Voilà voilà...Sur les conseils de Feurnard (merci à lui), j’ai traduit, du moins de l’espère en écriture conventionnelle, un petit texte écrit pour le forum RP présenté sur le forum. De nouvelle d’articulation entre deux moutures, il est devenu, je l’espère aussi, un moyen de présenter, faire découvrir, introduire ce monde aux personnes extérieures.
C’était un vrai défi que de gérer autant de personnages, avec des personnalités différentes, et de surcroît joués auparavant chacun par une personne différente. Il m’a fallu m’imprégner de chacun pour arriver à un résultat cohérent, dramatique, et qui ne fasse pas la part belle à un protagoniste en particulier, mais rende hommage à chacun d’entre eux. D’après les joueurs, et sur l’autre version, c’est chose faite.
En espérant que celle-ci vous donne autant de plaisir à la lire que j’en ai eut à la (ré)écrire.
Xlatoc était dans une torpeur infernale, entrecoupée de cauchemars épuisants. Tour à tour, il se voyait, au fond de souterrains ou sur un sentier forestier, luttant tantôt contre un puissant sorcier-vampire, tantôt contre un autre qui lui ressemblait, ou encore contre une seigneur mort-vivant, mais toujours, blessé, épuisé, meurtri, cumulant les risques et actions désespérées. Autour de lui, des personnes souffraient également…des amis sans doute. Ces scènes torturées duraient quelques secondes à peine, avant de se fondre dans un tourbillon malsain l’amenant dans des ténèbres oppressantes. Il n’en sortait que pour affronter une nouvelle scène de bataille perdue. Le temps n’existait plus, dans cet océan de douleur.
Puis, les ténèbres se murent, troublées comme par une goutte d’eau pure traversant la surface d’un lac souterrain. Cette agitation se répandait, telle une onde autour de l’impact, causée par une voix faible et éreintée, mais claire, franche et insistante. Une voix qui l’appelait par delà la nuit, qui secouait ce rideau d’ombre qui l’enchaînait. Alors, Xlatoc suivit la voix, et à travers l’onde répétée qui dissipait sa prison, il discerna ce qu’il jugea être une femme encapuchonnée. Elle exprima un soulagement sincère de le voir éveillé, puis lui fit boire un breuvage à l’odeur acre, Xlatoc étant incapable de saisir un quelconque récipient tant à cause de la fatigue que du trouble de sa vision. Il ne voyait pour ainsi dire que des formes floues aux couleurs désaturées.
Il parvint finalement à s’asseoir, et sa vue se rétablit, lentement. Il était dans un lit dont l’allure comme l’odeur acide indiquaient clairement un sommeil mouvementé. Autour de lui, il reconnu le genre de pièce où l’on s’occupait de malades : des linges propres entreposés sur des commodes, des onguents, herbes et potions religieusement alignés dans des placards ouverts, et des ustensiles pour les différentes préparations. Une fenêtre face à lui laissait pénétrer une lumière printanière. Enfin, son regard se posa sur sa bienfaitrice qui, au fait de son métier d’infirmière, l’avait ausculté alors qu’il scrutait la pièce. A la vue de ces cheveux d’un étrange bleu marin tirant sur le violet, de ce visage doux et presque enfantin malgré la sérénité mature qui imprégnait son allure, des yeux d’un vert apaisant, et surtout de ce pendentif dessinant une fée florale tintant sur un buste en partie mis à nu, un nom lui vint à l’esprit : Lola Missely, maîtresse de l’Air et également Infirmière de l’Ecole de Sorcellerie Pour Régir les Intempéries. Avec celui-ci, d’autres noms surgissaient du néant, de même que des sensations, des images et visages. Cependant, tous ces souvenirs ne se raccrochaient à rien, ne s’organisaient pas et au final, ne l’aidaient pas à comprendre la situation. Un nom est inutile s’il n’est pas empli de sa signification.
Xlatoc lui exprima son inquiétude de la voir aussi pâle et creusée de cernes autant que de larmes. Elle semblait de plus affolée, chose qu’elle tentait de cacher sous un soulagement sincère mais exagéré, et une attitude rassurante. Tout cela ne lui disait rien qui vaille. Il sentait qu’on l’avait tiré d’un cauchemar pour le plonger dans un autre. Il posa une patte amicale sur les genoux de son amie, et de l’autre caressa la tête de son compagnon, Tergaën, qui devait avoir veillé à son chevet toute la durée de son sommeil. Lola saisit les doigts couverts de fourrure, et l’enjoignit à se lever et partir immédiatement. Elle insista sur le fait que le temps manquait, lui affirmant qu’elle lui expliquerait tout en route. La nausée et la fatigue semblaient se disputer le droit de lui faire perdre connaissance, mais Xlatoc tint bon. Il enfila rapidement les vêtements que Tergaën lui apporta dans sa gueule, puis, se présentant devant la jeune femme, il comprit que le chemin allait se faire à pied.
- Lola…n’avez-vous pas un papillon pour vous téléporter, vous et quelques personnes ? s’enquit le Raksheldar, doutant de sa capacité à marcher sur une longue distance. Il n’avait pas encore recouvert totalement la mémoire, mais de cela, il était presque certain.
- C’est en partie pour cela que je vous ai réveillé. Allez, partons. Votre état va s’améliorer rapidement…rien d’étonnant à ce que vous vous sentiez faible après votre sommeil de deux mois !
Elle passa un bras sous ses épaules et l’emmena dans le couloir, le tigre aidant de son mieux en tirant sur la ceinture de son maître. Les murs et le sol portaient les traces d’un récent combat : du sang, des morceaux de tissus déchirés, des gravas et de la poussière jonchaient le passage. Chemin faisant, Lola expliquait la situation à Xlatoc, pendant que son esprit s’éclairait petit à petit. L’école avait été créée suite à la mise à mal du monde par deux frères jumeaux issus d’un accouplement impie entre une sorcière et un vampire : Mantro et Kantri. Ils en avaient bouleversé l’ordre naturel et magique, et les gens vivaient sur une planète déréglée, pendant que les frères s’abreuvaient de leur pouvoir. La raison d’être d’ESPRI tenait en cette problématique : réparer ce monde blessé, en formant des élèves à la magie des saisons. Evidemment, le duo maléfique ne l’entendait pas de cette oreille, et avait attaqué l’école par surprise, alors que la directrice était partie aider un élève à l’autre bout du continent. Ils avaient investi le château, capturé ou tué la plupart des élèves et professeurs. Certains, dont Xlatoc, avaient pu s’enfuir dans la forêt, mais ils avaient été rattrapés. Rejoints par Hiriel Maevia, directrice de l’école revenue en urgence, ils firent face et après un âpre combat, Kantri et Mantro s’étaient enfuis. Apparemment, l’affaire s’était compliquée depuis.
Le temps qu’ils arrivent dans le jardin de l’école, Xlatoc marchait seul. Chancelant, mais seul. Plus important, son esprit, avec l’aide de l’infirmière avait réorganisé toutes les pièces de son passé de façon claire. Lola avait fait des merveilles. D’après lui, plusieurs jours, voire plusieurs semaines auraient été nécessaires à sa remise sur pieds en conditions normales, après ce genre de chocs, blessures et un aussi long sommeil.
Le parc semblait parfaitement normal : l’herbe ondulait sous le vent matinal, les arbres en fleurs dispensaient leur pollen aux vents et insectes féconds. De petits chemins de terre battue couraient de bosquet en mare, de mare en buisson, de buisson en fontaine, de fontaine en banc de pierre. Près de l’un de ces points d’eau, cinq personnes s’étaient rassemblées. Il émanait d’elles un grande tension, doublée d’une peur contenue. Il semblait que ces deux seules émotions parvenaient à les maintenir, si ce n’était debout, du moins éveillées et alertes. Elles formaient un arc de cercle autour d’Hiriel Maevia, reconnaissable à son abondante chevelure mauve et sa robe noire arborant des frous-frous curieusement enfantins. Son visage d’habitude souriant et joyeux avait laissé place à une composition d’une surprenante gravitée, accentuée par des cernes noirs jurant avec la blancheur de sa peau. Elle serrait contre elle un bambin babillant paisiblement, insensible à cette scène moribonde : Lenwë, son fils. Egalement le fils de Mantro se souvint le Raksheldar.
Marpessa, l’humaine qu’il avait épousé, se précipita à leur rencontre. Son sourire, dont on sentait qu’il ne s’était pas fait jour depuis de longues semaines, rayonna en accord avec la nature environnante, alors qu’elle se jetait dans ses bras. Après une longue étreinte, ils rejoignirent les autres, main dans la patte.
- Va-t-on enfin me dire ce qu’il se passe ? lança Xlatoc, non sans une pointe d’humour. Que faites-vous donc là, assemblés comme des statues de glace, alors que Liana, déesse du printemps nous gratifie d’un doux soleil et d’une brise délicate.
- Nous sommes au milieu du moi d’Août Xlatoc. De plus, il a neigé hier, rétorqua Maeril, son regard brûlant coupant court à toute tentative de détendre l’atmosphère.
Tyldal Streel, l’Eldar paisible à l’allure de moine, esquissa un sourire moitié de reproche moitié d’amusement envers Xlatoc, lui signifiant qu’une fois de plus, il aurait eu mieux fait de se taire. Le Raksheldar saisit le message, non sans se demander si la récente résurrection de Maeril, via le sacrifice de sa sœur selon l’explication de Lola ne l’avait pas quelque peu aigrie. Enfin…plus aigrie que d’habitude.
- Bien. Puisque tout ce qui reste de notre école est rassemblé ici, poursuivit Hiriel, nous pouvons passer aux choses sérieuses. Xlatoc, la fuite des deux jumeaux était un leurre, un piège pour nous rassurer et nous attirer dans un filet tendu là où nous l’attendions le moins : ici, au sien même de notre école.
Jusque là, rien de surprenant au vu de ces visages et corps ruinés de combat et de fatigue, se contenta de penser Xlatoc, comprenant malgré lui que la main de Marpessa lui tirant discrètement mais fermement la fourrure de sa colonne vertébrale était un avertissement pour ne pas ouvrir sa gueule une fois de plus. Aux dires d’Hiriel, le château avait été ensorcelé par plusieurs maléfices : le premier animait toute la bâtisse, lui donnant le mouvement et des intentions hostiles envers ses habitant légitimes. Autrement dit, l’édifice tout entier était truffé de pièges. Le second était une zone d’anti-magie doublée d’une barrière physique baignant tout le domaine, de l’entrée de la forêt aux pieds des montagnes Silina. Ces deux maléfices ne s’étaient déclenchés que récemment, après qu’ils eurent repris leurs quartiers et leur confiance. Le but avait été de faire le plus de dégâts possible, et c’était réussi : seules huit personnes, en comptant Lenwë, étaient présentes. A présents, il leur fallait reprendre leurs droits sur ESPRI, affaiblis, en faible nombre et mauvaise condition. Pour cela, ils avaient besoins de leurs pouvoirs. L’énergie accumulée dans divers les réceptacles ou artefacts personnels avait déjà servi aux personnes présentes à se protéger et ouvrir un passage jusqu’à l’infirmerie, pour le chercher, lui, professeur d’étude des saisons, par conséquent le mieux à même de comprendre les problèmes de pouvoirs et de les résoudre. Le poids des vies des gnomes morts pour dégager et sécuriser l’infirmerie pesait lourdement sur les épaules du Raksheldar.
Une petite balle de flammes vives apparu à hauteur de leurs yeux. Tendus comme ils l’étaient, ils prirent cela pour une nouvelle attaque de château, et se mirent à couvert d’instinct. Après quelques secondes de silence, Hiriel la première releva la tête. Elle vit Xlatoc, nonchalamment assis sur le bord de la fontaine, tentant de faire patienter une Mapressa l’agonisant de questions. A la suite de la directrice, les autres se relevèrent.
-Les zones d’anti-magie n’existent pas, expliqua enfin le tigre. C’est un leurre, un mythe créé par les démons pour effrayer et vaincre les magiciens. La magie est partout, la magie fait partie de l’essence des choses. La supprimer, c’est supprimer une partie de l’essence d’un être. Et cela, seule une divinité le peu, car ce sont elles qui président à la nature des choses. Le maléfice qui vous touche ne fait que bloquer le flux d’énergie à l’intérieur de vous. Or, vous ne lancez des sortilèges qu’à partir de votre corps. Si vous essayez d’incanter à partir d’un point extérieur à vous, cet enchantement sera sans effet.
-Cela ne change rien à l’affaire. Vous seul ici maîtrisez cette technique, rétorqua Hiriel, peu convaincue. Cela est hors de notre portée.
-Non, non, rassurez-vous, c’est une simple question de pratique. Un coup de main à prendre, si vous préférez. Ce genre de maléfice, mon peuple y est confronté dès son plus jeune âge, aussi nous avons ce réflexe de ne jamais utiliser d’énergie intérieure, et de centrer nos incantations sur un point extérieur à nous. Ici, vous n’avez pas ce problème, aussi, pour des raisons de facilité évidentes, vous faites appel aux énergies environnantes, mais également à une dose, aussi infime soit-elle, de votre propre énergie, pour articuler votre sort. Cette goutte est infime, mais étant la clé de voûte, si son usage est bloqué…
-D’accord, essayons. Je vous fais confiance, et je sais que ma confiance est bien placée, acquiesça Hiriel.
Sa volonté et sa détermination étaient à la fois exemplaires et contagieuses. Pour cela, elle était le meilleur leader que la résistance pouvait espérer. Sous ses encouragements et les directives du tigre anthropomorphe, tous essayèrent de briser les chaînes de l’habitude. Après quelques heures d’essais infructueux, de sortilèges avortés, la fatigue aidant, l’exercice prit une tournure dangereuse lorsque Lola Missely, essayant d’agiter un coquelicot à l’aide d’une brise envoyée depuis un trèfle, déclencha une violente réaction de détente de gaz, qui coucha les herbes et projeta un lourd banc de pierre à travers le jardin, écrasant un pommier dans sa chute. Le désespoir commençait à se lire sur les traits de chacun, et même Hiriel manquant d’enthousiasme, proposa une pose.
C’est alors qu’un joyeux cri de victoire retenti de la bouche d’Inochi, jeune élève de la maison de l’hiver. De sa dague coulait un filet d’eau pure, dont elle prouva qu’elle arrivait à régler parfaitement le débit, la pression, la pureté, la direction. Après réflexion, elle s’était rappelé qu’une arme bien maniée est mentalement traitée comme un prolongement de son corps. Contournant la difficulté, elle avait pensé à utiliser son poignard comme focal : mentalement continuité de son main, physiquement également, mais concrètement différent, l’enchantement de blocage ne pouvait agir, tandis que pour elle, la différence était minime. Comme un baguette de sort, sauf qu’on la chargeait en permanence. Elle avait expliqué tout cela avec son grand sourire coutumier, prouvant une fois de plus que les élèves, plus ouverts et moins formatés, développaient mieux les nouvelles choses que leurs professeurs plus expérimentés. Elle n’en tirait cependant nul orgueil mal placé, alors que son épaisse chevelure brune s’agitait au rythme de ses explications excitées. Adaptable, dissipant les peurs, ramenant l’espoir, apaisant cœurs et esprits. Assurément, une future grande mage de l’eau. Au final, même si la technique n’était pas exactement ce qui était recherché, le résultat était le bon. D’autant que tous purent rapidement retrouver usage de leurs capacités par ce biais.
Rassérénée, Hiriel demanda alors aux deux autres mages du Printemps, Tyldal Streel et Lola Missely, de s’unir afin de localiser le nœud des deux enchantements. En effet, c’était là qu’il faudrait frapper, afin de dissiper, détruire les maléfices et ainsi libérer l’école. Vu l’ampleur de la tâche, l’addition de trois pouvoirs ne serait pas de trop pour couvrir tout le volume imprégné. Selon Tyldal, il devait être ancré au cœur du château, en son centre géographique. Joignant leurs mains via leurs armes respectives, les trois aéromanciens unirent leurs pouvoirs, l’Eldar présidant au sortilège de divination, domaine où il surpassait les autres, afin d’analyser leur ennemi, le tissu de charmes imprégnant l’école, et remonter jusqu’à sa clé de voûte. Le professeur d’astrologie, les yeux révulsés sous la transe, ses longs cheveux gris bleuté ondulant dans le souffle du Vent invoqué, annonça, d’une voix lointaine mais pourtant claire, l’endroit où se cachait la source de leurs maux. En profondeur, sous les caves du château. Sous la roche mère. Autrement dit, inaccessible, conclu-t-il alors, alors qu’il revenait à son état normal, serein et posé, le trio relâchant son emprise sur la magie. En effet, d’après ce qu’il avait pu apprendre, utiliser l’énergie environnante à l’intérieur du château revenait à utiliser l’énergie des pièges. Donc les activer, réveiller leur ennemi, ce qui impliquait de se tailler un chemin de plusieurs kilomètres à travers un adversaire multiple, omniprésent, sans oublier des chausse-trappes, projectiles, ou autres venant de directions multiples et imprévisibles. Un suicide collectif, en gros, conclu-t-il.
C’est alors que Lenwë, attiré par on ne sait quelle reflet lumineux propre à éveiller l’intérêt d’un bambin, se mit en devoir de le reproduire, illuminant sa paume gauche, la brandissant, fier de sa réussite, devant les yeux de sa mère.
-Lenwë…tu n’est pas touché par le blocage de magie…s’émerveilla Hiriel, caressant le front de son enfant. Comment se fait-il ?
-Son père, suggéra Tyldal. L’enchantement reconnaît en lui une partie de Mantro, et ne peut donc l’affecter.
-Ca me donne une idée, lança Xlatoc. Et si on s’en servait, comme d’un accumulateur ? Une baguette d’énergie, avec…
Il ne fini pas sa phrase. Hiriel l’avait projeté contre une statue d’une violente bourrasque, et le maintenait ainsi, à un mètre du sol, le souffle coupé, incapable de bouger un membre, souffrant visiblement le martyr. La colère, la rage primale, maternelle et exacerbé d’Hiriel fusait dans se injures et son épée brandit, lame nue. Jamais, jamais elle ne laisserait quiconque utiliser son fils, et surtout pas à des fins aussi dangereuses. C’était un meurtre caractérisé, et la simple pensée de cet assassinat la motivait pour devancer le tortionnaire. A voir tout son corps tremblant de haine, tempêtant de colère, et ce rictus de rage, presque bavant, figé sur son visage comme un mortel œil de cyclone au milieu de l’ouragan de son pouvoir déchaîné, il était clair qu’un point sensible avait été touché. L’envie de sang se lisait dans ses yeux dilatés, alors que personne ne bougeait un pouce, trop atterrés par l’attitude de la directrice, à l’opposé de ce que tous croyaient être sa nature. A l’opposé de toute raison. Le pitoyable Raksheldar, collé tel une mouche dans la toile d’une veuve noire, cru bien sa dernière heure venue.
Maeril, que nul n’avait vu s’approcher silencieusement dans le dos d’Hiriel, posa délicatement sa main sur le bras d’arme de la directrice, la regardant étrangement, d’un regard doux, aimant, presque maternel. Son membre cessa de trembler sous le toucher apaisant. Elle serra ensuite la jeune femme contre elle, en un geste naturel et tendre. Ses mains délicates effleuraient langoureusement la chevelure d’Hiriel, et on eu dit qu’à chaque passage, elles dissipait un peu de sa fureur, du pouvoir qui l’habitait. Posant avec une extrême affection ses lèvres contre l’oreille de son amie, elle lui susurra des paroles inaudibles, mais qu’on devinait apaisantes, au timbre sensuel, langoureux, qui leur parvenait. Enfin, après d’interminables minutes, la directrice se relâcha complètement, s’abandonnant, larmoyante et désarticulée. La scène avait quelque chose de sublime, manifestation d’une compréhension, d’un partage profond bien au-delà d’une amitié habituelle.
Un silence doublement incrédule s’étendait sur le jardin. Lola Missely, moins abasourdie, habituée de par son métier d’infirmière aux situations inattendues, continuait de réfléchir au véritable problème.
- Mlle Maevia…toussota-t-elle. Ce que disait Xlatoc n’est pas complètement idiot. En fait, pour beaucoup de sortilèges de guérison ou de diagnostics, il faut presque saturer le corps en énergie. Je veux dire, si nous nous y prenons lentement, que je supervise chaque étape, et que nous répartissons, séparons bien les éléments…J’ai conscience que cela représente un danger pour le petit, mais nous sommes dans l’impasse. Soit nous ne le faisons pas et c’en est fini de ce monde et d’ESPRI, soit nous prenons le risque, et avons peut-être une issue. C’est désespéré, mais, avons-nous le choix ?
Hiriel ne réagit pas. Maeril lui leva le menton, répétant lentement, calmement les paroles de la directrice du Printemps. Papillonnant des yeux, elle sorti enfin des brumes de son esprit. Résigné, elle observa qu’il lui semblait nécessaire d’avoir l’accord de Lenwë pour toucher ainsi à son corps. Pour toute réponse, Lenwë posa la main sur son épaule, drainant le pouvoir de sa mère dans son bras droit, souriant d’un sourire étrangement mature et compréhensif. Le message était clair, mais Lola Missely l’arrêta. Il subsistait un problème : seuls trois saisons étaient représentées ici, et elle n’était certaine qu’un corps puisse supporter un charge déséquilibrée de pouvoirs. Plus de préparation était nécessaire, qu’elle puisse étudier la question, préparer le terrain. Marpessa la rassura, annonçant à la stupéfaction générale qu’elle était capable d’invoquer les pouvoirs de l’automne, l’élément de la Terre. C’était une curiosité propre à elle-même, que son époux expliquait par le fait que l’esprit de la jeune femme n’avait aucune dominance particulière. En fonction des besoins, elle était capable de choisir son élément, grâce à la nature sinueuse de sa psyché. A l’exception notable du Feu. Apparemment, elle manquait de confiance en elle, de sens du sacrifice pour cela, aux dires du Raksheldar. Ce phénomène étrange n’était pas inconnu, mais appartenait au domaine de la légende, pas de la connaissance exacte. Jusqu’à maintenant.
Il fut donc décidé d’un commun accord de répartir les éléments dans le corps du bébé. Son bras droit porterait l’Air, le gauche le Feu, sa jambe droite la Terre, la droite l’Eau. Lola supervisa l’opération, contrôlant à chaque seconde l’influx d’énergie, membre après membre, rappelant à l’ordre lorsqu’il était trop fort ou trop faible. Pour ne pas perturber son organisme, le flux devait être régulier et égal de chaque côté, expliquait-elle patiemment. Lenwë, de son côté, avait l’air de trouver l’expérience agréable. Ces sensations nouvelles lui tiraient des piaillements de contentement, et il sembla déçu lorsque l’infirmière ordonna la fin des opérations. Les limites avaient été atteintes selon elle. A la vue de l’air rayonnant, repus même de son fils, Hiriel, amusée ne put réprimer un tendre sourire.
Tyldal suggéra alors que Marpessa utilisasse ses pouvoirs de la Terre pour creuser un tunnel du jardin jusqu’à la grotte où se trouvaient les nœuds des sorts. En effet, cela permettrait une arrivée directe, plus sûre et plus rapide, en plus d’éviter le risque d’effectuer des allers-retours entre ici et leur point le plus avancé, pour "recharger" Lenwë, qui, et Lola l’appuya vigoureusement sur ce point, ne le supporterait pas. Xlatoc voulu la retenir, arguant qu’elle n’était pas douée pour cela, mais elle le coupa net. Fermement, catégoriquement, elle lui répondit qu’elle s’en savait capable, que oui, elle savait que la roche mère n’était pas de la marne, mais qu’elle devait bien servir à quelque chose, et que si effectivement il en était capable, lui devrait garder ses réserves pour d’autres usages ultérieurs, point barre. Il céda enfin devant son air de défi, alors qu’elle le tançait, bras croisés, droite et fière.
La directrice de l’Hiver se mit donc en place, le regard tourné vers la direction qui lui indiquait l’Eldar, Lenwë dans ses bras, et commença son ouvrage. Le sol s’ouvrit, labouré avec sur un rayon d’un bon mètre cinquante, comme si un chien démesuré s’était mi en tête de chercher une mulot gargantuesque en plein cœur du parc. Autour de Marpessa, dans tout le parc même, des mottes de terre empennées de fleurs meurtries retombaient en une pluie abondante et drue. Bientôt des pierres de plus en plus grosses se mêlèrent aux racines, puis les remplacèrent. Elle avait atteint l’horizon d’altération de la roche. Les autres s’étaient abrités, peu désireux d’être frappé par les massifs blocs de pierre qui tombaient de toutes part, imprévisibles et violents. Enfin, le geyser rocailleux prit fin. Marpessa entamait la roche mère. Un vacarme assourdissant se fit entendre à mesure que le granit s’effritait, se fendait, s’ouvrait puis se débitait sous les ordre la voix impérieuse, aussi acérée que le pic immatériel frappant la chair rocheuse qu’elle commandait, aussi hachée que le burin qui la frappait. Ils consultèrent Xlatoc du regard : cette intonation, cette attitude leur semblait à des lieux de la Marpessa qu’ils avaient appris à connaître. Il répondit qu’il avait lui-même été surpris la première fois, mais que c’était bien cette capacité qui faisait de Marpessa un être rare et exceptionnel, diamant dans un monde de verre, perle au milieu des moules.
Les volumineux et pensant cubes de granit obligeamment arrachés à la roche et s’amoncelant en un tas de plus en plus important ne sortant plus du tunnel, il rejoignirent Marpessa, qui reprenait son souffle. Ils lui firent un peu de lumière, et elle reprit son ouvrage, torturant et brisant le granit avec une véhémence singulière. Les gémissements minéraux couvraient leurs voix, leurs pas, et annonçaient sans doute dans tout le château ce qui se tramait en profondeur. Heureusement, il était vide de toute âme. Ils progressèrent ainsi, par étapes, s’arrêtant environ tous les dix mètres. Cela permettait d’une part à leur guide de retrouver ses forces, mais aussi d’analyser la roche avant de poursuivre : il pouvait être dangereux de poursuivre une voie si une nappe d’eau souterraine était dissimulée derrière la paroi rocheuse, ou si le granit avait déjà été fragilisé plus avant et risquait donc de s’écrouler sur leur passage. Mais petit à petit, inexorablement, ils se rapprochaient de leur but, ils le sentaient. L’atmosphère était oppressante, pas uniquement à cause de la masse de pierre tout autour d’eux, mais aussi, surtout à cause du poids des sortilèges, de leur menace de plus en plus présente, omniprésente même. A chaque pause, des yeux moqueurs, prédateurs, les dardaient à travers les grains de quartz, comme on attend un cafard devant son trou avant de l’écraser. La vision de la roche hurlante, broyée avec force et fracas était peut-être un prélude à ce qui les attendait. La tension de chacun était palpable. La question implicite qui motivait cette alerte latente était claire : jusqu’où le sortilège d’animation portait-il ? Pour se rassurer, ils n’avaient que l’espoir que les deux frères n’aient pas pensé à cette voie d’invasion. Enfin, après plusieurs heures de ce voyage souterrain, Hiriel annonça qu’ils touchaient au but, et qu’à la prochaine excavation, ils seraient dans la grotte tant attendue et redoutée. Sa voix était aussi froide et inexpressive que la paroi granitique leur faisant face.
La voix de Lola Missely s’éleva, emplie de douceur et de sagesse. La présence hostile et inconnue qui les attendait derrière ne se rendrait pas sans combattre. Lenwë étant leur seule source de pouvoir, ils ne pourraient pas lancer plus d’un sortilège de chaque saison à la fois. A la condition que son corps le supporte, évidemment, ce dont elle doutait. Autrement dit, la destruction de l’enchantement de blocage de magie était prioritaire, et devait être effectuée immédiatement après la dernière percée. Xlatoc connaissait un contre-sort pour régler ce problème, mais il lui faudrait un peu de temps pour le lancer. De plus, il requérait l’usage du Feu Essentiel, ses limites. Après cela, il ne serait donc plus d’aucune utilité pour quoi que ce soit, et ce, pendant plusieurs minutes, au moins. Maeril assura qu’elle parviendrait à gérer la situation, même en étant la seule mage de l’Eté.
- Quant à moi, mon amour, je te protégerai pendant ton travail, avança Marpessa.
- Hors de question ! C’est trop…
- Ceci est un ordre, rugit la jeune femme, acerbe C’est le travail du pouvoir de la Terre de protéger et d’encaisser que je sache ! L’autre élément défensif, c’est l’eau, mais il dévie, ce qui présente un risque d’échec au vu de la situation. De plus, l’eau, c’est encore moi, et Inochi avec. Tu veux risquer une vie ou deux ?
Xlatoc, estomaqué par la virulence de sa femme, ne sut que répondre. Elle se tenait là, devant lui, si petite mais incroyablement menaçante, animée par une force de volonté qui, s’il l’avait toujours soupçonnée, n’aurait jamais pensé qu’elle puisse être si grande, si inébranlable. Son regard soudain acéré avait de quoi faire reculer le plus affamé des fauves. D’ailleurs, il était un fauve, mais pas affamé.
- Alors nous sommes d’accord.
Aucun commentaire ne se fit jour. Hiriel reprit alors les choses en main, organisant l’offensive. Dès l’ouverture sur la grotte, les deux époux se précipiteraient vers le nœud, situé à treize mètre devant eux, à une hauteur de trois mètres. Une fois la destruction du sortilège achevée, les autres entreraient en action. A priori la formation de combat standard semblait la plus adaptée pour le combat qui suivrait : plus malléable, plus flexible, elle permettrait de réagir immédiatement à n’importe quelle situation. D’autant plus qu’ils ignoraient à qui ou quoi ils avaient à faire. Elle s’arrêta quand son regard se posa sur Inochi, dont la mine ouvertement déconfite signifiait clairement qu’elle ne suivait plus rien.
Et Hiriel de commencer un cours accéléré, à cinquante mètres sous terre, et à deux pas de leur ennemi. La cocasserie de la scène n’échappa à personne, mais aucun n’osa faire une remarque, au vu de la situation. Inochi apprit donc ainsi les bases du combat de groupe. Organisée autour de la Terre la formation de base comptait sur cet élément comme point d’ancrage, pour le contrôle du terrain, en tant que dernière ligne de défense doublée de force de frappe rapprochée et expéditive. La défense principale était assurée par l’Eau, qui avait la charge de dévier les attaques adverses tout en l’érodant, l’épuisant, à la manière d’un maître de Tai-chi, mettant l’ennemi à la merci d’attaques dévastatrices, donnant à l’Air du temps pour dérouter, perturber, détourner et surtout analyser l’ennemi afin de mieux le combattre. En attendant la directive du coup fatal énoncé par l’Air, le Feu jouait le rôle d’attaque principale, à distance. Il se devait de harceler l’ennemi de toutes parts, de le diminuer, avant la mise à mort.
Inochi assura, confiante, qu’elle avait compris, et qu’on pouvait compter sur elle. La directrice sourit, un peu tristement. Même au cœur de la tempête, l’enthousiasme de cette jeune élève, arrivée il y avait moins d’un an, ne diminuait jamais.
Sans attendre de signal de départ, Marpessa attrapa Lenwë d’une main, et de l’autre, saisi celle de Xlatoc. Ses cheveux se dressèrent sur sa tête, alors qu’elle lacérait le dernier bloc de granit, qui tomba en miette dans une plainte pathétique. Ensemble, ils se ruèrent vers l’endroit indiqué par Hiriel. S’arrêtant net, Marpessa les enferma dans le même temps à l’intérieur d’un cocon de pierre, sans prendre le temps de savoir quelle était la nature du danger. Il fallait agir, pas observer. Elle comprit d’ailleurs vite la nature de leur ennemi, lorsque la carapace ploya sous un coup de butoir d’une violence inouïe. Puis un deuxième, d’un autre angle, d’une autre direction. Et encore un, venant d’un autre point !
"Oh, putain, fais vite Xlatoc...Je crois qu’on a affaire à une grotte démonique, comme noeud du sort d’animation du château. Je ne tiendrai pas une éternité comme ça. J’ai usé beaucoup de pouvoir...HA !" De sa plainte mentale, il se jaillit aucun son, même si elle s’accroupi sous le choc. Elle ne pouvait qu’attendre. Et tenir. Tenir.
Xlatoc sentait parfaitement le noeud. Mais il était complexe, très complexe. Il ne pouvait le briser par la seule violence brute, cela risquait d’avoir des conséquences désastreuses. Quand à le manipuler petit à petit, c’était hors de question. Il sentait Marpessa gémir, fléchir un peu plus à chaque attaque. Le temps était compté. Mais il ne pouvait se laisser distraire. Il devait ressentir, voir chaque intrication, implication, liaison du noeud de sorts, afin de trouver la faille, le brin maître, celui dont dépendaient tous les autres. Et frapper, là, de toute la force du Feu Essentiel, seul à même de détruire un tel enchantement. Les fourbes avaient bien monté leur tour, et quantité de brins leurres, liaisons fantômes et autres pièges ralentissaient le tigre. C’était comme chercher une sardine au milieu de l’océan. Des remous agitaient la trame du charme. Sa main était prête à frapper, mais elle devait savoir où.
-Xlatoc...dépêche-toi...j’en peux....plus...
Marpessa était à l’agonie. Entre ses yeux vitreux de souffrance, elle vit soudain Xlatoc lever sa main gauche, d’où s’échappait une lumière blanche, liquide et d’une pureté incomparable. Le Feu Essentiel. Jamais elle n’aurait cru voir quelque chose d’aussi beau, majestueux et puissant à la fois. Le trait de pureté s’arrêta en un point précis, et son époux souffla le nom de son plus puissant sortilège :
-Bannissement : destruction d’enchantement.
Le temps sembla se figer. La lumière se déploya soudain, remontant des courants invisibles, traquant des parasites dans des recoins improbables, et dessinant sur le plafond de la grotte un tapis d’étoiles filantes aux arabesque oniriques. Marpessa cru entendre un doux carillon, comme la magie résonnait en harmonie avec le monde. Elle ferma les yeux, se laissant emporter par un tapis de lumière blanche, tintinnabulant comme un millier d’étoiles rieuses qui jalonnaient son chemin.
Le temps que la lumière se dissipe, Hiriel, Maeril, Inochi, Lola et Tyldal s’étaient déjà déployés. En retrait, Tyldal scannait la grotte, qui avait marqué une pose le temps de la décharge de lumière. Devant, Inochi était encadrée par Hiriel et Lola. Celle-ci avait déjà lancé un sortilège d’image-miroir, créant quatre groupes illusoires reproduisant leurs gestes. Hiriel avait mis l’air en mouvement, créant de multiples courants et sons diffus aptes à abuser les perceptions de la grotte et à dissimuler leurs déplacements. Les deux aéromanciennes s’étaient mises d’accord pour seconder l’élève à la défense, laissant le travail d’analyse à l’Eldar, capable de gérer l’affaire seul, selon lui. En première ligne, Maeril faisait crépiter toute la grotte de sa soif de bataille.
Et ce fut la curée, annoncée par un rugissement rocailleux. D’un seul mouvement, toute la cavité s’anima. Des projectiles de pierre fusaient de toutes parts, tandis que des poings de granits cherchaient à écraser les intrus. Hiriel et Lola transportaient le groupe d’un endroit à l’autre. Les attaques non abusées par les illusions et leurres ne trouvaient pourtant pas leur cible. Inochi déployait des trésors d’ingéniosité pour dévier chaque attaque de façon différente, afin de ne rien laisser paraître de leur position, ni de leurs intentions. Peu d’attaques parvenaient à toucher l’un des leurs, et lorsque cela se produisait, ce n’était jamais à la tête ou au tronc. La jeune élève parvenait même, parfois, à retourner une attaque pour en intercepter une autre, en un autre point dans la bataille. Son harmonie avec l’eau était bien au-dessus de ce que l’on pouvait attendre d’une aquamancienne ayant si peu d’expérience. Les langues incandescentes de Maeril léchaient les parois, ses boules de feu explosaient au contact des murs et des poings granitiques. Un tel déluge de coups ne lui permettait pas de trouver un bon angle d’attaque. Elle ne pouvait que contrer, gêner et harceler en surface. Mais cela ne la gênait pas, diminuer les membres lui permettrait de toucher le centre vital plus facilement, lorsque Tyldal lui indiquerait l’endroit et le moment.
Aux yeux de celui-ci, la grotte avait forcément un coeur, un point d’organisation. Certes, elle attaquait de façon continuelle et de toutes les directions à la fois, à l’image d’un mage du Feu. Mais c’était une tromperie, il n’y avait qu’un nombre fini de membres commandés par un foyer central, il en était certain. Malheureusement, ses yeux bougeaient trop lentement, la vitesse de son intégration mentale était bien trop faible pour pouvoir localiser ce qui l’intéressait. Résolu, il prononça l’incantation secrète pour laquelle il avait gardé tout son pouvoir. Avec sa sagesse coutumière, il s’était préparé à toute éventualité. Ses capacités d’analyse, la vitesse de sa vision s’accélérèrent, atteignant des sommets irréalistes, hors de porté de l’imagination même de la plupart des mortels. Soudain, il remarqua comme des contractions, très brèves mais bien réelles, avant chaque départ d’attaque, au-dessus du point d’origine. Plus intéressant toutes ses contractions, similaires à celles d’un gigantesque estomac, convergeaient en un même lieu, traçant un gigantesque réseau de nerfs granitiques.
-Maëril, le plafond de la grotte, son sommet exact ! Frappe-le ! Je te le montre ! Hurla l’avisé Eldar, avant de se jeter dans la galerie qui quittait la grotte, traînant les corps inanimés de Marpessa et Xlatoc.
Tyldal plaça un point lumineux à l’endroit désiré. Inochi renforça sa défense, invoquant deux colonnes d’eau mobiles devant la sous-directrice afin de la protéger pendant qu’elle préparait son attaque. Une lance ignée démesurée se fit jour dans les mains de Maeril, tandis que deux magnifiques embrasées se déployaient de ses omoplates, larges et embrassant toute leur petite équipée. Elle s’envola, féerique ange de feu, évitant telle une braise jaillie d’un immense brasier les lentes attaques de son ennemi, avant d’harponner la clef de voûte de la grotte de toute sa vindicte enflammée, passionnée, portant en elle les espoirs de tout un monde, acte désespéré qui devait mettre un point final à ESPRI, ou la ferait renaître de ses cendres.
Une plainte grinçante, affreuse, s’éleva, pareille à celle d’un animal blessé. Les murs s’agitèrent, comme un sanglot de roche secouait toute la zone. Tous perdirent l’équilibre, et le contrôle de leurs sorts. Maeril fut projetée, soufflée sur ses amis, qui s’affalèrent sous le choc. Les contractions sporadiques continuèrent, jetant à bas toute tentative de redressement. Ballottés d’un bout à l’autre de la grotte au grès de cette véritable houle rocheuse, ou était-ce une roche houleuse, les compagnons perdaient pied, tout juste capables en général d’absorber une partie du choc via un faible bouclier incanté au dernier moment. Au début du moins, car les mouvements brusques et secousses brutales leur tournaient la tête. Les notions d’espaces et de temps disparaissaient graduellement sous la douleur des rencontres, tantôt avec la pierre anguleuse, tantôt avec les corps bientôt entièrement commotionnés d’un autre frère d’armes malmené. Pour couronner le tout, leur tortionnaire hurlait plus fort que tout ce que leurs poumons vides pouvaient concevoir. Il ne leur laissant même pas la possibilité d’entendre le son certes gênant mais oh combien rassurant de leur douleur. On eut dit un enfant capricieux blessé dans son orgueil de s’être fait mal avec un animal récalcitrant à son amusement sadique.
Le calvaire pris fin. Aussi brusquement qu’il avait commencé. La grotte, désormais, ne déployait plus sa fureur. Elle semblait, au mieux, sangloter doucement. Et encore, ces doux soubresauts s’amenuisaient, se firent de plus en plus espacés, et enfin moururent. Il ne subsistait plus à présent qu’un doux murmure, presque un ronronnement. Hiriel souleva douloureusement une paupière peu coopérative, soulagée de simplement pouvoir pousser un gémissement. Du coin de l’œil, elle aperçut son fils, face à la paroi rocheuse. Abasourdie, elle le vit gazouiller gentiment à l’intention de la pierre, la réconforter, la caresser, souriant, riant même, comme un cristal sous le Soleil. Se traînant sur ses bras, elle parvint à s’asseoir, essayant de comprendre se qui se passait. Elle ne rêvait pas, Lenwë discourait, dans son langage d’enfant, avec leur ennemi. Si ses yeux n’avaient pas été embrumés de douleurs, elle aurait pu remarquer de légers frémissements minéraux face au garçonnet. La grotte répondait, apparemment apaisée. Ravi, Lenwë ouvrit ses petits bras, et enserra le granit de toute son envergure. En retour, la caverne l’embrassa de son étreinte granitique. Il disparu à l’intérieur de celle-ci.
Hiriel Maevia, soudain ravivée par la scène odieuse qui venait de se dérouler sous ses yeux de mère, se jeta en hurlant sur la paroi fautive. Elle martela sa fureur de tous ses poings impuissants, là où la chair de sa chair s’était évanouit sous la roche. Elle appela en vain son fils d’une voix brisée. Brisée par la peine, la colère, la douleur, la surprise, l’incompréhension. Cette même voix aux intonations erratiques implora tour à tour les quatre nymphes des saisons, insulta le Destin, proféra mille maux et invoqua autant de blasphèmes, répétés à l’infini par les murs insensibles de l’obscurité, commune si cette caverne monstrueuse singeait, railleuse, l’horrible calvaire de la mère. A bout de forces, la directrice réussi à trouver l’énergie nécessaire à griffer furieusement le granit face à elle. Elle ne parvint qu’à s’arracher tous les ongles, tandis que ses doigts ensanglantés peignaient sa douleur, inlassables, sur la pierre froide. Vidée de larmes, vidée de sens, elle finit par s’écrouler au pied du mur, sanglotant le vide. Maeril, éveillée par les cris, s’était rapprochée. Cette fois, elle ne pourrait pas la rassurer, la réconforter. Berçant tendrement son amie blottie contre son sein, elle partagea sa peine, versant pour elle les larmes qu’elle n’avait plus, mais voulait donner.
Un à un, ils s’éveillèrent dans ce silence mortifère. S’ils n’avaient pu assister à la scène, ils saisirent sa conclusion en découvrant le pathétique tableau de leur leader affligé de la plus grande peine qui puisse toucher une mère. Un souffle d’air doux et délicat agita la chevelure rousse de Maeril, s’immisçant sous le casque noir, qui tel une araignée enserrait sa tête. Ce mouvement d’air était inattendu. Une nouvelle fois, cette même brise souffla dans ses cheveux. Encore. Le rythme était calme, régulier.
- On dirait…qu’elle respire. Que cette caverne respire, chuchota-t-elle, incrédule.
Comme pour confirmer ces dires, le souffle gagna en intensité, en profondeur. Il s’affirma, mature. Tous notèrent que l’ensemble de la grotte se détendait et se contractait harmonieusement avec ces mouvements d’air. On eut dit le poumon d’un animal minéral. Lola confirma cette impression générale. Il ne s’agissait plus d’une roche animée, comme celle qu’ils avaient découvert, mais bien d’un être vivant. La grotte était vivante.
Quelques soubresauts saccadés secouèrent le granit. Beaucoup plus doux cependant que les précédents. Tout juste s’ils avaient perdu l’équilibre. A nouveau, ces frémissements erratiques secouèrent la masse rocheuse. La directrice du Printemps eut l’impression qu’il s’agissait d’un rire, contenu par prudence, mais un rire quand même. L’être lui répondit par une série de secousses du même acabit. Inochi s’écria, à sa propre surprise, que ce rire lui rappelait quelqu’un. Le simple fait d’avoir identifié un rire minéral la surprenait autant que l’identité de la présumée entité. Elle avait apparemment reconnu le rire de Lenwë. A ces mots, Hiriel releva la tête des bras de Maeril où elle était enfouie. La teneur de son regard était explicite : elle n’appréciait pas ce genre d’humour, et allait faire regretter son impertinence à cette élève impudente. La correction allait être à la hauteur de l’insulte. Un petit bras de pierre, boudiné mais ferme, se posa sur son épaule, l’arrêtant. Son sang se glaça : elle connaissait ce toucher. Choquée, elle se retourna, incrédule. L’incompréhension laissa place rapidement au ravissement, le simple fait de savoir son fils en "vie" la prémunissant d’être horrifiée de sa condition. A nouveau, elle se jeta sur la paroi de pierre. Cette fois cependant, elle l’enserra dans ses bras, comblée de bonheur. Doublement comblée lorsque cette roche souriante répondit par une délicate et mesurée étreinte infantile. Entre deux hoquets, elle se demandait si cela était bien réel, comment cela était possible, pourquoi avait-il fait cela…
Ce fut la voix de Tyldal Streel, venant de l’autre bout de la grotte, qui répondit :
- Il ne nous était pas possible de détruire l’enchantement. L’attaque de Maeril ne pouvait que l’empêcher de nous attaquer quelques temps. Lenwë l’avait compris, sans même que je lui dise. D’instinct, il est allé vers l’animal blessé qu’elle était. Elle a reconnu en lui le sang de son créateur, et ne pouvait donc lui faire de mal. Il en a pris le contrôle. Lenwë nous a fait un cadeau, un don merveilleux, pour chacun de nous et pour l’école, en plus de nous donner une belle leçon de sens du devoir et du sacrifice.
Quelque chose dans les paroles de Tyldal gêna l’assistance. Elle était éraillée, comme déformée par la vieillesse. Et effectivement, lorsque les jeunes femmes s’approchèrent de lui, elles découvrirent un visage ravalé par les rides, des membres flageolants et fragiles, des cheveux nacrés, épars et filasses. Pour discerner le point d’ancrage et donner à Lenwë le temps d’agir, il avait poussé ses perceptions au-delà des limites du raisonnable, et par là même précipité son vieillissement. A présent, c’était sur son lit de mort que les jeunes femmes retrouvaient leur ami. Devant cette assistance atterrée, l’Eldar exprima le souhait de reparler une dernière fois à ses deux amis, gisants à ses côtés. On secoua alors Xlatoc et Marpessa. Le fauve ouvrit les yeux en grognant de mécontentement. Marpessa, par contre, restait sourde aux efforts pour la tirer du sommeil. Incrédule d’abord, le Raksheldar fini par comprendre. Soupirant, il porta les corps de son ami et de son épouse, les allongeant là où son vieux compagnon d’arme lui demanda, au centre de la grotte. Là où ils avaient donné leur vie pour que d’autres puissent en jouir. Au cœur même de ce qu’il avait défendu avec ce qu’ils avaient de plus précieux. Reposant en paix au terme d’une vie bien remplie qu’il savait n’avoir pas donné en vain, Tyldal ferma ses paupières une dernière fois, emportant avec lui un dernier "bon voyage" de ses amis. Sa main glissa de celle de Xlatoc, et rencontra une pierre qui avait épousé son corps.
Ils restèrent ainsi longtemps, à contempler et pleurer leurs défunts amis. Bouleversé, Xlatoc ne quittait pas des yeux celle qui avait été son épouse de son vivant, et était morte en héroïne, regrettant de n’avoir pu lui dire adieu. Ni lui ni personne, d’ailleurs. Pourtant, elle les avait tous sauvé par son sacrifice. Il soupira son amour quel magnifique mage du feu elle aurait fait, ô combien meilleur que lui, avant de retomber dans un mutisme complet.
Ce fut lorsque qu’elle remarqua que Lenwë s’était joint aux pleurs, à sa façon, que Lola se rappela. Les Raksheldars, tous comme les pierres, ne pouvaient pleurer. Mais ils en ressentaient le besoin, et pour cela s’entaillaient la paume de la main gauche, laissant le sang couler. Elle baissa les yeux, et avisant la flaque de sang déraisonnable aux pieds du fauve, le rappela à l’ordre. Il y avait eut assez de mort pour aujourd’hui. Elle l’entraîna alors, lui et les autres, à travers les étages supérieurs, laissant derrière eux les glorieux corps de leurs amis reposant en paix, vers la lumière d’un château qui respirait la vie et le printemps.
A l’entrée du château, ils tombèrent nez à nez avec une élèves de l’école, partie en voyage depuis quelques temps sur ordre d’Hiriel Maevia : Lily-Bellule, son beau visage d’elfe couvert de boue, de poussière, maculé de sueur et rongé par l’inquiétude, attendait, anxieuse de trouver une école vide à la fois vide et animé de mouvements respiratoires. Elle se précipita, prête à annoncer de mauvaises nouvelles, lorsqu’elle remarqua le comité très réduit qui suivait l’infirmière. Celle-ci la retint, remarquant que son état ne se prêtait pas à l’excitation, et lui ordonna subtilement mais fermement de la suivre à l’infirmerie avant toute chose. Les explications et mauvaises nouvelles pouvaient attendre. Pour l’heure, elle présentait les signes évidents de l’épuisement doublés de nombreuses carences alimentaires.
Remise se ses émotions, lavée et dans des vêtements propres, la jeune Lily-Bellule, confortablement installée devant un bol empli d’un bouillon fumant, laissa finalement échapper ce qui lui tenait à cœur, non sans avoir englouti son repas avec une avidité quelque peu inquiétante. Une fois rassasiée, Hiriel, Lola, Xlatoc et Inochi l’écoutèrent raconter ses mésaventures. Après la résurrection de Maeril, la directrice l’avait envoyé battre le pays à la recherche de nouveaux élèves. Sauf qu’il n’y avait plus de pays. Profitant de la confusion à l’école, les deux frères avaient semé le chaos partout où ils passaient, détruisant le peu que les gens avaient réussi à reconstruire ces dernières décennies. D’après Lily, au-delà des frontière des l’école, le monde n’était qu’un cauchemar vivant : des créatures inconnues aussi agressives qu’étranges rôdaient en libertés, les fermes étaient à la merci des attaques de bandits, les villages peu défendu étaient mis à sac régulièrement, et nulle part, la loi la plus élémentaire n’avait court. C’était un miracle qu’elle ai pu revenir vivante jusqu’ici, en se cachant dans les bois, vivant du strict minimum, parfois moins, pour ne pas attirer l’attention. Evidemment, ramener des élèves lui avait été impossible. Son échec à la mission confiée la désolait.
Hiriel la réconforta, l’assurant qu’elle n’avait pas échoué du tout. Du fait, non seulement elle avait survécu là où beaucoup n’auraient pas tenu plus de quelques jours, mais de plus elle ramenait avec elle des informations précieuses, dont elle n’avait pas pu prendre conscience, isolée pendant deux mois dans à l’intérieur d’ESPRI. Elle pouvait être fière d’elle, au contraire : elle était devenue plus forte, avait gagné en assurance, mûri et montré de grande capacités d’adaptation et de survie. Elle s’était libérée, seule, et aucun professeur n’aurait jamais pu lui montrer où la guider sur ce chemin.
La silhouette rouge et noir de Maëril se découpa dans l’embrasure de la porte, soulageant Lily qui ne savait que répondre aux compliments inattendus de la part de la directrice. Elle s’avança à grands pas, s’arrêtant sur à côté de la table. Un air grave mais déterminé imprégnait son visage. Elle salua l’assistance, puis s’adressa à son amie. De son avis, il était temps pour elles d’agir directement sur le terrain, au cœur même du problème. Pour l’heure, c’était à elles qu’il incombait de ramener des élèves, de montrer l’exemple aux peuples de ce monde, de les organiser pour les libérer du joug de l’anarchie. Elles seules en avaient la possibilité et les moyens, aussi il était de leur devoir de le faire. De plus, il y avait assez de monde pour relancer l’école, et ils resteraient en communication avec elles ; elles pourraient toujours diriger l’école à distance, via certains moyens de communication.
Hiriel resta quelques secondes à contempler son amie, yeux dans les yeux. Finalement, elle acquiesça. Fouillant dans les replis de sa robe, elle sorti une balle de cristal, parfaitement ronde et lisse, homogène, qui sembla glisser sans rouler sur son bras, dans le creux de ses mains, la contemplant mélancoliquement, alors qu’elle hésitait à la poser sur la table, comme si ce geste à lui seul cristallisait la difficile décision qu’elle devait prendre. Enfin, elle déposa l’objet sur le plateau de chêne, soupirant comme après un gros effort.
- Tu as raison Maëril. Nous serons plus utiles ailleurs qu’ici. Mais rassurez-vous, fit-elle, captant les regards incrédules de ses compagnons, nous ne serons loin que physiquement. Cet e-mage nous permettra de rester en contact. Maëril et moi en avons un. Il suffit d’en regarder le centre en visualisant la personne désirée, possédant elle aussi l’un de ces objets, pour rentrer en contact avec elle. Nous vous tiendrons au courant régulièrement, et reviendrons souvent.
A peine cette phrase avait été prononcée qu’Hiriel était déjà debout, devançant les autres avant même qu’ils ne puissent articuler une seule parole. Arrêtant du regard Lola Missely et Xlatoc, elle leur confia solennellement, bien que vivement, la responsabilité de l’école en son absence et celle de Maëril. Elle plaça en eux sa confiance, et leur donna pleins pouvoirs pour restructurer l’école comme ils le jugeraient bon, au regard des informations de Lily, des siennes et celles de Maëril qui suivraient au fil de leurs communications et retours.
Sans leur laisser le temps de commenter cette décision, elle se tourna vers une Lily abasourdie, les yeux écarquillés, et la nomma professeur de Survie. L’annonce eut pour effet de décrocher la mâchoire de la jeune fille, qui n’en revenait pas d’avoir, selon les dires de la jeune femme, l’expérience nécessaire et les qualités requises.
Jaugeant Inochi du regard, Hiriel lui affirma qu’elle avait un fort potentiel, et que d’ici la réouverture de l’école, elle aurait certainement le niveau requis pour présider à la maison de l’Hiver. Cette assertion serait à confirmer au fil de leurs allées et venues, mais elle était certaine de ne pas se tromper.
S’assurant qu’elle n’oubliait personne, elle rejoignit Maëril. De concert, elles se dirigèrent vers la sortie de la salle commune du Printemps. Entendant un vacarme précipité de chaises derrière elles, elles accueillirent l’incompréhension générale avec un sourire rassurant. Elles insistèrent sur le fait qu’elles reviendraient souvent, et par conséquent, qu’ils n’avaient pas à s’inquiéter. Ils devaient prendre conscience que leur devoir les appelait à ne pas se confiner dans l’école, mais à la faire rayonner dans le monde entier. De plus, elles commenceraient pas réorganiser la ville côtière à une demi-journée de marche d’ici. Elles pourraient donc revenir facilement et discuter de la nouvelle organisation d’ESPRI autant que nécessaire. Sans ajouter autre chose qu’un simple bonne chance, elle s’éclipsèrent en un coup de vent, disparaissant dans les méandre du château, laissant derrière elle une assemblée béate, pour une fois incapable de réagir.
La scène avait duré moins d’une minute, pendant laquelle aucun d’entre eux n’avait eu le temps d’articuler plus d’un mot ou deux, imprécations incomplètes, questions inachevées. Sans doute, ce départ précipité était voulu, pour éviter de trop violentes et inutiles réactions d’incompréhension. A présent, ils n’avaient pas le choix. S’ils ne comprenaient pas plus, ils ne pouvaient pas faire autrement que prendre les choses en mains. Ils se rassirent progressivement, maussades et plongés dans un mutisme profond. Enfin, après plusieurs minutes d’un silence aussi pesant que démoralisant, la voix d’Inochi résonna dans la pièce, cristalline, enjouée, et comme toujours, aussi enthousiaste la danse des feuilles dans le vent d’automne :
- Bon, ben…A nous de jouer !