackman les avait prononcés avec un profond mépris. Noé nota alors dans un coin de sa tête que le moment venu il lui ferait sa fête.

_ Quand les techniciens de Canton ont voulu installer le filet AA –Anti-Ange- dans le générateur de Canton, ils y ont trouvé une demi-douzaine d'hommes qui gardaient la salle de contrôle.

_ Et alors ? soupira le secrétaire d'état.

_ Ces hommes sont morts ! Ils étaient militaires de la CITL !

Lwaï Tse Now se leva de son fauteuil, furieuse :

_ Prévenez les autres villes bouclier qu'ils se débarrassent de ces hommes ! Il est fort probable qu'il y en ait infiltrés partout.

_ Mais… mais… bégaya Hackman, vous n'allez pas commencer à les croire ?!

_ Qui a dit que je les croyais ? Il ne nous coûte rien de vérifier.

Noé s'avança. Les gardes soupirèrent et se remirent en place devant la porte pour éviter que le bureau de l'Administratrice ne se transforme en vrai moulin.

_ Madame l'Administratrice, je crois que vous courrez un grave danger si vous vous rendez à ce rendez-vous à l'aéroport.

Hackman se leva furibond :

_ Depuis quand croyez vous être en mesure de conseiller l'Administratrice ?! Nous irons à ce rendez-vous… ce ne sont pas quelques rebelles de la CITL qui nous empêcheront de garder confiance dans le général Oïc. Sortez d'ici ! Gardes !

Noé et Tetsuo ne purent contester et furent éconduits par les gardes. Quelques minutes plus tard Lwaï Tse Now sortit à son tour de son bureau suivie de près par Hackman et ses deux gardes du corps. Quelques minutes encore et elle se trouvait déjà à l'aéroport avec le général Onara.

Hackman était resté à son bureau, vérifier que tout était prêt pour la réception qui suivrait. Depuis que l'Eurasie avait stoppé son trafic aérien, les aéroports n'étaient plus réservés qu'aux personnalités officielles. Les agents du CRIJ furent néanmoins invités, par qui ils ne le savaient pas, à suivre l'entrevue depuis la salle de réunion et se trouvèrent à nouveau en compagnie de l'amiral Ivanov, d'Hayao assis sur une chaise en retrait et de l'inconnu toujours aussi silencieux en salle de réunion. Ivanov remarqua l'attention de Naïa envers cet homme dont elle ne connaissait rien et se pencha vers elle :

_ C'est un homme du Sun Yee On, lui chuchota-t-il à l'oreille.

Celui-ci était absorbé par la retransmission de la rencontre entre l'Administratrice et l'amiral Oïc diffusée sur un grand écran plaqué contre le mur. Il sembla à Naïa qu'il avait fait mine de bouger au mot Sun Yee On.

_ Le Sun Yee On ? La seule triade eurasiatique encore en action ?

_ Lwaï Tse Now a dû s'en approprier les services afin de réduire la corruption et ainsi obtenir un meilleur contrôle sur les triades rivales qu'elle a finalement éliminées. Cela lui permet aussi d'avoir une ressource militaire de dernier recours, une milice officieuse pour des opérations de contrôle de la population. Apparemment il ne lui a jamais rien demandé en contrepartie, rien que nous ne sachions en tout cas.

_ Quel est son nom ?

_ Je n'arrive jamais à m'en rappeler. Hem…

On discernait à présent l'avion de l'amiral Oïc dans le ciel de Canton sur l'écran. Celui-ci pénétra le bouclier et amorça sa descente vers l'aéroport qui, contrairement à la gare ferroviaire, se trouvait à l'intérieur du périmètre protégé. Il sembla à Naïa que quelque chose clochait. Quoi, elle ne le savait pas mais…

_ C'est bizarre.

Elle se tourna vers Ivanov qui avait murmuré ces mots.

_ Qu'y a-t-il ?

_ Le pilote est soit très mauvais, soit très bon mais il me semble que l'angle de descente est bien obtus.

L'homme du Sun Yee On tourna la tête sur le côté comme pour entendre ces propos. Ivanov se leva.

_ Je crois que…

L'avion descendait lentement en direction de la piste selon un angle plutôt raide. C'était un vieux coucou, un Airbus anciennement affecté au transport de touristes reconverti en avion officiel. C'était aussi une des seules parades au piratage, l'appareil étant peu équipé en électronique. L'avion sembla enfin relever le nez pour reprendre une trajectoire moins abrupte.

_ Il ne va pas atterrir ! Ivanov se précipita vers le téléphone au milieu de la table pour avertir la sécurité.

L'avion approchait effectivement à grande vitesse de la piste à côté de laquelle se trouvaient la tour de contrôle et la salle de débarquement convertie en hall d'accueil de personnalités. Lwaï Tse Now s'y trouvait comme le montraient les caméras qui ne cessaient de diviser l'image entre l'avion et le comité officiel. Des journalistes intervenaient de temps à autre depuis la tour de contrôle, détaillant les tenants et aboutissants de ce rendez-vous.

La caméra se renversa. Dans la salle de réunion, les spectateurs eurent le temps d'apercevoir les journalistes se retourner face à l'énorme avion se dirigeant vers la base de la tour de contrôle. Tous retinrent leur souffle puis l'image se brouilla.

Ils restaient silencieux. Noé s'était levé la main en avant comme pour prévenir le danger, Ivanov gardait le téléphone plaqué contre son oreille, fixant la neige à l'écran. Tetsuo était assis, raide dans son siège. L'homme du Sun Yee On se leva brusquement lorsque la transmission fut relayée, quelques secondes plus tard, d'une caméra située en bout de piste pour les plans larges.

Une colonne de fumée d'une centaine de mètres de haut s'élevait de l'ancien emplacement de la tour de contrôle qui était à présent cassée en deux, son extrémité couchée sur le côté.

L'avion ne s'était pas écrasé. D'après les journalistes il avait éclaté. L'un deux passa devant la caméra, alternant commentaire et observation du désastre. Apparemment l'explosion avait été minime et les journalistes doutaient déjà du plein de carburant de l'appareil.

Noé se tourna vers Ivanov :

_ Faites boucler l'aéroport et ses environs !

_ La sécurité est déjà sur place.

L'homme du Sun Yee On avait pratiquement prononcé ces mots avec nervosité.

_ Je ne parle pas de sécurité ! Envoyez les militaires !

Le journaliste se tenait la tête entre les mains. La caméra chuta filmant alors la foule qui commençait à s'agiter, à courir partout, en tous sens, nulle part.

_ Les militaires ? Les pompiers et les forces de l'ordre suffiront !

Noé ravala sa salive.

_ N'envoyez personne sur les lieux, ils sont déjà tous morts ! Faites simplement boucler la zone par les militaires, termina-t-il d'un ton sourd.

_ Que voulez vous dire ? demanda Ivanov incrédule.

_ L'explosion n'était qu'un leurre.

Il se déplaça vers l'écran et désigna une partie de l'image. On pouvait y voir un hangar vide derrière des centaines de personnes en furie. Le contraste de l'image faisait apparaître à cet endroit de fines gouttelettes.

_ Il pleut ? compris Tetsuo.

Noé acquiesça gravement.

_ Du biod. L'avion était chargé de biod et si l'explosion était faible c'était surtout pour éviter de brûler l'agent chimique à l'impact. Il ne faut pas se rendre sur les lieux mais boucler le périmètre.

Naïa était prostrée dans son siège. La guerre était déclarée. Si tôt. Pas maintenant ! Tout cela lui semblait irréel. Prévenir l'Eurasie lui semblait une solution… maintenant elle comprenait qu'elle n'avait eu le temps de se préparer à ce qui arrivait. Elle vit Tetsuo décrocher son portable et ordonner à ses collègues au générateur de le fermer.

_ De quel droit ?!

Hackman venait de faire irruption dans la salle.

_ De quel droit vous…

L'officier Havez qui s'occupait de la surveillance radar s'engouffra dans la salle bousculant Hackman au passage.

_ Nous avons repéré des tirs de missiles en provenance de Cuba, Madagascar, le Groenland, la CITL et Pearl Harbor !

L'homme du Sun Yee On se tourna résolu vers Hackman.

_ Nous venons d'entrer en guerre et notre seule option est de nous protéger.

_ Les premières heures seront les plus décisives, fit Hayao. Il vous faut gagner du temps et décourager les soldats d’Oïc par des actions contrées. S'ils attaquent et n'obtiennent pas de résultats ils ralentiront l'allure.

L'homme du Sun Yee On acquiesça.

_ Faites passer tous les boucliers à l'état 0 !

Cet ordre avait été donné au militaire qui repartait déjà l'exécuter. L'homme du Sun Yee On se tourna vers Tetsuo :

_ Débrouillez-vous pour activer les filets Anti-Anges. Ivanov ! Le général Onara est porté disparu dans l'attentat et jusqu'à preuve du contraire vous prenez le commandement des forces terrestres. Je décrète un état d'alerte noire, tous les civils résidants de Canton non réservistes doivent se rendre dans les abris anti-atomiques ! Nous ne pouvons prendre de risque avec la population extérieure de la ville.

_ Mais si les générateurs sont fermés, il n'est pas nécessaire de… commença Ivanov, et puis de quel droit prenez vous la place de l'Administratrice ?

_ Elle est elle aussi portée disparue et comme le prévoit le traité d'unification eurasiatique seul son Dauphin peut prendre le commandement en ce cas et uniquement en période de crise.

L’homme fit une pause avant de reprendre :

_ Je suis son Dauphin.

Ivanov retomba sur sa chaise, ça il ne l'avait pas imaginé. Cela faisait longtemps que l'on ne parlait plus de cette clause. Lwaï Tse Now avait dû choisir son Dauphin et faire valider cette demande par le Comité. Bien sûr cette action restait confidentielle afin d'éviter un coup d'état.

_ Je ne crois pas que nous ayons le temps de nous occuper de ces procédures. Si vous le souhaitez faites quérir les trois membres du Comité pour vérification mais je vous enjoins à déléguer cette tâche. Vous devez prendre le contrôle des forces armées avant tout et vous mettre en contact avec les officiers de l'état major. M'est avis que si Oïc attaque malgré la fermeture totale de nos boucliers, il doit avoir une carte dans son jeu dont il ne nous a pas encore fait part.

Hackman s'avança :

_ Qu'est ce qui vous fait croire que l'Amiral Oïc est responsable de tout cela ?! Son avion a été victime d'un attentat et les tirs viennent de régions contrôlées par le Nouveau Monde !

_ Silence ! Il y a trop longtemps que l'on s'embarrasse de gratte papiers comme vous. Si vous n'avez pas d'idée constructrice fermez-la !

L'officier Havez refit irruption et manqua de bousculer à nouveau Hackman :

_ Il y a exactement 32 missiles en approche de nos villes. Douze d'entre eux se dirigent vers le même endroit au nord de Canton.

_ Les boucliers peuvent-ils stopper le biod à l'état 0 ?

Naïa ne comprit pas tout de suite et lança un regard interrogateur à Tetsuo.

_ L'état 0 condamne tout échange avec l'extérieur, même l'atmosphère. Mais ce ne sont pas les boucliers qui arrêtent réellement les missiles, ce sont d'autres charges magnétiques, les boucliers contrent simplement les échanges liquides et aérosols entre les milieux intérieurs et extérieurs, leur résistance n'est pas donc énorme.

Puis à l'attention du Dauphin :

_ Je pense que nos EMP peuvent tout à fait contrer ces missiles. Ceux ci exploseront et le biod coulera sur la surface du bouclier. Mais il faut le conserver à l'état 0 pour cela.

_ Bien, qu'en est-il alors des générateurs ? fit l'homme du Sun Yee On à Havez.

_ Hô Chi Minh, Sandoping et Jakarta ne réagissent pas. Il semblerait que personne ne réponde à nos messages et leurs générateurs sont toujours à l'état 3, autrement dit grands ouverts. Pour ce qui est du nôtre nous avons toujours quelques problèmes dus à l'altercation avec les militaires de la CITL et devons encore installer le filet AA si on veut l'envoyer aux autres villes.

Tetsuo fit un signe de tête et sortit rapidement de la pièce pour rejoindre ses collègues au générateur. L'homme du Sun Yee On l'interpella et ordonna à Havez de défaire les bracelets GPS des anciens membres du CRIJ.

_ Mais depuis quand sont-ils libres ?! s’insurgea Hackman.

_ Depuis que leurs dires sont confirmés ! asséna l'homme du Sun Yee On. N'hésitez pas pour votre part à aller voir ailleurs si on a besoin de vous, ici ce n'est pas le cas.

_ Vous aurez à répondre de tout ceci lorsque nous nous verrons en cours martiale !

Sur ce, Hackman tourna les talons et sorti de la salle. Havez contrôla son oreillette et demanda confirmation par le biais du micro fixé à son col.

_ Monsieur ! Il semblerait que le générateur de Jakarta soit contrôlé par des soldats de la CITL. Ils ne peuvent l'activer à distance sans risquer de perdre contrôle du générateur. Il leur faut absolument accès aux contrôles et capteurs. De p…

Il contrôla à nouveau son oreillette et ouvrit grand les yeux.

_ Le générateur de Sandoping a explosé lors de sa mise en route ! Dix pâtés de maisons ont été rasés dont le poste central de police à proximité, nous n'avons plus aucun contact avec les forces de l'ordre sur place !

Naïa écrasa sa main sur son visage: tout allait de travers. Bien sûr ils avaient prévenus l'Eurasie mais le manque de confiance dans leurs propos avait fait prendre à la nation de gros retards dans la prévention des attaques.

_ Balancez moi les informations concernant les générateurs et les satellites sur l'écran !

Havez donna l'ordre par son micro. Quelques secondes plus tard une liste apparut à gauche sur l'écran concernant l'état des générateurs et leur puissance. A droite se trouvaient les images satellites en écrans scindés des différentes villes protégées par des boucliers.

Bangkok se trouvait assiégée par des sous marins depuis le golf du Bengale et celui de Phnom Penh. Hô Chi Minh qui n'avait toujours pas activé son bouclier ainsi que Jakarta étaient les lieux d'affrontements entre les militaires de la CITL et les forces de l'ordre eurasiatiques. Delhi ne semblait pas menacée par l'armée terrestre de la CITL qui débarquait par avion cargos dans la région de Kunming. Canton commençait à être entourée par les forces ennemies ainsi que Sandoping. Il leur semblait que Nankin était laissée de côté tout comme Séoul et que les forces remontaient progressivement vers Pékin.

Les missiles de biod pointaient vers toutes les villes sauf Kiev. Sandoping se trouvait être la plus ciblée. Il semblait aussi que les boucliers commençaient à faiblir. La puissance les alimentant diminuait peu à peu et il arriverait un moment où le bouclier consommant un peu plus d'énergie que ses voisins s'éteindrait… l'ennui était que l'on ne pouvait prévoir lequel.

_ Trouvez moi l'origine de cette faiblesse, fit l'homme du Sun Yee On et contrez tous les missiles pointant vers Sandoping. Son barrage est un point clef de notre défense. Nous ne pouvons le leur laisser. Contrez aussi les missiles qui visent Jakarta et Ho Chi Minh.

_ Il semblerait que le barrage de Sandoping ait été affecté lors de l'explosion du générateur et que plusieurs turbines ne soient plus en état de fonctionner, nous perdons de l'énergie. En fait nous consommons trop.

_ Demandez à Kiev de couper son bouclier, ils ne sont apparemment pas ciblés. Nous le réactiverons en cas de danger, fit-il en rassurant Havez.

Dans la salle de réunion, tous suivirent la mise en œuvre des EMP et la destruction progressive des missiles. Au moment où seuls quelques missiles restaient, une détonation se fit entendre au dessus de leur tête puis une seconde.

Noé s'avança :

_ Il semblerait que deux missiles soient passés au travers des EMP et aient touché le bouclier.

Havez répliqua :

_ Ce n'est rien, le bouclier peut endurer un peu plus, les tirs de Do-Lô sont les plus à craindre mais le Nouveau Monde ne semble pas entrer en conflit rapproché pour le moment.

Il s'arrêta et contrôla son oreillette.

_ Tous les missiles ont été contrés, notre bouclier a un peu souffert mais l'arrêt du générateur de Kiev n'a pas suffit. Pour ce qui est de la zone de l'aéroport tout est bouclé.

L'homme du Sun Yee On réfléchissait à toute vitesse. Naïa cernait un peu plus le personnage malgré le fait qu'il lui manquait encore beaucoup d'informations. Cet homme avait réagit très rapidement pendant ce court laps de temps et ne semblait pas hésiter. Lwaï Tse Now avait, pour l'instant, bien fait de le choisir en cas de crise majeure. Mais elle n'arrivait toujours pas à lui faire entièrement confiance, ne sachant pas d'où il venait et quels étaient ses antécédents.

Hayao restait confortablement assis dans sa chaise, il avait l'air de n'être qu'observateur comme si les événements en cours ne l'atteignaient pas. Noé admirait ce calme et savait surtout qu'Hayao pouvait être d'une grande aide mais qu'il ne la proposerait qu'au moment opportun.

_ Nous ne pouvons nous permettre de faire entrer le hasard dans notre défense, nous devons couper un bouclier de notre choix et non attendre de voir lequel lâchera en premier. Coupez celui de Kuala Lumpur !

Havez resta bouche bée.

_ Coupez plutôt celui de Delhi, fit Noé. Ils ne sont pas la cible des tirs !

_ Mais votre arrivée et surtout celle de l'Ange nous a privé de défenses au sud ouest quand il a détruit les tourelles. Nous ne pouvons nous permettre d'abandonner une défense de ce côté. Kuala Lumpur est cernée par les sous marins et le sera encore plus lorsque les porte-avions et destroyers qui avancent depuis le pacifique et la mer d'Oman seront sur place. De plus son générateur est un de ceux en plus mauvais état. Son arrêt n'est donc qu'une question de temps. Même s'ils sont assiégés depuis la mer, Bornéo, Hô Chi Minh, Bangkok et Kuala Lumpur sont relativement proches, il leur sera aisé de partager leurs forces militaires contrairement à Delhi qui se trouve loin des renforts. Nous n'avons pas le choix, toutes les villes assurent leur propre défense, mais nous devons choisir d'en sauvegarder la majorité.

_ Vous ne pouvez pas décider du sort de millions de citoyens de cette façon ! avança Noé.

Naïa n'arrivait pas à prendre position et Ivanov approuvait le choix proposé.

_ Prenez au moins le temps de vérifier si la population est à l'abri, laissez leur un peu de temps !

L'homme soupira, se frotta le menton. Il lui fallait absolument prendre une décision cruelle et il semblait à Naïa que cela ne lui faisait ni chaud ni froid. L'administratrice avait sûrement choisit cet homme en échange de son aide pour prendre le contrôle sur les triades. Finalement elle ne s'attendait peut-être pas à une crise de cette envergure.

_ Quel est l'état de la population à Kuala Lumpur ?

Havez pianota sur l'ordinateur portable qu'il venait d'apporter.

_ Seulement trente pour cent de la population résidente est aux abris. Selon la  courbe d'estimation…

Il pianota quelques secondes. Noé n'arrivait pas à détacher son regard de l'écran mural. 80 millions de citoyens dans une ville en proie à l'ennemi et à peine la moitié de places dans les abris. Couper le bouclier signifiait la curée. Il avait encore en tête les images de Montréal et ces nevs tuant les habitants par centaines sans aucun scrupule.

_ Apparemment la population afflue exponentiellement. Mais je pense que les mouvements de foule vont ralentir cette progression. Les forces de l'ordre sont dépassées là bas et les sous-marins tirent à feu nourri contre le bouclier. C'est la raison de son état. Dans trois quarts d'heures tout le monde sera à l'abri mais dans quinze minutes le bouclier va lâcher.

_ Bien, ordonnez aux soldats et aux réservistes de venir s'abriter eux aussi quand la population sera en sécurité. Coupez le bouclier dans trente minutes, dérivez de la puissance de Delhi vers Kuala Lumpur pendant cette demi-heure afin de protéger au maximum la ville. Il semble que nous puissions avoir assez de puissance à partir des autres barrages du pays pour alimenter les boucliers restants. Sandoping reste notre objectif principal de défense. Il ne faut pas le perdre sinon nous perdrons tous les boucliers.

Havez acquiesça.

_ Hayao vous devenez mon bras droit, vous dirigerez les relations publiques. Que fait Tory Ama ? Ivanov ! Faites le venir et donnez lui le contrôle des forces de l'ordre cantonaises, je ne peux pas me permettre de gérer l'ampleur de cette guerre si nous sommes nous même menacés par la population. Après ceci faites réunir les généraux et mobilisez l'infanterie, il faudra intervenir sur Sandoping une fois le terrain déblayé.

L'homme se tourna vers Noé :

_ Même si nous ne partagions pas le même avis, je pense que vous nous serez utiles sur le terrain. Vous partez avec Enzo Vasari et ses forces spéciales défendre Sandoping, prouvez nous votre valeur en tant que transfuge de la CITL. Prenez la demoiselle avec vous si vous le voulez ainsi que votre ami.

_ Tetsuo mais vous avez besoin de lui pour contrôler le bouclier !

_ Je parle de l'homme qui est arrivé ce matin à la base militaire de Canton, il semblerait qu'il soit aussi du genre à partager vos opinions.

Noé ne voyait toujours pas.

_ Dépêchez-vous !

En sortant un militaire invita Noé et Naïa à le suivre vers la base de Canton les guidant vers leur véhicule d'escorte.

A travers la vitre de la navette militaire les transportant vers la base de Canton, Noé apercevait la foule se dirigeant vers les entrées des abris anti-atomiques, situés sous la ville à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Plus de cinq cent mille personnes se trouvaient là à courir en tous sens, se piétinant les unes les autres. Les exercices d'évacuation étaient rôdés mais la réalité était tout autre.  De massifs mouvements que les militaires tentaient de résorber balançaient les habitants les uns contre les autres.

Au sol, situé près d'une des entrées de l'abri, le colonel Ozhane beuglait des ordres à ses troupes, tentant de se faire entendre à travers le vacarme des cris et des bousculades.

_ Faites resserrer les files ! Maintenez les barrières ! Il nous faut absolument compter le nombre de personnes qui entrent ! Le bouclier tient toujours, nous avons encore du temps !

Des barrières en titane étaient sorties du sol lors de l'alerte et le vaste terrain bétonné précédant l'entrée de l’abri était devenu un véritable parc à bestiaux dans lequel les habitants faisaient tout de qu'ils pouvaient pour parvenir le plus vite possible en sûreté. Des policiers se tenaient dans les interstices entre les barrières afin de diriger la foule et contenir les personnes passant par-dessus.

Un nouveau missile de biod frappa le bouclier le faisant vibrer. Un énorme mouvement de foule s'en suivit poussant les gens vers les portes, écrasés les uns contre les autres. Certains  montaient sur les barrières pour se protéger près de la sécurité civile, d'autres criaient à la fin du monde.

Un des policiers fut jeté par-dessus les barrières dans la foule par des civils en proie à la terreur, ceux-ci tentant de passer plus vite via les couloirs dédiés aux forces de l'ordre. L'agent de police tenta de se relever mais fut de nouveau bousculé tombant à la renverse, se faisant écraser. Les gens couraient en tous sens mais il ne pouvait en apercevoir que les pieds. Il se sentit lentement mais durement poussé par la foule qui le ruait de coups sans s'en apercevoir. Durant une seconde à terre, il crut apercevoir un enfant non loin de lui, criant et pleurant. Le gamin se faisait lui aussi bousculer. Il tenta un instant de se lever mais en posant une main au sol il se fit piétiner les doigts.

Le policier se retourna dans le sens du mouvement et poussa sur ses pieds se laissant entraîner sur quelques mètres lui permettant de se relever. Puis il entreprit en joignant ses bras devant lui de rejoindre le petit qu'il n'entendait plus à présent. La foule continuait de crier tandis que de nouveaux missiles atteignaient le bouclier. Il savait que ce n'était pas dangereux, que le bouclier tiendrait aisément mais les civils étaient pris de panique.

Il crut de nouveau entendre l'enfant et se jeta dans sa direction, le mouvement de personnes ralentissant sa progression. Une fois arrivé là où il devait être, il se rendit compte que le petit était à présent écrasé contre une barrière. Les gens le comprimant sans s'en rendre compte. Le policier commença à s'énerver, finissant par ne plus comprendre ce qui se passait.

Dans la foule quelqu'un cria qu'un missile était passé au travers du bouclier et un instant l'agent de la sécurité fut pris de panique ne pensant plus qu'à sa vie. Il se retourna pour regarder au dessus de la foule les portes de l'abri, constituées de deux lourds battants de fer. Le colonel Ozhane se trouvait toujours debout sur sa caisse en train de brailler ses ordres à ses subordonnés. Il ne pouvait s'engager dans la foule sans être irrémédiablement attiré vers l'entrée.

Le policier leva les yeux et crut un instant voir du liquide orange couler le long de la paroi du bouclier, faisant luire la place d'une étrange lueur proche de celle d'un coucher de soleil. Il se tourna de nouveau vers l'enfant qui à présent saignait de multiples meurtrissures au visage, se tenant les côtes et pleurant. Il se lança à nouveau dans sa direction, se frayant un passage plus durement à travers la foule. Au final il en venait à devoir donner des coups de coudes autour de lui pour avancer.

Il atteint finalement gamin et mit ses bras autour de lui pour le protéger de la foule le temps de reprendre des forces.

Le mouvement s'intensifiait et les cris s'amplifiaient. Le bouclier brillait toujours d'une lueur orangée. Non, aucun missile n'était passé au travers. Il regarda le petit qui devait à peine avoir huit ans et le prit par les aisselles pour le hisser de l'autre côté des barrières. Alors qu'il le tenait à bout de bras, il lui sembla que quelqu'un l'interpellait. Il se retourna et fit face à un homme qui lui brailla au visage que c'était son fils. Durant un instant le policier réfléchit de la conduite à tenir, mais ce fut un instant de trop. Il entrevit le poing fermé de l'homme venir lui percuter le visage. Sa tête partit en arrière et sentit qu'on lui prenait quelque chose des mains avant de retomber par terre.

Il releva la tête, se protégeant le visage de sa main et cherchant le père du regard qui était déjà parti. Il tourna la tête et pris un coup de pied dans le bas ventre lui expulsant tout l'air de ses poumons. D'autres personnes affluaient le pressant contre les barrières, il n'arrivait plus à reprendre son souffle et s'évanouit finalement, le visage écrasé contre les rambardes. Une seconde avant de sombrer dans les vapes il lui sembla apercevoir une femme plus loin, couchée sur le sol, se faisant écraser par la foule, elle avait cessé de lutter pour se laisser emporter au milieu des autres corps sans vie balayés par la vague humaine[1].

La navette conduisant Naïa et Noé passa un immeuble et celui-ci se rendit compte que des milliers d'autres personnes affluaient dans les rues pendant que certains cassaient et pillaient des magasins. Des feux avaient pris çà et là que les pompiers tentaient d'éteindre malgré l'hystérie.

Il se renfonça dans son siège, préférant n'en voir plus, jetant un œil à Naïa en face de lui toute aussi consternée. Dans le feu de l'action il n'avait pu revoir Angie et demander des nouvelles de son fiancé Dwaïn. Après tout, ils les avaient aidés à quitter la base du Groenland alors qu’ils étaient prisonniers de Naem et Noé n’avait pu les remercier comme il l’aurait voulu. Il essaierait à la base militaire de Canton qu'ils apercevaient maintenant à la limite de la ville, près de la paroi du bouclier. Des passages souterrains permettaient en période de siège de pouvoir quitter la ville pour des opérations spéciales. Pour se rendre à Sandoping ils en auraient probablement besoin et si les forces de la Confédération les avaient investis, ce ne serait sûrement pas une balade de santé.

La radio du pilote ne cessait de crachoter des ordres et des comptes rendus militaires plutôt préoccupants. Celui-ci pressa un bouton le temps de prévenir de leur arrivée et le relâcha, restant en survol le temps d'obtenir l'autorisation d'atterrissage. Au loin, Noé apercevait les blindés de la CITL et les camions militaires affluer. L'Eurasie était une nation basée sur la défense des villes et ç'avait dû être un jeu d'enfant pour l'ennemi d'arriver jusqu'ici à travers les campagnes uniquement peuplées d'agriculteurs et fermiers.

Ce pays avait perdu la majorité de sa flotte maritime au cours de la dernière guerre et les fantassins étaient essentiellement présents en villes pour la défense, le bouclier jouant le rôle principal. C'était la plus grande faille de l'Eurasie : un débarquement massif et il semblait qu'Oïc avait fait vite, très vite. Il avait dû perdre énormément de troupes avant de passer les tourelles défensives mais une fois à l'intérieur des terres, seuls les canons EMP étaient une menace et uniquement pour les troupes aéroportées.

Noé réfléchissait à ce que l’Eurasie allait endurer. A son humble avis, le défaut d'une stratégie de défense était essentiellement de perdre la notion d'attaque et en l'occurrence, la leçon à en tirer serait dure.

La navette se posa finalement après le départ d'un vaisseau de secours. Ses réacteurs pivotèrent vers le sol et ralentirent sa descente. Noé, Naïa et le pilote, le sergent Davis, en sortirent et se dirigèrent d'un pas rapide vers le hall d'entrée, croisant au passage une troupe de militaires qui partaient prendre place dans leur véhicule. Le commandement utilisait décidément toutes les ressources à disposition.

Naïa leva la tête, la paroi magnétique du bouclier ne se trouvait à présent qu'à quelques centaines de mètres d'eux et le biod coulait allègrement vers le sol. Elle crut un instant apercevoir des formes diffuses derrière le rideau liquide se mouvoir rapidement. Mais la vue lui fut cachée par le bâtiment où ils se rendaient, qui devait faire la superficie d'une vingtaine de terrains de football.

Ils pénétrèrent dans le hall où des militaires aux couleurs eurasiatiques s'affairaient en tous sens. Un homme de forte carrure attendait de dos à gauche de l'entrée. Il semblait parler vivement à une femme de l'accueil. En s'approchant Noé cru reconnaître son camarade Immons. Celui-ci se retourna en entendant Naïa parler au militaire les accompagnants. Il sourit lorsqu'il vit Noé et s'approcha :

_ Ah ! Tu fais bien de venir, elle commence à me gonfler gentiment la standardiste – la femme se renfrogna à ces mots, se considérant sûrement comme plus qu'une standardiste – je dois rendre visite à un ami commun et elle ne veut pas me laisser téléphoner au général Onara pour lui demander l'autorisation. Sinon, toi tout va bien, à part…

Il eut un mouvement évasif suggérant l'attaque de l'Eurasie. C'était un homme sacrément bien bâti, aux épaules plutôt intimidantes et même si la taille de ses muscles pouvait parfois faire penser qu'il était obèse, il n'en était rien… Immons était le fils d'un père noir et d'une mère égyptienne, lui cédant des trais marqués et une couleur métissée.

_ C'est pas la joie. Quant au général Onara il est porté disparu depuis moins d'une heure. Qui veux-tu visiter ?

_ Un vieil ami, j'ai appris qu'il avait ses quartiers ici.

L'officier accompagnant Naïa et Noé s'avança vers la standardiste, lui tendit un papier et lui dit quelques mots concernant le statut officiel des agents du CRIJ. Celle-ci se leva et parti dans une autre pièce.

_ Comment as-tu fais pour quitter Aïo et te rendre ici ? demanda Noé.

Il sembla qu'une ombre venait de passer sur le visage d'Immons.

_ J'en ai appris un peu sur la mort d'Elena, juste assez pour savoir qu'Oïc est dans le coup. Pourquoi, je ne sais toujours pas mais j'ai bien l'intention d'en apprendre plus. Je suis donc allé voir Ethan au moment même où les sbires d'Oïc s'emparaient d'Aïo, ils avaient tout prévu et se connaissaient déjà tous entre eux.

La standardiste revint et leur demanda de suivre un officier qui venait d'arriver. Ils s'engagèrent dans un long et large couloir rempli de militaires affairés.

_ L'amiral Ethan a donc ordonné l'évacuation d'Aïo, sachant pertinemment que seuls ceux qui sont de notre côté partiraient. Nous nous sommes donc enfuis de la station il y a maintenant dix heures avec tous les intercepteurs possibles en endommageant les autres au passage.

L'officier les accompagnants s'arrêta devant l'ascenseur qui s'ouvrit quelques instants plus tard.

_ Ainsi nous sommes partis vers la Lune au Site A et certains d'entre nous on ensuite été chargés de protéger le site B. Ethan m'a permis de rallier l'Eurasie lorsqu'il a vu à la télévision que vous vous étiez faits prendre ici. Il fallait vous mettre au courant et je crois que votre idée d'aider l'Eurasie ne l'a pas beaucoup étonné. J'ai donc pris un des rares intercepteurs de classe 2 pour passer sans encombre et me suis présenté ici ce matin. Le temps de faire comprendre aux gradés que j'étais de leur côté et de leur faire part des informations transmises par Ethan, l'attaque était bien avancée.

L'ascenseur s'ouvrit sur un bureau où l'on vérifia leurs identités, le soudain changement de statut pour Noé et Naïa semblait poser problème.

_ Ne cherchez pas à appeler votre supérieur, intervint Noé, joignez plutôt l'Amiral Ivanov, il a la charge des forces armées à présent. Demandez lui, mais laissez nous passer en attendant, nous n'avons pas de temps à perdre.

Le soldat regarda son officier à ses côtés. Celui-ci leur fit signe de passer mais leur tint un discours au ton rude :

_ Je vais joindre l'état major à votre sujet. Tant que je n'ai pas de réponse de leur part ou si la réponse est négative, vous resterez sur place. Et croyez moi, avec le conflit qui approche, je ne pense pas que l'on vous bichonnera.

La grille s'ouvrit et l'officier qui les accompagnait reprit l'ascenseur pendant qu'un autre soldat les guidait à travers les galeries de cellules.

_ Vous avez donc le contrôle du Site Alpha et Bêta, qu'en est-il vraiment d'Aïo ? Quel est son statut ?

_ En fait je n'ai pas tout dit aux gradés de l'Eurasie, le général Ethan souhaitant en garder sous le pied au cas où. Quoiqu'il en soit il reste une vingtaine de Cargos et à peine plus d'une dizaine d'intercepteurs en état sur la station, nous en avons pris plus d'une centaine, ce qui nous permet d'empêcher Aïo d'atteindre l'Eurasie ou d'envoyer des renforts. Ethan souhaite conserver sa position sur le Site Alpha. Pour ce qui est des croiseurs, nous en avons pris un plus celui de fonction sur le Site Alpha, il en reste quatre sur Aïo, mais je crois que l'un d'eux est sérieusement endommagé.

Noé répétait en vérifiant qu'il avait bien tout compris.

_ Ethan protège le site B et empêche Aïo d'atteindre l'Eurasie. Il a également pris des dispositions pour contacter l'état major de cette nation. Qu'a-t-il en tête ?

_ Je suppose qu'il attend de voir ce qui va se passer pour l'instant, à chaque heure qui passe nous nous renforçons grâce aux intercepteurs de retour de patrouille sur Terre ou en orbite. Donc pour ce qui est de la stratégie spatiale, c'est le statu quo. Cela nous permet de nous concentrer uniquement sur ce qui se passe ici, l'Eurasie et la CITL.

Ils parvinrent à une porte blindée où le soldat s'identifia par la rétine et le doigt sur le biomètre. Il sorti un mouchoir pour enlever la goutte de sang qui perlait de son doigt après la ponction validant son ADN.

_ Je ne pense pas qu'il faille oublier le Nouveau Monde et l'Afrique aussi. Pour ce conflit, soit l'Eurasie sort vainqueur après avoir détruit la CITL et le Nouveau Monde, soit c'est l'inverse. Il n'y aura en aucun cas de demi-mesure.

Il se tourna vers Naïa qui ne semblait écouter que d'une oreille. Elle ne réagit pas à son coup d'œil, mais pris la parole :

_ Que faisons-nous ici ? Qui viens-tu y voir Immons ? Je ne connais qu'une seule personne ici et…

_ Exactement, en fait j'ai obtenu certaines informations lorsque je me renseignais sur la mort de ma femme et l'Amiral Ethan a souhaité en faire cadeau à l'Eurasie, cela nous permettra peut-être de retourner un de leurs pions.

La porte blindée s'ouvrit sur un couloir moins long, comportant une dizaine de cellules uniquement. Le garde ouvrit une porte à mi chemin sur leur gauche. La cellule était séparée en deux par une vitre. Assis derrière se trouvait le Colonel Naem.

En les voyant entrer il se leva et prit une posture plus raide, une main dans le dos. L'honneur du prisonnier fit sourire Naïa. Le colonel paraissait heureux d'une telle visite, il lui semblait que si d'importants personnages pour l'Eurasie avaient le droit de circuler librement et de le visiter, sa valeur venait d'augmenter et qu'il pourrait alors négocier pour obtenir des faveurs. Il prit un air plus dur, se redonna une contenance et tourna les talons vers son lit.

_ Que me vaut ce plaisir ? commença-t-il sur un ton méprisant.

Noé regardait Immons qui semblait jubiler, une lueur au fond des yeux.

_ Vous voulez sûrement des nouvelles de votre fiancée ?!

Naem ouvrit de grands yeux.

_ On me l'a déjà faite, elle est dans les cachots de …

_ Non, malheureusement elle n'y est plus.

Immons se tu. La suite était logique, Oria avait été exécutée. Noé ne comprenait pas Immons, que s'était-il passé pour qu'il devienne si froid, si calculateur dans ses actions ? La mort de sa femme l'avait énormément affecté mais il avait dû en apprendre plus que ce à quoi il s'attendait. Noé n'avait pas vraiment eu le temps de connaître Elena, au CRIJ les agents étaient difficilement proches les uns des autres et il n'avait connu Immons qu'un an auparavant, lorsqu'ils avaient effectué une mission ensemble. L'homme était plutôt calme et réfléchi même s'il était capable de briser le cou d'un adversaire à mains nues.

Naem s'assit, au fond de ses yeux se mêlaient consternation et incompréhension.

_ Pourquoi venez-vous m'apprendre cela ?

_ Ne prenez pas cela pour du sadisme, je voulais simplement vous faire part des nouvelles de la CITL vous concernant. Oria s'est rebellée au dernier moment pour ne pas tirer le biod sur l'Eurasie en vous sachant ici. Elle a été exécutée pour ça, je ne pense donc pas que vous soyez le bienvenu en CITL.

Immons s'arrêta et interrogea Naem du regard, celui-ci ne répondit pas, attendant la suite.

_ Je ne vous cacherais pas que j'ai besoin d'informations sur la mort de ma femme Elena, sur la raison pour laquelle Oïc a daigné la faire tuer. Au vu des mouvements de troupes et avec les informations de l'Eurasie, nous sommes persuadés qu'Oïc va concentrer son attaque sur Sandoping, sur le barrage qui alimente toutes nos défenses. Pourquoi je viens vous voir ? Parce que j'ai besoin de rencontrer Oïc et d'en savoir plus.

Il fit une pause pour donner du poids à ce qu'il ajouta :

_ J'ai besoin de vous pour le rencontrer.

Naem esquissa un sourire sachant que sa côte grimpait en flèche.

_ Vous devez m'accompagner à Sandoping où se rendra sûrement Oïc, la ville étant le point d'orgue de la défense de ce pays…

Noé ouvrit les yeux en grand se demandant comment Immons comptait s'y prendre.

_ Soit vous m'y accompagnez soit on vous torture à mort sur place pour que j'obtienne les informations m'aidant à trouver Oïc.

Immons avait prononcé ces mots sans emphase, comme un fait anodin et sans importance. Il était clair aux yeux de Naïa et Noé que ce n'étaient pas des paroles en l'air et que cela ne poserait aucun problème. Naem semblait avoir comprit le choix qu'on lui imposait et réfléchi quelques temps.

_ Qu'est ce que j'y gagne en échange ?

_ Rien.

Noé prit la parole :

_ Tu y gagnes tout. Depuis que l'on t'a appris l'exécution d'Oria, depuis que tu sais ton retour impossible en CITL, tu sais que cette incarcération est une perte de temps. Je te connais Naem, tu as de l'honneur mais si le vent tourne, tu changes de bord. Maintenant que tu ne fais plus partie d'un des camps en jeu, ta présence dans cette cellule ne t'apportera rien d'autre que la mort à long terme et ce pour des idées que tu ne partages pas ou plus. Quelle valeur a l'honneur d'une nation qui t'a repoussé ?

_ Mais si je sors, que je vous aide à rencontrer Oïc, même si je ne suis pas bien sûr de pouvoir y arriver… que se passera-t-il pour moi après ?

Noé tiqua à cette réponse, Naem n'avait pas demandé de preuves et connaissait avant l'incarcération d'Oria en CITL. Quelqu'un l'avait déjà mis au courant. Une personne cherchant sûrement à obtenir des informations ou de l'aide ? Il nota l'information comme à prendre en compte pour la suite.

_ Nous n'y sommes pas encore, on ne peut rien te promettre, reprit-il. J'ai perdu Eisen par ta faute alors ne me crois pas trop enclin à te laisser filer après. Tu reviendras probablement ici si tu ne te fais pas tuer là-bas. Tu auras au moins pris l'air.

Naem ne cilla pas. Il semblait chercher ce qu'il pouvait gagner à cette sortie. Noé savait qu'il serait régulier et qu'il ne chercherait pas à leur fausser compagnie dès qu'il le pourrait. Immons n'avait pas mentionné un fait volontairement. Tous savaient que Naem voulait aussi revoir Oïc et lui faire passer un sale quart d'heure pour la mort d'Oria.

_ Comment comptez vous me faire sortir d'ici et de la ville ?



[1] NDA : Merci Impé pour cette formulation sadique.

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