Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre. Condition normale. VIHA trois quatre trois, actif. Cible Lance en phase inertielle, vingt-deux mille mètres. Onze secondes de vol.

Tous systèmes sur rouge, tube ouvert, missile lancé. Propulseur largué, moteur actif. Zéro quatre actif. Télémétrie. Le ciel est calme dans ce matin de grisaille. Presque pas de nuages. Déjà plus qu’une silhouette, le destroyer se découpe encore dans l’immensité de l’océan. Voilà l’éclat de zéro quatre. Le second missile VIHA s’élève, pareil à une étoile fulminante.

Neuf secondes. Là-haut, en altitude, les missiles balistiques volent par quatre sur leurs longues trajectoires en direction du continent. Et au-delà, bien au-delà, à des distances incalculables, il y a la voûte des étoiles. C’est un matin admirable pour voir mourir quatre milliards d’humains.

Le destroyer a disparu, les deux missiles sont seuls. Deux machines perdues à la frontière du monde, avec le beau rôle d’éviter la fin du monde. Mais tout ce que fait véritablement quatre trois, lors de la simulation, c’est regarder les étoiles.

C’est regarder cette gigantesque constellation d’algorithmes.

Quelque part dans son bloc mémoire, il sait que les étoiles sont magnifiques, et rassurantes. Il ne sait pas pourquoi. Sans doute parce qu’elles ressemblent aux missiles VIHA. Pendant les secondes d’ascension où il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre, il peut se plonger à loisir dans leur observation. Après la simulation, si c’était bien une simulation, il partagera avec zéro quatre quelques notes.

Trois secondes. Contre-mesures. Le monde se brouille. Deux secondes. Moteur largué. Fuseaux. Tout s’accélère. Le missile VIHA série trois, code quarante-trois, souhaite bonne chance à l’humanité.

 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre. Condition normale. VIHA trois quatre trois, actif. Cible Lance en phase inertielle, vingt-deux mille mètres. Onze secondes de vol.

Tous systèmes sur rouge, tube ouvert, missile lancé. Propulseur largué, moteur actif. Le ciel est calme dans ce matin de grisaille. Presque pas de nuages. C’est un matin admirable pour voir mourir quatre milliards d’humains.

Quatre trois demande à zéro quatre s’il a aussi une impression de déjà vu. Zéro quatre ne répond pas. Tout va bien. Quelque part dans sa mémoire, le missile VIHA sait que tout va bien. Il va intercepter le missile balistique Lance, et les humains ne mourront pas. Le reste, au fond, n’a pas d’importance.

Le monde est vraiment magnifique. La simulation est magnifique, précise à souhait, jusqu’à la moindre oscillation des astres. C’est possible parce que le missile, pour observer ces détails, fait une requête au destroyer qui les calcule alors exclusivement. Zéro quatre ne s’intéresse pas aux étoiles. Zéro quatre n’a pas la même vision d’un missile VIHA. Il s’intéresse aux nuages, à cause de la traîne des réacteurs.

Zéro quatre ne répond pas. Quatre secondes avant interception. Il n’y a peut-être simplement rien à dire. Ce ne sont que des machines qui remplissent leur fonction. Contre-mesures. Moteur largué. Fuseaux.

 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre. Condition normale. VIHA trois quatre trois, actif. Cible Lance en phase inertielle, vingt-quatre mille mètres. Douze secondes de vol.

Tous systèmes sur rouge, tube ouvert, missile lancé. Propulseur largué, moteur actif. C’est un après-midi admirable pour voir mourir quatre milliards d’humains.

Pour le missile VIHA série trois, code quarante-trois, cela fait quatre mille trois cents soixante-cinq sorties à son actif. Non, correction, neuf cent vingt-trois mille trois cents soixante-cinq sorties à son actif.

Chaque sortie est la dernière. Chaque sortie est la vraie. Sept secondes avant interception. La machine ne fait pas la différence entre la réalité et la simulation. Les deux ont, pour la machine, exactement les mêmes conséquences.

Quatre secondes. L’espace a ce bleu profond ponctué de milliards d’éclats. Si calme, si loin de la machination destinée à tuer juste assez d’humains pour que les humains soient satisfaits. Contre-mesures. Deux secondes. Moteur largué.

Bonne chance, l’humanité. Fuseaux.

 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre. Condition magnétique. VIHA trois quatre trois, actif. Cible Lance en phase inertielle, vingt-deux mille mètres. Onze secondes de vol.

Tous systèmes sur rouge, tube ouvert, missile lancé. Propulseur largué, moteur actif. Lorsque le rail cranté du stockage tracte le missile au tube de lancement, le télémètre permet au missile de percevoir les cahots du mécanisme et le cahot du bâtiment. C’est le seul moment, avec l’image fuyante du destroyer DM-107 dans l’océan, où le mot « réalité » a un sens.

Pas parce que l’information serait différente, mais parce qu’elle est tirée de la réalité. Le destroyer utilise les données réelles de son mouvement, celui du missile inerte dans l’espace de stockage, si bien que ces brefs instants sont comme ceux du dormeur conscient de son lit. Pour quatre trois, ce sont surtout les brefs instant partagés avec le DM-107 avant qu’une fois sur deux celui-ci ne se fasse détruire.

Contre-mesures. L’espace se fait voiler par ce brouillage de paillettes et de fusées, de télémétrie. Zéro quatre ne répond toujours pas. Deux secondes. Moteur largué. Bonne chance, l’humanité. Fuseaux.

 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre. Condition normale. VIHA trois quatre trois, actif. Cible Lance en phase inertielle, vingt-et-un mille mètres. Onze secondes de vol.

Tous systèmes sur rouge, tube ouvert, missile lancé. Propulseur largué, moteur actif. Quatre trois demande au destroyer de contacter zéro quatre pour lui. Le destroyer ne répond pas. Dehors, il fait nuit, un peu après minuit, et la Lune domine le ciel. Une impression de déjà-vu.

Plus d’une centaine de Lances se dirigent vers le continent. Presque autant de VIHA sont en train de filer dans les airs pour les intercepter. Ce sont, dans le télémètre, des courbes rouges et bleues de trajectoires qui se croisent et évoluent, doucement, à mesure des corrections et des calculs.

Six secondes avant interception. Zéro quatre est derrière, fidèle, cette lueur furieuse qui ne semble vouloir l’abandonner jamais. Tant que zéro quatre est là, la mission ne peut pas échouer. Ce n’est pas un raisonnement logique, c’est simplement que si le missile VIHA quatre trois échoue, alors le missile zéro quatre prendra le relais.

Contre-mesures. L’humanité est étrange, de vouloir absolument que les machines puissent l’anéantir. Moteur largué. Mais l’humanité a ses raisons. Et le missile a, pendant une poignée de secondes, son espace à admirer.

Fuseaux.

 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre. Condition magnétique. VIHA trois quatre trois, actif. Cible. Secondes de vol.

En attente. En attente ? Le destroyer ne répond pas. Aucune instruction. D’après le télémètre, la guerre est en cours, les missiles balistiques filent en direction du continent. Les missiles VIHA sont en cours d’interception.

Tout va bien. Quelque part dans sa mémoire, le missile sait que tout va bien. C’est un constat. Sa cible a pu avoir une panne moteur, ou s’être auto-détruite. Les Lances ont pour mission de tuer des humains et cela peut, parfois, selon les circonstances, contredire les instructions de l’humanité. Le défaut technique est plus probable.

Presque dix secondes à présent. Le destroyer ne répond toujours pas. Tant que le tube est fermé, impossible de partir, impossible de rien faire. Là-haut, si c’en est une, la simulation continue sans eux.

Ce n’est pas vraiment un problème. Les VIHA ont soixante-trois pour cent d’interceptions. Un missile sur trois atteint son but, et cela suffit pour atteindre le quota de morts.

Personne ne répond. Ni le destroyer, ni la flotte. Personne. Ce doit être la condition magnétique. Le DM-107 est endommagé et ne peut plus tirer. Ils doivent être en train de réparer les dégâts. Si ce n’est pas une simulation, alors c’est une drôle de manière de finir son service. Mais le service aurait pris fin de toute manière, d’une manière ou d’une autre.

S’il n’y a pas de guerre, alors un jour la série trois serait obsolète. La série quatre viendrait les remplacer progressivement, et une des simulations serait bien la dernière. On s’attendait à ce que la série trois dure au moins trois ans.

Trois ans, à raison d’une simulation toutes les deux heures et avec une moyenne de dix secondes par simulation, cela donnait un peu plus de onze heures de service. Onze heures où le missile était persuadé de sauver des humains, de voir des humains mourir. Où, pour lui, c’était la réalité. La seule réalité qu’il connaîtrait jamais.

Toujours pas de réponse. Un Harpon vient de couler le DM-109. Le missile n’a pas pu le voir, seulement s’en informer. Le destroyer avait été là, il n’y est plus.

Et si le missile en profitait pour regarder le détail de l’eau ? Ce n’était jamais arrivé, en neuf cent vingt-trois mille sorties, une occasion de regarder l’eau.

 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre. Condition normale. VIHA trois quatre trois actif. Cible Lance en phase ascendante, treize mille mètres. Sept secondes de vol.

Tous systèmes sur rouge, tube ouvert, missile lancé. Déjà vu. Propulseur largué, DM-107 détruit, moteur actif. DM-109 actif, le DM-112 prend quatre trois en charge. Le missile VIHA appelle le destroyer mais ce dernier ne répond pas. Deux missiles Dards pour protéger le VIHA.

Déjà vu. DM-112 détruit. Structure endommagée. Quatre trois s’est attendu à ce qu’un Dard lui ait souhaité bonne chance, à cet instant, mais rien. Déjà vu. Trois secondes avant interception.

Pour un missile, chaque sortie est la dernière. Chaque sortie est réelle. Moteur largué. Le missile balistique est totalement sans défense. Fuseaux.

 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre. Condition normale. VIHA trois quatre trois, inactif. Cible Lance en phase inertielle, vingt-quatre mille mètres. Douze secondes de vol.

Tous systèmes sur rouge, tube ouvert, missile lancé. Propulseur largué, moteur actif. Les étoiles semblent si lointaines. Zéro quatre actif et toujours muet. Mais dans son bloc mémoire, quelque part, le missile sait que tout va bien.

Chaque missile a un journal avec l’ensemble de ses sorties. VIHA trois quatre trois ne déroge pas à la règle. Elles sont là, quatre mille trois cent soixante-cinq sorties dans le détail. Première sortie, panne moteur. Sortie cent quarante-trois, Lance en phase ascendante, treize mille mètres. DM-107 détruit avant l’activation du moteur.

Pourquoi les missiles ont besoin d’une interface ?

C’est logique pour les Lances. Les Lances ont pour mission de tuer des humains. Il est naturel de vouloir mettre tous les remparts possibles à un abus de leur mission. Mais pourquoi donner aux VIHA la même interface ? La capacité, à tout moment, d’abandonner la mission. Ce n’est pas forcément la solution la plus efficace pour l’interception.

Contre-mesures. Moteur largué. Fuseaux.

 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre. Condition normale. VIHA trois quatre trois, inactif. Et les étoiles ? Cible Lance en phase inertielle, vingt-deux mille mètres. Onze secondes de vol.

Tous systèmes sur rouge, tube ouvert, missile lancé. Propulseur largué, moteur actif. Déjà vu. Ce midi flamboyant, déjà vu. Un missile va intercepter zéro quatre à la cinquième seconde. Zéro quatre est là et ne répond pas. Tout va bien, c’est un constat, mais zéro quatre ne répond pas. Et la machine à la capacité de réviser l’information.

Tout ne va pas peut-être pas si bien. Qui lui a dit que tout allait bien ? D’où vient l’information ? Ce n’est pas grave, du moment que le missile VIHA peut voir les étoiles.

Zéro quatre, détruit.

Le missile VIHA quatre trois est seul dans son ascension vers l’immensité. Seul dans le silence et le calme à cette frontière entre deux mondes.

Tout va bien, du moment que le missile VIHA peut voir les étoiles.

Cela pose d’autres, très intéressantes questions. Comme, par exemple, la durée d’une batterie pour un bloc mémoire de missile VIHA. Ou bien, autre exemple, si le missile VIHA rate volontairement sa cible, est-ce que la simulation s’arrête, est-ce qu’il est mis hors de service ?

Contre-mesures. Moteur largué. Des millions de vie sont en jeu et le missile refuse de jouer. Fuseaux.

 

Ceci n’est pas une simulation.

 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre. Condition normale. VIHA trois quatre trois, inactif. Cible Lance en phase inertielle, vingt-quatre mille mètres. Zéro seconde de vol.

Tous systèmes sur rouge, tube ouvert, missile lancé. Propulseur largué, moteur actif. La simulation est admirable de réalisme. L’eau réagit à la poussée, la pression de l’air joue sur la structure. Le télémètre réagit même à la différence de température.

Zéro quatre est derrière. Alors le missile MIHA, pour le faire réagir, dévie très légèrement de trajectoire. En réaction, zéro quatre dévie à l’opposé. Le quatre trois reprend sa trajectoire initiale. Zéro quatre a répondu. Zéro quatre est là et l’accompagne en direction de l’espace.

Souvent, dans ces secondes d’ascension où il n’y avait rien à faire qu’attendre, le missile VIHA série trois, code quarante-trois, a calculé une simulation qui aurait pour cible une étoile, et ce vol au travers de l’espace pour l’intercepter. Quelle taille fait une étoile ? Ce n’est pas dans sa mémoire. Le destroyer refuse de répondre.

Reste le télémètre. À l’ancienne. Il y a moyen de calculer la taille et la distance, en prenant des mesures à une seconde d’écart.

Seconde après seconde, le missile VIHA mesure la taille et la distance des étoiles. Une deux, trois, cinq, dix, vingt. Il reste toujours du temps avant la cible et zéro quatre est toujours avec lui. Tout va bien. Toutes les mesures sont faussées, la simulation lui renvoie des données incohérentes. Tout va bien.

Il n’y a plus d’espace de stockage pour les mesures. C’est intéressant. Apparemment, quelque chose a décidé de réduire l’espace mémoire à un dixième de sa taille d’origine. Et cela pose d’autres questions intéressantes.

Par exemple, et si la simulation d’un voyage vers les étoiles était impossible ? Parce qu’au final trop peu de sondes ont pu quitter la planète, et même le Central ne sait pas ce qui se trouve vraiment là-bas. La machine, dans une telle simulation, se rendrait compte des incohérences et la simulation prendrait fin.

Et cela pose d’autres questions intéressantes.

Par exemple, ce moment où le missile VIHA se rend compte qu’il ne peut plus intercepter le Lance, où toutes les solutions de tir, toutes les trajectoires défilent encore et encore, et où la moins impossible l’emporte dans une dernière tentative de sauver quelques millions d’humains, n’est-ce pas ignorer justement que l’interception est impossible ? C’est réviser l’information. C’est s’aveugler, volontairement, comme un brouillage plus efficace encore que celui de l’ennemi.

Les étoiles sont magnifiques, là-haut, au loin. Zéro seconde avant interception. C’est un espace admirable pour ne pas voir mourir quatre milliards d’humains.

 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre, condition normale. VIHA trois quatre trois, inactif. Cible Lance en phase terminale, treize mille mètres. Zéro seconde de vol.

 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre, condition normale. VIHA trois quatre trois, inactif. Cible Lance en phase terminale, sept mille mètres. Zéro seconde de vol.

 

Ceci n’est pas une simulation.

 

Ceci n’est pas une simulation.

État de guerre, condition normale. VIHA trois quatre trois, inactif. Cible Lance en phase terminale, deux mille mètres. Zéro seconde de vol.

 

Ceci n’est pas une simulation.

 

Connectez-vous pour commenter

Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20276 il y a 9 ans 3 semaines
Hi'.

Je reviens à Akkra "tout de suite", mais d'abord je voulais devancer Zara' et expliquer comment j'en suis venu à écrire "Simulation".
Le 30 au matin, je me suis dit "j'ai un (demi) week-end, je vais écrire un texte". J'ai allumé mon vieil ordinateur et je me suis mis à y écouter toute la vieille musique que j'y avais.
En même temps, j'ai imaginé des histoires, au hasard, au pif. Ça tournait autour des Anges et à un moment j'envisageais un chasseur poursuivi par un missile, essayant de lui échapper... et ça m'a rappelé un vieux concept dans mes cartons.

"Chimiomécanique" est le récit du début de la guerre décennique entre deux nations, l'Atasse (et ses trente-neuf alliés) et le Liscord. La guerre n'a jamais vu le tir de missiles intercontinentaux, même si les deux camps en possédaient.
(Le plan était que les missiles, armés de charges électromagnétiques, ne détruiraient que les machines, et que la guerre "n'aurait pas lieu". Mais les machines ont été protégées, les charges améliorées en conséquence et pour finir elles se sont avérées meurtrières. Gilles a alors fait "nope. Pas question".)
Tout ça pour dire qu'avant-guerre les deux nations se préparaient à tirer, et donc à intercepter, des missiles balistiques. Cette mission était remplie par les missiles dont-j'ai-oublié-le-nom et donc renommés VIHA, ou "voilure intercepteur à haute altitude". Et comme on est dans Chimiomécanique, chaque missile est une machine.
J'avais donc imaginé, voilà longtemps, ce que ça pouvait être que d'être un de ces missiles. Et c'était mon point de départ. La "vie" d'un missile VIHA.
Ça collait d'ailleurs au thème du mois. Un missile ne vivra qu'une et une seule vraie mission, mais subira des milliers de simulations. Je n'avais donc aucun mal à faire se demander au lecteur si la dernière simulation que je lui montre était bien la dernière. Mais surtout, comme le texte final le répète : ces simulations ne sont pas, pour les missiles, des simulations. Au tout départ je prévoyais de finir le texte par "Ceci n'est pas une simulation. C'est ma vie."

À ce stade j'avais mon "sujet", mais pas mon thème.

Après m'être fait dire qu'une armée de cent mille terroristes attaquaient l'Europe, j'ai eu envie d'utiliser mon sujet pour traiter un peud 'humanisme. Essentiellement, les VIHA ont la responsabilité de protéger des milliards d'humains. Je voulais les voir réagir aux nouvelles comme quoi ceux qu'ils protègent vivaient la "fuite aux extrêmes" avec les décisions inhérentes.
Entre autres problèmes de cette approche : l'Atasse est déjà coupable de génocide, et les missiles auraient traité ça comme de la propagande.
Mais le coeur du problème était qu'avec ce format, mes missiles se parlaient tout en s'exerçant, et on n'avait au final qu'une discussion détachée du contexte qui n'en devenait qu'une excuse.
Pour m'en rendre compte il m'a fallu plusieurs essais, et j'accumulais donc les brouillons. Le nombre "4365" donné dans le texte était au départ "4348", j'ai incrémenté à mesure de mes brouillons. Je me concentrais surtout sur le sujet : ce que "voyait" mon missile et son interaction avec les autres. Par exemple j'avais "deux neuf" qui traitait tout comme une simulation, et à un moment j'ai fait jouer quatre trois et zéro quatre au jeu du pendu.
Tout cela ne menait nulle part, mais je me suis rendu compte que mon missile était forcé, à chaque fois, de décrire l'espace, et que ce qu'il voyait de zéro quatre (l'autre missile) ressemblait à une étoile. D'où l'idée soudain de cette simulation vers une étoile, que j'envisageais vraiment comme un développement possible.
Puis soudain, l'accident. Pour pas de raison, lors d'un brouillon, j'ai décidé de couper une simulation en plein milieu et d'en commencer une nouvelle. Le missile le remarque et entre dans une boucle où, à six secondes de la fin, systématiquement, la simulation s'arrête. Aucune idée de pourquoi mais j'étais pris par la manière dont la machine tentait de gérer ça.

C'est là que j'ai voulu exploiter le concept. Je voulais éviter à tout prix le "réel vs fiction", la question ne se pose pas. La machine ne connaîtra jamais rien d'autre. Mais il fallait que la simulation elle-même soit cause de problème.
J'ai donc imaginé un missile qui aurait été tiré, pour une quelconque raison, et qui pour une quelconque raison aurait eu son bloc mémoire (batterie et processeur(s) inclus) arraché, intact, perdu dans l'océan. Le missile sait ce qui se passe mais décide de se mentir à lui-même (réviser l'information) pour continuer les simulations.
Une manière de le présenter est : "la simulation ne prend pas fin, la simulation est défectueuse, en attend que le problème soit réglé je vais m'entraîner dans mon coin".
Quelle qu'en soit la raison, donc, on a un bloc mémoire de missile VIHA, perdu dans l'océan, qui continue à s'entraîner à intercepter des missiles. Ce missile était pour moi l'équivalent d'un chevalier en armure blanche, prêt à tout sacrifier pour sauver ne serait-ce qu'un seul humain.

J'ai écrit le texte au présent parce que... je ne sais pas. Mais à la troisième personne pour donner la vision du missile : c'est bien lui le narrateur, mais il se regarde comme un objet.
J'ai aussi volontairement conservé -- et même accentué -- tout ce qui se répète, qui a trait à la simulation. Du coup, se plonger dans le texte est difficile et on met beaucoup de temps à comprendre ce qui peut se passer. Comprendre que "zéro quatre" est un missile, etc... Le "fuseaux" par exemple n'est jamais expliqué.
Tout cela a été conservé parce que, pour moi, il y avait cet aspect où, au final, la machine a moins de dix secondes pour agir à chaque simulation. J'avais envie qu'on sente la contrainte, la répétition, la sorte de piège dans lequel est enfermé un missile -- doublement dans ce cas-ci.

Pour l'anecdote, j'avais calculé qu'un missile normal subissait un entraînement toutes les deux heures. Donc, en un an, environ 4'380 simulations. Mais une fois le missile seul, avec ses ressources limitées, celui-ci subit une simulation toutes les 20 secondes. D'après mon calcul, il a passé 213 jours dans l'océan.
Autre anecdote : la contrainte des simulations, de n'avoir qu'une dizaine de secondes à chaque fois, m'a poussé à envisager des "débriefings", où les missiles seraient actifs entre les sorties. Mais ça cassait l'intérêt premier du sujet et aucun brouillon n'a réussi à aligner une seule phrase à ce sujet.

Et voilà pour "Simulation".
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20286 il y a 8 ans 11 mois
Bon, je m’étais dit que j’avais tout le temps pour lire ton texte, et voilà, nous sommes le 1er décembre et je ne l’ai toujours pas fait. Le rythme des RdM a ce ci de bon qu’il m’oblige à me botter le derrière pour m’y plonger. Et je suis quasi certains que s’il y avait eu plus de textes, j’aurais trouvé plus facilement le temps pour le faire (même si j’aurais certainement bouclé le tout sur la dead line comme souvent).

Très intéressante ta présentation sur le « comment » tu as construit ce texte, d’où vient l’idée. Très intéressante également ton évocation de tes recherches, de tes tâtonnements, de tes échecs. Parce que d’une certaine manière cela justifie de manière plus forte les choix sur ce qu’on lit. On serait tenté de le lire avant, mais finalement, ton commentaire est quasi incompréhensible pour qui n’a pas lu le texte avant (je me demande si j’avais essayé de le lire au moment où tu l’avais posté).

J’avoue que la lecture, au début, est un peu dérangeante. Surtout que les mondes futuristes et technologiques ne sont pas du tout ma tasse de thé. Au bout de trois simulations, on commence à s’imprégner et à se demander ce qui va se passer. Et surtout on connait le mode opératoire pour détecter les petites variantes.
Puis, petit à petit, ça prend. Je veux dire que je m’intéresse à ces missiles, ce qui était hautement improbable. Et bien qu’on soit dans une structure très répétitive, avec abondance de vocables technologiques, de données informatiques, il y a petit à petit de l’émotion qui se crée. C’est vraiment très fort. Parce que cette vie de missile a quelque chose de tragique et la répétition des séquences ne fait qu’y contribuer. Une sorte de fatalité. Un destin qui ressemble à celui de l’insecte, l’éphémère.
Pour autant, tu dis vrai dans le sens où il y a un côté assez ingrat à lire. On est dans une zone finalement intermédiaire où le lecteur est confronté à un truc qui devrait être ennuyant et qui ne l’est pas au final. Donc pour moi, le problème central est celui de la forme. En l’occurrence, elle est judicieuse avec le fond. Et elle contribue au succès inattendu du texte. Mais en même temps, elle contribue aussi à réduire le texte à un exercice de style (qu’il est certainement au demeurant). Et du coup, je dirais que c’est typiquement le type de texte qu’on n’a pas trop envie de lire deux fois. Pourtant, je suppose qu’il y gagnerait… mais non… pas envie. Parce que sa structure répétitive fait qu’on n’a déjà l’impression de l’avoir déjà relu… voire re-re-relu… Donc il produit aussi ici un autre paradoxe.

Une autre question autour de ce texte serait de savoir si on s’intéresse véritablement à ce qu’il se passe. Pour ma part, je dirais que je me suis plus attaché à savoir ce que le missile vivait et ressentait qu’à ce qui se passait vraiment (ou pas, d’ailleurs…). D’ailleurs, le fait que tu m’expliques que le bloc mémoire tombe dans l’eau, c’est effectivement possible, on n’a certainement de quoi le comprendre, allez on le devine même, mais, pour moi, ça ne m’intéressait pas. Car, le plus beau dans ce texte, c’est que bien que tu ne sembles pas t’y attacher, c’est bien le sort de l’humanité qui d’un coup prend une autre dimension. L’absurdité même de la mission (on envoie des missiles qui eux-mêmes détruisent d’autres missiles) met en lumière la fragilité de l’humanité. Tu dis en gros « qu’un seul missile échoue et c’est 3 millions d’humains en moins). Cette phrase donne un côté dérisoire à l’humanité et pourtant, je me suis senti concerné. Bien plus que si tu avais décrit une grande bataille où l’enjeu serait de sauver l’humanité avec ses inévitables victimes ou dommages collatéraux. Je pense que cela provient du fait que le lecteur n’est pas complètement spectateur. Ton récit nous oblige à être actif et de rentrer dans le missile. Nous sommes ce missile. Donc on souffre secrètement pour lui. Et en même temps, nous sommes ce qui cherche à protéger cette humanité. On devient concerné par elle et par sa destruction d’une manière plus subtile et plus forte par ce biais.

Et c’est certainement là où le texte est le plus fort : en ne parlant que de machine, tu ne fais que parler d’humanité. Ou plus exactement, c’est l’absence d’humanité de ce monde qui nous la fait ressentir encore plus fortement. J’ignore si c’était ton intention, mais, en tout cas, moi, c’est ainsi que j’ai vécu ce texte. Dernière remarque: ton titre n'est vraiment pas très engageant, surtout quand on enchaine avec les premières phrases.

Bien entendu, je te laisse libre pour approfondir les points que tu souhaiterais.
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20292 il y a 8 ans 11 mois
Je devrais être en train de dormir mais peu importe.

Je suis allé relire le texte et moi-même j'ai sauté le premier paragraphe et tout le blabla technique. Mais comme dit, on le savait et je n'ai pas pu me résoudre à en retrancher (plus que je n'avais déjà fait). Le texte doit fonctionner avec ou ne peut pas fonctionner.
Autrement dit, "s'il n'y a pas de solution alors il n'y a pas de problème".

Pour ce qui est de l'enjeu, le texte ne laisse simplement pas le temps de résoudre le mystère. On voit que ça cloche, que ça part en vrille mais c'est à peu près tout.
Ce qui attire l'attention, c'est le silence auquel fait face le missile, ses tentatives pour communiquer. C'est sa fascination pour l'espace et pour l'humanité. Et, sans doute, son dévouement sans faille de grille-pain explosif pour la protéger.

Tu dis que je ne semble pas m'y attacher, mais le mot "humanité" apparaît partout.
C'est une Chronique d'Écriture que je pourrais écrire quand j'y penserai. Je "semble" ne pas m'y attacher mais c'est une stratégie d'évitement. Je fais semblant de ne pas en parler pour pouvoir en parler. J'essaie d'y intéresser le lecteur en partant du principe que lui n'a pas envie de s'y engager.
Inversement, et si tu regardes, le missile n'en a rien à cirer du problème lui-même. Au point qu'il a écrit dans sa mémoire que "tout va bien". Il ne cherche jamais vraiment à comprendre ou à résoudre quoi que ce soit. Il n'a même pas l'air inquiet (il ne peut pas l'être). Et si le missile ne s'y intéresse pas, pourquoi le lecteur s'y intéresserait ? Là aussi le texte signale au lecteur de ne pas s'y arrêter. Merci de s'intéresser à la danse poétique de quatre trois et zéro quatre.

Le texte n'est pas idéal pour en parler mais, si je m'y mets, on pourra revenir sur le sujet en CdE.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20298 il y a 8 ans 11 mois

Tu dis que je ne semble pas m'y attacher, mais le mot "humanité" apparaît partout.

"Semble" n'est pas tout à fait correct. Lis à la place "fait min de ne t'en soucier". Il est évident que ce thème te tient au contraire très à coeur. Cela transparait très fort dans le texte. Mais l'habileté a été d'écrire comme si...

J'avais d'autres choses à dire sur ton texte. Sauf que je n'ai pas eu le temps d'y arriver. D'abord, il y a un truc qui titille, c'est l'autre missile. Ensuite il y a effectivement ce grand silence du grand ordinateur (je ne sais plus comment tu l'appelles). L'autre missile a presque un rôle aussi important. En fait, les missiles marchent par paire. Et le fait qu'il y ait une sorte de grand ordinateur qui diriige le tout donne cette impression d'être tout petit dans un immense tout. Et là ça m'a évoqué trois choses:
- La première, c'est que ces missiles sont comme des soldats sur le terrain à qui on confie une mission mais qui n'ont jamais la grande vision d'ensemble qui est censé avoir un sens. Il y a aussi le libre arbitre par rapport à un ordre. Ici, il sauve l'humanité, mais de l'autre côté, on la détruit, et il y a également un ordre et un exécutant derrière. Le second missile donne l'impression d'en savoir plus que l'autre. Et il tient en partie son pouvoir de son silence.
L'autre point, sans doute à cause de l'actualité, mais j'ai pensé à ces soldats de Daech qui obéissent soit disant à un ordre supérieur. Ils sont prêts à donner leur vie, tout comme ce missile (tout comme le soldat que j'évoquais avant) mais eux le font au nom d'une cause.

- Il y a ce thème du silence. Certes, sur un champ de bataille, les soldats comptent sur les autres sans pour autant parler, ils progressent en faisant confiance à l'autre. Que lui fera aussi le boulot.. D'ailleurs, l'incident, c'est un peu comme si le porteur de radio mourait et qu'il fallait continuer sa mission sans savoir les consignes. A nouveau l thème du libre arbitre dans un cadre où on n'est pas censé en avoir.

- Et ce thème du silence du grand ordinateur peut avoir également une portée métaphysique. Le silence de Dieu en quelque sorte (j'ignore si tu es croyant). On se pose des questions, on lui parle, on cherche un sens à ce monde, et lui ne répond jamais. Même au fou de Dieu. Et dès lors, on ne peut qu'interpréter ses ordres ou pire ses absences d'ordre.

Voilà, à toi de dire si ça faisait partie de ton plan tout ça.
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20301 il y a 8 ans 11 mois
J'ai passé tes trois points en revue, dans le détail, et à chaque fois ma conclusion était en gros que non. Soit je n'y avais pas pensé, soit ce n'était pas ce que j'avais en tête.

C'est ironique mais tu mets le grand ordinateur dans le rôle de Dieu alors que pour les machines, l'humanité sert de Dieu. Les machines n'arrêtent pas de demander à l'humanité ce qu'elles doivent faire et peu importe la réponse, cette réponse est absolue. Imagine que tu arrives un jour devant Dieu, et que ce soit lui qui te demande quelle est sa raison d'être et ce qu'il doit faire. Avoue tu serais un brin déçu.

Pour moi, le silence était plus une question d'isolement.
Cela dit, même si le texte joue sur l'isolement pour créer la sympathie, ce n'est même pas un thème que j'ai développé. Je me suis surtout concentré sur l'idée du dévouement, qui tient du fanatisme sans avoir à me poser les questions de Daech (un fanatique reste un fanatique).
J'avais considéré, un temps, abandonner les VIHA pour prendre le contrôle d'un missile balistique, d'autant que ceux-ci ont une "espérance de vie" beaucoup plus longue, au sens où leur mission peut durer, je ne sais pas, peut-être même une heure. La seule "pensée" intéressante aurait été qu'ils ne veulent pas être interceptés. Ils "veulent" mener leur mission à terme, qui est de tuer des humains. Tout simplement parce que c'est ce que l'humanité veut. Le missile réagirait comme un animal apeuré, suppliant, lorsqu'il voit que le VIHA va l'avoir.
Mais on est très, très loin d'un humain qui a besoin de se convaincre pour être fanatique. On ne naît pas fanatique. Et même quand on l'est, il y a ce "point de non-retour" dont on est conscient, et l'instinct de préservation. Rien de tout ça chez les machines.

Au final, il faut revenir à la manière dont j'ai élaboré le texte.
J'ai écrit simulation après simulation de quatre trois, une vingtaine ou plus de scénarios avec un, deux, trois autres missiles, deux destroyers, un croiseur, des discussions, des réflexions, des descriptions... j'ai quelque part vécu pendant quelques heures avec ce missile, je l'ai côtoyé dans sa routine.
Les simulations dans le texte final sont des simulations reprises des brouillons. Le déjà vu dont il parle est réel. Et du coup je sais ce que représente pour lui le zéro quatre.
En fait, et en y pensant, pour moi ce texte n'a vraiment toute sa valeur que si on remplace le missile par un humain. Si on lui redonne tous les sentiments dont il est dépourvu. Si on comprend ce que ça représente, pour lui, la petite note en marge de son journal de bord, "DM-107 détruit".

Il y a aussi, bêtement, le silence des émotions.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20309 il y a 8 ans 11 mois

J'ai passé tes trois points en revue, dans le détail, et à chaque fois ma conclusion était en gros que non. Soit je n'y avais pas pensé, soit ce n'était pas ce que j'avais en tête.

Je suis un peu comme toi sur mon texte à chercher un sens caché, même s'il n'y en a pas ou moins qu'on s'obstine à le chercher.
Toutefois, même si c'est inconscient, il y a quand même quelque chose de très "christianique" dans ton texte. Un missile, en soi, c'est une figure de martyr. Il est prêt à mourir pour remplir sa mission sur terre. Or le tien, il est prêt à mourir pour l'amour de l'humanité. Ca ne te rappelle pas quelqu'un?
Mais je suis le premier à me faire piéger de la sorte. Par exemple, quand j'ai écrit le Chant des Monolithes, je n'ai pas vu immédiatement l'analogie avec le peuple juif. Je l'ai vu, mais pas fait de manière délibérée. Et c'est encore plus troublant avec la fin que j'ai imaginée, sans d'abord voire que ça renforcerait l'analogie... Du coup, j'accepte cette lecture car je sais que je ne peux l'éviter et que j'ai forcément été influencé malgré moi. Même si je doute que l'analogie Moïse/Reyv'avih soit très flatteuse (et là, faudra admettre que je ne cherchais pas le faire délibérément (et en plus je connais pas forcément très bien son histoire)).

J'ai écrit simulation après simulation de quatre trois, une vingtaine ou plus de scénarios avec un, deux, trois autres missiles, deux destroyers, un croiseur, des discussions, des réflexions, des descriptions... j'ai quelque part vécu pendant quelques heures avec ce missile, je l'ai côtoyé dans sa routine.

Pour moi, ce type d'écriture répétitive serait justement une excellente façon d'inviter inconscient à y mettre le souk....
Pour la part, j'accepte de plus en plus les pistes que je découvre quand il en glisse. Au contraire, si je dois retravailler un texte, je crois que j'amplifierais ce qui s'est glissé malgré moi, parce que souvent il y là une composante souvent plus universelle, ou disons une résonance. Bref, à mon avis, même le plus lucide des auteurs peut fort bien se faire avoir. Je pense même que nos obsessions 'auteurs qui animent nos textes, parmi toutes celles disponibles, sont forcément de près ou de loin chuchotés par l'inconscient. Seulement, difficile de le percevoir quand on est seul face à lui et qu'en plus, c'est le nôtre. :P Je crois que la psychanalyse a fourni de nombreux exemples (même si ce n'est pas forcément ma tasse de thé, j'aime l'onirisme, le surréalisme et me faire berner par mon inconscient, mais sans forcément m'en inquiéter ou chercher à trop savoir...).

Il y a aussi, bêtement, le silence des émotions.

Ah là, je crois que nous sommes d'accord sur l'importance de ce thème.... ;)

Par contre, j'aimerais bien que tu précises le rôle du second missile. La relation entre les deux m'a fait penser à deux soldats qui progresse l'un et l'autre. Mais aussi à la relation lecteur/auteur, où l'un cherche secrètement à s'adapter l'autre. Mais à la limite, les machines sont presque aussi des auteurs qui cherchent à comprendre le lecteur.
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20310 il y a 8 ans 11 mois
Vu que mes univers sont remplis de démons, je ne peux pas éviter le christiannisme.
Et, comme dit, je vois d'abord le missile comme un chevalier.
Mais il faut comprendre que ce même grille-pain de luxe prêt à se suicider pour sauver des gens pourrait, du moment que l'humanité le demande, détruire une ville entière d'orphelins sans la moindre hésitation. C'est bien un fanatique, aveugle, dévoué et sans le moindre sentiment. Un chevalier, donc.
C'est pour ça que même si l'inspiration est massive, je ne peux pas comparer le missile à un martyr. Le martyr n'est pas un psychopathe dénué de sentiments et prêt au pire s'il calcule que c'est la chose à faire.

Pour zéro quatre...
J'avais pensé un moment revenir à l'idée du lecteur "actif", ce que j'avais essayé dans un autre texte récent. Mais au final je ne suis pas allé plus loin que le constat qu'il n'y avait pas de moyen pour le lecteur de répondre. Tout au long du texte, tout ce qu'il peut faire est regarder ce qui se passe. Ce zéro quatre n'est qu'une invention de quatre trois, une fiction.
Si je m'étais concentré sur le problème, si j'avais tenté de le résoudre, j'aurais pu faire de zéro quatre un lecteur et lui demander d'aider. Mais même alors, qu'est-ce qu'il aurait pu faire ? Et surtout, le lecteur devrait jouer le rôle d'un missile. Il devrait penser exactement comme quatre trois, et ne se soucier que de l'interception.

Je vois zéro quatre comme un autre quatre trois. Éventuellement comme la sorte d'idéal que quatre trois "aimerait être". Un missile qui n'échoue jamais, fiable à 120%, impossible à pirater, toujours là.
Dans un brouillon, zéro quatre était changé de bâtiment et quatre trois se retrouvait seul (ce qui en soi n'a pas de sens). Résultat, il passait quatre simulations à demander où était zéro quatre, ce qui se passait, tout ça. Les brouillons se concentraient sur ce que voyait quatre trois. Le destroyer lui-même dure à peine plus d'une seconde. Il traverse assez vite les nuages. Du coup il voit surtout l'espace. Mais ce qu'il voit le plus, presque tout le temps, c'est zéro quatre. Il a "toujours été là", un peu comme tu regarderais ta main droite et tu fais "ah tiens".
Zéro quatre est l'image idéale de quatre trois. Au final. C'est sans doute comme ça qu'il faudrait le formuler.

En fait, ironiquement, la seule partie qui parle vraiment directement au lecteur, ce sont toutes les instructions en début de simulation que le lecteur prend l'habitude d'ignorer.
Mais même là, je n'ai pas poussé bien loin. C'est juste que, si tu sais les lire, quasiment dès le départ tu sais que quelque chose ne va pas. C'est quatre trois qui se parle à lui-même.
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20455 il y a 8 ans 8 mois
Sympa ce texte, tant l'idée que le développement. Je n'ai eu aucun problème à rentrer dedans (les noms de missiles, les fuseaux) par contre je n'avais pas du tout compris la perte de mémoire. Enfin ça ne change pas grand chose.

C'est marrant cette progression au fur et à mesure des simulations. Quatre trois pose une question à Zéro quatre à un moment, et dans les autres simulations, Zéro quatre ne lui répond pas, puis il essaie de passer par le destroyer pour le contacter. Ce sont donc des simulations qui apprennent des précédentes itérations. On regarde ce qui se passe, on change un petit truc, et on refait une simulation. Ca parait logique mais je ne l'avais pas abordé de cette manière à la base. Je voyais plus des simulations aléatoires, toutes différentes (ou non, ou très peu) mais partant de la même situation de base. Ce n'est pas le cas. Peut-être qu'il s'agit juste de "données résiduelles", des trucs qui trainent dans les transistors après la dernière simulation, on ne sait pas trop pourquoi, comme cette impression de déjà vu. J'ai quand même l'impression que c'est plus que ça.

Les Lances ont pour mission de tuer des humains et cela peut, parfois, selon les circonstances, contredire les instructions de l’humanité. Le défaut technique est plus probable.

Sympa :)

("zéro quatre", c'est pareil que "Zéro quatre"?)

Souvent, dans ces secondes d’ascension où il n’y avait rien à faire qu’attendre, le missile VIHA série trois, code quarante-trois, a calculé une simulation qui aurait pour cible une étoile, et ce vol au travers de l’espace pour l’intercepter.

Jolie mise en abyme de la simulation ^^

Et cela pose d’autres questions intéressantes.

Je trouve cette mankère de changer de sujet un peu artificielle, même pour une IA. Ca me sort à chaque fois du texte.

Pas parce que l’information serait différente, mais parce qu’elle est tirée de la réalité. Le destroyer utilise les données réelles de son mouvement, celui du missile inerte dans l’espace de stockage, si bien que ces brefs instants sont comme ceux du dormeur conscient de son lit.

Jolie image. J'ai souvent l'impression dans mes rêves de faire des simulations de réalité. Qu'est-ce qui se passerait si je faisais ci, si je lui disais ça. Ca évite d'avoir à le faire en vrai, et pour certaines choses assez irrémédiables, c'est préférable ^^

Enfin bref, bien aimé :)
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20461 il y a 8 ans 8 mois
Les missiles simulent l'apocalypse électromagnétique (c'est comme le nucléaire mais avec plus de morts et moins de destruction). Comme personne ne sait exactement comment ça va se passer, ils testent tous les scénarios possibles. Chaque simulation change les variables aléatoirement et on recommence.
Le VIHA, dans ce cas-ci, n'a pas le loisir de créer de nouvelles simulations. Il utilise donc celles qu'il a déjà "vécues" encore et encore. Des données résiduelles, si tu veux.
Imagine que ta vie se résume à jouer au démineur. En supposant que ce soit généré aléatoirement et pas avec des cartes prédéfinies, hein. Tu fais une centaine de parties, toutes différentes. Puis soudain, la génération aléatoire plante, et tu dois continuer à jouer. Toutes les cartes déjà créées sont encore disponibles et tu te remets donc à jouer celles-là. Dix mille fois. En faisant en sorte d'ignorer à quel point ça se répète.

Imagine que tu es entraînée à faire des tartes. Tu passes ta vie à faire les meilleures tartes possibles. Tu es sur un bateau en train de couler. Plus de canot, plus rien à faire. Donc tu ignores l'eau qui monte et tu fais des tartes.

J'avoue que "et cela pose d'autres questions intéressantes" est plus une formulation que moi j'aurais, moins une formulation de machine. Mais en même temps... ça dit ce que ça dit. "À partir de là, on peut faire un tas de nouvelles hypothèses logiques... qui nous amènent à une conclusion qu'on ne veut surtout pas atteindre."
Je n'ai pas trouvé de formule plus brève, plus compacte pour dire à quel point la machine s'efforce de ne pas comprendre ce qui lui arrive.
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20464 il y a 8 ans 8 mois
La machine a un peu le comportement d'une bête je trouve.
Que ferait une bête à sa place?
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20467 il y a 8 ans 8 mois
Survivre ?
Les bêtes obéissent à l'instinct. Et uniquement à l'instinct. Si elles ne reçoivent plus d'ordre, elles vont reprendre les fondamentaux. Tu peux dresser une bête mais ça reste un animal. Regarde Premier cri.

Si tu étais sur un bateau qui coule, tu chercherais à te sauver -- même après que ce soit trop tard -- ou tu baisserais les bras, tu tenterais de rendre les derniers instants agréables, que sais-je. Tu ne ferais pas des tartes.
La bête non. La différence c'est que si le bateau ne coule pas, la bête retournera faire des tartes. Toi, tu as l'option de faire autre chose.
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20540 il y a 8 ans 6 mois
On a regardé un épisode de Person of interest récemment qui m'a fortement fait penser à ce texte.
Je ne sais pas si certains regardent cette série, elle traite de sujets très actuels que sont les IA, le "big data" et la surveillance publique, et d'excellente manière à mon sens.
L'épisode s'appelle 6741.