Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

     La clairiere dans laquelle nos amis avaient debouche s’etendait sur plusieurs hectares carrés, malgré les protestations de Siani qui arguait du fait qu’un hectare n’a pas besoin d’etre carré, étant déjà une unite de mesure des surfaces. On avait donc procédé tres démocratiquement a un vote

, et Siani, s’etant retrouve en minorité face a ses quatre obtus compagnons, avait du admettre bien malgré lui et sous la pression de Bramkar qui n’aimait pas etre contrarié que si on pouvait mesurer en metres carres il n’y avait aucune raison pour que les hectares carrés n’existat pas, eux aussi, non mais sans blague. C’est donc un groupe de quatre aventuriers peu portés sur la geometrie mais neanmoins enthousiastes (suivi d’un rodeur elfe qui n’en demordait pas et grommelait dans sa barbe eparse qu’il avait raison, lui, et que c’etaient les autres qui avaient tort) qui arriva au pied d’une butte dont les pentes etaient couvertes de buissons et dont le sommet n’etait pas visible depuis l’endroit ou ils se trouvaient. N’ayant nulle part ailleurs ou aller, les compagnons du Barde Empalé déciderent de monter la pente, esperant a defaut d’une ferme trouver au sommet un point de vue qui leur permettrait de s’orienter efficacement.

     Alors qu’ils montaient la colline, suivant un petit sentier probablement créé par les allées et venues des vaches, Sibea entendit un bruit curieux qui semblait venir d’un buisson situé sur le bas-coté du chemin.

- Vous n’entendez rien, fit-elle un peu inquiete, redoutant de tomber a nouveau sur de terribles Chats-foin.

- On dirait que ca vient de la, dit Perina en ecartant une branche.

- Regardez, y’a deux lutins dans les fourrés ! fit Ferog a voix basse.

- Fourrés, c’est le mot…

- Mais qu’est ce qu’ils font ? Mais… mais c’est degueulasse ! fit Sibea d’un air dégouté.

- Ce sont des Troumpfs. Ils n’ont qu’une seule femelle par tribu, alors ils se debrouillent, commenta doctement Siani qui venait de rejoindre ses compagnons, un peu essouffle.

- Ca n’empeche rien, c’est vraiment… pouah, pouah, pouah !

     Les deux Troumpfs, tout a leur affaire, n’avaient pas remarque la presence des aventuriers. Ils avaient tous les deux la peau bleue, etaient hauts comme trois pommes et etaient vetus de bonnets et…de pas grand-chose d’autre au moment qui nous preoccupe, leurs culottes respectives etant sur leurs chevilles. L’un des deux portait une barbe et etait habille de rouge, et devait vraisemblablement avoir autorite sur l’autre, visiblement plus jeune, qui etait imberbe et vetu de blanc. Apres un moment, Sibea qui n’en pouvait plus les interrompit en leur criant :

- EH ! VOUS AVEZ BIENTOT FINI VOS COCHONNERIES, ESPECE DE PETITS PERVERS !

     Surpris dans leur elan, les lutins s’interrompirent tout net. Ils considererent les aventuriers avec curiosite et perplexite, avant de se rhabiller. Celui en rouge pointa alors son doigt sur nos heros et leur dit :

- Qu’est ce que vous troumpfez ici, troumpf de troumpf ? On ne peut meme plus troumpfer tranquillement un troumpf dans les troumpfs ? Vous troumpfez quoi, au juste ?

- Hein ?

- Attendez, je connais leur langage, je vais traduire. Il veut savoir qui on est et ce qu’on fait ici.

- Dis lui qu’on cherche un poulet, une bougie et un eventail d’ivoire, ca suffira pour le moment. Inutile de reveler le but de notre quete, apres tout on ne sait rien de ces lutins.

- Ils ne sont pas malefiques, juste un peu… comment dire…

- Pervers ? intervint Sibea qui visiblement n’approuvait pas ce genre de pratique, redoutant que cela ne court-circuite son ascendant sur les males.

     Ignorant la derniere remarque de sa camarade, l’elfe traduisit leur requete, et apres quelques echanges incomprehensibles pour ses quatre compagnons, Siani leur annonca que les lutins acceptaient de les recevoir chez eux, dans leur village au sommet de la colline, ou ils touveraient une partie de ce qu’ils cherchaient. Le petit groupe se mit alors en chemin, les deux troumpfs sautillant devant eux pour leur ouvrir la route, et Sibea nota au passage que le plus jeune des deux avait visiblement plus de difficultes a sautiller que l’autre, ce qui la fit sourire interieurement. En quelques minutes, ils arriverent au village troumpf, et furent decus de s’apercevoir que les demeures des lutins n’etaient que des champignons geants dans lesquels les troumpfs avaient creuse de petites salles a leurs dimensions. Une centaine de petits lutins bleus semblait habiter la, et rapidement toute la population du village entoura nos cinq heros. Perina remarqua dans la foule un troumpf avec de longs cheveux blonds (les autres n’ayant visiblement pas un poil sur le caillou, du moins pas un qui ne depasse de leurs bonnets), portant une robe et visiblement maquille a la mode des peripateticiennes, et elle en deduisit rapidement que cette creature appuyee contre un mur et semblant attendre quelque chose, cigarette aux levres, devait etre la Troumpfette dont Siani leur avait parle quelques instants auparavant.

     Tous les troumpfs voulaient voir les grands trucs qui venaient d’arriver chez eux, qui marchaient sur deux pattes et qui n’avaient ni pis ni cornes (a part Bramkar qui portait un casque nordique orne de deux pis. De deux cornes, je veux dire.). Beaucoup d’entre eux leur tiraient les chausses de la main, leur parlant dans leur langage incomprehensible. Cependant, l’elfe etait le seul a comprendre et s’entretenait avec le Troumpf vetu de rouge, qui etait le chef du village et que les autres appelaient avec respect « le grand Troumpf », non en raison de sa taille ou de sa grandeur d’ame mais parce que, disait-il, il était le mieux membré d’entre eux (et le prouvait a qui voulait verifier ses dires). Sibea, amusee par les lutins, avait oublie un peu de sa rage homophobe et s’amusait a present du babil effrene de la trentaine de Troumpfs reunis autour de ses chevilles.

- Ils sont mignons alors ! J’avais des jouets comme ca quand j’etais petite. Je ne sais pas ce qu’ils disent, mais leur langage est tres joli !

- Ils sont en train de parier.

- De parier sur quoi ?

- Eh bien d’ apres ce que j’entends, la cote est actuellement de trois contre un en faveur de « rasée ». La majorite des autres pensent que tu es une fausse blonde.

- Hein ? Mais je… oh mais c’est degoutant ! Degagez, petits satyres !

- On peut parier aussi ? demanda Ferog.

- Si tu veux mais les ecus n’ont pas cours ici. Toutes les transactions se font en noisettes.

- C’est debile, ca pousse sur les arbres.

- Je sais, mais de toute facon ils les mangent alors…

- Mais pourquoi des noisettes ?

- C’est pas facile a cueillir pour eux j’imagine. Et puis qu’est ce qu’on en a a foutre, t’as pas bientôt fini avec tes questions a deux balles j’essaye de me procurer la bougie et le poulet.

- Et l’eventail en ivoire alors ?

- Ils en ont pas, faudra voir dans le donjon. Ah, je crois que voilà le poulet et la bougie, j’en vois qui les amenent.

     Une poignee de Troumpfs se pressait en effet en direction de la place du village, trainant derriere eux un poulet au bout d’une cordelette. Le grand Troumpf, qui ne manquait pas une occasion de se faire mousser, bondit a leur rencontre, les bouscula et s’empara de la cordelette avant d’amener lui-meme la bestiole aux aventuriers, tout fier. Siani se pencha pour saisir la corde que le Grand Troumpf lui tendait, declenchant un concert de sifflements admiratifs provenant de derriere lui (car il etait en collants). Un peu gené, il se redressa prestement et dit :

- Voilà, ils nous le pretent. Ils disent qu’il est tres gentil et qu’il s’appelle Tugudu. Il faudra bien le nourrir et le leur rapporter des que possible.

- Le nourrir ? fit Perina. Ah, oui. Oui oui, bien sur, on prendra soin de Tugudu. Et la bougie ?

- En voilà. On a meme le choix des couleurs, repondit l’elfe en lui tendant une dizaine de bougies minuscules que les Troumpfs avaient posees au creux de sa main.

- C’est pas pour dire mais ils n’ont pas la taille au-dessus en bougies ? Avec ca on ira pas loin.

- Ben non, mais ils disent que Grossgamel, le mechant sorcier de la Tour, il a une grande bougie et qu’il s’en sert pour allumer les cierges, d’apres ce que je comprends.

- Bon, ben direction le donj’.

- Qu’est ce qu’on fait du poulet ?

- Laisse le la, on viendra le chercher plus tard. Qu’est ce que tu veux qu’on fasse d’un poulet dans un donjon ? On y va, alors ?

- Un instant, ou est passé Bramkar ?

- Je l’ai vu s’eloigner il y a deux minutes, en direction des fourrés la-bas.

- Tu vas pas me dire que… fit Sibea d’un air effrayé.

- Je ne pense pas, non. Il a du aller satisfaire un besoin naturel.

- Ah non, pas ca ! dit Siani.

- Quel est le probleme ?

- Le Grand Troumpf vient juste de m’expliquer combien ils etaient fiers d’habiter sur une butte sacrée qu’ils gardaient précieusement contre toute souillure animale venue de l’extérieur, et en particulier les dejections obscenes de… Il faut le rattraper pour empecher ca !

- Trop tard, je le vois qui revient.

- Je crois qu’il est temps de partir, alors, fit l’elfe dans un soupir.

     Et prestement, apres avoir demande la direction du donjon au Troumpfs, la Compagnie du Barde Empalé prit le chemin de la tour maudite du sorcier Grossgamel.

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