Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

Une heure et quatorze secondes après la fin.

La musique de bal jouait dans les enceintes du robot Té-ha. La passerelle était vide et plongée dans le noir. Les volets blindés avaient été abaissés et la musique lente et majestueuse résonnait parmi les ténèbres. Les seules lumières étaient celles des écrans, des voyants d'alerte et de la porte ouverte sur la coursive principale. Là, sur le sol grillagé, entouré par le crépitement des câbles et les lumières des projecteurs, Samuel dansait.

Il allait à quatre pas et tournait maladroitement, l'air béat, le regard perdu et fasciné dans les yeux de sa dulcinée. Leurs pattes se touchaient, ils étaient enlacés et ils se souriaient, elle simple et muette, lui comme un adolescent en soirée.

"Tu es superbe." Lui dit-il en se rapprochant de son visage. "Superbe et si holographique."

L'image de son amour ne réagit pas. Elle continuait de danser, mécaniquement, et lui avec suivait le mouvement, sentait le contact de l'air électrifié. Il s'en moquait, trop heureux de revoir ce visage disparu depuis des mois, il se persuadait que c'était vraiment elle. Les projecteurs frémissaient sous la pression extérieure, mais Samuel n'en voyait rien. Les lumières festives, rouge, vert, bleu, jaune, vert encore, tournoyaient autour de lui et le bruit du métal redevenait dans sa tête celui des tapis feutrés de la Ruche.

"Tu te rappelles quand on se retrouvait, à l'écart des hangars, pour déjeuner ? Avec nos petites boîtes à repas bleues. Tu t'asseyais sur les planches et tu laissais balancer tes pattes. Et puis à chaque fois tu riais quand je me perdais dans le millier de facettes de tes yeux."

L'image de son amour ne réagit pas.

En vérité, Samuel mentait. Il avait beau tenter de se rappeler des moments les plus heureux de sa vie, toutes ses pensées revenaient sans cesse au robot Té-ha. Il revoyait le robot dans son hangar, écrasant par sa taille la nuée d'ouvrières, et le robot découpé dans les flammes. Le traumatisme avait, depuis longtemps, étouffé tout le reste.

Alors, à défaut de souvenirs, Samuel se perdait dans ce visage adorable et son présent lui souriait avec douceur. Son présent dansait avec lui dans le couloir, en silence, et il avait la tête si légère et si vide qu'il se sentait heureux.

Il lui sembla, en la regardant, que l'hologramme lui souriait un peu plus, avait l'air un peu plus triste, mais la bête savait trop bien que c'était son esprit qui devait inventer ces nuances infimes. L'autre part de lui, la moins rationnelle, voulait y croire absolument sans oser pour autant presser un peu plus ce corps de lumières qu'il aurait traversé comme un fantôme. Si elle avait semblé juste un peu plus vivante, un tout petit peu plus réelle, Samuel se serait effondré en larmes. Il fallait que l'illusion soit imparfaite pour qu'il puisse y croire.

 

****

 

Une heure, quarante-six minutes et trois secondes après la fin.

Un incendie s'était déclaré dans le bloc électrique du troisième générateur. Les cartouches s'étaient activées. Le feu se propageait. Le robot Té-ha avait isolé la section et vidé l'air pour étouffer les flammes. Les portes endommagées ne fermaient plus. Voyant après voyant les consoles affichaient l'évolution de cette lutte, des mesures prises mécaniquement par la machine, comme une inertie. Et depuis le déclenchement des flammes il y avait l'alarme, stridente, qui n'en finissait plus et qui paraissait une plainte aux antennes de Samuels.

C'était l'alarme qui avait arraché le fourmi rouge à son indolence.

À présent que le feu était éteint, Samuels courait à la passerelle pour faire taire l'alarme. À son entrée les lumières voulurent se rallumer, mais la plupart échouèrent et se contentèrent, au mieux, de clignoter dans le noir. Samuels évolua dans la semi-obscurité jusqu'au poste principal où, enfin, d'une simple pression, il renvoya le robot au silence. Il put alors entendre, à nouveau et distinctement, le grondement du métal sous la pression, ces petits bruits sourds incessants qui semblaient ronger l'air plus que les parois.

Les trois écrans de la console étaient recouverts de rapports de dégâts. Un peu partout, les systèmes échouaient un à un. Les journaux d'instruction énuméraient toutes les mesures prises et s'égrenaient sous ses yeux. Presque par réflexe, il voulut changer l'image, passer au radar, aux caméras, à la cartographie. Tout était mort et aussitôt, prioritaires, les rapports revenaient. Alors la fourmi se laissa tomber sur son siège.

Il s'attendait à pleurer encore, mais soit que ses yeux étaient trop épuisés à force, soit qu'assis là et dominant la passerelle, face aux panneaux blindés et aux écrans rougeoyants, il ne s'en sentait pas le droit, Samuels resta simplement à ne rien faire et fixa un point quelconque dans l'infini.

Son regard revint à l'écran de gauche. Une nouvelle fenêtre s'y était ouverte, sur les fréquences radio. Le robot Té-ha captait quelque chose et il pouvait voir l'onde déformée par la saturation ambiante, mais stable, se découper sous ses yeux. Son casque posé à côté sur les commandes grésillait également. La pensée lui vint, raisonnable, que ce pouvait être un simple phénomène extérieur, assez récurrent pour tromper Té-ha. Cette même pensée fut suivie d'une autre qu'il fit taire aussitôt, et ce fut l'idée que quelqu'un voulait le contacter qui l'emporta.

Samuels enfila son casque, grimaça sous la friture et chercha à filtrer le signal.

"Allô ? Allô ?" Répéta encore la bête. "Il y a quelqu'un ?"

Tout ce qu'il entendait était la friture ; tout ce qu'il lui semblait entendre était des milliers de cris. Il se secoua, se concentra et continua ses réglages. Enfin Té-ha parvint à isoler la source et la friture se réduisit progressivement pour laisser place à des bribes informes, déchirées par le programme même qui permettait de l'entendre.

"Je n'entends rien, allô ? Allô !"

C'était une voix bestiale, définitivement, mais il n'arrivait pas à comprendre ce qu'on lui disait. Pourtant, et déjà, il lui semblait reconnaître Sten. L'instant d'après, le contact était rompu.

Après quelques secondes à attendre encore, à moitié agacé, à moitié indifférent, Samuels retira son casque et alors seulement il se permit de compléter la pensée qu'il avait fait taire : tous les capteurs de Té-ha étaient détruits. Y compris la radio.

 

****

 

Deux heures, huit minutes après la fin.

Samuels s'était resserré dans un coin de la passerelle où, recroquevillé, il s'était remis à pleurer.

 

****

 

Deux heures, treize minutes et huit secondes après la fin.

La musique martiale reprit en boucle dans les enceintes du robot Té-ha. Deux bouteilles vides reposaient par terre, sur le sol de métal, là où le fourmi rouge s'était tenu. Les consoles égrenaient les messages d'erreur et les rapports de dégâts. Toutes les consoles s'étaient allumées et à présent, une à une, minute après minute, elles s'éteignaient. Les lampes, elles, n'arrivaient plus à s'éteindre, et la passerelle même vide avait toujours sa pénombre.

Samuels était occupé à réparer un piston de la seconde articulation. Cela ne servait à rien, mais c'était une réparation qu'il pouvait faire. Le soudeur crépitait sous ses yeux et aidait, avec la musique, à couvrir le grondement du métal.

La musique, ici, ne venait pas des enceintes mais du casque passé à son cou négligemment.

Soudain, ce casque s'emplit de friture.

Aussitôt Samuels abandonna son ouvrage, enfila le casque et se précipita en même temps jusqu'à la trappe pour remonter vers la coursive. Té-ha travaillait déjà à filtrer le signal, et la friture s'en allait peu à peu pour ramener cette voix déchiquetée, découpée mécaniquement en bribes incompréhensibles. Bientôt il ne resta que les bribes et, tandis que le fourmi rouge débouchait enfin dans le couloir, le programme se remit à la tâche inverse et fit revenir peu à peu la friture en même temps qu'il complétait le signal manquant.

"Allô ! Allô ! Punaise, allô j'ai dit !" Cracha Samuels. "Arrêtez de m'appeler si vous n'avez rien à dire !"

Tout autour les câbles crépitaient, les tuyaux fissurés soufflaient une vapeur presque liquide. Il traversa tout cela sans y prêter attention, la patte sur l'écouteur, tout en vociférant ses appels. C'était de l'agacement plus qu'autre chose, et l'habitude qui animait ses gestes.

Quand il atteignit la passerelle, le signal s'éclaircit enfin et brutalement.

"Lieutenant Bracken des Anges, répondez, à vous. Ici le lieutenant Bracken des Anges, répondez. Répondez, à vous."

Samuels s'arrêta, puis marcha jusqu'au poste principal. La voix de l'inconnu continuait dans les écouteurs, mais il l'écoutait à peine. La bête, à l'autre bout, semblait avoir la voix enrouée à force de répéter son message. Il le laissa faire et, tout en vérifiant le signal, il se mit à en chercher la source.

Un bref instant le fourmi vérifia le temps qui était passé : deux heures.

"Ici c'est Samuels, je vous entends." Dit-il enfin.

"Samuels, ici Bracken," reprit aussitôt le lieutenant, "nous sommes en route pour la base de Tyran. Quelle est la situation, à vous ?"

Samuels ne répondit rien.

"Vous me recevez ? À vous. Samuels, vous me recevez ? Ici le lieutenant Bracken… vous êtes bien le pilote du robot Té-ha ?"

"C'est ça."

Son instinct bestial, peut-être à travers l'intonation seule et malgré la mauvaise qualité du signal, avait deviné tout ce qui était passé dans l'esprit de Bracken. Le robot Té-ha, l'arme de siège de la ruche, armé d'ogives thermonucléaires. Le fourmi eut un maigre sourire en songeant au frisson qu'avait dû avoir cet officier.

Il devinait aussi ce que Bracken devait voir, sur son écran ou son radar, ou de lui-même s'il se trouvait assez près. Une explosion de cent kilomètres de diamètre, qui n'en finissait pas, qui durait depuis deux heures déjà sans sembler vouloir s'essouffler, comme un brasier de titan.

"C'est bête." Reprit Samuels pour lui-même. "J'ai toujours voulu voir à quoi elle ressemblerait. L'explosion."

"Il y avait plus de deux mille esclaves dans cette base." Dit froidement Bracken.

Samuels ne dit rien.

Il se resserra juste un peu plus sur son siège, en quête dans la voix du militaire d'une sorte de désapprobation mais, au-delà de ce ton froid, ce dernier n'avait fait qu'une observation. Sans même s'en rendre compte le fourmi avait glissé ses pattes des épaules jusqu'à ses tempes pour se tenir le crâne. L'impression que celui-ci allait exploser.

Ce qui lui brûlait la gorge, c'était de répondre : Tyran allait en tuer des dizaines de milliers. Des centaines peut-être. Et asservir Alquières. Mais tenter même de prononcer ces mots aurait arraché à Samuels de nouvelles larmes.

"Vous êtes toujours là ?" Demanda Bracken.

"Oui."

"D'après votre signal, vous êtes à l'épicentre du phénomène. Quelle est votre situation ?"

"Té-ha est en train de mourir."

"C'est une machine. Vous pourrez la réparer."

"Je n'ai pas envie de la réparer. J'ai envie qu'on nous laisse tranquille."

"Nous ?"

"Té-ha est moi."

Le lieutenant ne répondit rien. Pendant quelques instants, il ne restait que la faible friture, pareille à autant de cris informes. Puis la friture s'intensifia et Samuels retira son casque. Le signal était perdu.

D'après l'écran, la source du signal était Té-ha.

 

****

 

Quatre heures après la fin.

"Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants." Conclut Samuels, avant de refermer le livre et de tourner les yeux vers le mur d'images de Té-ha. Même sur le papier glacé, les yeux à mille facette de son amour semblaient toujours aussi vivants. Elle sautillait dans sa tête, de photo en photo, semblait rire et jouer avec lui.

Le souvenir de l'hologramme à l'air triste lui revint, brièvement, mais il soupira et se releva tant bien que mal.

"Qu'est-ce que j'étais censé faire ?" Demanda-t-il aux photos. "Ne pas tirer ? Laisser Tyran dévaster Alquières ?"

Ce n'était pas un ton de reproche. Il posait une question sincère. Laisser faire aurait été criminel, à son sens, mais il se sentait criminel tout autant. Quel qu'ait été son choix dans ces derniers instants, c'aurait été le mauvais.

Il frappa le mur de ses deux poings.

"Alors c'est ça, être un monstre ! Tuer, tuer, tuer, et passer son temps à excuser ses actes ! Pouvoir tout résoudre en pressant un simple bouton ! Et pendant ce temps les bêtes meurent par milliers."

Les seuls souvenirs qui lui revenaient étaient le robot dans son hangar, et le robot parmi les flammes. Plus il faisait d'efforts pour se rappeler les instants passés avec Té-ha, avec sa mante adorée, plus ces deux instants seuls lui revenaient plus forts que jamais.

Ce n'était pas le fait d'avoir tiré qui le torturait.

C'était l'idée d'être encore vivant, déjà, puis l'idée de ne rien faire pour se sauver. Non qu'il y ait eu quelque chose à faire, mais le fait de ne rien tenter. C'était de ne rien tenter qui le torturait, et il ne savait pas pourquoi.

L'alarme se remit à sonner.

Les dernières lumières s'éteignirent et plongèrent la petite pièce dans les ténèbres. Samuels s'encoubla, récupéra son t-shirt qu'il enfila en hâte pour sortir sur la passerelle. Il ne restait que la faible lueur des derniers écrans, ceux du poste principal, vers lesquels il s'avança. La porte de la coursive s'était refermée automatiquement.

Té-ha, dans un dernier effort, avait coupé toutes les sections et reporté toutes les ressources sur la passerelle. La moindre brèche suffisait à emporter une section entière du robot, et à exposer les autres une à une si bien que le robot se faisait dépecer.

La radio se remit à crépiter.

"Samuels, ici Bracken, à vous."

Samuels ne lui prêta d'abord pas d'attention, puis regarda le casque avec curiosité, puis l'enfila.

"C'est pour quoi ?"

"Mes supérieurs veulent savoir pourquoi vous avez tiré."

Le fourmi rouge en eut le souffle coupé. Puis il partit d'un rire fou, couvert par le bruit de l'alarme, et il s'affala sur son siège.

"Vous êtes sérieux ?" Faillit-il rugir. "Té-ha se fait broyer, et c'est tout ce qui vous intéresse ?"

"Nous manquons de temps. Pourquoi avez-vous tiré."

"J'en sais rien." Avoua Samuels.

Pas pour sauver qui que ce soit, en vérité. Il avait voulu, bien sûr, jouer les gentils, faire ce qui était bien, arrêter Tyran. Mais jusqu'au dernier instant il s'était juré de le faire sans jamais user des ogives de Té-ha. Comme un code moral. La ligne à ne pas franchir.

Dans sa tête jouaient deux personnages fictifs, une victime des satellites qui répétait : "il m'a sauvé la vie !" à une victime parmi les esclaves qui répondait : "il m'a tuée avec toute ma famille !" Il les imaginait avec indifférence, blessé des deux côtés et impuissant, et aux deux il répondait tout simplement : "j'ai fait ce que j'ai pu".

Mais, au tout dernier instant, il avait pensé à Té-ha.

Et cette pensée qui tant de fois avait arrêté son geste l'avait alors précipité. Il avait senti Té-ha en danger, il avait voulu la protéger. Il avait tiré pour protéger le robot Té-ha, et à présent, coupable de le regarder agoniser, il s'en voulait de ne rien faire pour la sauver.

Tous les souvenirs de son passé revinrent comme un flot étourdissant. Tous les instants passés avec elle, ses sourires, ses petites piques, son corps pressé contre le sien. Les meilleurs souvenirs, les pires, tout ce qu'il avait oublié.

Il se rendit compte qu'il était en train de pleurer.

"Pourquoi avez-vous tiré." Répéta Bracken.

"Je voulais la protéger."

"C'est une machine. Vous pourrez la réparer."

"J'ai passé ma vie à prétendre qu'elle était toujours avec moi," continua Samuels d'une voix blanche. "Je ne pouvais pas supporter sa mort."

"Vous pouvez continuer à prétendre."

Mais le fourmi ne répondit rien. Chacun des deux personnages, des deux victimes, celle du satellite et celle de la base, avaient le visage de Té-ha.

"Vous voulez lui parler ?" Reprit Bracken.

Samuels sembla se tirer de sa torpeur.

"À qui ?"

"À Té-ha. Elle est avec moi."

"Elle est morte."

"Votre robot n'est pas équipé d'ogives thermonucléaires, mais d'ogives chaotiques. Des munitions capables d'anéantir l'espace et le temps. Vous n'avez plus que quelques minutes avant que la passerelle ne soit détruite. J'ai épuisé toutes les ressources disponibles. Tout ce que je peux faire, c'est vous laisser lui parler une dernière fois."

Samuels resta muet, ébahi. La voix du lieutenant était froide, impersonnelle. Trop mécanique pour être vraiment bestiale. Il songea que c'était impossible, que peu importe cette histoire de munitions, Té-ha était morte.

Puis il songea à l'hologramme et au bonheur qu'il avait ressenti.

"D'accord." Souffla-t-il.

Il y eut encore quelques instants où il attendit que la discussion reprenne, le bruit à l'autre bout couvert par la friture et par l'alarme stridente. Puis il entendit la voix de la mante :

"Samuels ? C'est toi ?"

Une voix anxieuse, empressée, un peu usée par l'âge. Son coeur bondit à la seule idée qu'elle ait survécu, malgré l'évidence du contraire. Il n'y songea plus, ne songea plus aux rumeurs autour de lui, des volets blindés peu à peu déformés par la pression et sur le point de céder. Il se recroquevilla dans le poste principal, sur son siège, serra le casque contre ses antennes et se mit à parler à cette voix du passé.

 

****

 

Quatre heures, six minutes et quarante-neuf secondes après la fin.

Contact perdu.

Connectez-vous pour commenter

Portrait de San
San a répondu au sujet : #19960 il y a 9 ans 7 mois
C'est une très jolie histoire.

J'ai bien aimé voir "le fourmi rouge" écrit au masculin.

Une phrase m'a semblé détonner dans le texte : "Allô ! Allô ! Punaise, allô j'ai dit !" Cracha Samuels. "Arrêtez de m'appeler si vous n'avez rien à dire !" J'y vois une pointe d'humour, et ce n'est pas vraiment dans le ton général. Je n'arrive pas à dire si c'est plus rafraîchissant ou déstabilisant.

La façon dont la mante se fond dans le robot quand tu écris Té-ha est assez bien trouvée. Parfois un peu confus, mais c'est le propos je suppose. Je n'ai vraiment pas compris comment tout à coup à la fin, le héros arrive à parler avec son amour. J'opterais bien pour le délire complet, mais on est tellement en décalage déjà dans cet univers de fourmis et de bêtes que ça me semble louche. Une folie qui répond à une autre. Peut-être. J'aurais quand même préféré que ce deus ex machina soit compréhensible, même si c'est beaucoup demander pour un texte de renard...

Ah oui, et les indications temporelles me plaisent bien aussi. Sur cette longueur et dans ce thème, c'est tout à fait à propos.
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #19962 il y a 9 ans 7 mois
Oh, ça n'a rien d'un deus ex. C'est le robot qui personnifie la mante.
Comme dit dans le texte, la source du signal vient du robot Té-ha. C'est lui qui personnifie le lieutenant Bracken, c'est une invention. Quand Bracken dit "j'ai épuisé toutes les ressources...", il veut dire "Té-ha a épuisé..."
C'est aussi ce qui se passe avec l'hologramme. Ce n'est pas l'imagination de Samuels qui le fait paraître triste, c'est le robot. Un indice de cela est qu'avec les photos', cette imagination ne joue pas.
La seule pièce manquante du puzzle, c'est Homs. Présent dans tous les textes, acteur constant et invisible partout.

J'avais hésité à rajouter une phrase pour préciser que c'était bien le robot qui falsifiait la voix, mais ça aurait, justement, "brisé l'illusion". Du point de vue de Samuels, c'est effectivement un deus ex incompréhensible, et à trois minutes de la mort il se croit effectivement fou.
Portrait de San
San a répondu au sujet : #19964 il y a 9 ans 7 mois
Un équilibre intéressant alors. Tu sais toujours aussi bien jouer le funambule.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20090 il y a 9 ans 6 mois
Juste une patite question avant de faire mon commentaire: la première séquence parle de "Samuel", les autres de "Samuels". C'est bien volontaire et non une coquille?
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20092 il y a 9 ans 6 mois
Euh non c'est une coquille, le héros s'appelle bien Samuels. Je n'étais juste plus au clair sur le nom. Et le pire c'est que j'ai relu le texte trois fois, je suis parfaitement conscient de ce problème mais je n'ai jamais pris le temps de le corriger.
Un peu comme Té-ha qui sauf erreur avant s'écrivait Té-a.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20095 il y a 9 ans 6 mois
Bon, tant pis, j'ai rédiger mes commentaires comme s'il pouvait s'agir d'une astuce. Mais de toute façon reste la question suivante: pourquoi Samuels et non pas Samuel? Et Té-Ha, même chose, ça a une signification? Moi ça me fait penser à Terra (la terre, donc la fourmillère) ou à l'inversion de Athée.

Voilà une histoire très riche, mais qui sur une première lecture donne une impession un peu confuse et assez perturbante.
Je vais essayer de te donner mes perceptions à chacune de mes lectures.

1ère lecture :
1- Il y a d’abord la volonté de nous faire imaginer ce qui s’est passé « avant » avec l’étrangeté des amorces de séquence avec une durée que tu nous donnes suivis de « après la fin ». D’habitude c’est « avant une fin », comme un compte à rebours, mais là, c’est l’inverse. L’intérêt est de placer en hors-champ ce « début » qui est une fin et donc de forcer le lecteur à l’imaginer. Sur ce plan, je trouve que c’est moyennement réussi. On n’est pas trop intéressé par ce qui s’est passé, et le peu d’informations qu’on a ne nous pousse pas à la visualiser (en tout cas, c’est moins réussi que dans « Le Renard au Harnais ». On retrouve le Monde de tes Robots/Bêtes et de tes bêtes humaines, mais le fait qu’à chaque fois nous lisions une séquence morcelée et non une histoire chronologique fait qu’on lit à chaque fois tes textes comme s’il s’agit de nouvelles autonomes, d’autant que tu es toujours un peu obligé d’introduire ton univers et de l’expliquer (ici, avec l’animalisation de ton personnage « humain » (qui est donc une fourmi).

2- Samuel et Samuels : On est donc face à une fourmi ouvrière. Le changement avec l’apparition du « s » au prénom montre qu’il y a en fait plusieurs Samuel dans l’histoire et que tous sont interchangeables. .

3- L’apparition des sentiments dans tes histoires. Ton texte est, je suppose, une tentative de faire ton « Fleur Bleue ». Tu places la barre très haute puisqu’il s’agit de réussier à faire passer de l’émotion entre une fourmi lambda et une machine.

4- Je me suis lancé dans la lecture en me disant que je devais dénicher ce fameux « Homs » que tu dis mettre dans tous tes textes sans le nommer. Je t’avoue que mes deux premières lecteurs n’ont donné aucun résultat, ce n’est qu’à la 3eme qu’il me semble l’avoir déniché (mais j’y reviendrai en temps et en heure)..

On retrouve donc des robots et des mutants et cette notion d’équilibre de la terreur et de combats titanesque où finalement bon et mauvais, à force de puissance, ne sont que deux reflets d’une même réalité.L’une de mes intuitions issues de la première lecture était qu’il y avait plusieurs Samuel et Plusieurs Te-ha. L’utilisation du registre sentimental permet justement un peu plus d’identification à tes personnages. Clairement, ici, on s’identifie à Samuel. Avec les lectures suivantes, je me suis aperçu que tu nous manipulais justement par le biais de cette manipulation.

Autre thème qu’on retrouve, c’est celui de la personnification des robtos, et notamment de leur féminisation. A ce titre, une phrase est également très mystérieuse :
« Il avait senti Té-ha en danger, il voulait la protéger. Il avait tiré pour protéger le robot Té-ha, et à présent, coupable de le regarder agoniser, il s’en voulait de ne rien faire pour la sauver. »
On a un mélange de pronom féminin et masculin qui donne l’impression qu’il y a deux robots : un féminin et un autre masculin. Il y a donc à la fois une part rationnel qui voit le robot tel qu’il est et à la fois une autre part qui projette de l’affectif sur lui. Cette dualité « raisonnement/sentiment » est également très présente dans le texte.

Une première lecture de la première séquence est un peu troublante et déstabilisante. On comprend que l’amour de la fourmi est morte. Et l’associe d’ailleurs à Té-Ha mais c’est un peu confus. On découvre que non, qu’elle est en vie. Du coup, on se demande si Téha et cet amour ne font qu’un ou deux alors que la fin de l’histoire nous montre que si. Or la première séquence nous dit le contraire.

Autre point issu de la première lecture, on a également la dualité entre le sentiment et le conditionnement de la fourmi. Mon intuition était que son instinct lui disait de sauver Té-Ha, parce que c’était comme sauver sa fourmilière.

J’ai noté deux phrases également qui me paraisse clés et que je n’ai pas vraiment comprises sur le coup :
« Il fallait que l’illusion soit imparfaite pour qu’il puisse y croire ». Cette phrase fait tilt mais reste hostile à toute interprétation.
La seconde phrase qui fonctionne sur moi étrangement, c’est celle de la première séquence, ou plutôt l’image produite par « « Il revoyait le robot dans son hangar, écrasant par sa taille la nuée d’ouvrières, et le robot découpé dans les flammes ».
Je n’arrive pas à savoir si « écrasé » montre la différence de taille ou s’il s’agit d’une action d’un carnage ». Ensuite, même chose avec « découpé dans les flammes », où l’image produite donne une silhouette qui domine les flammes et découpé par les ombres produites par les flammes. A moins qu’il faille la lire au sens littérale et que le robot est en train d’être détruit.
L’ambiguïté semble volontaire et sert d’ailleurs l’histoire (si mes interprétations ultérieures font mouche) ; Donc en l’état, le lecteur ne sait pas s’il s’agit d’une menace ou d’une victime. L’une de mes interprétations était que l’amour de Samuel avait été détruite par Té-Ha et que Té-ha avait fini par manipuler Samuel pour qu’il l’identifie à son amour pour le lui faire oublier. Autre sujet de confusion, on nous présente l’amour comme étant défunte alors que le texte ne fait que montrer qu’elle est encore en vie (mais ça, c’est justement au lecteur de percer le mystère et c’est le défi du texte).

L’une des difficultés du texte est aussi dans le déroulement de notre lecture très espacée. Par exemple, je sais que j’ai lu des trucs sur Alquières, mais je ne m’en rappelle plus, et je me demande si Bracken est un nom que je n’ai pas déjà lu dans une autre histoire, or tout ça ne me parle plus parce tout est oublié.

2eme Lecture : ici, la lecture est plus aisée et permet mieux de comprendre ce dont il s’agit. En résumé, il y a eu une explosion provoquée par Té-ha et Té-ha est en train d’être détruite par l’ennemi.
Par contre, il y a cette séquence 3 qui se résume à une phrase qui reste un peu hostile parce que je ne comprends pas encore la nécessité de cette séquence aussi courte.

Je note aussi la phrase « Téha est moi », là où bien entendu on comprend « Té-ha et moi » qui amplifie encore plus l’identification. Et je me dis aussi que cette phrase est un autre indice du texte ; Si Té-ha = Samuels et que Té-ha=Bracken ; alors, implicitement, on a Samuels=Bracken. J’avoue ne pas voir où ça aboutit…
Il y a une dimension qui m’avait échappé, c’était à quel point Té-ha agit dans son apparente inertie alors que Samuels derrière ses faits et geste est en fait complètement passif. Té-ha, en quelque sorte, surcommunique et Samuels refuse de voir et de prendre connaissance de ce que le robot veut lui dire avec ses moyens classiques (Les rapports, les alarmes, les écrans à foisons etc.).

Avec une 2eme lecture, c'est plus immersif, on ressent mieux l'ambiance et on perçoit mieux les intentions, mais j'ai encore l'impression que je passe à côté de l'essentiel, à savoir où est Homs?
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20096 il y a 9 ans 6 mois
3eme Lecture :

Cette fois, je l’ai faite en me concentrant sur Homs qui est censé être omniprésent (et qu’à ce stade je n’ai toujours pas vu). Tout d’abord, le fait que tu nous mets en situation de chercher à comprendre ce qui se passe brouille notre lecture et distrait notre concentration pour le débusquer. Il faut d’abord comprendre la narration pour pouvoir s’y frotter. Et deux lectures ont été pour moi un minimum.

Séquence 1 : D’abord, ce qui m’apparait, c’est que le premier paragraphe est complètement contradictoire. D’abord tu parles du vide et de l’obscurité et ensuite tu parles de présence et de lumière. On part d’un écran noir et, avec la seule présence de la musique, tu donnes vie à la scène de la danse. Et le texte fonctionne souvent comme ça. C’est comme si les choses naissaient de ce qu’elle suggérait (souvent par l’intermédiaires des sons). Et je me dis que c’est là la clé de Homs. C’est un peu le lecteur qui au fur et à mesure du texte voit ce qu’il veut voir. La musique de bal appelle une scène sentimentale. Le grésillement du casque appelle la voix. La proximité de Té-ha et de la description sentimentale crée la confusion que Té-ha est l’amour de Samuel (sans « s »).La phrase « Arrêtez de m’appeler si vous n’avez rien à me dire » provoque l’intervention de Bracken qui a quelque chose à lui dire.

Or à plusieurs reprises, le texte explique cette impossibilité. Il est impossible que Té-ha soit l’amour de Samuels puisqu’elle est morte plusieurs mois avant. Il est impossible que quelqu’un appelle de l’extérieur puisque les capteurs sont détruits. Etc.
Dès lors, Ohms est l’ordinateur qui cherche à communiquer ou à dire quelque chose à Samuels qui ne veut pas l’écouter. Samuels est un peu le lecteur (d’où les sentiments pour qu’il s’identifie à lui) et Homs est l’auteur qui cherche comment parler au lecteur pour qu’il comprenne le texte. Ainsi, à plusieurs reprises, Samuels donne la solution que l’ordinateur exploite ainsi ensuite pour que ça fonctionne. Par exemple, l’image imparfaite lui permet de croire à l’histoire (ou aux images) mais l’empêche de pleurer. La séquence 3, très courte, prend son sens. Ohms a créé l’illusion parfaite pour le faire ensuite pleurer, mais cette scène est hors champ.

Autre intervention de Homs : à un moment, Samuels ne veut rien faire. Du coup, immédiatement, une alarme se déclenche pour le pousser à agir. A chaque fois, Homs agit en fonction de Samuels pour essayer de le pousser à agir dans son sens, pour l’amener à faire ce qu’il veut.

Autre point : pour moi, dans la séquence 2, nous sommes face à un autre Samuel (d’où l’apparition du « s »). Ici, le robot cherche à parler à Samuels. Or, il est clairement dit qu’il veut au contraire le faire taire et l’empêcher de communiquer puisqu’il veut éteindre toutes les lumières et couper les alarmes (or ce sont les moyens classiques de l’ordinateur). De même qu’il ne veut pas lire les rapports. Donc l’ordinateur va apprendre et créé les situations pour lui forcer la main. Son but : l’obliger à réparer la machine. Or problème, pour Samuels, Ta-ha est humaine et ne peut plus être réparé.

Pour la séquence 4, puisque Samuel a dit qu’il falait que l’illusion soit imparfaite pour qu’il y croit, l’ordinateur crée la friture sur les appels qu’il lance.

Pour la séquence 5, il y a cette expression clés également : le mur d’images de Té-ha. On peut à la fois croire qu’il s’agit des images de Té-ha et que Samuels identifie son amour à Té-ha ou à la fois croire qu’il s’agit du mur de Té-ha sur lequel figure des iamges de son amour. Les deux se confondent, y compris dans la tête du lecteur, ce qui entraine la scène final où l’amour de Samuels est devenu celui de Té-ha. Or, c’est avec cette ultime manipulation que tu arrives à produire l’impensable : faire partager une émotion à travers ce que ressent une fourmi à propos d’un robot. Au passage, tu arrives également dans cette ultime séquence, en renforçant l’émotion de Samuels (et donc du lecteur qui s’identifie à lui) à mieux nous intéresser au sort des victimes (car en les désignant sous le terme d’esclave tu les places en double victime, à la fois par leur statut et à la fois par leur sacrifice). Il y a de l’empathie pour eux, là où à la première évocation on s’en moquait. L’émotion est d’ailleurs de plus en plus forte au fil des lecteurs là où elle n’apparaissait pas vraiment à la première lecture (parce que court-circuité par la recherche d’info pour comprendre).

L’ultime manipulation est donc dans l’émotion que projette Samuels sur Té-ha en faisant partager son envie de la protéger. Ce n’est plus un robot qui est détruit, mais un être qui souffre et qu’on veut protéger.
Et à quoi sert ce tour de passe-passe ? Homs arrive ainsi à ôter toute notion de culpabilité à Samuels. Il se moque des morts, du choix qu’il a fait, seule compte Té-ha qui va être détruit (ou même ici mourir).
Je note aussi que la notion de temps est parfois anarchique, notamment quand il regarde sa montre, on est toujours en décalage avec le temps qui est définit à chaque début de séquence. Sans doute la conséquence des bombes chaotiques.

Bon, voilà où j’en suis, à toi de me dire si ça va dans le bon sens. Par contre, il y a un truc que je pige pas, c’est le titre… D’abord, le paradoxe, c’est qu’il s’agit d’un singulier, là où on attendrait un pluriel. Ensuite, à part cette fameuse alarme qui pourrait être associé à un cri (et qui du coup aurait plus de sens que je ne lui en ai prêté), je ne vois pas…
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20099 il y a 9 ans 6 mois
J'avais tenté de répondre hier soir mais sans réussir à être synthétique. Donc on réessaie.

Ma principale conclusion cela dit est que, même si tu es arrivé aux conclusions (et réactions) que je voulais, je me rends compte que trois lectures pour y parvenir est peut-être beaucoup.
De même, en écrivant ma réponse, je me rends compte que le lecteur lambda ne sait pas qu'il y a Homs, c'est donc une information que tu ajoutes et qui change beaucoup. Inversement...

L'enjeu à la surface est, comme tu l'as souligné, de partager la relation entre Samuels et Té-Ha, en confondant l'amie défunte et le robot.
L'enjeu d'un peu tous les textes des Anges est de réaliser la présence d'Homs.
Tu as comparé Homs à l'auteur, et c'est légitime. C'est le narrateur, ça c'est un fait : on voit ce qu'il regarde, on sait ce qu'il sait (enfin une partie). Mais à terme mon but n'est pas qu'il joue le rôle d'auteur. À terme, probablement d'une saga, mon but est que le lecteur "change de logique" et adopte le point de vue de Homs : Homs est un observateur, il joue le rôle d'un lecteur dans le texte (et un lecteur est actif).
C'est peut-être pour cela que je m'entête à l'effacer autant, et à éviter absolument toute rencontre. Le lecteur dit, à terme, devenir ce personnage supplémentaire dans le texte.

Mais là j'anticipe sur des projets de texte qui ne se feront pas avant longtemps. Restons sur ce one-shot.

Au final les deux seuls personnages du texte sont Samuels et Té-Ha (le robot donc). Pendant un moment on a Bracken mais c'est censé être clair qu'il s'agit d'un mensonge. Il y a bien sûr le personnage supplémentaire d'Homs mais ça le lecteur n'est pas censé le savoir.
Ton observation la plus juste est que Samuels, quoi qu'il fasse, est passif, il se laisse faire ; tandis que le robot, même s'il sert de décor, est actif en permanence. On retombe en fait sur du Chimiomécanique : on a des hommes et des machines, et les machines font tout pendant que les hommes subissent. Le point important, dans Chimiomécanique, était que les machines font ce que les hommes leur demandent, rien d'autre, d'où une seconde inversion où les hommes sont actifs sans même le réaliser.
Quelque part, avec les Anges, on est toujours dans du Chimio'.
En te répondant je voulais dire "non, Homs n'active pas l'alarme pour faire agir Samuels" mais en fait, ça se tient. Pour moi l'alarme s'active parce qu'il y a des dégâts, et c'est ça qui ravive l'intérêt d'Homs : Samuels confronté à un nouveau stimulus. Mais à ce stade Homs est au contrôle de Té-Ha et il aurait très bien pu mener le contrôle des dégâts en silence. Homs ne cherche pas à faire agir Samuels : il réagit à ce qu'il pense que Samuels veut. Et si Samuels veut Té-Ha, alors Homs a effectivement pu activer l'alarme dans ce sens.
Du point de vue d'Homs, Samuels agit même quand il ne fait rien.

Ton erreur d'interprétation est l'idée que Homs veut réparer le robot. Ou même que le robot veut se réparer. Non. Le robot s'en fiche, c'est une machine, un outil, et si Homs s'était soucié de Té-Ha il aurait désactivé les commandes de tir tout court. Ce que le robot essaie de faire, et ce que Homs dit, c'est protéger Samuels.
C'est Samuels qui veut protéger le robot.
Ce que Homs veut, façon de parler, c'est savoir pourquoi Samuels a tiré. C'est une question que le lecteur n'a aucune raison de se poser : il y avait un combat, il y avait des méchants, il y avait un bouton. Bon bah... c'est arrivé c'est arrivé. Mais cette question était pertinente à l'époque de la Guerre froide, avec l'idée de la destruction mutuelle et la question de savoir si les officiers tireraient vraiment. Il y a la question morale des pauvres nesclaves morts dans le boum et tout cela mérite considération mais ce n'est toujours pas ce qui intéresse Homs.
Ce qui intéresse Homs, c'est Samuels. Ce que "veut" Samuels.

Pour ceux qui se rappellent de la vieille époque, je décrivais ma philosophie en trois mots : "volonté", "justice" et "fureur".
J'avais aussi écrit quelques textes avec les bêtes du Liscord, bêtes qui sont toujours en position d'esclave, au service des autres et pour une raison simple : elles n'ont aucune volonté.
Les bêtes d'Alquières suivent la même logique. Samuels n'a pas de volonté propre.
Sauf qu'il a tiré.

Et c'est ça, pour Homs, la signification du "cri".

EDIT: Oh, j'oubliais.
À propos de la phrase sur le robot dans le hangar, qui "écrase", et le robot dans les flammes : c'est du pur Vuld.
Autant le "Té-Ha est moi" est une coquille, une faute de ma part, autant ici on a en un minimum de mots la totalité de l'histoire de Samuels et de Té-Ha, avec une multiplicité d'interprétation dont toutes, effectivement, sont exactes.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20100 il y a 9 ans 6 mois
Ma principale conclusion cela dit est que, même si tu es arrivé aux conclusions (et réactions) que je voulais, je me rends compte que trois lectures pour y parvenir est peut-être beaucoup.

D'abord, je t'ai mis ces différentes lectures pour justement t'aider à cerner l'effet de ton texte et savoir si cela correspondant à tes attentes. Je trouve toujours intéressant de comprendre comment fonctionne ses textes dans la tête des lecteurs. Pour être exact, j'ai lu ce texte la semaine dernière et je l'ai relu deux fois avant de te répondre parce que je n'avais plus tout en tête pour le faire. Donc disons que je l'ai lui deux fois et demi... ;)

Pour moi, il y a deux difficultés pour que ça fonctionne plus rapidement :
1- On ne lit pas ton histoire dans la durée d'un vrai livre, donc on oublie certaines choses et on doit faire un effort pour se plonger dans ton univers
2- Le texte joue sur des contradictions qui troublent beaucoup la première lecture. Elles sont importantes parce qu’elles vont pousser le lecteur à fouiller un peu plus. Du coup, la seconde lecture est davantage là pour lever les doutes sur notre 1ère lecture plutôt que’à décrypter autre chose (en l'occurence chercher un truc qu'il n'ose pas maginer).
Enfin, il faut que tu admettes que l’idée même d’introduire un personnage invisible qui agit de manière si crypté ne peut être détecté que par une minorité de lecteurs car tous n’ont pas une affinité pour l’abstraction (je dis ça sans être péjoratif). Beaucoup ont besoin de concret, de toucher pour croire. Enfin, la plupart des lecteurs n’auront même jamais l’idée d’imaginer un tel truc, tout au plus se diront-il que le texte n’est pas clair.
Par conséquent, soit tu fais un texte d’apparence transparente et complètement lisible (pas de jeu sur les transferts d’identité sur le robot, pas de Bracken imposteur etc.) et tu réserves aux lecteurs uniquement les plus avertis ta ou tes surprises ; soit tu acceptes que tout le monde n’a pas fait tes études littéraires et tu ne te préoccupes pas de nombre de lectures. Je te dirais que l’option 2 me parait le bonne car je n’ai pas fait d’études particulièrement littéraires non plus. Et le probléme de l’option 1 serait que la plupart des lecteurs attendraient de toute façon un texte bâti sur un scénario plus vivant avec des enjeux plus clairs etc.

Tu as comparé Homs à l'auteur, et c'est légitime. C'est le narrateur, ça c'est un fait : on voit ce qu'il regarde, on sait ce qu'il sait (enfin une partie). Mais à terme mon but n'est pas qu'il joue le rôle d'auteur. À terme, probablement d'une saga, mon but est que le lecteur "change de logique" et adopte le point de vue de Homs : Homs est un observateur, il joue le rôle d'un lecteur dans le texte (et un lecteur est actif).
C'est peut-être pour cela que je m'entête à l'effacer autant, et à éviter absolument toute rencontre. Le lecteur dit, à terme, devenir ce personnage supplémentaire dans le texte

.
Pourtant, je trouve que ta démarche est tellement métaphorique du travail d’un auteur pour attirer à lui le lecteur que je trouve dommage de ne pas en profiter. Et en plus, je trouve l’idée et la démarche que tu as brillantes. D’ailleurs, n’es-tu pas certains qu’inconsciemment, ce n’est pas ce que tu fais ?

En te répondant je voulais dire "non, Homs n'active pas l'alarme pour faire agir Samuels" mais en fait, ça se tient. Pour moi l'alarme s'active parce qu'il y a des dégâts, et c'est ça qui ravive l'intérêt d'Homs : Samuels confronté à un nouveau stimulus. Mais à ce stade Homs est au contrôle de Té-Ha et il aurait très bien pu mener le contrôle des dégâts en silence. Homs ne cherche pas à faire agir Samuels : il réagit à ce qu'il pense que Samuels veut. Et si Samuels veut Té-Ha, alors Homs a effectivement pu activer l'alarme dans ce sens.

En fait, j’avais la vision d’un Homs un peu comme l’odinateur de 2001 l’Odyssée de l’espace.

Ton erreur d'interprétation est l'idée que Homs veut réparer le robot. Ou même que le robot veut se réparer. Non. Le robot s'en fiche, c'est une machine, un outil, et si Homs s'était soucié de Té-Ha il aurait désactivé les commandes de tir tout court. Ce que le robot essaie de faire, et ce que Homs dit, c'est protéger Samuels.

J’avais conscience que ça ne tenait pas la route. Mais comme je partais du fait qu’il s’agit de l’ordinateur maitrisant le robot, c’était l’hypothèse la plus logique. Mais pour moi protéger le robot, c’est autre chose que le réparer. Il protège son amour mais il répare un robot. Il ne peut pas réparer son amour. Dans un cas, il y a le cœur qui parle dans l’autre c’est le rationnel. Et dans ton texte, le cœur fonctionne sur le mode « féminin » (Té-ha, elle, la) et le rationnel sur le mode masculin (le robot, « il », « le »). Mais c’est moi qui voit des choses à ma façon.

Ce qui intéresse Homs, c'est Samuels. Ce que "veut" Samuels.

On est d’accord sur ce point et c’est là où je trouve que ton approche fait fausse route en t’imaginant Homs comme un lecteur. Pour moi, c’est un auteur qui veut donner au lecteur ce qu’il veut (tout el l’amenant là où lui veut également, en l’occurrence à envisager l’existence de ces manipulations).

Autant le "Té-Ha est moi" est une coquille, une faute de ma part, autant ici on a en un minimum de mots la totalité de l'histoire de Samuels et de Té-Ha, avec une multiplicité d'interprétation dont toutes, effectivement, sont exactes.

C’est une belle coquille qui me paraissait tellement digne de tour de renard ! :laugh: J’avoue ne pas l’avoir vu la première fois parce que je lisais « Té-ha et moi », tellement le sens allait de soi qu’on en arrive à survoler certaines phrases. Et je t’avoue que je trouvais ça très subtile. C’est une idée en tout cas à retenir pour l’exploiter une autre fois…

Bref, te lire 3 fois n'est pas une peine dans la mesure où c'est toujours une jubilation de découvrir ce qui commence se cacher dans un texte tordu. Et découvrir que des trucs un peu fous qu'on ose envisager de peur de se dire qu'on délire ont été sciemment mis. Encore une fois, cela me rappelle les propos de Chabrol sur Hitchcock quand les Cahiers du Cinéma (avec Godard, Truffaut ou Rohmer) commençaient a déliré sur ces films à une époque où il était consideré comme un petit artisan doué pur le suspense mais en aucun comme un "auteur" ou un grand cinéaste. Il disait qu'ils pensaient exagérer mais comme ils étaient les seuls à le trouver génial, alors ils mettaient le paquet. Et quand ils ont pu le rencontrer (ou que d'autres ont suivi leur délire), ils se sont rendu compte qu'ils étaient en-dessous de la verité!

De même, en écrivant ma réponse, je me rends compte que le lecteur lambda ne sait pas qu'il y a Homs, c'est donc une information que tu ajoutes et qui change beaucoup. Inversement...

L'autre point qu'il fait avoir en tête et qui doit te rassurer, c'est que normalement, tu t'inscis dans un rapport qui joue sur la durée quand on lit un livre. Une idée peut survenir, puis le lecteur découvre qu'elle peut tenir la route et pour finir ppar se dire qu'il tient une clé qui éclaire différemment tout ce qu'il a lu, et surtout qui répond à certaines incertitudes qu'il pouvait avoir. Donc c'est une autre approche.
Le seul hic, c'est effectivement qu'il faut avoir une sensibilité "étude de texte" pour avoir cette démarche et fouiller la matière du texte qui n'est pas forcément la même que se plonger dans un livre pour suivre une histoire.. . Encore une fois, pour ceux-là, on peut s'amuser à crypter des choses, mais il doit y avoir un McGuffin suffisemment distrayant pour qu'il aille jusqu'au bout avec plaisir même s'il est passé à côté de l'essentiel. On peut très bien lire La Peste de Camus au premier degré sans avoir de frustration.
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20103 il y a 9 ans 6 mois
Le problème, en parlant de "McGuffin", est que ça déprécie énormément l'intrigue de base. Et c'est ce qui m'arrive la plupart du temps quand j'essaie ça, ou juste d'écrire un texte banal : je me lasse très, très vite.

En fait, quand tu dis que les gens trouvent juste le texte "pas clair" parce qu'ils ont besoin de concret et ne font pas preuve d'abstraction... c'est ce que je rencontre tous les jours.
Et même si je ne peux pas leur en vouloir, c'est quand même très agaçant.

Dans la même veine, on s'était plaint que mes derniers textes avaient peu voire pas de description, et effectivement j'avais survolé ça complètement. Mais parce que ça ne m'intéressait pas. Je n'avais juste pas la patience de décrire des lieux inutiles et qui me barbaient formidablement.
Donc quand je pars dans l'optique d'une intrigue "excuse" je sais que le texte sera un échec, soit parce que je ne dépasserai pas la troisième page, soit parce que je l'expédierai pour en finir le plus vite possible.

Ce que dit la littérature, c'est que je dois trouver une intrigue concrète qui serve de métaphore à l'enjeu abstrait.

Actuellement, j'ai deux idées de saga (bon, trois...) pour les Anges :
1) Vengele
J'en avais écrit deux pages avant de m'arrêter. Tu vois Decimer ? Le texte commençait alors que celui-ci n'était encore qu'un jeune pêcheur dans un village perdu. Un groupe de héros passe et embarque, outre le lecteur, une autre bête appelée "Vengele". Et là Petch a peut-être tilté.
L'idée était ensuite, après que ce groupe se fasse tailler en pièces par Homs, que le lecteur suive les aventures de Vengele dans le monde d'Alquières, sur fond de montée en puissance de Decimer.

2) Event 1
L'univers des Anges m'intéresse pour les Anges, l'organisation militaire (aidée par Homs à leur insu). L'idée était qu'Homs leur révèle l'existence d'une arme spatiale devenue hors de contrôle afin que ces derniers la détruisent. Les Anges à leur tour feraient en sorte que des monstres y aillent à leur place.
Je n'ai jamais vraiment développé l'idée, mais ça aurait donné un objectif à un tas de héros épars et à tout une intrigue entre ceux qui veulent détruire l'arme, ceux qui veulent s'en emparer et ceux qui veulent juste en profiter pour taper sur les autres.

3) Prudon
Là c'est plus anecdotique mais à force de chercher un moyen d'introduire l'univers d'Alquières au lecteur, je me suis dit que je pourrais faire une saga entière sur Prudon.
Prudon, c'est une bête qui se demande si la bête descend de l'animal, et qui a donc commencé par expérimenter sur les bêtes comme les animaux pour découvrir que non. Il a ensuite été engagé par Decimer pour créer des bêtes parfaites, et il a donc tapé dans l'eugénisme et le génocide. À la mort de Decimer il a eu un choc, des remords et il a pris la fuite.
Je n'ai jamais su si la saga commencerait aux tous premiers pas de Prudon, ou au contraire au moment de sa fuite, mais Prudon se pose toutes les questions que pourrait se poser le lecteur sur l'univers. Ce serait l'intermédiaire parfait.

Tout cela pour dire que j'ai une série de sagas, et d'intrigues, mais aucune qui ne soit vraiment conçue pour l'objectif que j'ai en tête, à savoir que le lecteur réalise qu'il est en train de regarder le monde à travers les yeux d'Homs (voire, qu'il est Homs).
Vengele est ce qui se rapproche le plus de cet objectif, mais...
Normalement l'objectif, d'identifier Homs, se passe uniquement par des détails de la narration. Par la façon dont le monde est perçu, par les endroits où "se pose la caméra" et ces détails qui clochent, ces choses qui se produisent sans réelle explication (même si le texte fait comme si), type l'hologramme. Où, en l'occurrence, Homs sert un peu de deus ex.

Tant que le conseil est d'utiliser un "McGuffin", je vais continuer à piétiner.
Il y a encore quelque chose qui manque dans l'équation, mais je pense que si, on doit pouvoir accorder le besoin de concret des gens avec la volonté d'abstraction du texte. Il doit y avoir un pont quelque part, je ne l'ai juste pas encore trouvé.
Portrait de Mr. Petch
Mr. Petch a répondu au sujet : #20104 il y a 9 ans 6 mois
Il m'a fallu du temps pour commenter ce texte, d'abord parce que je n'arrivais pas à en dire des choses intelligentes. Et puis avec Zara qui engage la discussion, voilà qui me redonne envie de me creuser la tête... Alors je vais commenter le texte du renard et après commenter les commentaires de Zara.

**
Le texte d'abord. Comme dit dans mon commentaire succinct du vote, le texte ne m'a pas vraiment accroché.

Je lui reconnais de grande qualité d'écriture (on aurait tort de ne pas le faire). Et même j'ai l'impression que, de texte en texte, tu abandonnes le style alambiqué d'il y a un an ou deux. Je ne dis pas que c'est bien ou pas, je le constate. L'écriture est fluide, tu mets en place dès le départ des "indices" qui participent à l'ambiance : la Ruche, les repas à boîte bleue, le robot et son hangar (pas pu m'empêcher de penser au robot V), etc... Bref, on retrouve l'ambiance habituelle de ton monde, et du questionnement sur l'intelligence artificielle, la "biomécanique", etc... Autre chose réussie : l'espèce de parallèle entre l'insecte et le robot. Le choix de la bête-fourmi est judicieux ici, il fonctionne. On imagine le robot Té-ha dans sa carapace de métal, et le "héros" Samuel dans sa carapace de chitine. Enfin, il y a tes thématiques : l'acceptation du destin, les choix impossibles, la beauté des massacres... Très bien.

Et malgré ça, malgré la présence de tous ces motifs alliés à un style fluide, je n'ai pas réellement réussi à accrocher. L'histoire de Samuel et Té-ha est restée loin de moi. Et du coup certains passages m'ont géné.

Par exemple, alors que cette exergue produit un très bon effet :

Deux heures, huit minutes après la fin.

Samuels s'était resserré dans un coin de la passerelle où, recroquevillé, il s'était remis à pleurer.


La suite est moins convaincante :

Deux heures, treize minutes et huit secondes après la fin.

La musique martiale reprit en boucle dans les enceintes du robot Té-ha. Deux bouteilles vides reposaient par terre, sur le sol de métal, là où le fourmi rouge s'était tenu. Les consoles égrenaient les messages d'erreur et les rapports de dégâts. Toutes les consoles s'étaient allumées et à présent, une à une, minute après minute, elles s'éteignaient. Les lampes, elles, n'arrivaient plus à s'éteindre, et la passerelle même vide avait toujours sa pénombre.

Samuels était occupé à réparer un piston de la seconde articulation. Cela ne servait à rien, mais c'était une réparation qu'il pouvait faire. Le soudeur crépitait sous ses yeux et aidait, avec la musique, à couvrir le grondement du métal.

La musique, ici, ne venait pas des enceintes mais du casque passé à son cou négligemment.

Soudain, ce casque s'emplit de friture.


C'est cette dernière phrase qui me gêne, ce "soudain ce casque s'emplit de friture" posé là en alinéa après des paragraphes de taille moyenne. Je me dis qu'il y a un problème de rythme : tu veux poser ici un suspens qui est gâché par l'absence d'une gradation précédemment.

Même chose pour les dialogues. Autant ce dialogue a fonctionné chez moi en permettant de poser d'emblée l'enjeu de l'amour de Samuel pour Té-ha :

"Vous êtes toujours là ?" Demanda Bracken.

"Oui."

"D'après votre signal, vous êtes à l'épicentre du phénomène. Quelle est votre situation ?"

"Té-ha est en train de mourir."

"C'est une machine. Vous pourrez la réparer."

"Je n'ai pas envie de la réparer. J'ai envie qu'on nous laisse tranquille."

"Nous ?"

"Té-ha est moi."


Autant j'ai perdu l'intérêt après ce dialogue :

"Samuels, ici Bracken, à vous."

Samuels ne lui prêta d'abord pas d'attention, puis regarda le casque avec curiosité, puis l'enfila.

"C'est pour quoi ?"

"Mes supérieurs veulent savoir pourquoi vous avez tiré."

Le fourmi rouge en eut le souffle coupé. Puis il partit d'un rire fou, couvert par le bruit de l'alarme, et il s'affala sur son siège.

"Vous êtes sérieux ?" Faillit-il rugir. "Té-ha se fait broyer, et c'est tout ce qui vous intéresse ?"

"Nous manquons de temps. Pourquoi avez-vous tiré."

"J'en sais rien." Avoua Samuels.


Le "Vous êtes sérieux" de Samuel sonne faux. Je n'ai pas compris son émotion.

Voilà ce qui me surprend : il y a ces problèmes de rythme, mais pourtant je retrouve tous les éléments qui me font aimer tes histoires. J'avais eu le même problème avec ton one shot précédent... Je trouve que ces textes manquent de surprises. Surprises dans l'histoire. Surprises dans la forme. Le récit se déroule sans que notre intérêt de lecteur soit relancé.

Et puis en relisant je me suis dit : oui, le problème, c'est le narrateur. Homs. Et j'en viens aux commentaires de Zara.

**

D'abord, ma grande différence avec la lecture de Zara, c'est que je n'arrive pas être dans l'interprétation pure dans la sensibilité "étude de texte". En fait, quand je lis un texte abscons, j'aime son absconsité (?), j'aime ne pas comprendre. C'est ce qui fait que j'ai aimé, d'une façon presque masochiste, Chimiomécanique, malgré ses nombreux défauts, et d'autres textes du renard. Alors c'est une toute autre lecture, et je serais incapable, comme tu le fais, de donner toute une interprétation.
Du coup je comprends les explications du renard sur la volonté d'être hermétique et de passer outre l'incapacité d'abstraction. C'est un choix que je comprends, en tant que scribouillard, parce que je le partage : penser ce rapport entre le clair et l'obscur du texte, entre le caché et ce qui peut surgir, parfois à l'insu même de l'auteur. Chaque lecteur a sa perception et j'ai du mal à écrire pour un "lecteur idéal" autre que moi.

ça ne m'empêche pas de ne pas m'interroger sur Homs. Mais en fait je m'interroge sur Homs pas en tant que personnage mais en tant narrateur, comme je m'interrogerai sur n'importe quel narrateur dans n'importe quel histoire, renard ou pas.
Et là, le gros problème de Homs-narrateur-personnage, c'est, je trouve, qu'il n'agit pas comme un narrateur. Il n'agit pas comme un "démiurge" de l'histoire. Tous les narrateurs ne sont pas démiurges, bien sûr, mais ici c'est ce que j'attendrai. Et je me demande si ce n'est pas aussi par là que se trouverai l'effet de surprise qui donnerait l'intérêt au texte. En tant que conteur, Homs est un conteur mainstream, il manque d'originalité. Et donc de personnalité. Peut-être est-ce ça le problème : tu ne maîtrises pas encore assez la personnalité de ton narrateur-Homs-personnage pour que sa personnalité jaillisse de sa narration. J'évoque cette question parce que c'est un problème que je rencontre parfois, et j'ai l'impression de le sentir ici.

Et donc quand tu dis :

Ce que dit la littérature, c'est que je dois trouver une intrigue concrète qui serve de métaphore à l'enjeu abstrait.


J'ai envie de déplacer la réponse, justement, vers Homs : cette réponse là me paraît trop "littérale.", trop simpliste, trop attendu par le lecteur. Quand je la lis, j'ai encore l'impression, comme le dit Zara, que Homs est l'auteur, ce dont tu t défends, puisque Homs est le lecteur. Peut-être te faut-il quitter la littérature et te dire que l'enjeu abstrait est peut-être la construction des sensations de Homs lui-même au cours de l'histoire. C'est peut-être une façon de rendre le texte plus vivant : l'intrigue devient une métaphore d'un sentiment de Homs.

Bon... Je ne sais pas si ça t'aide et je fatigue un peu mais si j'ai le courage je développerais plus tard.

**

une autre bête appelée "Vengele". Et là Petch a peut-être tilté.


Comme ça, de tête, j'ai un flash sur un manuscrit reçu un jour par la poste... Mais je peux me tromper, c'est un peu loin tout ça ! :huh:
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20105 il y a 9 ans 6 mois
J'ai réfléchi à la personnalité à donner à Homs, et la réponse est un peu surprenante.
Aucune.

Mais avant ça, effectivement, il y a des problèmes de rythme. Ce "soudain" est complètement neutralisé, et je ne sais pas bien ce que j'ai cherché à faire sur le moment.
Pour la réplique du "vous vous foutez de moi" par contre elle est importante relativement à l'intrigue. Sans doute mal placée, mal préparée mais elle se justifie. C'est, d'une part, une réaction normale quand on est poursuivi dans les bois et que quelqu'un fait "pourquoi tu as pris une casquette ?" C'est, d'autre part, mon habituelle inversion, où à la question centrale du texte je veux qu'elle semble aussi accessoire que possible.
Je suppose qu'à ce stade du texte le lecteur se saisit de cette question justement dans l'espoir d'un enjeu, d'une réponse justement et alors forcément le signal de Samuels est "non non y a rien à voir" et ça c'est frustrant.
Ce qui signifierait que le problème n'est pas la réplique en soi, mais juste qu'il manque quelque chose avant.

D'ailleurs, quand j'y regarde, ce quelque chose est en préparation. Samuels ignore d'abord, puis regarde le casque, puis le prend. Cela signifie deux choses :
1) Il sait qu'on lui ment. Il n'a pas envie d'y participer.
2) Quelque chose le pousse à répondre quand même.
Je pense que si, avant la question de "Bracken", Samuels avait dit plus que "ch'est pour quoi ?", la réaction serait beaucoup mieux passée. Samuels aurait introduit son propre enjeu et serait donc justifié de rejeter celui d'Homs, avec l'approbation du lecteur.
En fait, de mémoire, le "c'est pour quoi" devait être ironique. Samuels veut justement souligner l'artificialité de la chose en jouant les secrétaires au téléphone. Oui, à mes yeux c'est cette réplique qui casse tout.
Sàn avait déjà relevé une réplique plus tôt, "ne m'appelez pas si vous n'avez rien à me dire" ou quelque chose comme ça, qui était en fait là encore la frustration de Samuels de savoir que c'était faux, mais d'être forcé de jouer le jeu quand même.

Bref.

Pour en revenir à la personnalité d'Homs, j'avais réfléchi à la manière de le dépeindre.

J'avais pensé d'abord à lui donner un point de vue très négatif sur les bêtes. Parce que quelque part c'est comme ça qu'il les voit. Une nuisance, de la vermine, une gêne. Même si la majorité du temps c'est juste de l'indifférence ou de l'ennui. Je pensais créer un narrateur qui jugerait durement toutes les actions.
Mais j'ai abandonné cette idée. Déjà, il y a un côté élitiste qu'avec ma réputation je ne voulais même pas risquer, et même plus généralement ça aurait mis le lecteur dans l'optique de "juger les autres méchamment", une attitude que je ne veux surtout pas encourager. Et puis, comme dit, Homs se contrefiche des bêtes, honnêtement. Un peu comme quelqu'un jugerait les cailloux.

J'avais ensuite pensé à le rendre très froid, justement dans l'optique de l'observateur : littéralement des phrases qui ne seraient que de brèves observations cliniques.
"La bête entra. Un mètre septante-cinq, le poil court et gras, noir..."
Un peu comme un scientifique, aussi, qui mettrait des petites notes ou gloses au long de ses travaux. "Elle a déposé le paquet sur la table. Pas de scotch. Je lui ai demandé si on pouvait l'ouvrir. Elle s'est empressée..."
Mais là encore je l'ai abandonné parce que ça deviendrait très vite artificiel, et une facilité. Homs n'a aucune raison de "prendre des notes" et au final, comme dit, quand il s'intéresse à une bête il s'intéresse à ce à quoi la bête pense, ce qu'elle peut vouloir, ou percevoir. Homs fait en permanence ce que j'attends du lecteur, il se projette dans les autres.

Du coup, et au final... Homs est un narrateur générique. Tout du moins en surface.
Je pense que le meilleur Homs serait un Homs qui changerait de ton en changeant de focalisation : il parle d'un personnage, soudain la narration est hargneuse et moqueuse. Il se tourne vers un autre, soudain la narration est lente et mélancolique. Un autre et on a une narration hésitante, émerveillée.
Cette narration cherche notamment, et constamment, à plonger dans la tête des bêtes, à deviner ce qu'elles pensent. Le seul moyen de deviner Homs n'est pas tant dans la façon dont il s'exprime que dans ce qu'il regarde.

Quelque part, aussi, donner une personnalité à Homs est comme le mettre en scène dans le texte : un personnage le rencontre, ils parlent... et le lecteur, même s'il peut s'y identifier comme à un autre personnage, classiquement, a déjà mis de la distance entre lui et Homs. Toute l'illusion est brisée.
Autant faire une narration à la première personne, en "je".
Quand j'y pense, on retombe dans ce que dit le texte : "Il fallait que l'illusion soit imparfaite pour qu'il y croie." C'est aussi un commentaire littéraire sur la vraisemblance. On dévie volontairement de la réalité pour que le lecteur s'immerge. Bon à la base c'était surtout une observation sur la perception des rêves mais passons.

Je ne pense vraiment pas que "donner de la personnalité à Homs" soit la solution.
Je reste sur l'idée que c'est une question d'enjeux.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20106 il y a 9 ans 6 mois
Il y a plusieurs mauvaises idées: chnager le ton en fonction de l'humeur de Homs, par exemple. C'est la meilleur façon de rendre le texte encore plus horripilant pour celui qui ne le comprendrais pas.

Je pense que la notion d'enjeu est effectiovement importante. Je pense que cette idée de McGuffin est pourtant nécessaire. Le lecteur lambda doit y trouver davantage son compte. Il doit sentir un enjeu clair et simple qui lui donne envie de lire le texte pour ce qu'il croit être l'histoire. Mais sur ce plan, si je te comprends, il y a certainement un plaisir pour toi dans l'écriture qui disparaîtrait. Pourtant quand je lis ton intervention sur Té-ha et tout ce que tu avait en tête, je me dis que la trame narrative devrait être passionnante même au premier de gré. Seulement, le fait que tu sois, toi, surtout passionné par des enjeux souterrains t'oblige à castrer les enjeux de cette trame.
Par exemple, Homs est quelqu'un de neutre, sans réel personnalité si ce n'est qu'il est fascine par ce que veut Samuels (en soi, il y a quelque chose de tes démons). En soi, il ne peut intéresser un lecteur avec de telles hypothèses. Ce qui peut l'intéresser et qui m'a intéressé, c'est effectivement de sentir comment il agit sur l'histoire une fois qu'on a compris qu'il existe.Ici, c'est d'autant plus pertinent qu'on est face à un personnage qui n'agit pas.
L'autre point qu'il faut par contre salué ici, c'est l'introduction des émotions dans ton monde. Elles me paraissent vraiment nécessaire pour contrebalancer la cérébralité de ton écriture. Et l'un des enjeux de Homs serait justement de partir de quelqu'un de très froid et cérébral, sans compassion, pour aboutir à quelqu'un qui ne soit plus qu'un cerveau en action mais également quelqu'un qui vibre avec plein d'affect.
Le fait que tu veuilles en faire un lecteur passe, à mon sens, par les émotions qu'il ressent. Pour qu'il soit un lecteur, il faut que le lecteur ait envie de se projeter en lui. S'il n'y a aucun affect en lui, c'est impossible (ou tout de moins très difficile). A la place, tu obtiendras la même distance que j'ai eu et qui fait que je vois non pas un lecteur mais un auteur qui (se) joue avec (du) le lecteur. L'enjeu du récit pourrait être la quête de Homs pour qu'il trouve qui il est vraiment en partant de quelqu'un de purement cérébral qui cherche à savoir qui est le lecteur et comment il fonctionne et découvrir à la fin qu'il aime ce lecteur (à la limite y en montrant même qu'il l'aime y comprit quand il s'obstine à pas le voir). Et d'ailleurs, ce pourrait donner un enjeu tragique à tout ça: Homs aime le lecteur mais le lecteur ne l'aime pas alors que lui fait tout pour être aimé de lui. Je n'ai aucune idée sur le comment y parvenir mais l'enjeu est passionnant.

Pour finir par le McGuffin, ce serait pour toi aussi une façon de montrer que tu aimes tous les lecteurs, y compris ceux qui ne capte rien. Tu verras que les griefs d'être élitiste disparaitront. Si n'importe quel lecteur est captivé par tes histoires quel que soit le degré qu'ils perçoivent, tu auras montrer que tu aimes le lecteur. Or aujourd'hui, il y a en toi une part qui s'intéresse surtout avant tout à un lecteur qui serait une incarnation idéale de ce qu'imaginent les auteurs.
Maintenant entre tout ça, il y a toi et le plaisir d'écrire. Je sais que tu es tout à fait capable d'écrire des textes avec un McGuffin plaisant, la question étant alors, et toi, est-ce que tu t'y retrouves? Je sais que non. Pourtant, quand j'ai relu tes questions sur Té-ha, je me dis que tu as un univers et une trame passionnante pour n'importe lequel des lecteurs. Et tout ça est d'autant plus passionnant que tu y glisses des thèmes hyper personnels que les lecteurs avisés du renard commencent à connaitre.