Sandoping
La visioconférence se termina et l'écran de Naïa s'éteignit.
Elle jeta un œil par dessus son aile bâbord et observa l'avancée de troupes Eurasiatiques vers un Pornev vraisemblablement écrasé au sol mais faiblement endommagé, sûrement de part une faible altitude de chute. Quelques feux avaient pris ça et là, la poupe était enfoncée et le flanc droit que Naïa apercevait comportait une brèche, probablement provoquée par un rocher non loin de l'épave, assez grande pour faire sortir une paire de nev de front.
Dans l'ensemble il apparaissait qu'une partie de son équipage avait survécu au crash. Les rescapés étaient alors divisés entre un hôpital de fortune établi sous des tentes dans la campagne de Sandoping et une file de prisonniers encadrée de soldats Eurasiatiques avançant vers la ville.
Naïa saisit lors de sa descente ce qu'elle n'avait pu voir quelques instants avant : les soldats étaient tous affublés d'un casque masquant leur visage et d'appoint d'oxygène via des bouteilles fixées dans leur dos. Les rescapés du Nouveau Monde n'avaient rien de la sorte.
Elle fit rapidement le rapprochement avec l'évocation lors de son débriefing en visioconférence de l'explosion d'un XO à Sandoping lors des combats et la mise à bas des attaquants par le souffle destructeur. Il semblait que le cœur fissible de la pile alimentant l'exosquelette ne dégagait que peu de retombées radioactives mais l'armée ne pouvait prendre de risques avec ses soldats.
Lors de ce même rapport avec l'amiral Ethan et le Dauphin Eurasiatique, le général Shinawatra dirigeant la défense de la Thaïlande n'avait pas tari d'éloges au sujet de la CITL, satisfait d'avoir vu disparaître la menace du Nouveau-Monde présente dans le Golfe de Siam. Le dernier Pornev bien engagé dans l'attaque de la ville avait stoppé son avancée et négociait actuellement une reddition avec les forces locales. Les ingénieurs n'avaient toujours pas terminé de réparer le bouclier et semblaient avoir encore besoin d'une bonne journée de travail avant de clore cet objectif. La présence de la flotte spatiale avait ainsi été un atout majeur et indispensable à la survie de la ville.
Pour autant Naïa n'avait su apprécier ces nouvelles à leur juste valeur, l'esprit angoissé par de bien pires heures à venir dans une autre mesure.
Elle laissa la vallée avec l'épave du Pornev en arrière et continua vers le nord. Passant un massif montagneux elle aperçut alors Sandoping face à elle et entreprit de survoler le Yangtze pour approcher sa destination, volant à basse altitude entre les sommets couverts de vertes forêts en cette fin de printemps. Au fur et à mesure de son approche elle distingua maints détails de l'état dans laquelle la ville était sortie de la bataille.
Elle passa un premier pont qui avait été détruit par l'Eurasie au début du siège par le Nouveau Monde afin de ne laisser à leur assaillant que la voie du barrage pour atteindre les rives nord à sa droite. Sur sa gauche elle aperçut entre quelques immeubles encore debout un cratère au sol vitrifié, vraisemblablement le point zéro de l'explosion de l'exosquelette. Tout à proximité immédiate avait été rasé, soufflé par la puissance de l'explosion. Elle détailla alors la tranche haute du barrage des trois gorges, encombré d'une cohorte d'épaves de tanks du Nouveau Monde, certaines encore fumantes.
Vers le nord, à droite du barrage, des troupes Eurasiatiques s'affairaient déjà à libérer le passage en repoussant sur les côtés les carcasses de véhicules ennemis au moyen de quelques blindés récupérés et encore en état de fonctionner. Sur son aile elle aperçut l'ancienne tour à demi écroulée comprenant les installations du bouclier magnétique de Sandoping.
Examinant sa carte sur son écran de bord elle reprit son vol et passa le barrage avant d'approcher les rives nord du Yangtze, tandis que des hommes au sol levaient les yeux vers sa position, se demandant si son arrivée présageait quelque chose de bon ou non. Elle survola finalement ce qui lui sembla être le site d'un crash de Pornev plus meurtrier, repérant l'éboulement de plusieurs bâtiments vers l'entrée nord de la tranche haute du barrage. Les feux avaient été contenus mais les immeubles dégageaient toujours une fumée parfois noire, parfois grise, s'ajoutant à la brume environnante de la vallée du fleuve. Elle fit alors atterrir le Storm près des installations militaires Eurasiatiques, se rendant compte qu'elle se préparait psychologiquement depuis quelques minutes à poser le pied en enfer.
Pandémonium, tel était le surnom qu'avaient donné les soldats Eurasiatiques à Sandoping, capitale des enfers. Elle y était; dans ce qui semblait avoir été une ville auparavant et n'était à présent plus que décombres, épaves, carcasses, feux et fumées, poussières et résidus radioactifs. La cité qui avait été le point d'orgue de la défense Eurasiatique, la pierre tournante de l'attaque du Nouveau Monde.
Il s'en était fallu de peu pour que le pays perde sa place forte de production d'énergie pour ses boucliers, ses autres forces armées ayant été détruites dès le départ par leurs ennemis, mis en déroutes par une stratégie d'attaque rapide, bloqués derrière leurs boucliers dans des villes assiégées par des Pornevs et ne pouvant se rendre sur le site de Sandoping pour prêter main-forte à leurs camarades.
Le sas du Storm s'ouvrit et Naïa sortit à l'air libre engoncée dans une combinaison la protégeant des possibles radiations résiduelles. Peu lui importait sur le coup, le but de sa venue lui revenait à présent au premier plan de ses préoccupations : Noé.
Elle se figea sur le tarmac, tenue en joue par quatre soldats attendant un geste de sa part pour la cribler de balles. Elle aperçut derrière eux un homme arriver en courant, lui aussi en combinaison et patienta le temps qu'il parcoure les cinq cent mètres le séparant des bâtiments.
Elle observa le lourd silence dans lequel la ville était enfermée. Il semblait que le vent emportait tous les sons au loin afin de commémorer le désastre. Plus encore, les soldats n'avaient pas hurlé d'ordres. Ils s'étaient mis en position, attendant des directives, comme abasourdis par les évènements récents et n'attachant que peu d'importance à qui souhaitait encore mourir après la fin des combats.
Elle prit quelques secondes pour examiner son réacteur détruit pendant la récente bataille réfléchissant sans y penser vraiment aux réparations à prévoir pour retaper à nouveau le Storm.
L'homme dont elle avait reconnu la démarche passa alors les gardes en leur commandant de rompre la formation. Naïa s'approcha de lui, détaillant son visage comme elle le pouvait à travers son masque de protection.
_ Je n'ai pas reçu de communication pour autoriser mon atterrissage, l'informa Naïa.
Tetsuo hocha la tête et l'invita à le suivre vers les bâtiments d'un geste de la main avant de répondre d'une voix quelque peu étouffée par son combinaison :
_ La plupart de nos installations sont grillées. Mais nous ne devrions rien avoir à craindre d'une nouvelle attaque du Nouveau Monde à présent qu'ils sont sans état-major. Ethan surveille les alentours de Sandoping depuis l'orbite basse en attendant que des secours et du matériel nous parvienne. Les Pornevs restants quittent peu à peu le territoire Eurasiatique et retournent vers leur continent selon les derniers rapports. Pékin et Canton ont déjà pu abaisser quelque peu leur bouclier pour permettre l'envoi de troupes ici.
Sa voix eut un sursaut de joie :
_ Bien que la lance orbitale fasse son office ils ne nous savent pas si vulnérables. Sandoping n'est plus la seule source d'énergie du pays à présent et les boucliers des villes sont alimentés via la base du Groenland.
Naïa opina du chef et ils firent le reste du trajet en silence. Il la guida à travers les installations jusqu'à ce qu'ils puissent quitter leur combinaison avant de passer les sas de décontaminations provisoires mis en place. Elle espérait qu'ils ne s'arrêteraient de marcher en silence, éludant le moment qui ne saurait tarder… Un quart d'heure encore plus tard et ils pénétraient un grand hangar où des centaines de lits de camp étaient disposés en damier sur lesquels reposaient des corps drapés de couvertures et autres linges de fortune. Les visages étaient eux aussi recouverts.
Un silence de plomb régnait dans le vaste édifice où seule une dizaine de soldats passaient entre les lits décomptant les pertes et répertoriant les informations nécessaires pour le renvoi des corps. Naïa repoussait toujours intérieurement l'idée qui cherchait à se faire place dans son esprit; le but de sa visite.
Tetsuo s'arrêta d'autre part d'un lit et désigna d'un geste vif la masse reposant sous une couverture grisâtre, comme si rien ne nécessitait d'être ajouté. Naïa se tenait droite, fixant le lit de camp sur lequel reposait le corps sans vie de…
Elle ne parvenait pas à faire le point sur ses idées. Elle sentait le chagrin qui tambourinait à la porte de son esprit, cherchant à prendre possession des lieux et s'épandre dans chaque recoin de son corps. Tetsuo crut devoir relever la couverture pour en dévoiler le visage mais Naïa le retint d'un geste calme. Il releva les yeux vers sa coéquipière, l'interrogeant d'un regard qui sembla tremblant. Celle-ci leva une main, lui faisant signe d'attendre. Elle tenta de maîtriser ses émotions afin de ne pas avoir la voix vibrante quand elle entama :
_ Avant de ne plus avoir les idées claires…
Elle se reprit, sa voix était chevrotante et son esprit n'était pas aussi lucide qu'elle souhaitait le paraître.
_ Qui ? questionna-t-elle d'un ton dur.
Tetsuo ne lui en fit pas remontrance, comprenant que sa colère n'était pas dirigée vers lui, et répondit d'une voix calme qui étonna Naïa, ne s'attendant pas à ce trait de caractère chez lui :
_ Nous l'avons trouvé dans une usine de métallurgie désaffectée à l'est de la ville, près du pont saboté de Sandoping. Cette partie de la ville était déserte, peu couverte par les patrouilles Eurasiatiques car loin des limites Est de la cité où se trouvaient nos troupes.
Il baissa le regard vers le lit de camp et continua :
_ Dans les locaux nous avons retrouvé proche de la sortie un autre homme décédé de cause encore inconnue, que les bases de données de la police à Canton ont identifié comme étant Javier Cortez, un homme de main émigré en Eurasie pendant la pulsion du Nouveau Monde. J'avoue avoir détourné rapidement les rares communications dont nous disposons pour obtenir ces quelques informations.
Une pause puis il reprit :
_ Après une rapide recherche dans ses états de faits, il semble que Cortez soit récemment arrivé à Canton où il a été vu en compagnie d'Howard Hackman, alors secrétaire d'état et dernièrement nommé chancelier à Kiev lors de sa déclaration d'indépendance.
Naïa ne saisissait toujours pas le motif mais Tetsuo ne fit qu'une courte pause avant de reprendre d'une voix plus dure, comme maîtrisant lui aussi ses émotions :
_ Noé a d'abord été torturé puis tué d'un tir à bout portant. L'arme retrouvée sur Cortez correspond au calibre et je suis sûr qu'une enquête plus approfondie confirmerait ces faits.
Il fixa Naïa. Son regard changea, incertain.
_ Il y a autre chose. Un homme ici a des informations qui expliqueraient ce qui s'est passé, même si c'est difficile à croire. Après nous pourrons le visiter…
Il désigna le lit de camp sur lequel reposait Noé, toujours recouvert des pieds à la tête.
_ Quand tu le jugeras bon…
_ Non, fit Naïa. Maintenant. Le deuil doit attendre.
Tetsuo ne fit pas de remarque et repartit vers la sortie, Naïa sur ses talons, laissant tous deux le lit de camp derrière eux conservant tel un secret non révélé le corps sans vie de leur supérieur et ami, repoussant le moment inéluctable où aucune remise à plus tard ne serait possible.
***
Une vingtaine de minutes plus tard, après avoir traversé maints couloirs et tunnels, croisé nombre de soldats à la mine grisâtre et dépitée, Testuo et Naïa pénétrèrent dans la prison militaire provisoire de Sandoping. Passés les contrôles de sécurité, ils accédèrent à une aile plus à l'écart et approchèrent de cellules concomitantes, probablement utilisées auparavant pour le transit et limitant le nombre de place à une demi-douzaine de détenus au plus.
Tetsuo se fixa devant la première cellule sur leur droite et allait expliquer quelque chose lorsque Naïa reconnu le détenu et s'écria avec colère :
_ Naem ! Qu'est ce que cette ordure peut bien foutre ici ?!
L'homme en question se leva, le visage dénué d'expression comme fatigué ou blasé de sa condition. Autre chose semblait avoir fait place dans ses émotions affichées, quelque chose au fond de son regard semblait avoir changé mais Naïa ne sut dire quoi.
_ Il a été arrêté en compagnie d'un autre homme, commença Tetsuo en désignant une cellule plus loin, alors qu’ils tentaient de joindre le commandement Eurasiatique sur nos rives… selon ses dires. Quoiqu'il en soit il semble qu'Eliz, la fille d'Hayao, ait selon la version de Naem supervisé sa torture, ou l'aurait empêché de révéler certaines choses à Cortez.
_ Eliz ?! Que vient-elle faire dans cette histoire ? N'était-elle pas sensée accompagner Noé ici à sa demande?
Tetsuo n'eut le temps de répondre, un militaire venait de faire entrer une femme avec eux dans le couloir avant de se reposter derrière la porte. Celle-ci s'avança vers eux.
_ Bonjour Naïa.
_ Angie ?
_ Merci Tetsuo pour ton aide, fit celle-ci en désignant rapidement son badge.
Tetsuo eut un sourire crispé vers Naïa :
_ Quand j'ai su que Canton nous envoyait des troupes et du matériel, j'ai utilisé une des rares stations encore en fonctionnement ici pour donner un accès à Angie au contingent. Je suppose que c'était la moindre des choses que je puisse faire. C'est elle qui a d'ailleurs récupéré les informations sur Cortez.
Naïa approuva et se tourna vers la nouvelle venue :
_ Quelles nouvelles de Dwaïn ?
_ Toujours dans le coma, fit Angie avec un regard à la fois triste et résolu.
Naïa se pinça les lèvres, espérant n'avoir pas gaffé. Ainsi son fiancé n'avait toujours pas refait surface après avoir pris une balle dans le train lors de leur arrivée à Canton.
_ Voici donc à nouveau la cause de nos malheurs ? s'enquit Angie, ne semblant faire état des remords de Naïa.
Elle fixait Naem d'un regard lourd.
_ Pas exactement, fit Tetsuo.
L'ancien colonel du Nouveau Monde, prisonnier de la CITL puis de l'Eurasie avant de s'évader après l'attaque au biod sur Canton, s'approcha des barreaux et proposa d'une voix grave, bien que moins railleuse qu'auparavant :
_ Je peux aussi tenter d'expliquer ma version.
Naïa haussa les sourcils. Naem avait changé. Quelque chose lui avait fait perdre sa vantardise, son ton hautain et fier. Elle doutait que ce soit le fait d'être enfermé à nouveau et le récit qu'entreprit Naem de son évasion et son arrivée à Sandoping ne fit que confirmer ses soupçons. Il n'y avait point de raillerie dans son discours, pas de sarcasmes ni de méchanceté à leur égard. Il semblait ne s'en tenir qu'aux faits et lorsqu'il passa à sa traversée du Yangtze à la nage, Naïa sut qu'il ne pouvait leur dire que la vérité tant son exposé n'était pas teinté de ses habituelles simagrées.
_ Où se trouve Immons ? fit celle-ci, préférant clore ce sujet avant de poster les questions qui la gênaient réellement.
_ Je ne l'ai pas revu après avoir quitté Plattner, je suppose qu'il devait toujours être retenu avec le Général et se trouvait sûrement dans son Pornev contre son gré.
_ Et Plattner a affirmé qu'Eliz a surveillé la torture de Noé pour le compte de Hackman ?
_ Il semblerait qu'elle évitait que Noé ne laisse filtrer des informations compromettantes pendant son supplice, confirma Naem. Au vu de la scène où ont eu lieux les évènements, elle a sûrement tué Cortez après que celui-ci ait fait son rapport à Hackman…
_ En espérant que la mort de Noé soit reportée sur Hackman, songea Naïa, et donc sur Kiev maintenant autonome.
Tetsuo ne disait rien, ayant déjà connaissance de ces faits et préférait laisser Naïa cheminer vers la possible vérité qu'était la version des faits de Naem. Mais ce fut Angie qui reprit :
_ Qui est cette Eliz ?
_ C'est la fille d'Hayao que nous avons rencontré à la sortie du procès à Canton. Tu étais déjà repartie pour l'hôpital à ce moment là, répondit Tetsuo avec calme.
_ Elle me semble assez douée pour déjouer la sécurité de la rive Eurasiatique, s'étonna Angie. Qui est cette femme qui a prétendument tué mon frère et tous ces gens aux abris ?
_ Elle fait partie des Hôs, répondit Naïa tout en fixant Naem.
Tetsuo tenta d'apporter plus de détails à Angie, absente lors de leurs contacts avec Hayao et Eliz :
_ Les Hôs sont une communauté qui…
_ Je sais qui ils sont ! s'écria Angie. Mais qu'est ce que vous pouviez bien avoir à faire avec ces individus ?! ajouta-t-elle durement, comme les accusant de la mort de Noé.
_ Je… je ne vois pas où tu veux en venir, entama Tetsuo indécis.
Naïa se retourna, prête à remettre Angie à sa place, faisant fi de la situation qu'elle vivait probablement à pleurer son frère :
_ Les Hôs nous ont proposé leur aide et Noé avait déjà été en contact avec eux…
_ Noé ?! coupa Angie estomaquée.
Elle se retourna et pris de la distance avant de leur faire face à nouveau :
_ Les Hôs sont issus du Projet 4 ! Ca vous le savez bien, non ?!
Ses interlocuteurs restaient ébahis, ne voyant toujours pas où elle voulait en venir, ni même de quoi elle parlait vraiment.
_ Les documents que vous vouliez récupérer à Montréal et que j'avais en ma possession, tous retraçaient les projets lancés par les USA avant la pulsion du Nouveau Monde. L'un d'eux, le projet 4 dérivé de MK Ultra a dévié au long des présidences successives aux anciens Etats-Unis d'Amérique. Tout comme leur CIA qui sous-traitait ses activités de torture dans l'Asie du sud ou le Moyen Orient, ils ont exporté leurs installations sur ces projets au Népal.
_ De quels projets parles-tu ? objecta Naïa ayant les nerfs à fleur de peau.
Angie grimaça et reprit un air des plus alarmés :
_ Mais des recherches américaines sur le contrôle mental ! Tout ce qui découlait de leurs études sur le lavage de cerveau au début du XXe siècle… Et ça portait déjà ses fruits quand on considère Sirhan Bishara Sihran comme l'un de leur premier succès en la matière par son assassinat de Robert F. Kennedy à la fin des années 60, premier sujet de contrôle mental ! Lors de la pulsion du Nouveau Monde, ces projets sont devenus orphelins et la supervision du Projet 4 en particulier n'a pas été transférée au nouvel occupant du territoire américain. A l'époque au Groenland j'avais recherché dans les bases de données du Nouveau Monde et n'avais trouvé aucune référence à leur communauté. Ainsi ils étaient autonomes, personne ne faisait attention à eux et rien ne nous amènait à penser qu'ils étaient pacifistes, revenchards ou quel que fut leur ressenti.
_ Rien ne nous permettait de leur faire confiance ? proposa Tetsuo.
Angie approuva en désignant Naem dans sa cellule :
_ Si le Général Akdov l'avait envoyé sur place, comme Noé nous l'a appris, afin de prendre contact c'est qu'il s'intéressait à leurs capacités et on voit bien à présent qu'ils peuvent faire la différence. Maintenant, je doute qu'Akdov ait choisi de laisser cette communauté dans l'ombre au risque que son ennemi, la CITL ou l'Eurasie ne se la mette dans la poche. Il a dû conclure un accord avec eux ou au minimum tenté en personne un contact avec les Hôs…
_ Ce qu'il a effectivement fait.
Tous trois pivotèrent vers les cellules du fond, plus particulièrement l’une d’entre elle dont la grille s’ouvrit. Un homme sortit et s’avança dans un espace non couvert par la faible lumière extérieure qui filtrait. Naïa eut un regard machinal vers les plafonniers encore éteints à cette heure-ci de la journée. Angie plissa les yeux tentant de percevoir les détails du prisonnier.
_ Comment êtes-vous sortis ?! s’inquiéta Tetsuo, reculant vers la porte, prêt à avertir le garde.
_ Je suppose que mon geolier a dû oublier de refermer la porte dans un moment d’inatention.
Tetsuo oublia sa première intention d'alerte lorsque l’homme balaya la remarque de la main, comme si elle n’était pas importante. Il continuait d’avancer vers eux, le visage toujours peu éclairé.
_ Akdov est venu en personne nous rencontrer à Lhassa. Il recherchait au minimum un pacte de non-agression sans savoir que notre communauté n’est pas régie par une quelconque hiérarchie. Seuls les membres présents et ayant acceptés s’y sont donc engagées.
_ Eliz... entama Naïa.
_ Eliz en était effectivement.
A présent à quelques mètres d’eux, il stoppa dans un rai de lumière, gardant ses distances pour ne pas se montrer menaçant et les laissant l’identifier sans rompre la discussion. Angie écarquilla les yeux, la main devant sa bouche tandis que le prisonnier la regardait d’un air calme… ou attentionné comme le comprit Naïa.
_ Amîn…
Le prisonnier hocha doucement la tête à ce nom soufflé, presque chuchoté. Il désigna Naem :
_ J’ai été prisonnier de ses hommes, transporté de repaires en camps militaires, attendant un interogatoire qui ne vint jamais. C'est une autre histoire qui serait longue à raconter et nous ne disposons pas de ce temps je le crains. Quoiqu'il en soit j’ai réussi à m’échapper avec l’aide de Tray qui est mort lors de notre fuite. La guerre a fait ce qu’elle sait faire de mieux et au fil des voyages avec les rescapés j’ai rejoint la communauté des Hôs pour me réfugier dans ce qui semblait être le seul endroit à l'écart des conflits.
_ A Lhassa ? émit presque indistinctement Angie, dont les larmes montaient aux yeux.
_ Non… et c’est ici que je peux vous éclairer. Vous ne savez presque rien à notre sujet et je suppose qu’il est de mon devoir de vous en apporter.
Naïa qui refusait toujours une aide sur un plateau s’attendant à un plat empoisonné, commença par douter :
_ Et pourquoi donc ce soudain attrait des Hôs ?!
Amîn eut un sourire contrit :
_ Mais parce que notre communauté n’est finalement qu’une ethnie. Nous n’avons pas de hiérarchie comme je vous l'ai dit. J’opère de mon propre chef. La capture du colonel n’en est-elle pas déjà un gage ?
Naïa eut un regard étonné vers Tetsuo qui approuva du chef :
_ Il nous a apporté Naem. Il nous a fourni les informations que nous recherchions sur Noé.
Pour le coup Naïa ne sut que répliquer alors qu’Angie parcourait la distance les séparant pour prendre Amîn dans ses bras, écrasant ses larmes sur son épaule. Il eut un geste tendre en lui caressant doucement les cheveux.
_ Je suis navré que nous nous retrouvions en de pareilles circonstances, lui glissa-t-il à l'oreille.
Puis à Naïa et Tetsuo :
_ Je venais retrouver Noé afin de l’avertir de la possible menace que représentaient certains des Hôs après avoir appris que quelques uns de Lhassa aidaient des transfuges du CRIJ.
_ Cela fait deux fois que vous vous distinguez de la communauté de Lhassa, releva Tetsuo.
_ Car ce n’est qu’une partie des Hôs qui vit là-bas. La plupart d’entre nous se trouve en Afrique.
_ En Afrique, répéta Naïa éberluée.
Ce continent dont rares personnes se souciaient depuis les guerres, d'où peu de voyageurs revenaient, morts, emprisonnés ou peut-être simplement émigrés. Les photos satellites ne rapportant que peu d’armes suceptibles d'être un danger, peu ou pas d’accès à l’espace aérien après les bombardements collatéraux lors de la pulsion Russe, aucune faction que ce soit le Nouveau Monde, l'Eurasie ou la CITL, ne se souciait de ce qui pouvait provenir de l’Afrique à présent que le pétrole n’était plus la solution utilisée pour le transport.
_ En quoi cette information est-elle importante ? demanda Naïa brusquement prudente dans son jugement. En fait, quel ordre de grandeur avez-vous à l’esprit pour quantifier votre population ?
_ C’est une bonne question. Cela nécessiterait de mettre une définition en face du terme Hô, afin de déterminer qui peut être assimilé comme en étant ou non. Nous n’avons pas tous des capacités aussi développés les uns les autres, ajouta-t-il devant l’air interrogateur de son auditoire.
_ Eliz a pris le contrôle d’un exosquelette depuis l’autre rive pour l’amener dans le camp du Nouveau Monde à travers un combat assez rude, proposa Tetsuo en exemple.
_ Eliz était particulière. Elle est née à la fin du Projet 4, a grandi parmis les sujets d’expériences qui n’étaient plus sous contrôle extérieur. Elle a évolué avec leurs meilleurs éléments, a appris d’eux au long de son enfance. Puis l’élève a dépassé le maître, ou devrais-je dire le père, Hayao.
_ Il s’est bien gardé de nous en parler, fulmina Tetsuo qui réfléchissait aux décisions qu’il prendrait pour la suite, à la tournure qu’il donnerait à sa vie maintenant que son rôle s’achevait contre le Nouveau Monde.
_ Hayao n’en était pas fier. Peu de temps après les premières effusions d’Eliz, la société de Lhassa a entreprit de surveiller étroitement le fruit des unions entre Hôs et a nottament porté au débat la question de l’éducation de leurs enfants, à présent que les conséquences étaient visibles.
_ Si Eliz était l’une des meilleurs, réfléchissait Naïa, et que nous avons réussi à…
_ Réussi ? fit Amîn un peu plus durement en repoussant gentillement Angie qui calmait son chagrin. Vous appelez une réussite l’état de cette ville à ce jour ? Vous croyez que vous pourriez sacrifier autant de personnes aussi volontaires soit-elles pour contrer le nombre grandissant d’adeptes que nous avons en Afrique ?!
Naïa reculait à mesure qu’Amîn s’avançait pour marquer ses explications. Visiblement il avait à cœur le nombre de victimes faites à Sandoping alors qu’il venait aider à contrer cette menace, comme le jugeait Naïa.
_ Je suis arrivé trop tard, fit-il en s’arrêtant, et je le regrette à un point que vous n’imaginez pas ! J'ai attendu d'obtenir certaines informations en repoussant la rencontre avec Noé. Et voilà ce qu'il en a coûté…
_ Il connaissait cette menace, fit Tetsuo comme parvenant à une conclusion. En y repensant s’il a souhaité Eliz à ses côtés c’était pour la surveiller, conserver ses amis près de soi mais son ennemi encore plus.
Mentalement il revoyait une des conversations qu’il avait eu avec Noé, sa réticence à parler lorsqu’Eliz avait fait irruption dans la pièce et son discours quelque peu mystérieux lors de sa dernière communication, comme sous surveillance.
_ Lorsqu’il m’a demandé d’installer des bruiteurs sur les XO…
Il releva la tête vers Amîn, croyant toucher un point important, souhaitant confirmation :
_ Il m’a dit que "ce n'est que dans le silence que s'accomplissent les plus grandes œuvres". Ca paraît stupide comme remarque, peut-être qu’il avait un coup de blues ou autre mais…
_ Omraam Mikhaël Aïvanhov.
Ils se tournèrent vers la cellule toujours fermée de Naem qu’ils avaient pratiquement oublié.
_ C’est un auteur Bulgare du siècle précédent, connu des Hôs car ils s’appuient sur le même principe d’éducation uniquement par l’oral.
Naem semblait réciter un texte comme perdu dans ses pensées.
_ Pour paraphraser il a aussi stipulé que "plus un être est évolué, plus il a besoin de silence".
Personne ne pipa mot, s’attendant à un ajout tardif du colonel emprisonné. Vraissemblablement les anciens agents du CRIJ étaient étonnés qu’un homme tel que lui parle de philosophie.
_ Ainsi Noé s’était intéressé aux Hôs, continua pensivement Amîn n'accordant pas à Naem l'étonnement condescendant de ses interlocuteurs. J’avais cru entendre dire qu'un agent de la CITL souhaitait apprendre des Hôs et non les utiliser. Intéressant…
Naïa eut un espoir, quoique fébrile qu’elle souhaita de suite mettre à l’épreuve :
_ Se peut-il qu’il ait appris… qu’il ne soit pas…
_ Mort ? termina Amîn. Non. Oubliez de suite cette éventualité. Hayao vous a semble-t-il joué son couplet commercial sur notre communauté, mais peu d’Hôs peuvent se vanter d’avoir atteint de tels niveaux. Ce serait plus l’exception que la règle et nécessiterait une période d’entraînement si longue que Noé n’aurait encore l’âge suffisant pour l'apprendre. D’ailleurs, il n’est pas réellement prouvé que ce soit possible.
Naïa était déçue et s’en voulait d’avoir songé que ce soit possible. En fait, elle se reprochait d’être tombée aussi bas dans sa peine pour supposer pareilles probabilités. Noé ne s’étant élevé il n’y avait pour elle aucune raison de tenter de le retrouver, si tant est qu’elle en eut la volonté ou l'occasion.
_ Pour y revenir, fit Tetsuo d’un ton sérieux, Noé connaissait cette menace et a trouvé une parade qui a semble-t-il fonctionné puisque Emmerson a effectivement activé le black-out quelque temps avant l’explosion lors du conflit, noyant toutes nos communications et celles de l’ennemi.
Amîn hocha plusieurs fois la tête en regardant le sol, comme s’apprêtant à annoncer une nouvelle difficile puis releva le regard vers son auditoire :
_ C’est ici que je puis vous être utile. Pour vous donner les failles des opposants que vous viendrez tôt ou tard à affronter et Noé a appris la plus importante d’entre elles : nous sommes perturbés par les ondes de communications. Dans quelle mesure, nous ne le savons pas ou tout du moins je ne le sais pas encore quand d’autres cherchent peut-être à le déterminer. Est-ce à avoir avec les ondes cérébrales, des limitations de nos capacités dans certaines conditions ? La question se pose actuellement et est la première barrière que notre communauté s'applique à franchir.
Personne ne prit la parole, attendant d’en connaître plus, réalisant la portée du discours d’Amîn et ce que cela impliquait dans leur connaissance de l’homme et de ses possibilités. Le monde leur semblait dès lors irrémédiablement changé, comme ayant fait un virage dans l’évolution et voilà qu’on leur annonçait que ce pas avait déjà été franchi par nombre de personnes qui leur appartenait à présent de suivre ou non, sachant que c’était peut-être là le nouveau but à atteindre pour l’humanité. Laisser passer cette possibilité paraissait signifier rester sur le bas-côté lors de ce nouveau voyage et pourtant voilà que ces précurseurs n'étaient pas d'emblée dans leur camp.
_ Je suis venu vous aider et vous apprendre que d’autres membres de notre communauté préparent une offensive plus importante pour vous tous que la précédente guerre.
_ Plus importante ? reprit Angie. Mais c’était déjà…
Il sembla qu’elle repassait rapidement en mémoire ce qu’elle avait vécu depuis la pulsion des russes sept ans auparavant, avant de reprendre rapidement :
_ Pour nous tous ? De qui parles-tu ainsi Amîn ?!
Il la regarda tendrement et lui prit la main gentillement, la ménageant, avant de lâcher ces mots qui plus que jamais prendraient leur sens dans les temps à venir :
_ Plus désastreux pour vous, les humains.
Plateforme San Marco, Nord de Ras Ngomeni
Oria souffla en grimpant la dernière marche de l'escalier, sortant de la colonne d'accès par la mer de l'ancienne plate forme pétrolière. Celle-ci se trouvait à l’est de la côte africaine appartenant autrefois à la république Kenyane. Un homme se posta nonchalamment à ses côtés. Il observa des opérateurs combattre un vent soutenu pour retirer les bâches tendues au centre de l’esplanade de fer, recouvrant de volumineux paquets. Oria lui sourit amicalement, se sachant plus que redevable d’avoir été tirée d’affaire à Wyndham quand Oïc avait ordonné son exécution.
Celui-ci croyait avoir une mesure d’avance sur tous ses pairs, pensant que l’attaque du Nouveau Monde était une finalité, s’attendant à surprendre tout le monde en réglant son compte à Akdov pour prendre la tête de l’armée victorieuse qui s’installerait en Eurasie. Qu’il avait dû être déçu lorsque Hummel lui avait retourné la politesse. Oria doutait que Oïc n’ait eut le temps de comprendre que depuis le début Hummel s’était battu pour obtenir cette position au contre espionnage, lui permettant d’insérer dans l’armée et les hautes sphères de la CITL, les espions et agents dormants pour une partie d’échecs à bien plus lointain horizon.
Akdov avait évité la peine de faire face à sa défaite, mort dans l’explosion de son Pornev aux côtés d’Eliz, celle-ci trop intrépide ou immature aux goûts de Oria. La disparition d’Hummel était finalement le coup dur de leur organisation, de toute leur stratégie, Oria le concédait. C'était un homme qui, au delà de sa vaste connaissance du réseau d'indicateurs existants et leur reportant, savait perdre aux yeux de tous afin d’avancer ses pions en sous main sachant qu’au final, batailles après batailles, il gagnait la partie haut-la-main.
Elle se félicita d’avoir senti le vent tourné et d’avoir passé ce simple appel pour une extraction avant de se rendre en salle de contrôle pour retarder le tir du biod. Bien sûr c’était une leçon à retenir, elle le savait. Elle n’avait agit sur le coup que par égard à Naem en reportant les tirs sur l’Eurasie et grillant sa position, sachant que ce serait là son dernier mouvement en tant que soldat du Nouveau Monde. Elle avait aussi scellé par ce simple coup de téléphone son ancienne vie et rendait tout retour impossible. Mais elle savait que c’était là aussi ce qu’il fallait faire, que le futur se jouait autre part, sur d’autres terrains et qu’elle mourrait plutôt que de faire partie des suiveurs ou des laissés pour compte.
Naem était aussi un homme qu’elle regrettait fermement, bien qu’elle garde dans un coin de son esprit la possibilité de le retrouver un jour, lorsque tout serait irrévocable et que rien ne risquerait plus de déjouer leurs plans. Quelque part, elle sentait ce moment très proche…
_ Quelle est donc cette surprise que vous vouliez me faire ? fit-elle à l’homme se tenant à ses côtés.
Il sourit de ses dents blanches tranchant avec sa peau ébène. Il se tenait torse nu, muscles saillants et tendus dans le même vent qui donnait fort à faire aux préparateurs de la plateforme, faisant fit du froid des embruns balayés par les rafales. Il était vêtu d’un pantalon carmin de toile large lui donnant cette démarche de panthère tel un athlète d’arts martiaux et portait de simples sandales aux pieds. Kassi lui répondit d’un calme qui n’avait d’égal que sa patience et son charisme. Oria buvait ses paroles :
_ Ma chère, nous sommes actuellement ennuyés par le poids incessant des émissions radio et satellites de nos voisins. Quelque part, je suis intimement persuadé que même la démonstration de l’empoisonnement de leur existances par ces ondes ne suffirait à les faire rebrousser chemin, à renoncer à leur soit-disante suprémacie technologique.
Il suivait du regard ses opérateurs qui terminaient de débâcher les mystérieux appareils tout en continuant :
_ Nos contacts dans la CITL nous ont fait état voilà un moment d’un protocole créé par la CITL et mis en place sur la station spatiale Aïo. Le protocole Silence… avec un grand S. Ce nom ne pouvait que nous inspirer confiance et sa démarche n’y fait pas défaut.
Le vent vainquit et emporta dans ses bourrasques les bâches finalement détachées pour ne jamais les rendre. Oria eut un hoquet de surprise lorsqu’elle découvrit trois intercepteurs de la CITL sur cette ancienne plateforme, autrefois utilisée pour le lancement de véhicules spatiaux et autres satellites du XXe siècle. Elle ne sut ce qui la stupéfiait le plus : qu’ils aient mis la main sur un intercepteur sans qu’Aïo n’en sache rien ou qu’elle n’ait eut à l’avance connaissance de cette partie des plans.
Kassi reprit d’une voix plus qu’enjouée lorsque trois hommes vêtus de combinaisons de pilotes à l’effigie de la CITL se présentèrent devant eux :
_ Ces trois fervents adeptes de notre société Hô, rejoindront Aïo avec le retour de la flotte descendue du ciel pour dispenser jugement sur les Pornevs du Nouveau Monde. Alors il se mêleront parmi les équipages et déclencheront sous peu le protocole Silence.
Il rit d’une joie pure sans quelconque empreinte machiavélique, il s’agissait d’un bonheur perceptible dans ses yeux pétillants :
_ Alors la station spatiale détruira à distance tous les satellites de communication opérationnels en orbite terrestre sur lesquels elle s’est affairée, depuis bientôt quatre ans et dans le plus grand secret, à déposer de faibles charges explosives, se gardant bien d’informer qui que ce soit de cet avantage tactique qu’elle s’offrait.
Oria comprenait un peu plus les desseins que Kassi traçaient ici :
_ J’imagine que le commander Stiles précédemment en charge de la station spatiale Aïo sous les ordres d’Oïc avait quelques comptes vous à rendre…
_ Pour le coup, ce n’était pas le genre à s’intéresser aux mêmes buts que nous, mais ce type d'homme a toujours l'argent comme moteur de vie. Il a entré dans la base de données d’Aïo les noms d’emprunt des trois pilotes que vous voyez là, ce qui s’avéra une disposition payante puisqu’il n’est pas resté assez longtemps en charge dans les cieux pour déclencher lui même les opérations.
Kassi eut un rire cristallin, presque enfantin, dans lequel transparaissait son attitude détendue dictée par les préceptes Hôs.
_ Nous avons enfin mis la main hier sur les codes de lancement du protocole Silence valides cette semaine, au prix de la couverture d'un informateur auparavant bien placé dans la CITL.
Oria opina du chef et comprit que ce n’était plus qu’une question d’heure avant que les Hôs ne soient aptes à exploiter leurs capacités sans limites, libérés des flux d’émissions radio et satellites ininterrompus qui semblaient leur donner tant de fil à retordre pour atteindre l’élévation si recherchée. Puis, comme revenant à sa condition de simple humaine sympathisante elle comprit autre chose :
_ La civilisation privée de communications sans s’y attendre… va pérécliter. Des émeutes vont avoir lieu, l’accès aux soins, la coordination de leurs forces. Il serait intéressant de…
Kassi la coupa en lui caressant tendrement la joue de Naïa sous ses courts cheveux tressés battus par le vent, et sussura d’une voix si posée qu'elle eut l’impression qu’on lui livrait un secret. Le secret du futur proche qui ne manquerait pas de s’imposer :
_ Et c’est ici que nous entrons véritablement en jeu, mon enfant. C’est ainsi que nous prendrons le contrôle pour les mener hors de la destruction… Il nous appartiendra de les accompagner, tel un berger mène son troupeau, nous les guiderons vers la seule issue possible de l’humanité.
Et ce sourire si franc, si heureux…
_ Alors seul un peuple restera, et ce seront les Hôs qui se présenteront aux portes du futur de notre planète.
~ Fin ~