Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

Orbite terrestre

_ Veuillez décliner votre identité, fit une voix autoritaire.

_ Major Naïa Dinnings, matricule 16A901.

_ Quelles sont les raisons de votre venue Major ?

_  Je suis ici pour négocier avec le Commander en charge de la station.

_ Veuillez patienter s’il vous plaît.

C'était maintenant que tout se jouait. La nouvelle transmise par le Colonel Vasari en poste à Sandoping n'avait tardé à faire le tour de l'état major : il avait appris de source sûre la mort de l'Amiral Oïc. Même si l'information était compartimentée afin de conserver un coup d'avance sur Akdov, dans l'espace il en était tout autre : Aïo était sous les ordres d'un homme disparu, il était donc possible de prendre de vitesse sa hiérarchie actuelle.

_ Quelle sont les termes de la négociation ? reprit la voix autoritaire.

_ La reddition de la station spatiale, répondit Naïa avec une grimace espérant que cela fonctionne.

Effectivement elle entendit un rire avant que son interlocuteur ne commute son micro. Le Storm était un appât bien juteux pour quiconque commandait la station, en tant qu'intercepteur de classe 2 il augmenterait la puissance de feu d'Aïo, tout en diminuant celle de la flotte d'Ethan en ayant perdu possession. Quelques secondes plus tard la communication reprit :

_ Veuillez passer votre vaisseau en mode esclave, ordonna la voix d'un air peu convaincu.

Naïa sourit : c'était gagné. Elle attendit quelques secondes, simulant une indécision puis activa finalement le pilote automatique du Storm et léga ses contrôles à la station spatiale. Immédiatement les fonctions d'armement et de communication furent désactivées à distance par l'opérateur puis l'intercepteur reprit de l'allure. Tandis qu'elle parcourait la dernière centaine de kilomètres la séparant de la station, les pensées de Naïa revinrent vers Noé qui était apparemment porté disparu à Sandoping. Si le reste de sa mission se passait correctement, elle filerait avec le Storm vers la ville en question et rechercherait elle même son coéquipier.

En y réfléchissant elle n'avait pas non plus de nouvelles d'Immons, ni de Tetsuo qui ne répondaient pas à ses appels. Elle avait beau avoir vue sur toute la planète Terre, elle n'arrivait pas à savoir ce qui s'y passait exactement. A sa grande irritation elle ne pouvait concilier détails et recul sur l'ensemble de la situation.

Les épontes de la station spatiale ainsi que les hommes présents sur les quais d'envol se firent visibles à mesure qu'elle approchait. Le comité de réception constitué d'une cinquantaine de soldats la motiva d'autant plus : il lui tardait de clore cette mission et de reprendre un semblant de contrôle sur les évènements au sol. Le Storm passa le champ magnétique contenant l'atmosphère intérieure de la station puis fut piloté, toujours à distance, pour atterrir au milieu du hangar où se trouvaient d'autres vaisseaux en réparation.

La trappe sur le flanc arrière gauche du Storm s'ouvrit et Naïa s'en approchant entendit distinctement un ton autoritaire s'adresser à elle :

_ Sortez les mains en évidence ! Pas de geste brusque !

Elle passa un pied dehors comme on le lui demandait, l'air détendu, les mains légèrement détachées de ses hanches. La garnison au complet la mit en joue tandis qu'elle continuait une fois au sol d'avancer négligemment vers le Commander, debout en avant de ses troupes. Avec un grand sourire elle posa tranquillement une main sur son épaule et, après avoir subrepticement lu le nom du matricule cousu sur l'uniforme, entama :

_ Commander… Stiles, vous avez choisi la bonne option !

Celui-ci ouvrit la bouche d'un air interdit mais Naïa le prit de cours et continua :

_ En même temps vous n'aviez pas vraiment le choix.

Puis d'un regard aux troupes toujours sur le qui vive et d'un geste de la main elle l'entraîna à l'écart :

_ Faisons quelques pas, voulez vous ? Dans votre position la reddition de la station est effectivement la bonne option à prendre. La CITL se remet peu à peu du chamboulement provoqué par le coup d'état d'Oïc, car c'en est un on peut le dire, et même si actuellement le gouvernement est sens dessus dessous, il fallait bien faire bonne impression ici en orbite.

Ils s'étaient éloignés quelque peu mais Naïa conservait une certaine distance avec le Commander, restant visible des troupes armées afin de ne pas lever de soupçon quant à sa démarche. Il ne fallait pas qu'un malentendu vienne plomber la situation. A présent hors de portée d'oreille, elle réfléchit à la suite de la discussion, ayant simplement meublé le temps de s'écarter.

_ La reddition ? répondit le Commander Stiles. Mais nous ne nous sommes pas rendus…

_ Oui, en effet, confirma Naïa, selon les termes discutés avec l'Amiral Ethan…

Elle sortit un papier officiel de la poche haute de son blouson d'un mouvement ample évitant toute suspicion de danger et le tendit au Commander.

_ Selon ces termes donc, vous n'avez fait que subir le départ de la flotte avec l'Amiral Ethan sans avoir le temps de vous expliquer sur le malentendu. Ayant été occupé à réparer les vaisseaux endommagés dans leur fuite, vous n'avez pas eu la possibilité d'y réfléchir plus avant. Nous le comprenons, les apparences étaient trompeuses et vous n'avez fait qu'obéir aux ordres. Ceci dit, il est tout à fait possible de le tourner à votre avantage.

Ce disant elle aperçut derrière Stiles un opérateur qui sortait de la salle de contrôle, souriant intérieurement à la vue de ce mouvement attendu, elle continua tout en empêchant le Commander de le remarquer aussi.

_ L'Amiral Ethan suggérait que si vous ne me relâchiez pas suite à cette discussion, il vaporiserait la station sans sommation. Effectivement elle n'a pas vraiment de défense contre ce qu'il peut lui opposer et, même s'il préfèrerait conserver l'avant-poste en état, il recherche surtout à pouvoir détacher ses unités pour faire avancer la situation au sol.

Stiles eut un haussement de sourcil trahissant sa crainte. Mais Naïa ne lui laissa toujours pas le temps de parler, l'opérateur arrivant dans leur direction était très proche à présent :

_ Je lui ai bien sûr opposé à cette menace que vous étiez un homme de bon sens et qu'à la mort de l'Amiral Oïc vous prendriez sûrement la décision qui s'impose.

Le Commander eut pour le coup un sursaut puis un léger sourire d'assurance mais n'eut le temps de répondre que l'opérateur radar requérait son attention :

_ Commander, nous avons écho d'un mouvement massif de la flotte de l'Amiral Ethan. Leurs unités postées autour des deux satellites, les intercepteurs en couverture de la station ainsi que les vaisseaux précédemment appontés sur le Site A font mouvement vers notre position. Il y a tout lieu de croire qu'ils préparent une attaque.

Stiles n'avait quitté Naïa des yeux. Celle-ci conserva une expression neutre, ne souhaitant déclencher chez son interlocuteur de velléités de revanche à la vue d'un sourire narquois. Il signifia à l'opérateur de disposer puis toisa Naïa réfléchissant à la conduite à tenir. Un homme réfléchi, elle appréciait ce point : ils étaient plus faciles à prévoir et à manipuler.

_ L'Amiral Oïc est toujours aux commandes ici, rétorqua-t-il en revenant à leur discussion, je ne suis qu'en charge des lieux pendant son absence. Ce mouvement de troupes est…

Naïa prit pour le coup un air étonné et le coupa :

_ Comment ça vous n'êtes pas au courant ?! L'Amiral Oïc a été tué par le Général Akdov il y a plus de vingt heures. C'est une importante agression du Nouveau Monde qu'il va falloir sanctionner à juste valeur. Si vous acceptez les termes de réunification avec la flotte de l'Amiral Ethan, décrits sur ce document, ajouta-t-elle en désignant le papier dans les mains de Stiles, nous pourrons alors unir nos forces et contre attaquer les Pornevs.

Le Commander jeta un œil à ses croiseurs toujours appontés à l'extérieur de la station. Comme Naïa l'avait prévu il avait préféré les laisser à quai évitant que le Storm ne les endommage, ne pouvant connaître préalablement les tenants de cette visite. En conservant cette attitude relâchée afin d'éviter que la situation ne dégénère, le Commander avait lui même abaissé les défenses d'Aïo. Il serait beaucoup trop long d'en ordonner leur déploiement, la flotte de l'Amiral Ethan serait déjà arrivée. Naïa laissa ce temps au Commander pour évaluer la situation et enfonça le clou…

_ Tel que j'en ai entendu parler, la méfiance de l'Amiral Oïc l'a sûrement mené à vous dire qu'il était la seule personne de qui vous deviez prendre les ordres. Et, afin de parer à d'éventuelles désinformations, il avait aussi nécessairement convenu d'un message envoyé à votre attention selon une fréquence que vous seul devez connaître. Je pense que vous avez ainsi la preuve de sa mort, ou tout du moins de son incapacité à commander, depuis quelques heures. Ma venue ne fait que confirmer vos doutes.

…avant de porter le coup fatal :

_ C'est votre chance, Commander. Vous pouvez accepter cette offre, sauver les apparences en considérant que vous n'avez jamais eu la possibilité de revendiquer votre camp, vous rallier à la flotte de l'Amiral Ethan et suivre la politique d'Aïo, qui est de contrer les attaques aériennes sur une population innocente par des nations adversaires. Le gouvernement de la CILT saura réutiliser cette stratégie à bon compte dans l'optique de diriger les accusations d'agression de l'Eurasie sur une manœuvre de l'Amiral Oïc et de ses congénères… dont vous ne faisiez assurément pas partie.

Le Commander était acculé : la flotte de vaisseaux arrivant vers la station pour la détruire si la porte n'était pas grande ouverte, la mort d'Oïc et avec elle la perte d'excuse auprès de la CITL si on lui demandait des comptes sur les opérations militaires exécutées, mais aussi la possibilité de s'en sortir s'il acceptait l'accord en ces termes pour lui et tous ses hommes, tous ces éléments le mena à baisser les yeux vers le papier qu'il tenait toujours entre ses mains.

Il soupira de dépit, Naïa de soulagement.


Haut-Yangzi

La matinée débutait dans le massif montagneux du Haut-Yangzi, une belle journée s'annonçait avec un ciel assez dégagé quoique parsemé de petits nuages de haute altitude. Dans les cols traversant la chaîne escarpée, trois camions militaires blindés cheminaient bon train se suivant de près. Dans le véhicule de tête Tetsuo rageait : ils avaient maintenant trois heures de retard sur le plan original et, s'ils tardaient encore, les Pornevs arriveraient à destination avant eux, ne faisant qu'une bouchée de la défense eurasiatique du barrage.

Ils n'avaient pas rencontré d'autre problème après Jingzhou que la coupure nette de l'autoroute menant à Sandoping, une trentaine de kilomètres auparavant. Un viaduc avait en effet été détruit, fort probablement par la CITL lors de son incursion pour éviter l'acheminement de renforts eurasiatiques. Ils n'avaient alors eu d'autre choix que de faire demi-tour pour emprunter une sortie qui les obligeaient à passer à travers la montagne où les virages étaient serrés et parfois la largeur de la route à peine suffisante pour passer avec leurs camions.

Cela faisait maintenant une heure qu'ils longeaient depuis les hauteurs le fleuve Yangtze en contrebas dans la vallée et il leur restait une vingtaine de kilomètres à vol d'oiseau pour atteindre Sandoping. Un oiseau, Tetsuo aurait apprécié que leurs véhicules aient des ailes plutôt que de perdre leur temps sur une route sinueuse.

Alors qu'ils sortaient d'un tunnel, il aperçut un hélicoptère se dirigeant dans leur direction depuis l'est, sur leur flanc gauche. Voilà qui les occuperait sûrement pendant la fin de leur voyage.

_ Il ne manquait plus que ça, grommela-t-il.

Une minute plus tard, il pouvait le distinguer dans ses détails, survolant leur position en léger décalage au dessus de la vallée, les observant et jaugeant l'importance du convoi. C'était un hélicoptère de la CITL arrivant probablement de Sandoping et patrouillant le périmètre de la cité. Il n'avait pas l'air d'engager le combat pour le moment mais Tetsuo savait que cela ne saurait tarder. À présent que leur position était connue des troupes ennemies, il leur faudrait s'en débarrasser lorsqu'il engagerait les hostilités : plus ils retarderaient la confrontation, plus ils conserveraient le secret sur leur cargaison en évitant l'apparition de renforts.

Sur son PDA Tetsuo étudiait la carte routière des environs et remarqua une suite de trois tunnels, deux courts et un long plus loin, après lesquels ils n'auraient plus de couverture jusqu'à leur arrivée, quelque soit la route empruntée. Il demanda à son chauffeur de maintenir la plus vive allure afin d'empêcher leur adversaire d'entamer le combat. En effet il sembla quelques minutes plus tard que l'hélicoptère s'était rapproché et ils purent discerner du mouvement à l'arrière, près d'une mitrailleuse sur pied. L'unité offensive s'éloigna finalement quand ils pénétrèrent dans le premier tunnel.

En sortie ils aperçurent l'hélico se maintenir à quelques mètres au dessus du sol, leur barrant la route. D'un signe de la main Tetsuo signifia au chauffeur d'accélérer. L'ennemi ne tint pas et reprit de l'altitude dans une manœuvre d'évitement. Une centaine de mètres plus loin le second tunnel où l'hélicoptère tenta la même manœuvre, tenant plus longtemps mais reprenant son envol alors que le convoi ne décélérait pas, et n'ayant le temps de tirer.

Tetsuo pouvait apercevoir le dernier tunnel au loin, courbé et plus long d'environ un kilomètre, ce serait leur opportunité d'action à couvert. Mais leur adversaire avait perdu patience et commença à mitrailler dans leur direction, criblant de balles les trois camions. Le blindage tenait bon mais il arriverait un moment où un composant important serait irrémédiablement touché, risquant leur survie. Ainsi avançait le convoi sous feu nourri sans décélérer pour autant quand, à l'approche du tunnel, l'hélicoptère stoppa son tir continu et repartit vers l'avant.

Cette fois-ci il se posa en travers la route, de l'autre côté de l'écran rocheux, la baie de côté ouverte sur la mitrailleuse équipée faisant face à la sortie du tunnel. Cinq hommes en sortirent et se postèrent de part et d'autres, dont un avec un lance-roquettes. Le convoi ne devait plus tarder et l'unité de la CITL était fin prête à l'accueillir. Il serait difficile aux blindés de résister à une telle puissance de feu frontale ou encore de percuter l'hélicoptère et s'en sortir sans dommages. Le bruit du rotor couvrait tout son provenant du tunnel d'où aucun camion ne sortait pour le moment et il leur était impossible d'apercevoir l'entrée, la route suivant une courbe de la montagne. L'air soufflé par les pales en mouvement obligeait les soldats de la CITL à se camper solidement sur leurs jambes, scrutant l'obscurité, attendant patiemment leur proie qui tardait.

Les militaires aperçurent alors brièvement un éclat dans le noir du tunnel avant que l'hélicoptère n'explose brusquement de toutes parts dans un souffle qui les balaya dans le vide ou les écrasa contre la paroi montagneuse. Quelques secondes plus tard le convoi de blindés sortit à toute allure, passant à travers les flammes, bousculant au passage les résidus carbonisés de carcasse d'hélicoptère.

Maintenant les hostilités étaient engagées et l'ennemi ne tarderait pas à envoyer des unités en renfort pour découvrir l'origine de la perte de l'unité aéroportée. Alors ils comprendraient que le convoi avait une importance toute particulière et qu'il transportait vraisemblablement de l'armement lourd.

De l'extérieur, rien ne permettait à leurs adversaires de supposer la présence d'une menace, repliée dans le camion. Tetsuo avait ordonné à Emmerson de s'équiper de l'exosquelette à l'intérieur de la remorque qu'ils avaient ouverte. Couché dans son transport, son coéquipier avait tiré un projectile anti-blindé, sur leur adversaire bien plus léger. Puis ils avaient rapidement repris leur route, Emmerson toujours équipé en prévision de nouvelle menace.

Tetsuo jeta un œil à la carte, il leur restait une dizaine de kilomètres à parcourir avant un embranchement où ils suivraient une route vers le point de contrôle désigné à Sandoping. L'autre voie menait sur une route à crête de montagne avant de redescendre de l'autre côté de la ville, mais les rallongeait dangereusement. En relevant la tête, un scintillement sur sa gauche le fit tiquer. Il regardait le ciel dégagé mais plus particulièrement un petit nuage de très haute altitude. Celui-ci sembla frémir, se brouiller puis perdre en netteté. Ce n'était qu'un détail mais il se munit tout de même de ses lunettes infrarouges. Il mit du temps à faire le point en pleine lumière, réduisant l'obturateur de luminosité.

Il sursauta, suffoqué : tandis qu'ils cheminaient le long du flanc escarpé de la montagne, à quelques kilomètres au sud-est, croisaient quatre Pornevs dont un s'était rapproché de leur position depuis la destruction de l'hélicoptère. Il fit part de sa découverte à ses coéquipiers, Nuñez et Emmerson, dans les blindés suivants, tandis qu'il constatait que trois des vaisseaux ennemis continuaient vers Sandoping. Se remettant de sa stupeur il conseilla à Nuñez d'imiter Emmerson en passant à l'arrière du véhicule pour s'équiper de l'exosquelette en vue d'une probable confrontation.

Les Pornevs restaient occultés, conservant leur arrivée secrète, évitant que le convoi ne prévienne la ville de leur imminente présence. Néanmoins les agents de l'Eurasie avaient un avantage : ils les avaient repérés tandis que les unités du Nouveau-Monde se croyaient encore dissimulées. Tetsuo restait à l'avant de son camion, scrutant la carte routière et surveillant les mouvements du vaisseau très proche à présent. Ils pourraient sûrement abîmer sérieusement le Pornev avec deux XO mais ne pourraient le détruire s'il levait son bouclier prématurément. Il leur fallait donc le prendre de court et asséner rapidement un coup fatal. Le point de contrôle qu'ils avaient comme objectif était encore à quelques kilomètres devant eux, plus bas dans la vallée de Sandoping, mais d'ici là ils seraient sûrement décimés par les nevs.

Arriva alors l'embranchement que Tetsuo avait remarqué auparavant quand son chauffeur eut un grognement qu'il attribua à une question simple : quelle route prendre ? A gauche, la courte et sinueuse vers la vallée et le point de contrôle, ou à droite la longue et rectiligne voie sur la crête montagneuse et…

_ Prenez à droite, pied au plancher ! répondit-il soudainement.

Le chauffeur haussa les sourcils, ce qui se trouvait être la plus humaine des expressions dont il avait fait preuve au cours des neuf heures de voyage.

_ C'est une ligne droite qui parcourt la crête au dessus de Sandoping, expliqua Tetsuo. Faites moi confiance, vous n'avez peut-être pas la visibilité, mais c'est une trajectoire rectiligne. Foncez !

Quelques secondes plus tard le convoi arriva à l'embranchement et prit effectivement la longue côte  contournant la ville au nord par la crête, s'éloignant en accélérant du Pornev qui leur collait au train. Dans leur dos, celui-ci vira légèrement pour les poursuivre. Tetsuo soupira, ce serait tendu.

_ Emmerson, Nuñez, préparez vous à tirer sur mon ordre selon un angle d'environ trente degrés à six heures de notre azimut, communiqua Tetsuo dans sa radio.

Les toits des camions suivants coulissèrent légèrement, offrant une petite fenêtre dégagée tandis que les XO pointaient leurs fusils vers le ciel depuis l'intérieur du transport, invisibles de l'extérieur. Le convoi arrivait au sommet de la pente lorsque Tetsuo remarqua à travers ses lunettes infrarouges que le Pornev qui les suivaient occulté ouvrait sa soute arrière pour libérer son essaim de nevs. Alors qu'ils gagnaient le plat de la crête, il lui fut possible de voir Sandoping dans son intégralité sur sa gauche.

Au loin, sur la rive sud du Yangtze les quartiers de la ville aux mains de la CITL, puis plus vers leur position le barrage et le générateur du bouclier inactif, sur un îlot séparé de l'autre rive par une gigantesque écluse de plusieurs centaines de mètres de longueur. Sous leur position, la ville défendue par leurs forces terrestres et les batteries anti-aériennes restantes.

Voilà ce sur quoi Tetsuo comptait. Pour le moment elles ne pouvaient déceler les Pornevs, qui restaient invisibles, drapés de leur camouflage optique.

_ Feu ! ordonna-t-il à la radio.

Plusieurs tirs de projectiles d'uranium partirent du convoi vers le Pornev qui ne tarderait pas à libérer ses premières nevs. L'impact des balles endommagea sur de larges portions les parois mimétiques, révélant le flanc nu de l'appareil survolant la crète. Les canons plus bas dans la vallée s'activèrent et tirèrent à leur tour vers la cible à présent clairement visible par endroits. Accusant multiples blessures, le Pornev sembla ralentir et descendre, puis coupa son camouflage probablement pour dériver son énergie sur son bouclier magnétique. Alors que des nevs sortaient déjà de sa poche ventrale, l'appareil vivement blessé n'eut le temps d'activer ses défenses et perdit de l'altitude avant d'exploser à l'impact sur le versant de la montagne. Tetsuo scrutait le nuage de fumée et de feu en résultant, satisfait d'avoir réussi à prendre de cours le vaisseau. Celui-ci ne pensait sûrement pas pouvoir être défait de la sorte, n'ayant connaissance de l'armement présent dans les camions.

Ils filaient toujours à vive allure et atteignirent rapidement la fin du col avant de commencer à redescendre dans la vallée, à l'abri des autres Pornevs qui s'étaient regroupés du côté CITL de la ville se gardant d'approcher les batteries anti-aériennes. Il reportait son attention sur leur destination quand il entendit une brusque explosion à l'arrière et aperçut dans son rétroviseur le second camion partant en vrille sur le bord de la route. Le troisième évita de justesse l'épave qui se coucha sur la berne tandis qu'Emmerson, à l'intérieur, détruisait au passage la nev responsable de l'accident.

Ne pas s'arrêter si près du but.

Le camion de Nuñez devait être considéré comme perdu, au pire elle rejoindrait la ville par la suite si elle s'en sortait. Une deuxième nev ayant échappé à la destruction de son vaisseau mère passa en rase-motte au dessus de sa proie blessée, gisant sur le flanc, tandis que les deux autres camions s'éloignaient. Une salve de balles l'accueilli, probablement des mini canons de Nuñez, mais ne l'atteignit pas suffisamment. La nev contre-attaqua dans le même temps et acheva le camion sans défense d'un tir fatal. Dans une manœuvre d'évitement du nuage de fumée, la nev victorieuse survola un bref instant la ville d'où les canons au sol, toujours pointés dans leur direction, ne manquèrent pas leur tir et décimèrent l'unité volante en plein vol.

Le panache de fumée provenant de la position du camion de Nuñez fut masqué par les rochers environnant, alors que les deux unités eurasiatiques restantes cheminaient vers la base du sommet montagneux.

Une dizaine de minutes plus tard les camions de Tetsuo et Emmerson atteignirent le second point de contrôle, non loin des abris souterrains récemment victimes de l'horrible attentat commis par leur adversaire. Tandis qu'ils approchaient de la ville, Tetsuo regarda vers la cime du mont environnant, recherchant un mouvement trahissant l'éventuelle survie de Nuñez. Mais déjà l'immense ouverture écroulée des abris anti atomiques lui cacha la vue et il ne put s'empêcher de serrer les dents en se remémorant l'événement qui y avait pris place. Un amas considérable de roches avait bouché l'entrée dans l'effondrement des niveaux souterrains dû à la secousse, prévenant l'expansion du souffle nucléaire à la surface. Regardant le barrage au loin, il se promit de faire son maximum pour repousser l'armée responsable d'un tel acte.

Les camions entraient dans la cité à proprement parler et se dirigèrent vers des hangars les attendant pour recevoir les deux exosquelettes rescapés du voyage. De l'autre côté du Yangtze, d'autre part du barrage, les Pornevs avaient atterri et préparaient certainement l'offensive qui ne tarderait plus à présent.


Sandoping

Une demi-heure plus tard, Tetsuo et Emmerson se tenaient autour d'une table sur laquelle étaient étalées les cartes de la ville, de l'autre côté se trouvait le Colonel Enzo Vasari, chef des troupes défendant Sandoping. Ils se trouvaient dans une pièce à l'écart afin de discuter de l'utilisation des XO qu'ils comptaient tenir au maximum secrets avant leur emploi. Seuls les militaires ayant aidé à la réception lors de leur arrivée savaient de quoi il retournait. Quand bien même ils étaient eux aussi maintenus dans le secret et à ce titre privés contact avec leurs condisciples.

_ Fini le temps des atlas stratégiques en 3D ? ironisa Tetsuo en observant la carte de papier.

Vasari haussa les sourcils, ne connaissant que trop peu son interlocuteur pour savoir s'il se moquait ou non de lui. Il choisit de répondre simplement :

_ L'explosion dans les souterrains a fusillé les ordinateurs en fonction. Nos architectes réseau travaillent d'arrache pied à remettre le tout en service, utilisant les pièces trouvées dans les magasins fermés de la ville. Moins on utilise ces ressources, mieux ce sera.

_ Vous auriez aussi pu nous demander d'approvisionner certains composants lors de notre venue, suggéra Tetsuo. Cela aurait pu rendre possible un assaut électronique sur les Pornevs…

_ Nous faisons tout pour prouver à l'ennemi sur l'autre rive que nous sommes toujours opérationnels à cent pour cent. La perte du camion avec le lieutenant Nuñez aurait alors appris à l'ennemi lors d'une de leurs patrouilles que nous sommes en mal de matériel… ils auraient alors testé nos défenses sur ce plan et trouvé une faille.

Tetsuo opina du chef, réfléchissant aux implications liées à l'impossibilité d'attaquer les Pornevs autrement que de front et par la force brute.

_ A ce sujet, des nouvelles de Nuñez ? s'enquit Emmerson dissimulant mal un air soucieux.

_ Non, répondit Vasari, nous avons envoyé une unité de reconnaissance mais elle n'a pu s'éloigner de la ville : sur l'autre rive des snipers attendent précisément ce genre d'occasion pour s'exercer au tir longue distance. Et si nous envoyions une infanterie plus lourde, nous attirerions les soupçons sur l'importance du camion. Si Nuñez a pu s'en sortir, on la reverra bien assez tôt. Sinon, nous ne pouvons pour le moment détacher plus d'hommes à la récupération de l'exosquelette, si tant est qu'il soit en état.

Emmerson acquiesça, comprenant la situation. Vasari continua :

_ D'autre part sachez que je regrette la perte de Nuñez et de son XO. Si celui-ci a les capacités que vous avancez, fit-il en regardant Tetsuo, ils nous seront bien utiles. Nous n'avons plus que quatre cents hommes pour défendre Sandoping et un faible support informatique.

_ Et Noé ? Des nouvelles ? s'enquit Tetsuo bien que redoutant la réponse.

Vasari sembla se renfrogner à cette question.

_ Tout le monde semble vouloir le trouver mais personne ne met la main dessus, grogna-t-il. Je comprends que vous ayez des raisons de le voir, mais sachez que je ne peux perdre de temps à chercher un homme qui n'est que consultant à la défense ici. De plus, si nous remettons la main dessus, je compte bien lui passer un savon : nous avons dû modifier tous nos codes et revoir les affectations au cas où il serait passé à l'ennemi.

_ Non, Noé ne…

_ Non, vous n'en savez rien ! répliqua sèchement Vasari. Il m'a coûté du temps et je ne compte pas en perdre plus à sa recherche. L'attentat de Oïc ou Akdov dans les abris souterrains a remonté mes hommes à juste titre. Ils ne comprendraient pas que l'on recherche pour sa sécurité un transfuge quand on ne nous envoie pas de renforts pour venger leurs familles et compatriotes. D'ailleurs, si Noé est passé à l'ennemi, l'un d'entre eux est, lui, passé de notre côté.

_ L'informateur qui nous a avertis de la mort d'Oïc ? compris Tetsuo.

_ En effet, même si nous n'avons pas encore pu vérifier son identité il nous a fait part de certains détails vis à vis de l'organisation de nos adversaires qui semblent valides. Maintenant, il ne devait pas être là depuis longtemps ou assez gradé pour avoir accès à des informations plus importantes.

Puis désignant la carte :

_ En face ils sont plus d'un millier. Si nous n'avions pas détruit le pont routier en aval du barrage, ils ne seraient pas coincés avec la tranche de ce dernier comme unique voie vers le générateur et la prise de la ville. Voilà la seule chose qui fait la différence. Maintenant, avec l'arrivée des trois Pornevs, on risque de prendre très cher en défendant l'étroite voie qu'ils prendront pour nous attaquer.

_ Est-il possible de déplacer un canon anti-aérien ? suggéra Tetsuo.

_ Nous en avions déjà envisagé l'option afin de couvrir nos unités au sol. Les batteries qui n'ont pas été détruites par les tirs ennemis sont celles à flanc de montagne, en arrière de nos lignes, les mêmes qui ont descendu le Pornev à vos trousses. Mais les installations sont très imposantes et leur technologie trop spécifique pour nous permettre de réaliser cette action en moins d'un mois.

_ Quelles sont les options de l'adversaire ? s'enquit Tetsuo. Les coursives à l'intérieur du barrage ?

_ Nous avons soudé les deux premières portes blindées de leur côté et avons laissé des tourelles automatiques espacées dans les couloirs. Choisir cette solution serait vaine pour eux, la boucherie qui en résulterait jusqu'à épuisement des munitions les empêche d'opter pour. Ils peuvent attaquer via le lac du bassin de retenue, mais nous aurions le temps de détruire leurs navettes. Par les airs, ils ne peuvent trop s'approcher sans que nos batteries s'activent auquel cas les nevs tireront de loin. Au sol, il ne leur reste que le barrage.

_ Nous sommes vraiment bien protégés ! s'exclama Emmerson.

Vasari haussa les sourcils :

_ Bloqués vous voulez dire ! Ils ont stoppé leurs bombardement de biod, les vents portant les résidus vers leurs lignes et les dégâts de notre côté trop peu importants grâce à nos combinaisons anti-radiations. Mais nous ne pouvons pas sortir de notre planque, sans cette protection que vous vantez nous nous ferions massacrer. Nous sommes dans une cage fermée de l'intérieur, dont les issues sont gardées par l'ennemi.

_ La seule solution qu'il nous reste est de défendre les lieux jusqu'à l'arrivée de renforts, résuma Tetsuo. Quelles nouvelles des autres villes ?

Vasari pris une feuille à ses côtés, raturée et rectifiée en maints endroits, puis singea un inventaire :

_ Sur vingt Pornevs, quatre sur Sandoping, dont un détruit par vos soins. Pékin, Canton et Séoul en affrontent trois chacune quand Hong-Kong n'en a qu'un seul à gérer. Quant au triptyque Kuala-Lumpur, Hô-chi-Minh et Bangkok, ils ont affaire à six Pornevs qui terminent de prendre les villes.

_ Jakarta est déjà aux mains de la CITL, Kiev est indépendante et Delhi doit se protéger de toute opportunité qui serait prise par le Moyen-Orient, fit Tetsuo en hochant la tête. Toutes les villes pouvant nous envoyer du renfort sont aux prises avec le Nouveau-Monde, résuma-t-il d'un ton grave.

La politique de l'autruche eurasiatique, ou la mise à l'abri sous bouclier de toutes leurs villes, avait effectivement de graves conséquences, le pays ne pouvant déployer ses forces armées sans risquer une insurrection ennemie. Les laisser à l'extérieur aurait été tout aussi dangereux, ne pouvant envoyer de renforts ou rapatrier leurs troupes en cas de force majeure.

Vasari opinait du chef, ne se faisant toujours pas à l'idée que le Nouveau Monde gagnait la guerre. Il était en effet plus que probable que l'Eurasie ne pourrait se sortir vainqueur des combats, assiégée dans toutes ses places fortes.

_ Ils se sont divisés, entama Tetsuo, afin de prendre d'assaut toutes nos villes. Ils sont divisés et c'est là leur faiblesse. Si nous parvenons à repousser une attaque sur leurs Pornevs ici, ils devraient alors déployer de nouvelles unités pour de prendre le barrage. Sans cette source d'énergie, les villes prises ne seront acquises qu'après une très longue période de guérilla urbaine et resteront à la merci d'une contre-attaque de notre part… Je suis convaincu qu'ils considèrent encore le barrage comme point d'orgue pour leur avenir, leur déploiement étant ainsi fait surtout pour éviter que nous ne recevions des renforts.

_ Quand bien même, objecta Vasari, si nous les repoussons ici, ils enverront leur flotte complète et là nous ne pourrons certainement pas résister longtemps.

Des bruits de pas de course dans le couloir menant à leur pièce les ramenèrent à la réalité.

_ Quoiqu'il en soit nous devons résister le temps que la lance orbitale soit active, répondit Tetsuo tandis qu'un opérateur faisait irruption dans la pièce.

_ Du mouvement sur la rive sud ! haleta celui-ci. Ils se préparent à attaquer !

Tetsuo regarda Vasari dans les yeux et conclut :

_ La suite ne dépendra pas que de nous, Canton aura sûrement une lourde décision à prendre.

Vasari hocha la tête :

_ Allez-y, je vous rejoins dans quelques minutes près des XO.

Tetsuo et Emmerson prirent le chemin du hangar où étaient stationnés leurs camions tandis que le Colonel eurasiatique suivait son opérateur pour prendre connaissance des évènements et coordonner la défense.

Quelques minutes plus tard, Emmerson était installé dans son exosquelette, Tetsuo à ses côtés vérifiant les derniers réglages. Juché dans un siège vertical et sanglé des épaules à l'entrejambe, Emmerson tenait fermement les poignées de commande de son XO, testant les mouvements des bras de sa machine. Ceux-ci moulinaient dans les airs avec une fluidité assez surprenante s'il on en jugeait l'armature très dépouillée laissant apparaître les branchements pneumatiques et hydrauliques.

_ Si l'air comprimée rencontre trop de résistance, le circuit hydraulique prendra le relais, l'informait Tetsuo. Il y a aussi à la base de ta poignée droite deux déclencheurs à mémoire. Le premier est programmé pour la mise en joue de ton arme.

Tetsuo recula de quelques mètres et fit signe à Emmerson de tenter le coup. D'une légère pression sur le bouton en question, il commanda une manœuvre automatique de l'exosquelette qui attrapa lestement son fusil fixé en travers de son dos, avant de le ramener devant lui, à présent enserré de ses deux mains mécaniques, paré à tirer. L'arme en question devait faire deux mètres de long mais ne différait pas tant des canons postés sur socle de certains blindés. Les épaules dépourvues de tête de la machine étaient affublées de deux minis-canons rotatif de calibre simple, dédiés aux tirs de couverture ou de barrage. Ceux-ci s'activèrent eux aussi, se rehaussant légèrement et s'initialisant d'une rapide oscillation.

_ Oh, oh ! fit son pilote agréablement surpris.

_ Quand je te disais que sa maniabilité était bonne, sourit Tetsuo. Appuies sur le second déclencheur en faisant un mouvement, et l'unité l'enregistrera. Tu pourras alors rappeler le mouvement d'une courte pression par la suite.

_ Utile pour coordonner une action compliquée, fit Emmerson d'un air appréciateur.

Il commanda alors l'armure pour une vérification de l'arme, dégageant puis engageant le cran de sûreté, vérifiant la chambre et le relais aux projectiles d'uranium sous son siège.

La porte du hangar claqua et Tetsuo avisa Vasari qui les rejoignait. Les pas du Colonel résonnaient dans la grande salle vide à l'exception de leurs camions et de quelques caisses de munitions. Tetsuo jeta un œil à sa montre, prenant conscience du temps pris, quand son camarade lui demanda la fonction d'un bouton noir sur la droite de son cockpit.

_ C'est un black-out, lui répondit celui-ci. Mon supérieur, Noé, m'avait demandé un bruiteur de communications et radar.

Le peu d'explication ne semblait pas satisfaire Emmerson qui ne répondit pas, attendant la suite.

_ Oui il m'en avait aussi touché un mot, ajouta Vasari, même si je ne suis pas sûr de son utilité. Le barrage est lui même équipé de faisceaux destinés à brouiller les radars adverses. Ceux-ci gêneront sûrement votre visibilité électronique d'ailleurs, il vous faudra compter sur vos yeux aux alentours du Yangtze et non sur vos caméras.

Après un bref regard appréciateur à l'exosquelette, il reprit :

_ Il va être temps, signifia-t-il alors à l'adresse de Tetsuo. Je ne sais pas ce qu'ils préparent mais les Pornevs ne devraient tarder à entrer en jeu à en juger l'activité les entourant.

Tetsuo opina du chef et fit signe à Emmerson de se mettre en position. Avec un grand sourire celui-ci s'exécuta. Validant une commande sur son moniteur de contrôle il activa son XO pour une situation de combat. L'écran magnétique se déploya alors dans un léger murmure de sa pile à combustible, se matérialisant d'une paroi légèrement opaque le long de l'exosquelette, puis se redressa souplement de toute sa hauteur, ses deux jambes conservant un léger mouvement prêtes à s'élancer si le besoin s'en ressentait.

A part deux plaques maintenant les munitions dans les cuisses de la machine, les câbles et branchements étaient aussi visibles dans l'armature basse de la machine. Niché dans l'abdomen, Emmerson jubilait, clairement visible de l'extérieur bien que protégé des tirs par l'écran magnétique. Il actionna rapidement l'opacité du champ qui le masqua alors aux yeux de Tetsuo et Vasari, avant de le rabaisser.

_ Grouille ! Je ne sais pas si je pourrais attendre plus longtemps avant d'aller leur botter le cul ! signifia Emmerson à Tetsuo. Si tu prends trop de temps, tu risquerais de n'avoir plus personne à dessouder !

Tetsuo soupira et se dirigea vers le second XO quelques mètres plus loin. Tandis qu'il terminait de se sangler, il avisa son coéquipier qui faisait déjà le tour du hangar d'une démarche souple en grandes foulées. Il sourit au comique de la situation, Emmerson singeant un athlète s'échauffant avant un sprint, faisant de grands moulinets des bras, attrapant sans cesse et rangeant à nouveau son imposant fusil.

Son XO lui aussi prêt à en découdre il s'approcha calmement de Vasari alors que son coéquipier le rejoignait finalement, semblant prêt à se ruer au front dès qu'on en lui en donnerait l'ordre. Le Colonel pris quelques secondes pour détailler complètement les exosquelettes qui le toisaient de leurs quatre mètres de hauteur. Il eut pendant un instant l'impression que tout pouvait encore basculer si ces machines produisaient l'effet escompté. Il reprit un air grave avant de les briefer :

_ Je vous conseille pour commencer de conserver le secret sur votre présence, laissons les attaquer à leur manière afin qu'ils perdent l'avantage stratégique lorsqu'ils comprendront ce à quoi ils ont affaire. Nous vous avons uploadé le plan détaillé des immeubles faisant face à la rive sud. Tirez sur leurs gros véhicules pour barrer le passage et encombrer le sommet du barrage, mais changez de position à chaque tir, afin de simuler la présence de nombreux foyers de défense.

Tetsuo opina du chef, espérant que son coéquipier ne se révélerait pas trop être tête brûlée au risque de faire capoter ce passage de l'opération. Quoiqu'il en soit, disposés individuellement de part et d'autre du barrage il n'aurait pas à reposer sur une confiance aléatoire en Emmerson… au début en tous cas.

Connectez-vous pour commenter