- Ïshîa domianus deïs moraniva, coramös divisal Sûl ô Taur de maliña -
Dîannoelle posa la tête sur le tapis rouge en fermant les yeux.
Ses boucles blondes resplendissaient à la lueur du soleil levant, tel un champ de blé sous les mille étoiles scintillantes de la voûte céleste. Comme obéissant à un ordre donné dans ses pensées, elle se releva et, les yeux toujours clos, planta une plume à la teinte rouge légèrement bleutée sur un petit tas de terre posé au sommet de la tombe.
Un moment, elle resta en contact avec la plume. Une concentration intense pouvait se lire en cet instant sur son visage. La plume se mis alors à trembloter, mais par une autre force que celle du bras de Dîannoelle, de plus en plus fort. Elle commença à rougir, un filet de vapeur s’échappait de sa pointe. Dîannoelle ne se déconcentra pas, toujours plongé dans son monde de transition entre la vie matérielle et l’esprit volatil. Puis, petit à petit, son corps devint de plus en plus clair, commençant à laisser apparaître des traces de transparence. Puis soudain, elle disparut. Complètement. Plus aucune trace de son corps à l’endroit même où il se trouvait un instant auparavant.
La plume, elle, continuait de trembler en fumant de part en part, sous la pression d’une lutte interne. Puis d’un coup sec, elle s’embrasa, explosant avec une telle force que le grand chêne lui-même fut englobé d’une sphère de flammes ardentes qui firent se recroqueviller les herbes à proximité. Un pin à la limite de la clairière fut également touché par l’explosion et se mit même à brûler en de grandes flammes crépitantes créant des nuages de fumée s’élevant dans le ciel.
« NOOOOONNNNNNNN !!!!!!!!!!! cria une jeune elfe bondissant hors de la forêt. »
Mais elle arrivait trop tard.
* * * * * *
Tout était arrivé une nuit d’automne. Une douce brise s’était levée sur la forêt, et tout le monde dormait paisiblement.
Derrière ses paupières closes, la jeune elfe dormait. Et elle faisait en cet instant un rêve étrange. Sa sœur, Dîannoelle, était dans la forêt, seule, au milieu des ténèbres des arbres. Derrière un buisson deux yeux apparurent. Des yeux blanc pâle, froids comme la mort, fixant Dîannoelle sans bouger. Celle-ci tremblait, en proie à une peur intense. Elle cherchait une issue, et ne pouvait cependant quitter des yeux la bête.
Soudain, en un éclair elle vit une plume écarlate fumant de toutes part, prête à exploser.
Elle revint alors à la première vision. Ces mêmes yeux contemplaient l’archère elfe sans ciller. Puis, une sphère de lumière verte apparut entre les deux regards. A l’intérieur, on pouvait voir un combat… Une jeune elfe vêtue d’une cape vert sombre tenait une lame elfique à la main. Devant elle, trois Gardes Phénix lui faisaient front.
Les deux regards étaient toujours fixés sur le globe lumineux.
Soudain, le même flash : une plume, plantée au sommet d’un petit monticule de terre portant des inscriptions elfiques, qui virevoltait sur elle-même, vibrant avec une force surhumaine.
Dans le globe, on voyait toujours le même spectacle : la guerrière frappait, esquivait, faisait des bonds en tous sens pour déstabiliser ses vaillants adversaires. Les yeux de Dîannoelle tremblaient de frayeur, attendant ce qui allait arriver sans ne rien pouvoir faire.
Alors, la sphère tourna, et on vit derrière des colonnes de marbre un archer qui se dissimulait, observant le combat. Mais au moment ou l’elfe sembla soudain prendre le dessus, il se découvrit, tira une flèche de son carquois, et la décocha en direction de la guerrière.
Mais au moment même ou la flèche aurait du atteindre sa cible, la plume explosa, dans une gerbe de flammes rougeoyantes s’élevant vers le ciel, illuminant la forêt, enflammant tout ce qui se trouvait à sa portée, avec la force incomparable de la foudre et l’exquise rapidité de l’éclair.
« NOOOONNNNN !!!! s’écria Tyldîa en se redressant brusquement sur son lit. »
Elle était trempée de sueur.
* * * * * *
Depuis un certain temps déjà, le village de NaïNosk avait commencé à s’inquiéter de l’absence de l’archère Dîannoelle. Certes, ce n’était pas la première fois qu’elle s’absentait, mais elle n’avait cette fois-ci laissé aucune trace de son départ. Personne n’avait été prévenu, pas même sa cousine Tyldîa, dont les tracas ne cessaient d’augmenter avec le temps.
Mais ce rêve était trop important ; elle ne pouvait l’ignorer. Ce n’était après tout peut-être qu’une simple vision reflétant ses angoisses du moment présent, mais non. Elle avait en elle un pressentiment, comme une voix qui lui disait que ce n’était pas normal.
Le lendemain suivant la-dite nuit, elle décida donc d’agir. Elle se leva, et alla choisir dans ses vêtements ceux qui lui servaient habituellement lorsqu’elle gardait les alentours du village, c’est-à-dire une cape verte et un ensemble lui moulant le corps avec une élégance incomparable, ainsi que quelques armes : un glaive, un poignard, et un arc avec ses flèches.
Elle enfourcha sa belle jument blanche, et s’éloigna au trot du village, à la recherche d’un endroit peut-être inexistant, mais qui n’en restait pas moins clair dans son esprit.
Ainsi chemina donc la jeune elfe, durant toute la matinée, faisant à peine une pause pour manger quelques baie rouge ou boire une gorgée d’eau fraîche à un ruisseau croisant son chemin. Mais après quelques heures, ses pas hasardeux la menèrent à un chemin, ou plutôt, à un taillis fait à la hâte dans les broussailles, qui partait tout droit sur sa droite. Elle murmura quelques paroles à l’oreille de son cheval, puis tourna pour suivre le fossé qui s’offrait à elle.
Elle avança à pas de loup, très doucement afin de ne pas attirer l’attention sur elle. Il régnait en cet endroit un silence de mort ; pas un sifflement d’oiseau ; pas le moindre bruit d’une patte effleurant le doux voile de feuilles mortes qui reposait sur la terre humide de la forêt ; pas même le ruissellement d’une rivière fraîche pouvant témoigner d’un petit signe de vie… Rien.
Soudain, elle entendit derrière elle un craquement ; le petit craquement sec et caractéristique d’une branche morte sur laquelle on aurai marché par inadverdance. Elle regarda brusquement en arrière, mais ne vit rien. Elle resta songeuse quelques instants, fixant ses arrières avec précaution, puis repartit, l’oreille aux aguets. Puis, alors qu’elle s’avançait de plus en plus dans les ténèbres de la forêt, elle entendit résonner dans la forêt une voix sonore, un rictus grave et menaçant qui emplissait le silence de la forêt, s’infiltrant dans les coins et recoins des arbres et faisant frémire les racines des plus grands chênes ; un rictus noir et glacial, gelant l’échine de l’elfe jusqu’aux os les plus profonds de son corps…
Un tremblement envahi alors le sol ; il était là calme, mais on ne le sentait pas moins pour autant. Puis, au fur et à mesure que Tyldïa progressait dans le taillis de ronces, le vibrement qui emplissait la terre grandissait, agitant les arbustes autour d’elle. Puis soudain, un des petits arbres qui se trouvait là fit entendre un petit claquement sourd et s’embrasa dans une gerbe de flammes étincelantes et une impression de déjà vu…
Alors, tout devint clair dans son esprit ; c’était comme si quelqu’un qui avait éteint la lumière dans sa tête l’avait brusquement rallumée.
Serrant les talons sur le ventre de son cheval, elle le lança au grand galop à travers la forêt, s’écorchant dans les ronces, bondissant par-dessus les troncs d’arbres morts. Alors qu’elle fonçait à toute allure vers la fin du chemin, le tremblement devenait de plus en plus fort, et des arbres maintenant, de grands peupliers s’embrasaient au contact d’un élément invisible dans des explosions de flammes. La lumière apparaissait à présent devant elle. La lumière du jour, la lumière de l’orée de la forêt se faisait entrevoir entre les arbres, alors qu’elle entendit devant elle une détonation sourde.
« NOOOOONNNNNNNN !!!!!!!!!!! cria la jeune elfe bondissant hors de la forêt. »
Mais elle arrivait trop tard.