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     Un peu plus loin se dressait la Tour, donjon du sorcier redouté par les Troumpfs depuis plusieurs générations. Mais je m’apercois soudainement que vous ne savez rien pour l’instant de la fabuleuse quete de la Compagnie du Barde Empalé, honte a moi.

Hors donc, quelques jours avant le temps narratif de la presente histoire, les six heros dont nous suivons les aventures avec palpitation depuis quelques pages déjà s’etaient retrouvés dans une taverne, par hasard, et avaient discutaillé le bout de gras pendant un moment devant une chope de biere, avant de decouvrir qu’ils avaient tous une passion commune pour l’aventure sous toutes ses formes et qu’ensemble, ils representeraient un fier parti d’aventuriers comme on en voit dans les contes, les legendes, les fabliaux et toutes ces conneries destinées a l’epoque a canaliser l’imagination et l’energie débordante d’une jeunesse en mal de reperes. Et alors qu’ils projetaient mille plans fous pour partir en quete d’aventure et d’exploits, sans trop savoir ou ils iraient il faut bien le dire, leur etait venu un employeur, barde de son etat, qui leur avait promis tresors et merveilles s’ils partaient avec lui prendre d’assaut les couloirs obscurs de la Tour ou l’on penetre l’epee basse (nommee ainsi d’une part car cela introduisait une contrepeterie stupide dans le recit, et d’autre part en raison de la petite taille de la porte d’entree, qui interdisait a quiconque de penetrer dans l’edifice l’epee haute. Ceci dit, la petite taille de la porte d’entree interdisait egalement a quiconque de penetrer dans l’edifice le tabouret haut, mais dans ce cas la contrepeterie ne marchait plus, et je ne me suis pas creuse les meninges pendant trente minutes pour en trouver une originale en vain.) Les sept personnages avaient donc créé la Compagnie de la Tour Qui Contrepete, et etaient partis en direction de la foret gravement maudite des hauts de Totheunaut ou se situait ladite tour, ce genre de batiment malefique se rencontrant rarement en centre ville. Or, il advint qu’en cours de route, six de nos sept personnages crurent bon de rebaptiser leur compagnie en memoire du septieme, mais tel n’est point notre propos pour l’instant. C’etait donc dans un but purement materialiste que ces nobles jeunes gens etaient partis conquerir l’un des avant-postes du mal, et pas, comme auraient pu le croire certains lecteurs mal informés, pour soutenir le Téléthon. Accompagnons donc nos cinq survivants jusqu’à la porte d’entrée du donjon (qui pour une fois en était bien un, car donjon en francais ne veut pas dire souterrains pleins de monstres mais bien tour) et régalons-nous, car voici enfin le moment le plus attendu de n’importe quel partie de jeu de roles (avec, once again, LA MEULE !).

- Bon. Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

- Tu veux faire quoi ? Frapper a la porte ?

- Ah oui je la connais celle-la. Ah ah, mort de rire ! Et tu te souviens quand le Nain…

- Qu’est-ce qu’il a le Nain ?

- Ouais, bref. On va entrer, quoi. Perina, a toi l’honneur.

- Laissez passer l’experte. Le temps de vous ouvrir cette serrure… Et toi Ferog cesse de murmurer « critique, critique ! » dans mon dos, je t’ai entendu.

- Je parlais de la situation de notre pauvre ami Tyrcevon, dont le cadavre se morfond au fond du pré des vaches, la-bas, le pauvre.

- C’est ca. Et mon cul c’est du poulet ?

- Ah ca…

En quelques minutes, les doigts experts (en bien des choses) de la voleuse noire avaient fait leur travail, et Perina poussa bientôt la porte en s’exclamant :

- Si j’ai pas un bonus apres ca… Elle etait compliquée, la gueuse ! Apres vous messieurs-dame.

- Eh attends t’as pas fini ton boulot il faut inspecter les pieges maintenant.

- Ah non, ca c’est pour apres. Pour l’instant, faut que vous vous occupiez, toi le nain-bourrin-a-la-hache-de-la-mort et ton copain barbare, du gobelin qui monte les escaliers et qui va arriver ici dans quatre secondes… trois… deux…

- Compris.

- AAAAAH ! GNOUGA GNOUFA BOULDEGAAAAA ! AVENTURIEEEERS !

- GRUNT !

- PAR GRIMNIR ET GROSSBAF, PUISSE MA HACHE TE TAILLER LES ENTRAILLES ET QUE TREPASSE SI JE FAIBLIS NOM D’UNE BOUSE DE TROLL !

     Passons sur cette scene d’une rare violence, et contentons-nous de dire que la pauvre créature innocente ou presque ne survécut pas longtemps aux attaques combinées de l’épée a deux mains du barbare et de la hache aiguisée du nain, et succomba avant d’avoir eu le temps de blesser quiconque avec sa pioche. Apres le combat, donc, nos cinq heros firent ce que font tous les personnages joueurs apres une meule, si courte et si peu passionnante soit-elle : ils fouillerent le cadavre.

- Ben c’est la misere, hein, a part une pioche et une dent…

- La dent, il ne l’avait pas dans sa poche. Elle est tombee apres le coup de hache. La machoire a du rouler dans les escaliers, faudra etre prudents en descendant il doit y avoir des molaires partout.

- C’est les canines qui roulent le mieux, dit Siani d’une voix docte.

- Tu veux essayer avec les tiennes, monsieur docte ?

- « Monsieur docte rend tout si docte que l’on peut se voir dedans ! » chantonna Sibea.

- T’en as d’autres comme ca ? Non je dis ca parce que la, vraiment, on touche le fond.

- Bon, bon, c’etait juste histoire de vous détendre un peu avant d’attaquer le donjon. Et cette pioche alors qu’est ce qu’elle a de special ?

- Rien, sauf qu’elle est gravée de runes.

- Qui signifient quoi ?

- Laissez-moi voir. Mmmh…« nuit gravement a la sante ». Bizarre. Ca doit etre une devise de l’empire Zainkha a mon avis. Ils ont un humour un peu débile.

- Ou alors c’est encore une connerie de Kundin.

- Va savoir… Bon on descend ou on attend qu’ils viennent tous un par un ?

- A propos, pourquoi on devrait descendre et pas monter ?

- Parce qu’il n’y a pas de marches qui montent.

- Et la tour elle sert a quoi ?

- Qu’est ce que tu veux que j’en sache moi ? Et de toute facon t’as deja vu un donjon ailleurs que sous terre ?

- Mais un donjon, normalement, c’est une tour et pas un souterrain avec plein de monstres dedans.

- Ben tu l’as ta tour, de quoi tu te plains ?

- …

     Nos fiers héros se glisserent donc dans l’antre malefique du sorcier, en file indienne car l’escalier ne permettait pas le passage de plus d’une personne de front. Bientôt, ils arriverent en bas des marches apres avoir failli rouler plusieurs fois sur des dents eparpillees, et deboucherent dans une vaste salle dont les murs de pierre etaient ornés de tableaux. Tres professionnellement, Perina inspecta la salle avant de revenir vers ses compagnons.

- C’est bon, on peut y aller. Il doit juste y avoir un piege a flechette derriere chaque tableau mais on est pas venus pour l’art. A propos, je vous deconseille de les regarder, ces tableaux.

- Oh, pourquoi ? demanda la magicienne avec une pointe de deception dans la voix.

- Eh bien… tiens essaye si tu en as envie apres tout.

- Merci ! Alors, celui laaaaa… Mais… Mais c’est des chiens ! Et ils jouent au poker ! AAAAAAAAAAAAAAAH !

- Qu’est ce qui lui prend ?

     La demi-elfe semblait en effet etre en proie a la plus grande confusion, se roulant par terre en poussant des cris et en bavant autant que le lui permettaient ses glandes salivaires. Apres quelques minutes, ses compagnons deciderent d’« anesthesier » la magicienne et confierent son corps mou a Bramkar, qui la mit sur son epaule, apres avoir verifie avec l’elfe et le nain si ce dernier aurait ou non gagne son pari. Les compagnons du Barde Empalé allaient se remettre en chemin quand, sortie de nulle part, une voix les cloua sur place.

« Vos creatures ont faim, agrandissez vos couvoirs ! ». Puis, tandis que les aventuriers restaient silencieux et perplexes, la voix continua : « Vous n’avez pas assez d’or ! Vos créatures ont faim, agrandissez vos couvoirs ! Vos créatures s’enfuient ! »

- C’est quoi ce bordel ?

- Sais pas. Pas notre probleme, faut trouver le boss et la salle du tresor, et on se barre, point final.

- Je crois que c’est par la, il y a une sorte de porte, dit Siani.

- Ce n’est pas une porte, c’est une Valve d’Azimuth le Grand, un mecanisme complexe et mortel destiné a garder les intrus au-dehors et le trésor au-dedans.

- Alors on entre ?

- Ca va pas la tete ? Cette valve ne s’ouvre dans ce sens uniquement apres avoir tué une créature vivante. Apres quoi il faut la recharger, on aurait le temps de passer, mais en attendant je ne vois pas ce qu’on pourrait lui sacrifier, vu qu’il n’y a plus rien de vivant ici a part nous, et je n’ai pas le niveau pour forcer ce machin, moi. Demandez a la magicienne !

- Mais ma maman m’a fait un mot…

- C’est vrai j’oubliais. Au fait, tu t’es reveillée, toi ?

- Oui, mais je me sens bizarre.

- En attendant cette porte est la seule issue a cette piece, fit observer Siani. Et nous sommes seuls ici, donc il ne nous reste plus qu’a remonter, ou a tirer a la courte paille pour savoir qui se devouera pour le bien commun.

- Ne comptez pas sur moi pour jouer a ca. Parier, oui, crever, non merci.

- Pareil.

- Pareil.

- Pareil.

- Grunt.

     Le petit groupe se tut, sans savoir quoi faire. Et il faut bien le dire, il n’y avait pas grand-chose a faire a part attendre que le Scenario vous envoie un evenement imprevu pour debloquer la situation, chose que le Scénario avait prévu car le Scénario est omniscient, loué soit le saint nom du Scénario. C’est donc sans grande surprise qu’un autre gobelin, surgissant du pot de mélasse ou il s’etait caché a l’arrivée des aventuriers, (mais bien sur, penserent-ils de concert) fournit la clef de l’énigme en meme temps qu’un divertissement fort amusant, ledit gobelin sachant pertinemment ce qui l’attendait si il passait la porte le premier.

     Apres avoir bien ri, donc, nos cinq heros passerent a travers la valve en enjambant ce qui restait du gobelin projeté la, et deboucherent dans une salle non moins vaste et decoree que la precedente. Au centre se tenait un trone, et dessus etait assis un vieux monsieur tout ridé qui devait avoir a vue de nez la centaine, si ce n’est plus. Les cinq aventuriers balayerent la piece du regard, mais de tresor, point, pas plus que de dragon ni d’autre gardien destine a offrir un dernier combat avant la recompense et les points d’XP. A priori le vieux devait avoir des pouvoirs magiques terribles et des eclairs allaient jaillir de ses doigts et foudroyer le premier d’entre eux qui se risquerait a l’assaillir, comme de juste. C’est pourquoi tous furent d’avis d’envoyer le barbare, meme si Sibea avait quelques regrets en prenant cette decision, surtout depuis le coup du pagne. Bramkar, inconscient du danger et decide a entreprendre prestement les negociations, se dirigea d’un pas ferme vers la vieille chose tremblante sur son trone.

- Fier heros, fit le vieux, je vois que tu es venu ici en quete du fabuleux tresor de la tour. Helas, mes finances ont bien baisse et a part cet eventail d’ivoire il ne me reste plus grand-chose. Epargne moi donc, car meme mes pouvoirs m’ont quitté et je ne suis plus qu’un vieillard sans déf…

     Tels furent les derniers mots de Grossgamel, avant que sa tete ne roule sur le sol et que son corps débile ne tombe a bas de son trone. Consternés, Siani, Périna, Sibéa et Ferog regarderent leur ami qu’ils venaient tout juste d’envoyer vers un destin funeste s’emparer de l’éventail d’ivoire, shooter dans la tete du vieux et repartir en direction de la Valve.

- Hey mais, et les éclairs…

- Un vieux, c’est un vieux, ils peuvent pas tous avoir des pouvoirs surhumains qu’est ce que tu veux. T’as trop regardé Star Wars, c’est tout. Bon on rentre ?

- Et le trésor ?

- Ca sera pour une autre fois j’imagine. On gagne pas a tous les coups, et puis il nous reste les points d’expérience et la pioche runique, on a pas tout perdu.

- Beuh… Il est nul ce donjon.

- Moi aussi je suis décue. Il aurait au moins pu faire semblant de résister…

- On en trouvera un autre plus professionnel, c’est pas ce qui manque. Et puis on a encore l’autre abruti a ressuciter.

     La tete basse et l’epee trainante, les Compagnons du Barde Empalé emboiterent le pas au barbare, bien décidés qu’on ne les y reprendrait plus, a figurer dans un scénario de Kundïn.

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