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  Nuit

 

Le fleuve étend ses déliés élégants le long de vallons argentés, à travers les futaies de sapins et dans les herbes hautes pétrifiées par le givre. Les montagnes dans le lointain s’effacent en déclivités bleues et bleues les collines sur lesquelles la nuit a déjà fondu sans un bruit, mais sur les eaux imperturbables brûlent encore les ultimes feux d’un crépuscule rougeaud.

Et brûle de même un brasero rudimentaire riveté sur le radeau, et lové autour de la flamme Amphitryon Jones, nous reconnaissons ses traits encore jeunes malgré sa barbe hirsute et la tignasse pouilleuse qui a trouvé refuge au-dessus de ses sourcils, et les fourrures dont il est attifé. De temps à autre ses yeux délavés se portent sur les lignes de nylon qui plongent jusque loin dans l’eau noire mais, comme rien ne bouge, son regard se perd le plus souvent quelque part dans les étoiles qui scintillent bienveillantes dans le ciel. Pendant ce temps le radeau continue de dériver paisiblement, s’il suit le courant c’est parce que sa nature n’est pas querelleuse avant tout.

Lorsque l’une des lignes se lance finalement dans une gigue syncopée, Amphitryon se redresse comme un diable sur ressorts et empoigne sa canne à pêche avec la vigueur d’un homme qui espère toujours son souper. Les remous qui animent le fleuve sont prometteurs, et aussi la silhouette insaisissable qui s’agite là quelque part sous l’eau.

   Mâchoires serrées, Jones garde fixée son attention sur le fil qui poursuit sa folle cavalcade d’une berge à l’autre, le voilà qui se perd dans les roseaux qui bordent le rivage, et la canne de bambou étire son ombre élancée loin dans le jour déclinant. Pas pour longtemps, toutefois. Le sillage comme soudain pris de folie fait volte-face, se précipite droit au-devant de l’étrave empâtée du radeau. Amphitryon a juste le temps de lorgner sur le mousquet soigneusement emballé dans un morceau de toile épaisse ; peut-être, après tout, que la proie n’est pas du côté de la ligne qu’il l’avait envisagé tout d’abord ? Une trombe d’eau explose à la proue de l’embarcation, avec tout un tintamarre d’éclaboussures qui entraîne l’aventurier à la renverse, ses doigts sont toujours fermement cramponnés à la canne à pêche et ses yeux sont rivés sur la silhouette de la truite qui se dandine laborieusement sur le pont. Elle qui a jailli de la rivière comme une torpille de nacre en est réduite à gesticuler sans grand espoir, ni sans plus de dignité qui l’a fuie toute entière.

En fin de compte, il y aura bien du poisson au diner.

 

Amphitryon jette une nouvelle bordée de bois sec dans le brasero et la flambée s’élève en confettis crépitants blancs et orangés dans l’obscurité glacée du ciel nocturne. L’aventurier contemple le feu avec un air satisfait, frotte l’une contre l’autre ses mains crevassées par le froid. Et :

« Me tues pas, vieux. » Cela ressemble davantage un croassement qu’une voix véritable, et pourtant il n’y a pas de doute, quelqu’un vient de lui parler. « Je suis pas du genre à apprécier ton feu et j’ai pas envie de le voir de plus près, le murmure s’élève en intonations suffoquées, c’est un son assez désagréable à entendre à dire vrai, Nous autres on est plutôt du genre à barboter si tu me suis. »

   Il n’y a rien d’autre dans les parages que la truite qui se tortille toujours sur son papier journal, quoique plus sporadiquement à présent et avec plus de difficultés. Aussi Jones s’accroupit et saisit le poisson entre ses doigts, en prenant garde de ne pas le laisser glisser.

« Et ne me regarde pas avec ces yeux de merlan frit, tu veux ? » Les lèvres de la truite, d’ailleurs une truite a-t-elle des lèvres, il se le demandera souvent par la suite, les lèvres de la truite ne bougent pas distinctement, note Amphitryon, mais c’est de toute évidence le poisson qui s’adresse à lui et l’aventurier pense tout haut : « Tu parles ? Je veux dire, tu n’es pas sensé rester muet… Comme une carpe ? 

— Je le suis le plus souvent, mais on dirait bien que l’éventualité d’une mort prochaine me rend causant. Et toi, qu’est-ce que t’en dis ? Amphitryon se gratte la tête de sa main libre, perplexe,  — Je crois bien que ça m’est égal, je suppose que ça ne doit pas gâcher le goût, et il repose le poisson à une distance raisonnable du bord du radeau.

 

« Fais pas ça, vieux. Tu le regretteras.

— Vraiment ? »

— C’est que je suis pas n’importe quel poisson, tu vois, Grand-Père Truite, c’est mon blaze, et je suis comme qui dirait l’esprit protecteur de cette fichue rivière. Alors ne me cherche pas de noises, ou toi et ton fichu barlu vous allez vous retrouver dans la mélasse fissa.

— Et je suppose que si après ça tu pouvais claquer des doigts je devrais me mettre à trembler comme une feuille pas vrai ? » Amphitryon déroule précautionneusement un torchon, révélant l’éclat de la lame de son coutelas. « Mais comme je te vois d’ici, je dirais ça va tomber à l’eau, autant te le dire tout de suite.

— Oh, je vois… T’es un saligaud de requin au cœur de pierre, pas vrai ?

— C’est pas en me traitant de noms d’oiseaux que tu vas m’attendrir, en tout cas.

   Le trappeur se redresse, couteau à la main. « D’accord, alors disons… La voix de la truite, puisqu’il faut bien l’appeler ainsi, ressemble moins à une imprécation qu’à un rude marchandage, Disons que si tu me laisses m’esbigner je te revaudrai ça au centuple.

— Au centuple ?

— Au centuple.

— Parole ?

— Dis, t’as déjà vu un poiscaille raconter des craques, toi ?

— Là, tu marques un point.

La lame du coutelas marque une hésitation, rien qu’un instant, puis sa course vengeresse reprend et son arc argenté s’arrête net avec un bruit de choc mat qui n’en finit pas de vibrer, mais pas dans les tripes grouillantes de Grand-père truite ça non, l’acier est solidement fiché dans une des planches du radeau. Amphitryon ressent l’obligation confuse d’agir avec dignité mais, comme il n’a pas idée quant à la façon de s’y prendre, il saisit la feuille de journal détrempée avec des gestes délicats et la fait basculer au-dessus du fleuve – mais très lentement, s’il y avait quelqu’un pour assister à la scène depuis la berge il croirait sans doute à un cérémonial païen et peut-être est-ce bien le cas après tout. Le poisson roule à la renverse et plonge dans les eaux noires et peu de temps après le trappeur croit l’apercevoir qui cabriole à la surface dans le clair de lune naissant.

« J’espère que je ne me fait pas avoir…Siffle Jones entre ses dents.

 

La nuit est bien avancée à présent. Seul fait écho aux étoiles luisantes dans le ciel les ultimes cendres qui agonisent dans le brasero, et recroquevillé autour du feu mourant Amphitryon, grelottant, l’estomac vide puisque c’est ce qui nous intéresse.

De longues heures d’attente se sont écoulées et avec elles un espoir déclinant. Désormais le trappeur cherche seulement l’oubli d’un sommeil réparateur, mais cela aussi lui est refusé et il est trop occupé encore à maudire intérieurement sa stupidité.

A un moment pourtant, une rumeur sourde qui monte du fleuve le tire de sa torpeur. Ses yeux cillent une ou deux fois, ses membres engourdis par le froid se délient, comme ces gestes seraient plus aisés le ventre plein, pourtant d’autres préoccupations lui viennent à l’esprit, le remous croissant qui s’élève dans l’obscurité profonde y est pour quelque chose sans doute. Bientôt le fleuve parait bouillonner tout autour du radeau en écume grisâtre  et en houle frémissante et le trappeur, impuissant, se tient debout bien au centre de son  embarcation, pas question de passer par dessus bord.

Une masse sombre jaillit des flots ; les projectiles fusent de toutes parts, s’échouent sur le pont et avec eux un tintamarre de chocs tout dégoulinants. L’averse se poursuit pendant une bonne minute encore, avant que les rangs des dernières giboulées ne s’éclaircissent tout à fait, et que les eaux du fleuve retrouvent leur quiétude somnolente.

Tout autour de l’aventurier, détrempé, incrédule, quoi qu’il faille trouver peut-être un mot nouveau pour décrire l’énormité de sa surprise, il y a là répandues sur toute la surface du radeau les formes gigottantes et ruisselante de flétans, de truites, de carpes, et de tout ce que le fleuve a pu réunir de la gent piscicole.

Et quand Amphitryon entreprend de trier les poissons, il y a là de quoi faire un festin de roi, quelque recoin de son esprit est pris de la nécessité obscure de les compter.

Il y en a cent, exactement.

 

Jour

 

Le matin est jeune encore et s’avance timidement au-devant de la nuit échevelée. Planté au-dessus de la ligne d’horizon, un œil rouge vitreux désigne le soleil, comme une pelote de laine depuis laquelle se dévident des rubans roses et dorés au-travers de l’aube grisâtre. Il s’agit moins d’une clarté que d’un contrejour aveuglant, comme si le monde avait enfilé une défroque trop grande pour lui, partout des arbres de taille convenable déploient leurs ombres chiffonnées jusque sur le fleuve et au-delà, et les collines retiennent dans leur ombre les vallons somnolents. A un endroit le fleuve forme un coude, s’encanaillant en un coin de mangrove où le radeau a fini par trouver refuge. Un modeste panache de fumée s’élève toujours de son bord, quant au roulis régulier qui l’anime il ne rappelle rien mieux que le souffle profond d’un dormeur.

Amphitryon regarde tout ceci avec un air absent. A cet instant précis il s’adonne à de généreuses ablutions à bonne distance de la berge, où est entreposé tout un fatras dispersé sur les rochers, toiles de tentes et pièges et guirlandes de poissons laissées là à sécher, jusqu’aux branches des arbres où sont suspendus des vêtements. Nu, donc, comme au jour de sa naissance – les eaux de la rivière, qui ceignent sa taille, ne sont qu’une pudique coquetterie à laquelle le trappeur ne paraît pas prêter attention – et sa peau est rouge écarlate, peut-être est-ce donc le froid qui lui a valu son surnom en fin de compte, ou alors une hygiène trop vigoureuse.

Une volée de pies a investi le ciel comme un terrain de jeu encore déserté en cette heure matinale. Elles planent en formation serrée, perchées au-dessus d’un vide qui s’en va décroissant et le trappeur observe leur manège avec moins d’amabilité que de méfiance, méfiance car il faut rester sur ses gardes lorsqu’on a affaire à ce genre de canaille, non contentes de chaparder elles s’autorisent même à déféquer sur la tête des autres lorsqu’elles le jugent bon, cette sagesse là il l’a acquise d’expérience.

Un battement d’ailes nonchalant éloigne l’un des volatiles du reste du groupe, le voilà qui plonge droit sur Amphitryon maintenant, non, pas exactement, Jones se baisse instinctivement mais déjà l’oiseau se pose sur la rive avec un bruissement de plumes étouffé.

Les deux restent un moment à se dévisager en silence, il n’y a pas d’autre mouvement que le mouvement convergeant de leurs pensées, mais celui-là on ne saurait le voir, et la pie émet un ricanement plein d’à-propos et entreprend de se dandiner jusqu’aux carcasses des poissons abandonnées à sa merci, et à sa suite le trappeur gagne la berge laborieux, tout trébuchant et pataugeant dans la vase. De retour sur la terre ferme Amphitryon vocifère en direction de l’intrus, mais jusqu’aux gesticulations de ses bras ruisselants n’y changeront rien, nous voyons déjà que les pourparlers et la diplomatie ne seront d’aucun secours ici, le visage interdit du voleur, sur lequel aucune trace de culpabilité ne se lit, en dit suffisamment long.

C’est à cet instant crucial que le buisson tout proche s’anime à son tour, sa voix propre fait rimer  les craquements des branches et le bruissement des feuilles et cela au moins la pie ne l’avait pas prévu, et elle s’envole à tire d’aile tandis que le taillis régurgite la silhouette vétuste d’un chercheur d’or. Tamis et pioches tintinnabulent derrière lui, mais le coutelas dans sa main semble indiquer que pour l’heure il cherche la bagarre mieux que l’or.

Et le pistolet suspendu dans sa gaine qui balance mollement à une branche entre Amphitryon et lui est un appât à coup sûr trop séduisant pour qu’on lui résiste. Mais si le nouveau venu s’y précipite, Jones lui se jette à couvert d’un rocher tout proche où presque simultanément les plombs ricochent, grignotent la pierre avec leurs dents de métal avide, et avec elles une détonation qui souille la quiétude du matin.

Le chercheur d’or peste en silence, son arme encore fumante braquée sur l’abri de fortune derrière lequel son ennemi a trouvé refuge, par pur réflexe malgré tout car déchargée elle ne lui servira de rien. C’est à cet instant incertain que Jones choisit de réapparaître, jaillissant comme un démon hors de sa boîte, quelle mauvaise plaisanterie, et le mousquet qu’il brandit fait un doigt accusateur sur la poitrine du prospecteur, claque un nouveau coup de feu comme un halètement strident, voilà une pépite d’acier qu’il ne laissera pas filer : solidement fichée dans le ventricule, et déjà ses guenilles sont imbibées de sang noir dans lequel il se vautre sans grand espoir en fin de compte.

 

Amphitryon sort de sa cachette, son arme toujours braquée sur le cadavre, et d’un geste du pied moins respectueux que prudent repousse le pistolet de la main crispée du chercheur d’or. La dépouille entame une imperceptible reptation affalée le long de la dalle de grès, précédée par le cortège de son sang qui s’écoule en lambeaux pourpres jusqu’à s’étioler en modestes tourbillons dans le sillage de la rivière. A présent appuyé sur son mousquet comme à un bâton de marche, Jones embrasse du regard la berge et le panorama au-delà.

Le cadavre est à demi-immergé maintenant, et bientôt il aura complètement disparu de la surface de la terre, mais même alors il lui restera un ultime rôle à jouer. Amphitryon pense à tout ceci et il émet un rire qui exprime le bonheur d’être encore vivant, et, peut-être, la gratitude.

 

Fin

 

 

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Portrait de Iggy Grunnson
Iggy Grunnson a répondu au sujet : #21229 il y a 7 ans 7 mois
Il s'agit d'un vieux texte que j'ai essayé de retravailler pour le rendre plus digeste... C'est un exercice périlleux pour moi, qui ne suis pas un grand habitué des réécritures!

Il faut dire qu'il s'agit surtout d'un exercice de style, presque un pastiche de deux de mes auteurs favoris : Cormac McCarthy et José Saramago. Les deux ayant un style très particulier, le mélange n'est peut être pas 100 % heureux, mais avec les modifs que j'ai faites j'espère que ça reste plus digeste que la première mouture du texte.

J'aimerais bien avoir votre avis sur l'équilibre entre les deux parties. Personnellement je suis assez content de la première, au point de la considérer presque comme une histoire (disons un scénette) indépendante. La deuxième est moins satisfaisante, un peu précipitée, mais elle apporte quand même un contrepoint thématique à la première partie du texte.

Iggy

PS. Par contre je n'aurai pas accès au forum pour la semaine qui vient, ne vous étonnez donc pas de ne pas avoir de mes nouvelles... Mais ça vous laisse du temps pour affuter vos plumes!
Portrait de Leagend7381
Leagend7381 a répondu au sujet : #21236 il y a 7 ans 7 mois
Je n'aurais que peut de temps pour donner mon avis, donc il sera assez concis.

Il est vrais que certains passages sont difficiles à lire, principalement l'introduction qui a faillit me faire abandonner.
Et j'ai bien fait de ne pas m'arrêter là, car le reste du texte est vraiment sympa. Je n'ai lu aucun de ces deux auteurs, mais j'ai beaucoup apprécié l'histoire de la première partie.
Pour ce qui est de la deuxième, elle n'est pas désagréable à lire mais ne semble vraiment pas avoir d’utilité en soit, ni même de lien avec la première. Je m'attendais presque à ce que le fameux poisson, pris d'amitié, surgisse des flots pour sauver le personnage (j'ai plus son nom en tête). Mais finalement, il n'y a pas d’homogénéité entre les deux.

Alors pour conclure, agréable à lire, très sympathique au milieu du récit, mais l'introduction et la fin à revoir.

Note :

Cette phrase j'ai du la relire trois fois je crois. Je crois qu'il y a soit une coquille, soit un problème de ponctuation au niveau de "bleues et bleues".

Les montagnes dans le lointain s’effacent en déclivités bleues et bleues les collines sur lesquelles la nuit a déjà fondu sans un bruit, mais sur les eaux imperturbables brûlent encore les ultimes feux d’un crépuscule rougeaud.

Portrait de Iggy Grunnson
Iggy Grunnson a répondu au sujet : #21256 il y a 7 ans 6 mois

Pour ce qui est de la deuxième, elle n'est pas désagréable à lire mais ne semble vraiment pas avoir d’utilité en soit, ni même de lien avec la première.


Sur le plan narratif, je ne peux pas te donner tort. Il s'agit de deux vignettes de la vie sur le fleuve, dont on pourrait facilement inverser l'ordre sans que la compréhension de l'histoire n'en soit affectée. C'est pour cette raison que j'ai choisi ce titre de diptyque, avec l'idée qu'il s'agit de deux scènes partageant un même décor mais n'ayant pas une continuité très forte l'une avec l'autre.

Par contre, sur le plan thématique, il me semble que la deuxième partie est indispensable (c'est pour cette raison qu'au final, je les ai toujours présentées ensemble). Le fait que les deux parties se terminent sur un sacrifice (dans la première, Grand-Père truite sacrifie 100 de ses bons poissons pour assurer la survie d'Amphitryon ; dans la deuxième, Amphitryon pousse le corps du chercheur d'or dans le fleuve, où il nourrira les poissons d'une façon ou d'une autre) permet de mettre en perspective le vrai sujet de l'histoire.

Prise seule, la première partie pourrait passer pour un conte : il était une fois un trappeur affamé qui pêche un poisson magique, une sorte de bon génie qui au terme d'un rude marchandage finit par lui offrir 100 poissons en échange de sa liberté. Sauf qu'en réalité il ne s'agit que de la moitié d'un pacte de sang passé entre les habitants de la surface et ceux des profondeurs : chacun ne peut survivre qu'avec l'aide de l'autre, mais cette symbiose entre l'homme et la nature n'a rien d'idyllique, c'est un équilibre qui ne s'atteint qu'au prix d'un cycle de luttes et de violences sans fin.

De ce point de vue là, c'est vraiment une vision inspirée de celle que l'on trouve dans les romans de Cormac McCarthy (la trilogie des confins, notamment). L'influence de Saramago se fait plus nette dans la deuxième partie, au travers du ton facétieux du narrateur. Quand au débordements stylistiques que tu mentionnes (la phrase du début), c'est un des rares exemples à avoir survécu à mon opération de réécriture car le texte original était plein de ces phrases interminables à la ponctuation expérimentale - ou hasardeuse, c'est selon.

Iggy
Portrait de Leagend7381
Leagend7381 a répondu au sujet : #21257 il y a 7 ans 6 mois
Oui, maintenant que tu le dis je comprends mieux le lien. Je n'avais pas vraiment fait attention à la thématique ni aux idées de fond. Je pense que je me laisse encore trop emporter par le récit même et que de fait je fait abstraction du fond.
Du coup je me demande, pourquoi ces "débordements stylistiques" ?
Portrait de Iggy Grunnson
Iggy Grunnson a répondu au sujet : #21258 il y a 7 ans 6 mois

Je pense que je me laisse encore trop emporter par le récit même et que de fait je fait abstraction du fond.


Franchement tu n'as pas à t'en vouloir pour ça, je crois même que la tendance est parfois trop à l'inverse ici. Raconter et savourer une bonne histoire, c'est quand même l'essentiel!

Du coup je me demande, pourquoi ces "débordements stylistiques" ?


Sans doute parce qu'il n'y avait pas grand chose à raconter, du coup le texte tourne un peu à l'exercice de style. A l'époque où je l'ai écrit j'étais vraiment subjugué par ces auteurs que je venais de découvrir, et j'avais envie d'émuler leur style.

Iggy
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #21264 il y a 7 ans 6 mois
J'avais déjà lu, me semble-t-il cette histoire. C'était il y a longtemps.
Au niveau du style, on sent ton intention très fortement au début de la première nouvelle. C'est à la fois bon et excessif. En fait, j'ai eu l'impression de quelque chose d'excessif au début puis que les choses se calaient et que le style prenait du sens. J'ignore si c'est le fait qu'il faille s'accoutumer mais j'ai encore relu pour vérifier et j'ai eu le même sentiment.
Dans cette première nouvelle, je dirai qu'elle narre plus une anecdote qu'une véritable nouvelle. Ton héros me fait toujours un peu pensé à Corto Maltese (mais le charme rêveur en moins) dans sa façon de se trouver dans des histoires invraisemblables sans véritablement les chercher et glisser dessus.
En fait, ce qui marque, c'est définitivement le ton de l'esprit de la rivière. Sans lui, je dirais que l'histoire n'a pas vraiment d'intérêt. En ce sens , il y a un contraste très fort entre le ton oral qu'il emploie et le style très relevé de tes descriptions. Et je dirai qu'on ne sent pas le leur côté véritablement pastiche quand on les lit pour que le texte ait une véritable unité. On a plus l'impression de deux mondes qui se côtoie sans ce mélanger. Pour que ça fonctionne, il faudrait que ces descriptions aient elles-m^mes une note humoristique.

La seconde nouvelle me laisse très indifférent. Certes il y a ce thème final d'une sorte de cycle, mais je ne pense pas que tu traites vraiment le thème. Par contre, le fait que je n'ai rien relevé au niveau du style montre certainement une meilleure maîtrise. Je dirai que le style fait plus corps avec le texte. Disons qu'il est nettement moins tape-à l'oeil que l'autre (dans le sens de "visiblement travaillé", donc pas forcément négatif parce que j'aurai été infoutu de pondre de telles phrases même en le voulant). Je pense en ce sens qu'il te convient davantage.

Maintenant, clairement, il manque un véritable enjeu narratif pour être autre chose qu'un exercice de style. Mais le fait que tu les unifies à travers cette notion de diptyque rend l'ensemble plus intéressant. D'une certaine manière, l'un renforce l'autre et réciproquement. Mais encore une fois, je pense que le thème du cycle est plus traité sur le mode "illustration" que dans une approche profonde. Pour ma part, cela vient aussi au fait que j'ai du mal à me projeter dans Jones en train de mourir de faim dans la nature que tu décris.