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     Dîannoelle souffla sa bougie. La nuit allait bientôt tomber et le soleil disparaître derrière les huttes du village de NaïsNosk. Ce serait pour elle le signal : dès que la première chauve-souris montrerait le bout de son museau, elle enfilerait sa cape et s’en irait par-delà des chemins, en direction du village d’Öniul.

     Une fois que tout le monde fut couché et que seules les lanternes des gardes éclairaient le village, elle alla chercher sa dague qu’elle glissa à sa ceinture, une belle ceinture ornée de rubis scintillants qui lui avait été offerte par un mage venu d’Ulthuan pour apprendre la magie sylvaine. Il l’avait lui-même reçue d’une forge elfique en la protégeant des pillards qui venaient chaque semaine lui voler son or.

     En la regardant de plus près, Dîannoelle avait remarqué un symbole gravé sur le revers du ceinturon : une rune apparemment, mais dont le sens lui restait encore inconnu.

     Elle descendit donc du hamac dans lequel elle dormait, puis, sortant une boussole de sa poche, elle prit la direction de l’Est, la direction de son rendez-vous.

* * * * * *

     Une fois arrivée, notre jeune elfe commença sa recherche en évitant soigneusement de se faire remarquer par les gardes. Malheureusement, le sol était recouvert d’une fine couche de feuilles sèches et d’aiguilles de pin. Les gardes ne tardèrent donc pas à entendre ce faible craquellement du sol. Voyant son silence en en danger, Dîannoelle sauta pour attraper une branche, puis commença à escalader l’arbre. Elle s’arrêta un instant pour prêter l’oreille aux gardes dont les pas se rapprochaient.

     Soudain, la branche céda dans un grand bruit sonore, et Dîannoelle tomba sur le garde qui arrivait. En un réflexe, elle sortit la dague de son fourreau et la positionna juste sous elle, parfaitement à la verticale. Le malheureux forestier qui se trouvait en-dessous senti une lame d’acier torsadée lui entrer dans l’épaule, enfoncée par le poids de la jeune elfe lui tombant dessus. Dîannoelle tourna violemment la dague puis l’arracha d’un coup sec pour parer la charge du second garde.

     Une lutte s’engagea alors entre Dîannoelle et le guerrier, chacun frappant puis parant les coups. Mais Dîannoelle était en infériorité : l’épaisse cuirasse de son adversaire était d’une solidité pouvant facilement faire face à une simple dague, et l’épée faisait au moins le double sinon le triple de la longueur de son arme. Elle commença donc à battre en retraite, reculant petit à petit, poussée par l’ennemi vers la palissade hérissée de pieux de la ville. Elle vit le visage du garde sourire en une expression de vainqueur, mais elle ne s’avouait pas encore vaincue.

     En un clin d’œil, elle sauta en arrière, attrapa un pieu dans chaque main, se propulsa dans les airs, puis raterrit en une roulade derrière son adversaire qui n’eut pas le temps de réagir à la vitesse de l’action. Profitant de cet instant de répit, elle se releva en donnant un grand coup d’épaule dans le dos du garde qui, emporté dans son élan, alla s’écraser contre les piques de bois.

     Dîannoelle soupira, mais elle n’eut pas le temps de se reposer d’avantage : elle entendit non loin d’elle le son d’une corne qui résonna dans la ville.

" Le garde !! se dit-elle. Je l’avais oublié ! "

     Elle sortit un arc de sous sa cape et décocha une flèche en sa direction, mais c’était trop tard : l’alerte avait déjà été sonnée, et déjà le bruit des sabots et le cri des hommes résonnaient dans la pénombre de la nuit.

     Une seule issue : fuir. Un garde, passe ; deux gardes avec l’effet de surprise, passe aussi ; mais des cavaliers à la charge, c’en était trop. Beaucoup trop.

     Résignée, elle grimpa dans l’arbre le plus proche. Là, au moins, les coursiers ne pourraient pas venir la chercher, se disait-elle. Mais elle se trompait.

     A peine arrivée au sommet, elle entendit des battements d’ailes qui allaient dans sa direction. Des faucons… Impossible de leur échapper. Impossible ? Non. Il restait encore une issue, risquée, certes, mais encore une issue.

     Elle passa aussitôt à l’action. Montant au sommet de l’arbre, elle en chercha un dont la cime dépassait celle des autres. C’était un peuplier, culminant environ deux mètres au-dessus des autres. Elle sortit alors une corde se terminait par un grappin à trois branches, puis, la faisant tournoyer au-dessus de sa tète, l’envoya sur l’arbre en plantant le crochet dans son écorce.

     Elle sauta alors puis se tira au sommet à l’aide de la corde. Il était temps : les faucons n’étaient plus qu’à une demi-douzaine de mètres de l’endroit où elle se trouvait dix secondes plus tôt.

     Il ne restait plus qu’une seul chose à faire, une chose qui ne la réjouissait pas, certes, mais une chose essentielle à sa survie. Elle sortit donc son arc, puis, après avoir accroché solidement une fine cordelette à une flèche, le banda et décocha la flèche qui alla se planter dans la patte droite du faucon le plus proche. Celui-ci, surpris par la violente douleur, se souleva en un brusque mouvement d’aile qui déstabilisa son cavalier, tombant à la renverse dans les pics rugueux.

     Dîannoelle se mordit la lèvre. Empaler un homme dans les arbres, cela ne la dérangeait pas, mais faire du mal aux animaux lui causait une profonde douleur intérieure.

     Elle agita doucement la cordelette afin de calmer le faucon, mais l’autre monture se rapprochant, elle du tirer dessus pour le faire revenir. Au début, l’oiseau résistait, mais la douleur qui se produisait à chaque fois qu’il tirait d’avantage était trop forte, et il du lâcher prise et se laisser tirer par la corde jusqu’à Dîannoelle.

     Alors, elle l’enfourcha et fit immédiatement une remontée éclatante pour éviter la charge de l’autre chevaucheur. Elle fit alors une vertigineuse descente en piqué, plongeant entre les arbres, et terminant par un magnifique redressement juste avant de toucher le sol. Mais les cavaliers l’attendaient. Ils avaient tout entendu de ce qu’il se passait en haut et se préparaient à une arrivée soudaine de la jeune intrépide.

     Se penchant brusquement vers la droite, elle tourna le dos aux cavaliers et lança a toute allure son faucon à travers les bois. Derrière elle, les sabots des coursiers elfiques la poursuivaient.

     Malgré son jeune age, elle dirigeait son faucon avec une extrême habileté, contournant les arbres sans aucune difficulté, filant comme un souffle de vent au travers des murs de broussailles… Les chevaux, malgré leur nombre, ne tardèrent pas à être semés.

* * * * * *

     Dînnaoelle s’arrêta dans une petite clairière. Sous la pression de la fuite, elle avait complètement perdu son chemin. Même cette prairie ne lui disait rien.

     Elle descendit de son faucon et le ramena près du chêne qui trônait fièrement au centre de la clairière. Un beau chêne au bois humide dont le tronc avait été creusé par tous les animaux qui étaient venu y construire leur nouvelle maison pour passer l’hiver ou simplement s’abriter des pluies diluviennes qui s’abattent chaque année sur Loren.

     Elle accrocha la longe du faucon à une branche, puis s’assit elle-même sur une grosse pierre qui se trouvait à coté de l’oiseau et entreprit d’examiner sa blessure.

     Pendant la fuite à travers les arbres, la flèche s’était décrochée et était tombée de sa patte, laissant ainsi le champs libre au sang pour gicler hors du corps de l’animal. Plusieurs litres avaient du en tomber, suffisamment en tout cas pour tuer n’importe lequel de ces gigantesques oiseaux surtout après une demande si importante d’efforts physiques, mais non… Le faucon se tenait là, bien vivant devant elle et ne semblait ressentir aucune gène. Il avait juste l’air de vouloir exprimer son agacement à être attaché à une branche, bien que les gestes doux et respectueux de la demoiselle ne semblaient pas lui être désagréables.

" Quoi qu’il en soit, il faut stopper l’hémorragie, se dit-elle. "

     Se levant, elle s’étira et se dirigea vers la forêt en quête d’un buisson quelconque qui lui permettrait de panser sa monture. Mais à peine eut-elle pénétré dans la pénombre des bois qu’elle entendit derrière elle un cri déchirant de souffrance, comme une personne à laquelle on aurait enlevé le cœur sans toutefois lui ôter la vie… Elle fit un bond en arrière et accourut jusqu’à la clairière, mais elle arrivait trop tard.

     Inerte, le corps du faucon gisait au sol sans aucune trace de blessure, à part l’unique et même trou à la patte droite qui continuait de couler au goutte à goutte dans une mare de sang…

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