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Ce n'était pas la première histoire et ce ne serait pas la dernière.

Pour ces bêtes ce n'était pas une routine quotidienne mais leur raison d'être, cet instant où le dernier combattant s'effondrait et où le frisson de la mort soulevait les foules. L'arène scandait alors : « Ikorion ! Ikorion ! » Poings levés avec ferveur, avec folie. Dans des grondements de fer et des raclements de roche, le puits central s'ouvrait, les piliers s'élevaient et le champs de mort battu par le sable et le sang gagnait une seconde vie. Les bêtes pouvaient le sentir, comme un instinct, une puissance qui les électrisait. C'était enivrant, plus que le spectacle des combats, plus que toute autre émotion, c'était l'instant où les bêtes se sentaient enfin vivantes.

Et du puits central émergeait Ikorion, non pas une bête, pas même un monstre, mais un centaure à gueule de taureau, les cornes courtes, le pelage de rouille, tacheté comme la cendre, comme si l'énergie qui étouffait tous les gradins se consumait autour de lui, cherchait à le brûler en vain. Son regard fixait le dernier combattant, le champion, vainqueur de l'arène, qui avait choisi de le défier.

Ce dernier, dans sa cape cinglante, surarmé et entouré de son aura écrasante, semblait si faible en comparaison.

Phil n'aurait pas su dire ce que ressentait ce champion. À sa place il aurait reculé, il se serait enfui même, mais c'était pour cela que Phil était dans les gradins, et ce champion se tenait debout après avoir remporté quatre combats, et mis à mort des adversaires effrayants. C'était un monstre, une bête invincible, un fétu de paille à présent sur lequel semblait se refermer le monde. Le champion s'était mis à sourire, satisfait.

Puis, quand le lourd mécanisme prit fin, Ikorion s'avança. Ses sabots foulant le sable et la pierre fissurée de l'arène. À ses poignets de vieilles chaînes qu'il n'avait jamais pris la peine d'enlever. Ikorion ne souriait pas. Ikorion se renfrognait, se tourna vers la foule, la parcourut de son regard lourd qui fit reculer tout le monde.

« C'est tout ?! » Beugla-t-il enfin. « C'est ça, votre champion ? »

Une bête de spectacle, qui semblait vouloir exciter la foule, mais Phil eut l'instinct que ce monstre enrageait vraiment. Les huit boucliers qui séparaient l'arène des gradins semblaient huit feuilles de papier face à un ours.

Ikorion devait toiser toute la foule, mais s'était arrêté dans son geste, la tête tournée en direction de Phil. Comme s'il le regardait parmi tous. Ce ne fut qu'une impression flottante.

« Vous êtes pathétiques, à trembler comme des feuilles sur vos sièges ! Et toi ! » Hurla Ikorion pour le champion qui lui faisait face, avec son sourire suffisant. « Tu es le plus pathétique d'entre tous ! »

Phil ne savait pas ce qui devait se passer ensuite. Autour de lui les bêtes s'excitaient à nouveau, se relevaient, se tendaient par anticipation. Eux savaient. Eux attendaient de voir si le maître de l'arène, Ikorion, allait simplement tuer cette bête face à lui ici et maintenant.

Pendant une seconde, il sembla qu'Ikorion allait le faire, mais le centaure regarda de nouveau du côté de Phil, et Phil se figea à nouveau. Ikorion s'était mis à sourire férocement.

« C'est un combat que tu veux ? » Se réjouit-il pour le champion, puis pour la foule : « C'est un combat que vous voulez ?! Vous allez l'avoir ! »

Toute la foule scanda avec exaltation le nom d'Ikorion.

Après quoi les deux combattants se séparèrent, chacun de leur côté, et le centaure alla ruminant disparaître par une entrée tandis que le champion, dans sa cape cinglante, s'en alla par une autre. Les marchands revinrent distribuer parmi les spectateurs leurs apéritifs et boissons.

« C'est impressionnant, quand même. » Dit Phil à son ami.

Mais Josh ne lui répondit pas, ou plutôt lui répondit d'une voix blanche que la bête entendit à peine. Son ami était écrasé dans son siège, les yeux encore écarquillés, le visage tout entier blêmi. Cela amusa Phil, de se découvrir le plus courageux des deux.

Il lui commanda une bière, lui dit encore deux trois mots puis attendit la fin de la pause, puis le bruit des chaînes reprit et les portes se rouvrirent, et les combattants revinrent. Ikorion souriait. Ikorion s'étirait les muscles, impatient, tandis que face à lui le champion, placide comme à tous les combats précédents, se contentait de l'attendre.

Dès qu'ils se sentirent prêts, Ikorion s'élança, et toute la magie et toutes les armes du champion se déchaînèrent en même temps. Quatre puis trois explosions successives secouèrent l'arène, et ils virent la cape voler de l'autre côté, aller s'écraser et Ikorion se précipiter dessus.

Ce fut à peine un combat.

Après tous les morts de la journée, Phil avait ressenti l'horreur et l'excitation. Ce qu'il ressentait désormais face au centaure et à son trophée, aux débris de chair à ses sabots, à la cape déchirée, était un vide immense.

Le soir venu, en retournant à l'hotel, la tête encore pleine des cris de la foule et le corps toujours frissonnant, il peinait toujours à décrire ce qui lui avait tordu le coeur. Comme si ce champion était mort dès les premières secondes, et qu'il avait regardé se battre un cadavre.

Josh semblait aussi secoué que lui. Dans leur dos le stade, avec sa pierre rouge et ses lourdes chaînes aux contreforts, semblait les poursuivre encore.

Ils retournèrent à leurs chambres presque sans rien se dire, juste quelques banalités, chacun incapable de vraiment regarder l'autre. Tout ce qu'ils avaient dans la bouche était le goût de la mort, et il leur semblait que l'autre savait déjà tout de leurs émotions. Phil ferma la porte, se jeta dans son lit sans même se déshabiller et se mit à rêver les yeux ouverts de cette arène qui tremblait à chaque pas d'Ikorion.

Tard dans la nuit, Josh était ressorti, s'était promené dans les rues enjouées de Mirva, était retourné traîner près du stade. Sans rien dire. Comme une ombre.

Au matin il était redevenu l'ami enjoué, empressé que Phil avait toujours connu. « Allez viens ! » Et Josh l'entraînait au premier restaurant venu pour leur dernière journée à Mirva. Le soir venu ils prendraient le train, ils retourneraient au village avec tant de choses à raconter aux autres. Mais aucun des deux ne voulait y retourner vraiment, et Phil savait qu'ils ne rentreraient pas. Il attendait seulement que Josh le lui révèle, comme un plaisir personnel, et il en souriait par avance.

« Retournons au stade ! » Lui proposa Josh.

« Au stade ? » Frissonna Phil.

Il ne voulait pas retourner au stade. Il ne voulait pas revoir cette arène et risquer de croiser à nouveau le regard d'Ikorion.

« Allez, c'est de loin la meilleure attraction ! Ces combats à mort, cette rage, on se sent vivre ! Faut qu'on y retourne, allez ! »

Phil était obligé d'admettre combien rien n'égalait cette excitation, l'intensité des combats dans la sécurité relative des gradins. C'était le coeur de Mirva. Mais il y avait, incrusté en lui, le regard d'Ikorion, et tout son courage s'effaçait. Il aurait voulu s'enfuir, il regarda Josh. Ce dernier semblait suppliant.

Peu importe ce que son ami avait en tête. Phil décida de céder.

La foule était aussi nombreuse qu'hier. Les bêtes se pressaient aux entrées, sous les arches, devant les bureaux de paris et aux restaurants. Une seconde ville de boutiques et de restaurants frémillait de voix et de musiques, et les artisans venaient présenter leurs armes à la foule pour les combattants.

Tout cela effaça la journée d'hier. De toute manière, songea-t-il, ils seraient partis ce soir. S'il avait peur de s'asseoir sur un siège, il n'était pas prêt pour accompagner Josh. Les deux bêtes perdues dans la foule, deux parmi dix mille, gagnèrent avec peine les guichets à billets. Josh le tira alors à part.

« On y va. » Dit-il sans détour. « Dans l'arène. Toi et moi. On s'inscrit comme combattants, et on regarde jusqu'où on va ! »

« Non mais ça va pas ? » Réagit Phil. « C'est des combats à mort ! »

« Alors il suffit de pas mourir ! » Lui sourit Josh de tous ses crocs. « Les deux premiers tours sont bourrés de débutants, on risque rien, on les démonte et on se retire ! Allez, toi et moi dans l'arène, avec cinquante mille spectateurs qui nous acclament ! On n'aura jamais l'occasion de revivre ça ! »

Josh avait espéré que Phil dise oui, parce que ce dernier ne s'était pas détaché en protestant. Mais il se détacha enfin et son attitude plus que sa réponse signifièrent qu'il refusait. Ils étaient faibles. Ils allaient se faire tuer. Il fallait bien que l'un soit responsable pour deux, et Josh se rendit à cette raison.

« D'accord, alors j'y vais seul. » S'amusa-t-il, avant de montrer les muscles. « Je leur mets la misère, et toi tu me regardes, okay ? Ca sert à rien si t'es pas là. »

À nouveau, ce regard suppliant.

Phil, billet en main, regarda son ami s'inscrire pour les combats. Regarda un garde lui désigner le passage à prendre, et les bêtes alentours regarder ce gringalet un peu trop grand lui faire un signe rassurant avant de suivre. Après quoi il se retrouva seul, terriblement inquiet. Une seule pensée en tête : il fallait que Josh gagne. Parce qu'ensuite, ils partiraient ensemble, à l'aventure dans le monde.

On ouvrit l'accès aux gradins. Mais la bête ne s'y rendit pas immédiatement. À la place, il alla d'abord voir du côté des paris où le nom de son ami s'était ajouté aux autres, et il y chercha les chances qu'on lui donnait. Il n'avait jamais parié lui-même, et il ne savait pas bien lire le tableau, aussi demanda-t-il un peu d'aide.

« Votre ami est donné perdant. » Lui dit une bête en s'approchant.

L'inconnu, la crinière taillée courte et en bouc sous le menton, portait gilet et gants, et une valise métallique sur le côté. Il semblait ennuyé, mais se forçait à sourire.

« Je suis Kaiffer, » dit-il en tendant sa main libre, « je participe à l'organisation des combats. Vous vous appelez ? »

« Phil. » Lui dit Phil en serrant la main tendue, suspicieux.

« Phil. J'aime bien ce nom. C'est un nom normal, pas menaçant. Votre siège est sauf erreur le quarante-trois, b six. » Et il tira de son gilet son propre billet, quarante-trois, b sept. « J'ai déjà modifié les positions pour que votre ami se retrouve face aux combattants les plus faibles. Même ainsi, il a une chance sur deux au premier tour, et une chance sur trois au second. Ce sera alors sa chance de se retirer. »

Et l'inconnu lui fit signe de le suivre en direction des gradins. Phil le suivit sans se faire prier, curieux désormais, avec cette impression de se faire manipuler. Mais ce Kaiffer avait quelque chose de désintéressé qui lui inspirait confiance.

« Vous pensez que votre ami se retirera ? »

Phil ne savait pas. « Bien sûr. »

« Vous êtes très mauvais parieur. » Nota Kaiffer amèrement. « Des Josh, il y en a tous les jours. Ils ne s'arrêtent jamais après deux combats. Espérez plutôt que votre ami perde, et que son adversaire l'épargne. Mais épargner quelqu'un, c'est se priver de l'argent. Votre ami est là pour tuer, et s'il gagne, il tuera. »

Ils émergèrent sur les gradins. À nouveau la vue plongeante sur la vaste arène étourdit Phil, cette fois doublement avec tous les souvenirs de la journée passée, de la poussière, des chocs et des déflagrations. Les huit boucliers empilés frémissaient dans l'air frais de la matinée. Kaiffer lui fit signe de suivre, nonchalamment.

« Le stade est un business. » Reprit la bête. « Les abrutis viennent y mourir, les autres s'y font de l'argent pour profiter des plaisirs de Mirva. Les parieurs font et défont les combats. »

Il indiqua leurs sièges, s'installa et Phil suivit.

« S'il survit, votre ami devra se débrouiller pour le troisième combat. Mais s'il le passe, alors au quatrième il fera face à Morgan. Morgan est avec moi. Et c'est là où vous intervenez. »

« Dites toujours. »

Kaiffer sembla s'amuser de cette réaction. « Je dis à Morgan de perdre. Vous dites à votre ami de l'épargner. Vous repartez avec l'argent des combats et nous avec l'argent des paris. Mais plus important… tout le monde en ressort vivant. »

Et la bête se contenta de regarder l'arène, de ses yeux désintéressés, qui avaient vu jour après jour, semaine après semaine, une quinzaine de bêtes venir mourir pour autant de raisons.

Il sembla évident à Phil que son ami ne s'arrêterait pas à deux combats. Pas s'il gagnait. Il lui sembla tout aussi évident qu'il ne voudrait pas de cet arrangement.

« Et s'il refuse ? »

Kaiffer haussa les épaules. « Alors l'un de nous deux sera très très déçu. »

Il fit signe à une vendeuse, récupéra ses cacahuètes et sa canette, demanda à Phil s'il voulait quelque chose. La vendeuse semblait connaître Kaiffer. Phil eut un petit sourire, prit sa boisson et se renferma sur son siège.

Si Josh survivait à deux combats, il pourrait aller lui parler. Il lui parlerait du marché, il se ferait traiter de lâche, il aviserait. L'important était qu'ils repartent ensemble.

L'important, se dit-il soudain, était que Josh ne se retrouve pas face à Ikorion. Le parieur n'en avait pas touché un mot, comme si cela relevait de l'évidence. En général, tout le monde déclinait d'affronter Ikorion. Il se rappela l'expression de Josh face à ce monstre. Personne aujourd'hui ne défierait le centaure. Ensuite, Phil se demanda comment il pouvait être certain que ce Morgan soit au quatrième tour, mais il se le résuma simplement. Combats truqués. Le stade, pour les habitués, devait être une horloge bien réglée.

On fit sonner le premier combat. Puis le second. Puis Josh apparut au troisième, dans une armure d'argent, une lance à énergie entre les mains. Il avait l'air d'un chevalier d'un autre temps, quelque peu ridicule parce que l'armure était recouverte de peintures, symboles du manufacturier. Un produit publicitaire ambulant. Mais les bêtes l'acclamaient, et Phil se leva également, cria et gesticula avec les autres, avec cet espoir que Josh le voie.

Kaiffer restait assis, indolent.

Josh remporta le premier combat. La lance grilla une dernière fois puis la bête l'éleva dans les airs, et reçut de nouvelles clameurs. Phil entendit, près de lui, « il ne se débine pas ». Parce que les nouveaux venus au stade avaient tendance à vouloir épargner leur adversaire. Mais pas Josh. Josh semblait ravi, dans son élément. Comme si, toute sa vie, il avait attendu ça. Puis il repartit en boîtant se faire soigner et remplacer son armure.

Combat. Combat. Combat. Kaiffer fit remarquer que ce le vainqueur, avec ses réacteurs, serait le prochain adversaire de Josh. Combat. Combat. L'ardeur de la foule dépassait les espérances. Les combattants luttaient avec acharnement, au-delà de leurs limites. La bave coulait aux babines, les clameurs étaient intenses.

Puis Josh reparut, dans son armure neuve aux mêmes couleurs, tenant toujours la lance d'énergie avec désormais plus d'assurance. Il remporta le second combat. Il claudiqua péniblement, souriant, la main au poitrail, pour rejoindre le corps inerte de son adversaire et pointer sur lui la lance. Toute la foule scandait son nom. Mais la lance ne fonctionnait plus. Alors Josh la lâcha et s'y mit à mains nues, plaqua ses deux mains sur le cou de l'adolescent, et serra. Et serra. Et serra. Jusqu'au bruit sec.

La foule acclama ses deux mains ouvertes, dressées vers eux. Et Phil, tout heureux du résultat, l'acclamait le plus fort. Il se sentait vivre. Il se sentait invincible. Il aurait voulu s'élancer déjà pour rejoindre son ami, le féliciter, lui parler, mais les clameurs cessèrent et à la place Josh se retira, deux bêtes le portant hors de l'arène juste avant qu'un nouveau combat ne commence. L'arène semblait gronder d'allégresse.

Dès que ce fut la pause, Phil se précipita.

On l'autorisa à accéder aux coulisses. Un garde le mena jusqu'à un large local, pareil à un garage, où il demanda où se trouvait Josh. La mécanicienne, en retirant ses lunettes, haussa les épaules. Elle n'avait pas le temps pour ça. Elle travaillait sur l'armure en lambeaux.

Josh buvait au bar, entouré de groupies qui le harcelaient pour qu'il leur dise tout et n'importe quoi, et il semblait s'amuser avec eux follement, à se faire offrir verre après verre. Dès qu'il vit Phil, il se détacha du groupe pour le rejoindre.

« Mec, c'est formidable ! » Se réjouissait-il avec le visage d'un enfant. « J'étais là, paf, et je croyais ma dernière heure venue, et puis au dernier moment j'ai pu parer avec ma lance, et il s'en est fallu d'un poil que j'y passe ! »

« T'étais extraordinaire ! » Lui répondit Phil sur le même ton.

« Et puis la grenade qui explose dans mon dos, et je roule par terre, et là paf paf ! Comme si le monde avait été ralenti ! » Puis il se tut, puis plus calmement : « J'ai vraiment eu de la chance. Hein ? »

Impossible de dire à quoi son ami pensait. S'il savait pour les paris, les jeux truqués, ou s'il voulait juste montrer à Phil qu'il était bien conscient. Et Phil, en retour, ne voulait pas décourager son ami, ne voulait pas le décevoir.

« Je crois que si je continue je vais me faire tuer. » Continua Josh.

« Ouais. » Admit Phil. « Mais tu vas pas t'arrêter, pas vrai ? »

Pas une demande. Un constat. Et Josh, avec un petit sourire, hocha la tête. C'était bien cela, il voulait juste rassurer Phil. Une demande muette de ne pas le retenir. Un regard suppliant.

« Bien sûr. » Ironisa Phil. « Du coup, j'ai causé avec ce gars, Kaiffer… »

Et il expliqua l'arrangement. Et comme prévu, Josh le prit mal, se détourna non pas par rejet mais pour regarder, dans un coin de la salle, une autre bête occupée à jouer tout seul aux cartes, et que d'autres groupies ne semblaient pas perturber. Morgan. D'un seul coup d'oeil, l'instinct de Phil lui dit qu'il était bien plus puissant que Josh. Ce guerrier puait la mort.

« Eh, Josh. » Reprit Phil en lui saisissant le bras. « Faisons ce qu'ils veulent, d'accord ? Nous, on s'en fout, on est là pour s'amuser. S'il veut perdre il veut perdre, c'est son affaire, et s'ils nous doublent et qu'ils gardent l'argent, qu'est-ce qu'on s'en fiche ? »

Josh fixait toujours Morgan, qui ne se souciait toujours pas d'eux. Il semblait réfléchir. Non, il semblait plutôt rêveur. Il se jouait le combat contre cette bête bien plus puissante que lui, par avance toutes les combinaisons d'attaques qui le raidissaient. Lui aussi savait que c'était perdu d'avance.

« Fais pas ta forte tête, avec cet argent on peut passer au moins encore deux jours en ville ! » Reprit Phil, encouragé. « Toi et moi, on se fait tous les casinos, tous les bars ! »

Josh se retourna, le regarda étonné, puis se mit à sourire.

« Eh ben voilà, tu t'amuses enfin ! » Se félicita-t-il. « C'est d'accord, je vais lui causer à Morgan, on fait leur combine et ensuite, tous les casinos, tous les bars ! »

« Tous les casinos, tous les bars ! » Répéta Phil en croisant le bras avec celui de Phil.

Ensuite, ils burent ensemble, causèrent un peu avant que la mécanicienne ne vienne dire à Phil de tester l'armure et à son départ les groupies se tournèrent sur lui, pour tout savoir sur son ami, d'où ils venaient, tout ce qu'il pouvait leur dire. Après quoi on leur demanda de quitter les coulisses, à l'approche des combats.

Kaiffer ne semblait pas avoir bougé de son siège.

« Ne me dites rien. » Avertit-il. « Les gens écoutent. Ne faussons pas les paris. Nous saurons assez vite si nos deux poulains se sont mis d'accord. »

« Vous devriez vous détendre. » Remarqua Phil en s'asseyant.

« Sans doute. » Se renfrogna le parieur. « Votre ami, Josh, est déjà parti à l'aventure une première fois. Seul. C'est ce que vous avez dit au bar. » Et il offrit à peine un regard à Phil. « Puis il revient avec assez d'argent pour vous amener lui et vous à Mirva. Il vous a dit qu'il avait rejoint des bandits, et ça ne vous dérange pas. Tous les jeunes font ça. Il vous a dit que les bandits l'avaient doublé. Qu'il était rentré. »

Phil récupéra deux bières, tendit une canette à Kaiffer. Ce dernier la prit, remercia, la regarda sans l'ouvrir.

« Ce qu'il ne vous a pas dit, c'est ce qui est arrivé aux bandits. »

Phil s'agaça. « Qu'est-ce qui est arrivé aux bandits ? »

« Il les a tués. Tous. Jusqu'au dernier. »

Kaiffer n'ajouta rien de plus, mais continua à fixer la canette même après que le prochain combat ait commencé. À nouveau, Morgan écrasa son adversaire, avec une facilité déroutante. Combat truqué, se dit Phil, mais son instinct lui disait le contraire. Puis ce fut le tour de Josh, le tueur de brigands, avec sa face d'ange face à la foule survoltée. Josh, dans son armure comme neuve, qui regarda du côté que Phil lui avait indiqué. Mais son ami était trop loin, perdu parmi la masse, et ils ne se trouvèrent pas.

Le combat traîna en longueur, par sursauts de violence, et plusieurs fois Phil eut l'intuition que son ami n'était pas mort. Qu'il allait gagner, qu'il allait nécessairement gagner. Jusqu'au dernier instant, jusqu'à la dernière passe d'armes, jusqu'à ce que l'insecte s'effondre aux pieds de la hyène sanguinolante.

On scanda le nom de Josh dans tous les gradins.

Puis, au lieu de laisser Josh se retirer, on lui apporta armure et soins sur place, et Phil revit la mécanicienne apporter la nouvelle lance. De l'autre côté de l'arène, à deux cents mètres, Morgan approchait. Les drones virevoltaient autour avec leurs yeux de verre rouge sang.

« Tant pis. » Murmura Kaiffer.

Puis il se leva.

« Vous allez où ? »

Déjà, Phil avait compris ce que cette attitude signifiait. Kaiffer pensait que les deux combattants n'avaient pas trouvé d'accord. Lui-même n'avait rien vu de tel, et il s'en amusait quelque peu. Mais il s'amusait aussi à l'idée que, si ce n'était pas le cas, alors ce serait à lui de se lever pour ne pas voir Josh mourir. Donc, Kaiffer pensait que Morgan allait perdre. Et cela seul suffisait à amuser la bête.

Mais l'expression du parieur était toute autre. De la peur masquée, sur son visage et dans ses gestes. Un empressement qu'il cherchait à effacer. Kaiffer le dépassait déjà, s'arrêta et le regarda encore. Il crut y lire comme de la pitié.

« Si votre ami gagne, que croyez-vous qu'il fera ? »

« Il s'arrêt- de quoi vous parlez ? Bien sûr qu'il s'arrêtera. »

« Bien sûr. » Et Kaiffer le considéra encore un instant. « Rendez-moi un service. S'il ne s'arrêtait pas, courez. »

Et le parieur repartit de son pas pressé, et Phil se leva pour le poursuivre, l'arrêter au milieu de l'allée.

« Mais de quoi vous parlez ? Qu'est-ce qui se passe ? »

Face à cette bête fâchée, Kaiffer se fâcha également, le força à le lâcher.

« Ikorion ! Voilà ce qui se passe. Plus votre ami gagne, plus le stade est impatient. Ikorion jubile, et si votre ami gagne, et s'il décide de le combattre, Ikorion pourrait bien détruire toute la ville. Voilà. Ce qui se passe. »

Autour d'eux la foule était en transe. Le quatrième tour en était toujours aux préparatifs, mais ils criaient déjà comme si les deux combattants échangeaient les coups, comme si la terre vibrait au rythme des explosions. L'air était électrique. Phil comprit enfin. Comme un rire immense, comme une seule voix, le stade entier semblait se réjouir, anticiper l'instant. Une gueule immense, vibrante, prête à se refermer.

Mais sa raison combattait la raison. Il était impossible que Josh batte Morgan. Et même s'il le battait, il était prévu qu'ils aillent s'amuser en ville. Et même si, même si l'impossible se produisait, alors Kaiffer ne pouvait pas être l'unique bête à en avoir conscience. Ikorion ne pouvait pas être aussi puissant pour pouvoir, à lui seul, détruire toute une ville.

Le regard d'Ikorion déchira la mémoire de Phil.

Quand il réalisa à nouveau où il était, Kaiffer était parti. La sortie était juste devant lui, mais Josh était dans l'arène. Alors la bête retourna s'asseoir, prit la canette intacte sur le siège vide et se raidit. On annonça le début du combat.

Les passes d'arme étaient réelles. Au milieu des tourbillons de fumée, des lasers brûlants et des éclats de roche et de shrapnels, Josh souriait. Josh souriait comme un enfant, de tous ses crocs, et se laissait emporter. Même s'il avait accepté, réalisait Phil, il aurait combattu pareillement, et Morgan en face le savait.

Il réalisa combien Josh lui était devenu étranger.

Un tir chanceux décida du combat, et quand Morgan réalisa qu'il allait perdre, plutôt que de se débattre, il laissa l'inertie faire. Le combat perdit en intensité, puis Morgan s'effondra, à genoux face à Josh. Josh, le visage en sang, respirait bruyamment, et souriait. Et souriait. Et souriant. Et la foule scandait de tuer. Et souriant. La lance levée. Et souriant.

Puis il leva la gueule au ciel et cria : « Ikorion ! » Et dix mille voix se joignirent à la sienne pour scander : « Ikorion ! Ikorion ! » La lance dressée, victorieuse, au milieu de l'arène, sous la ferveur et l'exaltation.

Son ami, assis sur son siège, regardait cela se faire sans plus rien ressentir qu'un vide immense.

Il revoyait encore son ami au bar, son ami au restaurant, son ami à l'hotel le soir, entre leurs deux portes, qui lui souhaitait bonsoir. Le regard du centaure tourné dans leur direction. Un sourire féroce. Au grondement des chaînes, au raclement des piliers, Ikorion rejoignait l'arène. Sa voix éclatait déjà d'un rire immense. Et souriant. Et souriant.

« Enfin ! » Exulta le centaure, et il frappa le sol avec assez de force pour faire taire toute la foule. Josh abaissa sa lance, effaça le sang sur son visage, vaguement, et lui fit face en souriant. Le centaure, en retour, frappa la paume du poing, puis montra les muscles. « Je suis Ikorion ! Viens te battre ! »

Aucun préparatif. Aucune cérémonie. Josh fit un pas, puis un autre, se mit à marcher, se mit à courir, la lance dressée contre Ikorion.

Mirva s'était construite autour du stade, et le stade s'était construit autour d'Ikorion. Ikorion, le monstre de tous les monstres, qui appelait les monstres à le combattre. Cinq des huit boucliers entourant l'arène furent soufflés au premier coup de poing. Josha alla rouler sur une vingtaine de mètres, dans un sillon de roche ouvert par la seule pression de l'air. Et le centaure répéta : « Lève-toi ! Allez, viens te battre ! » Et Josh, péniblement, se releva, lui fit face et, souriant, repartit à la charge.

Pour un monstre, le défi d'Ikorion était trop tentant. Ils ne vivaient que pour ça, monstre contre monstre, le besoin insatiable de puissance. Les rayons d'énergie frappaient le centaure, lui ouvraient des plaies terribles qu'il ne sentait pas, puis l'arme surchagea contre son torse et l'envoya frappa les trois boucliers restants. Le rire d'Ikorion éclata à nouveau, plus fort encore. Le monstre s'effondra, se releva aussitôt pour charger Josh qui ne chercha même pas à l'esquiver, et Phil hurla soudain.

Ensuite, une nouvelle attaque fit s'effondrer deux autres boucliers, et le troisième pilier s'effondra. Le monstre qui surgit de la tempête de flammes n'était plus un centaure mais un serpent à torse de taureau, à six cornes et six ailes qui fut accueilli par un simple coup de griffes assez puissant pour l'envoyer s'écraser au sol et fracasser le sol de l'arène. Ikorion n'arrêtait plus de rire, saisit Josh de sa queue et l'emporta vers lui.

« Bats-toi ! Bats-toi ! Bats-toi ! »

Le corps titanesque d'Ikorion déchira le dernier bouclier, alla fracasser les gradins et faire s'effondrer tout un pan du stade. Les bêtes réagirent enfin, comme si la transe venait de se briser, et se mirent à s'enfuir. Phil ressentit le même besoin de courir, de se sauver, la certitude que s'il restait il était mort. Cet instinct, toujours, qui l'avertissait des conséquences. Mais Josh était toujours au milieu de l'arène brisée.

Josh sortait des flammes et des roches qui s'écrasaient. La moitié du visage dévoré. Le flanc ouvert. Le bras déchiré jusqu'à l'épaule, et dont il ne restait de la main que les os. Et souriant. Comme figé, un sourire féroce, un sourire de monstre.

Le rire d'Ikorion battait dans l'air. « C'est ça ! Viens de battre ! »

Le titan reptilien se redressait, douze cornes le long de son cou. Les deux combattants se chargèrent et leurs deux poings suffirent à déchirer le stade en deux. Phil s'effondra, ne parvint pas à se redresser, parvint à peine à respirer tandis que tout autour de lui chutait. L'air s'enflammait au seul mouvement des deux monstres acharnés, souffle après souffle ardent parmi les sièges abandonnés. Le corps de Josh vola comme une poupée de chair pour aller s'écraser au loin, dans les gradins opposés.

« Relève-toi ! » Hurla Ikorion. « Viens te battre ! »

La silhouette de la hyène, méconnaissable, se détacha des sièges au loin. Le cou brisé. Les muscles ouverts. Le corps en sang. Et souriant. Les pattes brisées, il fit un bond, franchit la distance, alla frappa Ikorion avant qu'Ikorion ne le frappe, et le poing énorme enflamma l'air. Mais même au milieu des flammes, Phil pouvait le voir. Le sourire de Josh.

Ensuite, le combat prit encore de l'ampleur, et comme si le monde y était aspiré, Phil sentit ses forces le quitter, l'air l'écraser, ses poumons se vider. Il s'effondra à nouveau au sol, les yeux ouverts sur les deux silhouettes sombres qui luttaient encore, les oreilles saisissant encore ces rumeurs de rires et de cris. Il prit seulement conscience qu'il allait mourir.

Ce n'était pas la première histoire et ce ne serait pas la dernière.

Le lendemain matin le train s'arrêta au village, et on comprit enfin ce que signifiait ce brasier du côté de Mirva. La ville était en ruines, mais elle allait s'en remettre. Deux jours plus tard, le train s'arrêta à nouveau et Phil en descendit, péniblement, le torse toujours bandé et les yeux à jamais rougis. On vint à sa rencontre. On le fit s'asseoir. On lui demanda où était Josh. Il se mit à sortir ses affaires, et ce fut tout.

Pour ces bêtes, c'était une routine quotidienne.

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Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #21220 il y a 7 ans 5 mois
Hi'.

Normalement c'est le genre de texte fait pour le scriptorium, mais je suis en mode "voilà Zara', satisfait ?" alors j'abuse de mon statut de chevalier.

Le texte lui-même me trotte en tête depuis longtemps. Ikorion est un concept intéressant. Dans un univers où les diverses forces de la nature sont incarnées, Ikorion incarne la fameuse détermination dont les héros font preuve et qui leur permettent de surmonter n'importe quel obstacle. Ikorion voit le monde comme un champ de cendres, alors que ce devrait être un champ de flammes. Il cherche des braises à attiser.
Dans le monde des Anges, ça donne l'arène. Ikorion n'a qu'à attendre, les bêtes sont naturellement poussées à vouloir le combattre. À l'origine Ikorion se nourrit de la détermination des autres -- et en retour renforce cette détermination, dans un cercle "vertueux" -- mais dans le monde des Anges, c'est Homs (Gilles) qui distribue les pouvoirs. Ikorion déclenche juste une course à l'armement locale, jusqu'aux limites de ce que le système peut produire. Bref.

En écrivant le texte je n'avais qu'une seule idée : si je m'arrêtais, le texte était mort. Je n'ai donc réfléchi à rien et j'ai écrit la chose en environ trois heures. Le résultat est un texte squelettique, une ébauche de ce que le texte devrait être.
Il n'y a pas grand-chose à dire, ce texte sert de plan, et je ne suis pas très motivé à en parler.
Il y a, cela dit, un passage remarquable. Lorsque Phil poursuit Kaiffer pour obtenir des explications, dans un texte classique le héros resterait cloué sur son siège. De fait je voulais que Kaiffer s'explique -- notamment parce que la narration elle-même ne montrait pas graduellement l'excitation et la présence d'Ikorion. C'est donc une sorte de roue de secours pour permettre au lecteur d'avoir accès aux enjeux.
On peut aussi remarquer à quel point les combats sont vite brossés, complètement esquivés. C'est en partie parce que je ne voulais pas avoir à concevoir autant de combattants. Morgan n'est qu'un nom et j'ai inventé l'armement de Josh sur le moment. L'absence quasi-totale de description aide particulièrement, à ce titre. Mais il y a aussi l'idée que ces combats sont "infantiles", totalement irréalistes et grandiloquents. D'où cette réticence à les décrire désormais.

Enfin, et c'est l'échec du texte, Josh.
Je suis déjà déçu par Phil, notamment à la fin lorsque je n'arrive pas à retransmettre ce que lui-même vit. Mais je suis particulièrement déçu de ce que j'ai fait de Josh, parce que je n'arrive pas à montrer ce qui l'anime. Ce besoin de se battre viscéral, sans lequel il a l'impression de mourir, et qui le pousse toujours plus loin. Je n'ai pas réussi à rendre le conflit qui l'entoure.
Le personnage le plus réussi reste Kaiffer, qui s'en sort le mieux malgré la tonne de dialogues. Il réagit mieux que prévu et a vraiment cette attitude des anges, pour qui la puissance est un danger. Je pense que le lecteur peut deviner qu'il est plus qu'un Morgan créé pour les besoins de la cause.

Bref, un texte sans intérêt mais que je mets là pour le mettre là.
Portrait de Iggy Grunnson
Iggy Grunnson a répondu au sujet : #21230 il y a 7 ans 5 mois
Lu (un peu trop vite encore une fois) et on retrouve pas mal d'éléments en commun avec ton texte précédent (Myriade) : les bêtes qui essaient de lutter (ou pas!) contre les instincts auxquels elles sont soumises, les démons - au sens large, en l'occurence je pense à Ikorion ici - qui peuvent modeler l'univers par la seule force de leur volonté, le rythme "compte à rebours" de l'intrigue,...

Après c'est un peu squelettique, c'est vrai. On comprend bien que tu ne t'intéresses pas aux combats, c'est cohérent avec ta logique, mais comme au-delà de ça il n'y a pas grand chose à quoi se raccrocher c'est un peu juste. D'autant que les personnages sont moins nombreux et moins originaux que dans Myriade, dont c'était la principale force à mon sens. Tu mentionnes aussi l'absence de descriptions, c'est aussi préjudiciable pour quelqu'un qui n'est pas familier avec ton univers.

Je me rend compte que je suis assez négatif, pour autant j'ai lu le texte d'une traite et sans déplaisir. On retrouve ta "patte", cette approche un peu oblique du genre, où l'on a l'impression que les personnages ne sont que des déguisements derrière lesquels se trouve le véritable motif de l'histoire. Seulement, autant pour Myriade j'avais été assez séduit pour vouloir y retourner et creuser plus avant la question à l'occasion, autant là je trouve qu'il manque un peu de "gras" pour appâter le lecteur.

Iggy, à chaud
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #21231 il y a 7 ans 5 mois
Une brève remarque sur les personnages.
Phil et Josh ont été inventés pour les besoins de la cause, et j'en sais autant sur eux que ce qu'en dit le texte. Kaiffer est inspiré de Madèche, un personnage pour un autre texte abandonné des Anges, il a donc un peu plus de vécu. Morgan n'est qu'un nom et Ikorion est le seul vrai "personnage" du texte. Mais comme il se résume à "viens te battre"...

Myriade était quasiment une rencontre de "vieux" personnages. Il n'y a rien de tel dans ce texte.
Portrait de Leagend7381
Leagend7381 a répondu au sujet : #21232 il y a 7 ans 5 mois
Première lecture :

Deux petites coquilles :

Combat. Combat. Combat. Kaiffer fit remarquer que ce le vainqueur, avec ses réacteurs
alla frappa Ikorion avant qu'Ikorion ne le frappe, et le poing énorme enflamma l'air.


Lu le texte d'une traite. Il est en soi très agréable à lire et très prenant, il y a une bonne montée en puissance de la tentions et du suspense. J'ai surtout apprécié la ferveur et la folie des combats, l'excitation qui submerge tout.

Tu dis que Phil n'est que peut travaillé, mais peut-être y gagne-il, parce qu'il s'adapte à tous les lecteurs et permet donc l'identification de tous. Or l’identification à Phil, c’est ce qui nous lie à Josh et à son sort, et peut être un élément central du récit.

D’ailleurs, en suivant cette idée-là, je pense qu’il est inutile que Phil sente la mort arriver, à la fin, voire peut-être même que la foule s’enfuie. Au contraire, c’est peut-être cela qui fait qu’à la fin « (Tu) n'arrive(s) pas à retransmettre ce que lui-même vit ». Si au contraire la foule avait continué sa clameur, son excitation, mis en perspective la douleur et l’impuissance de Phil auraient pu être décuplés.

Pour ce qui est des combats, les premiers sont peut-être insuffisamment développés, au sens où ils manquent de suspense. Le troisième, je l’ai trouvé excellent :

« Le combat traîna en longueur, par sursauts de violence, et plusieurs fois Phil eut l'intuition que son ami n'était pas mort. Qu'il allait gagner, qu'il allait nécessairement gagner. Jusqu'au dernier instant, jusqu'à la dernière passe d'armes, jusqu'à ce que l'insecte s'effondre aux pieds de la hyène sanguinolente. »


L’utilisation de la négation laisse présager le contraire, tandis que l’on reste accroché à l’idée que Josh vas nécessairement vaincre, puisque l’on nous l’a laissé présager quelques lignes avant. Mais là encore, logiquement, Josh doit survivre, au moins jusqu’à ce qu’il rencontre Morgan.

Par contre, lorsqu’il rencontrera Morgan, on ne sait pas réellement s’il va survivre. Sert toi plus de cela. Les deux premiers combats devraient être plus développé, non pour donner un suspense quant à la victoire de ces combats mêmes, mais parce que tous nous rapportent à celui qu’il fera contre Morgan. Et s’il sort de son premier combat en trainant des pieds, on se dit, mince, comme il va s’en sortir face à lui. Personnellement, le détail de ces combats m’as beaucoup moins intéressé que l’impression générale que tu en dégage.


Le dernier point est Ikorion. Je pense que le premier combat est trop expéditif pour toucher le lecteur. On a que trop peut le côté du chasseur qui joue avec la proie. On pourrait peut-être même ajouter les supplications du premier champion, pour augmenter le pathétique, et l’inquiétude pour Josh, si cela n’entre pas trop en conflit avec le portrait que tu dresses des bêtes. Quoiqu’il en soit, supplication ou non, ce combat mériterait de gagner en longueur.



Deuxième lecture :

« Un fétu de paille à présent sur lequel semblait se refermer le monde. »


Peut-être que « monde » est mal choisit. Au contraire « refermer » rapporte aux gradins, qui enferment le combattant, mais aussi au destin de la créature, scellé, donc la comparaison reste intéressante.

« Le champion s'était mis à sourire, satisfait. »


Je reste un peu sur ma faim. Il manque quelque chose de plus sur ses sentiments. Est-ce qu’il est trop aveuglé par sa ferveur, obnubilé par le gout du sang pour penser qu’il perdra. Est-ce qu’au contraire il sait qu’il va perdre, qu’il y gagne une certaine satisfaction.

« C’était pour cela que Phil était dans les gradins, et ce champion se tenait debout après avoir remporté quatre combats »


J’aime beaucoup, parce que finalement, en tant que lecteur, nous sommes nous même dans nos « gradins », ça touche et ça renforce l’identification

« Mais Josh ne lui répondit pas, ou plutôt lui répondit d'une voix blanche que la bête entendit à peine. Son ami était écrasé dans son siège, les yeux encore écarquillés, le visage tout entier blêmi. Cela amusa Phil, de se découvrir le plus courageux des deux. »


J’aime bien cette petite touche d’ironie.

« Après quoi les deux combattants se séparèrent, chacun de leur côté, et le centaure alla ruminant disparaître par une entrée tandis que le champion, dans sa cape cinglante, s'en alla par une autre. Les marchands revinrent distribuer parmi les spectateurs leurs apéritifs et boissons. »


Je suis resté assez interloqué à ce moment-là. La tension commence à monter, on s’apprête à une charge, à des hurlements, à du sang, mais non, ils se tournent chacun le dos, et regagnent gentiment les coulisses. C’est étrange que la présence d’une créature qui représente si bien la puissance et la mort n’engendre pas directement le combat.

« Ce fut à peine un combat. »


C’est justement ce qui manque. On n’a pas le temps de comprendre que la lutte du gladiateur est désespérée, que le monstre est d’une force phénoménale que le combat est déjà fini. Ça donne un effet un peu trop « super-arme », trop de puissance pour que l’on puisse rivaliser, si bien que ça tue une part du suspense.


Rien à dire sur la soirée, qui sert plus de transition.

« Peu importe ce que son ami avait en tête. Phil décida de céder. »


Tu pourrais ajouter en fin de récit le remords de Phil, pour ajouter du pathétique et donc faire partager un peu plus ce qu’il ressent.

« Ce gringalet un peu trop grand »


Cette description diminue beaucoup la vraisemblance de ce qui suit. Ce gringalet un peu trop grand a gagné tous ces combats. Ce gringalet un peu trop grand a tué les brigands. Il faudrait peut-être changer la description, où alors plus insister sur l’idée du truquage, ce qui permettrait d’ailleurs de voir Kaiffer comme un sauveur, et Josh comme une tête brulée.

« Ce guerrier puait la mort. »


Même remarque quant à la vraisemblance. A la limite, que Morgan suivre le contact mais que Josh en profite pour le tuer donnerais du piquant.

« Rendez-moi un service. S'il ne s'arrêtait pas, courez. »


Peut-être qu’ici on s’écarte un peu trop du sujet. Cette phrase laisse penser que l’intérêt de l’histoire ne va plus se porter sur Josh et Phil, mais sur le monstre libéré au milieu d’une ville en ruine. C’est finalement plus ou moins ce qui se passe à la fin, mais ça reste secondaire, et c’est peut-être même en trop. Personnellement je m’attends plus à une histoire centrée sur Phil et Josh avec Morgan et Ikorion qui donnent le suspense, l’accord entre J. et M. restant flou et Ikorion… ben, Ikorion quoi, et Kaiffer qui redonne espoir. Tout en sachant bien que si Josh choisit Ikorion, il n’y a plus trop de questions à se poser.

« Deux jours plus tard, le train s'arrêta à nouveau et Phil en descendit, péniblement, le torse toujours bandé et les yeux à jamais rougis. On vint à sa rencontre. On le fit s'asseoir. On lui demanda où était Josh. Il se mit à sortir ses affaires, et ce fut tout. »


Comme dit précédemment, la blessure physique de Phil me semble superficielle. Tout ça gagnerais largement à être écourté : « Deux jours plus tard, le train s'arrêta à nouveau et Phil en descendit, péniblement. On vint à sa rencontre, on lui demanda où était Josh. Comme seule réponse, il se mit sortit ses affaires, et ce fut tout. »

C’est la fin du voyage. Tout est déjà dit dans le « climax » de l’histoire. Pas besoin des yeux rouges. Pas besoin de l’attention que lui portent les autres et donc qu’on le fasse s’asseoir. Josh est mort, Phil aussi, il sort ses affaires, et c’est la fin du voyage.


Voilà pour la seconde lecture.

A savoir que mon avis pour ce texte reste très largement positif, je peux même dire qu’il m’a fait vibrer. Les critiques de la première lecture sont plus en réponse à tes questions, je ne m’en serais peut-être pas rendu compte sinon. Quant à la deuxième lecture, je l’ai voulue pointilleuse, mais bon, on est là pour ça ;)
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #21234 il y a 7 ans 5 mois
J'adore la façon dont tu défends tes textes... :laugh:
Bon, très vite fait avant d'aller bosser sinon j'ai plus accès au site.

La première qualité de ce texte est justement d'être débarrassé d'enjeux et d'ambition. Du coup, la lecture n'est pas pesante comme elle peut l'être parfois quand on devine que le sens écrase un peu le récit (et du coup, on se sent à peine invité à te lire).

La première chose qui m'a intéressé, c'est que tu as choisi Phil comme point de focal. On est donc face à un spectateur. Plus exactement, on adopte du coup un point de vue de spectateur/voyeur. Pour moi, c'est le rôle implicite du lecteur. Donc pour moi, Phil est une sorte de double du lecteur qui lit le récit. Il n'a pas vraiment de prise sur l'action, c'est Josh qui maîtrise l'histoire. En ce sens, Josh est le double de l'auteur qui tient les fils. Cette métaphore s'arrête par contre quand surgit le combat final puisque l'auteur affronte vraiment le monstre.

Le second point est: le texte a-t-il besoin de ce qui es censé lui faire défaut, à savoir les descriptions. Je suis peut-être le très bon client de ce type de récit, car même pur mes textes, je ne suis pas hyper friand de ces descriptions. Donc pour moi, le texte fonctionne très bien ainsi. On est sur un cadre très référence (un combat de gladiateurs) donc on n'a tous nos images. Le truc, c'est juste le contexte futuriste qui parasite les images. Donc moi, j'ai mes images dans ma tête gràce au monde de cinoche donc j'ai pas forcément besoin de plus. Pour l reste, une foule dans une stade est une foule dans un stade.

Quant aux combats, moi il ne me manque pas dans la mesure où ce n'est pas vraiment là qu'elle l'enjeu. C'est: est-ce qu'il s'arrêtera après le 2eme? Est-ce qu'il tuera son adversaire? Pour ma part, ce suspense me suffit pour avoir envie de suivre l'histoire. Le reste, c'est comme une sorte de jeu vidéo, donc, bon, l'intérêt n'est pas forcément de regarder mais de jouer. Or, ici, tu joues avec le lecteur justement en escamotant les scènes attendues (notamment les combats), en donnant des enjeux inattendus (le trucage, le changement (il est vrai un peu téléphoné) sur la nature de Josh).

Bon, il y a parfois des choses qui m'ont perturbé, notamment les "boucliers" que tu ne cesses d'évoquer. J'avoue aussi ne pas trop avoir compris ce qui se passe avec le combat final, mais c'estr peut-être parce que je n'ai pas joué suffisamment aux jeux vidéo.

Un dernier point. Je trouve qu la violence est très bien traité sur toute la première moitié de l'histoire. Tu emploies des moyens très sommaires mais c'est ce qui la rend plus réaliste et donc elle m'a davantage marqué que si tu en avais fait des tonnes. D'ailleurs, le combat final ne fonctionne plus vraiment sur ce plan là parce qu'elle devient abstraite.
Pour ce qui est de la fin, il est vrai qu'elle mériterait d'être revu notamment pour renforcer l'implication du lecteur sur Phil et faire davantage vivre l'écroulement du stade.
Ah oui! Tu disais que tes personnages ne sont pas vraiment travaillé. En l’occurrence, ça ne dérange pas dans la mesure que ce n'est clairement pas l'enjeu. Phil est un peu lâche et plus lucide. Cela suffit. On n'a pas besoin de plus pour le comprendre.. A travers lui, j'ai repensé un peu au personnage kafkaïen qui n'arrive jamais à peser sur l'histoire et à éviter tout ce qui pourrait les faire rentrer de plein pieds dedans.

Voilà vite fait ce que j'avais à dire.
Je file...
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #21237 il y a 7 ans 5 mois
Je voulais revenir un peu sur le propos de ton texte.

Tu y mets en scène la société de spectacle en y appliquant un raisonnement jusqu’au-boutiste.

1ère étape : les 2 protagonistes assistent au combat. En soi, la seule différence censée crée une distance avec le lecteur, c’est que tu dis que les bêtes se sentent enfin vivantes quand le combat final commence. Le texte aborde ensuite de biais l’une des questions centrales du texte qui est de projeter le lecteur dans l’arène en quelque sorte. Ici, Phil se projette sur le champion et dit qu’à la place du champion, il aurait fui. Quelque part, cela le rend tout de suite « humain », dans le sens de « vulnérable » et non comme un surhomme capable justement de se battre dans l’arène.

Dans cette étape, le spectacle existe à travers la foule. Donc on n’est pas devant un écran à regarder (ce qui en soi serait même la première dimension du spectacle) mais on fait partie du spectacle en étant membre de la foule. Donc il y a aussi un côté mise en scène du voyeurisme de l’humain (et quelque part du lecteur mais là, c’est peut-être moi qui déforme parce que j’aborde depuis quelques textes déjà cette question, avec en latence le besoin d’exhibitionniste (d’être lu si vous préférez) de l’auteur)).

Seulement, dans le combat qui suit, il n’y a pas de véritable identification. Le champion parait trop faible et Ikorion trop puissant et invulnérable pour qu’elle opère. D’autre part, à ce stade, ce sont deux inconnus dont le lecteur n’a que faire. D’ailleurs, tu esquives complètement le combat en le rendant ridiculement déséquilibré et court. Paradoxe : le comble du spectacle n’est par conséquent absolument pas spectaculaire.


2eme étape dans cette graduation du spectacle (et de l’association du lecteur) : Que se passe-t-il quand on connait l’un des combattants. Et ici, le fait d’avoir le pont de vu de Phil nous place à la fois en tant que voyeur plutôt qu’en tant qu’acteur. Et cela te permet également de développer la mise en scène du spectacle, on va dire les dessous.

Dans cette partie, il y a un moment clé : celui de l’hésitation de Phil a participé au pas aux combats. Quelque part, cela peut être l’hésitation du lecteur. Veut-il combattre ou regarder ? Et le fait est que je n’avais pas envie de voir Phil combattre. J’avais envie d’être spectateur pour savoir ce qu’il va se passer. Mais ensuite, tu glisses le récit comme si Phil avait le pouvoir d’influer le récit en restant spectateur, avec comme enjeu « Josh s’arrêtera-t-il après 2 combats comme c’était prévu ? ». Et en soi, c’est assez subtile parce que l’enjeu ne devient plus les combats en eux-mêmes mais le nombre de combats à faire (et à la limite s’il saura s’arrêter avant de se faire tuer car on sait que s’il va jusqu’au bout il mourra).

Tout est fait d’ailleurs pour réduire l’enjeu des combats. On nous explique qu’ils sont truqués dans la mesure où Josh affrontera les adversaires les plus faibles. Donc on déplace l’enjeu sur le 3eme combat qui peut (ou pas) devenir un combat cette fois-ci complètement truqué avec la participation des deux combattants, avec comme sous-enjeux latents les questions financières. Ici les questions financières raisonnent indépendamment d’affect ou de la passion de la foule. On est sur des chiffres froids de statistique (il a 50% de chance de gagner (ce qui veut dire 50% de chance de réellement mourir).


Derrière le spectacle des combats, tu associes d’ailleurs constamment de manière plus subtile que ta critique de ta société du spectacle et de sa fascination par les bêtes, une critique de la mercantilisassions du spectacle en insistant (discrètement) sur tout ce qui est vendu et la mise en scène qui pousse à cette consommation. Puis, tu ajoutes un second étage à cette dimension avec la notion des paris qui sont également en autre enjeu financier des combats. Enfin, tu rajoutes les arrangements des combats d’une manière telle qu’on a l’impression que ce sont toujours les mêmes qui gagnent et jamais totalement la foule. Et encore moins celui qui combat.

En fait, le cœur du texte est volontairement esquivé. Que deviennent les combattants qui perdent ? Ils sont morts. Mais en refusant de t’attarder dessus, tu dénonces finalement beaucoup plus la cruauté du spectacle. Ils deviennent une sorte d’ingrédient du spectacle, tout comme il faut des arènes, des boissons etc.


3eme étape : que se passe-t-il quand le spectacle touche également les spectateurs en les impliquant dans le combat, Ce n’est pas forcément la partie que tu as le plus réussi sur le plan narratif. Cela mériterait plus de mise en scène. Et puis, le fait qu’Ikorion puisse détruire le stade tombe bizarrement dans le récit. D’ailleurs le combat que tu brosses m’a moins intéressé car, soudain, on est dans la dimension épique de ce type de scène avec surenchère d’effets spéciaux (donc avec un traitement enfin spectaculaire du combat).

Ce que tu as loupé à mon sens, c’est la destruction de l’arène. On en la vit pas, on ne la ressent pas à travers Phil. Soudain, le lecteur ne s’identifie plus vraiment parce que, pour te dire, j’ai en l’impression que cela devenait un peu n’importe quoi. Je trouve que c’est ici que tu as capitulé devant l’enjeu du texte. Comment associer le lecteur dans le vécu de Phi ? Il peut se passer n’importe quoi, à ce stade, moi, je m’en moquais. Je n’étais plus impliqué dans l’histoire.

En fait, tu racontes ici plus une histoire qui détruit l’histoire qu’une véritable histoire. Ou dis autrement, tu mets en scène un spectacle qui, pousser à l’extrême dans son raisonnement, détruit le spectacle. En impliquant le spectateur dans le combat, le spectacle finit par se détruire. Or l’enjeu ici aurait été de se sentir concerné dans le spectacle soit en y prenant part ou, mieux, en nous donnant envie de refuser d’y prendre part.



Or le moteur du texte pour le lecteur n’est pas le spectacle, mais quand Josh s’arrêtera-t-il ? Bizarrement, le fait qu’il aille au bout lui retire ses enjeux parce que dans ce combat, pour ma part, je ne suis plus intéressé par qui gagnera entre Josh et Ikorion dans la mesure où tout le texte m’a demandé de m’intéresser à Phil. Or quel rôle a Phil dans ce combat ? Aucun. On pourrait avoir, comme lui, envie que Josh survive, mais non, on s’en moque. Parce tu n’arrives pas à associer le lecteur dans le combat à mort qui se déroule dans l’arène et dans la destruction du stade qui peut entrainer la mort de Phil. Le fait que Josh sourit tout le temps pendant le combat montre que lui aussi se moque du résultat.

Je ne dis pas qu’il n’y a aucune émotion, ni aucun tragique, mais le fait est que je ne suis pas totalement touché parce que je ne sais plus où regarder ou quoi sentir. Je regarde un spectacle qui ne me concerne plus en quelque sorte. Je suis déjà ailleurs parce que je me moque un peu de l’issu dans la mesure où on comprend assez vite que Josh va mourir et que le stade va être détruit. Et étrangement, on ne ressent plus de compassion pour Phil qui pourrait également mourir.


Maintenant, on pourrait également chercher à réfléchir sur la dimension métaphorique du texte avec ses bêtes, ses tractations en coulisse, les enjeux financiers et la froideur de la finance sur les enjeux réels à savoir que l’on parle à la fin de vie ou de mort… Mais, cette partie ne m’intéresse pas parce que je trouve qu’ici, le discours est pour ainsi convenu et prévisible. Pour moi, d’un point de vue personnel, la question serait plutôt : comment faire pour qu’un tel monde n’existe pas ? Mais la question ne peut être posée dans un tel texte.
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #21263 il y a 7 ans 5 mois
Bon, ben piskifo.

Le diagnostic d'Iggy correspond au mien. Je vais juste revenir là-dessus :

Tu mentionnes aussi l'absence de descriptions, c'est aussi préjudiciable pour quelqu'un qui n'est pas familier avec ton univers.

De façon générale, c'est un problème récurrent avec les Anges. Les Armes et les Anges sont deux univers "différents" et je n'ai jamais su comment expliquer au lecteur comment fonctionnait le second.
Le premier est de la fantasy, et je peux y dire "bêtes, animaux à traits humains", tandis que le second est... je ne sais pas bien quoi, et je ne peux pas y dire, "bêtes, humains à traits animaux". J'ai tenté de lancer au moins cinq sagas sur cet univers et toutes sont mortes faute de pouvoir introduire l'univers proprement.

Je vais synthétiser avec Leagend, sur deux points, en précisant juste qu'effectivement, le texte n'étant à peu près pas travaillé, il y a beaucoup de manquements de ma part. Ikorion qui attend avant de démonter le champion est un bon exemple.
Mais enfin.
Premier point : Josh est secondaire.
Le véritable enjeu du stade n'est pas Josh, quand bien même le lecteur par convention est poussé à le croire. Mon but -- si le texte était travaillé -- est toujours d'inverser la logique. Le véritable enjeu est que Phil (et à travers lui le lecteur) réalise le trucage de l'univers. Dans l'univers des Anges, une "machine" permet aux hommes (aux bêtes) de dépasser les lois de la physique. Plus forts, plus rapides, plus tout ce que tu veux. C'est un trucage à l'échelle planétaire, c'est artificiel. Les humains veulent se dépasser, c'est ce qui les a réduits à l'état de bêtes. Et Ikorion pousse cette logique à l'extrême.
La seule raison d'être du stade est de révéler le trucage. Mais Phil est incapable de le comprendre, parce que le lecteur ne le comprend pas forcément, et le trucage continue. Le stade est un microcosme de l'univers des Anges.
Deuxième point : les bêtes sont... comment dire... elles ne pensent pas. Elles n'ont pas conscience de ce qui se passe. Elles se contentent de jouer des rôles comme elles ont appris que ces rôles se jouaient. Elles ne donnent plus que l'apparence d'humanité. Mais au final, le champion ne sait pas pourquoi il sourit, et Phil ne sait pas ce qu'il ressent. Une charrue rouillée abandonnée dans un champ attire la pitié. C'est humain. Mais la charrue rouillée elle-même n'est pas triste.

C'est peut-être ce qui par-dessus tout rend l'univers des Anges si difficile à exposer. L'enjeu des Anges est justement de comprendre comment fonctionne cet univers, y compris pour les bêtes elles-mêmes.

Reste Zara'.

La première qualité de ce texte est justement d'être débarrassé d'enjeux et d'ambition.

Yup. Pour le lecteur c'est sans doute très appréciable. Pour le lecteur.

Le truc, c'est juste le contexte futuriste qui parasite les images.

Et c'est probablement là où les descriptions aideraient, entre autres. La vérité est que j'aurais sans doute voulu décrire, beaucoup plus, beaucoup de choses. Pas juste parce que c'est zouli, mais parce que l'enjeu, une fois encore, est de comprendre le mensonge de l'univers. Les descriptions seraient des indices supplémentaires. Mirva serait fascinante à visiter, en ce sens, si je l'avais travaillée.
C'est aussi pour cela que les combats m'importent. C'est le coeur de l'univers. Les humains ont quasiment vendu leur conscience à la machine pour le pouvoir de s'auto-détruire au quotidien. Il faut juste donner au lecteur les "poids et mesures" pour comprendre le combat, et ils seraient, là aussi, des indices parfaits de ce qui se passe. Et le véritable "vécu" des bêtes.

Ici, Phil se projette sur le champion et dit qu’à la place du champion, il aurait fui.

J'ai parlé plus haut des bêtes qui jouent un rôle, et je pense que le champion s'est contenté de jouer son rôle. Mais la vérité est que les bêtes ont un "instinct" qui leur dit si leur adversaire est plus ou moins fort qu'eux. Et face à Ikorion, ce n'est même pas mesurable. Les bêtes, arrivées là, abandonnent par pur instinct de survie.
La différence entre la bête et le monstre, c'est que le monstre est si puissant qu'il ne comprend plus les bêtes. Il ne sait plus vraiment ce qu'est la peur. Si le texte prenait son point de vue, il pourrait répéter mille fois "il retenait sa peur", "l'angoisse le faisait frémir" ou tout ce qu'on veut, en vérité il serait comme Josh. Juste impatient de se sentir vivre. Comme une drogue.

On en revient au problème de base. J'aurais pu me contenter d'abstraire le combat final, également, de le réduire à peu de choses et de me concentrer sur la destruction de Josh. Cela aurait collé au "manque d'ambition" du texte. Mais j'avais une toute autre ambition, pour laquelle je ne me suis pas donné les moyens.
Tu parles de société du spectacle, de consumérisme, et c'est assez vrai. Mais les Anges sont une critique beaucoup plus générale de ce que l'homme veut être. Difficile de s'identifier à une société de Supermen...