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C’est une fille qui m’a raconté cette histoire. Elle m’avait avoué avoir peur du noir, et c’est parce que je lui ai demandé pourquoi, et depuis quand, qu’elle m’a raconté son histoire.


Son frère était monté ici pour camper avec des amis. Ils avaient prévu une grand quantité de boissons, à manger et un peu à fumer… Tout avait été minutieusement préparé, les tentes avaient été montées dans l’après-midi et la météo était plus que favorable. Ils étaient huit ce soir-là, son frère John, son meilleur ami, et trois couples dont elle ne m’a jamais révélé les noms.


Le début de la soirée se passa sans encombre, et, bientôt, le soleil disparut derrière les cimes, laissant la forêt à la nuit. On parlait peu au campement, et à vrai dire, on s’ennuyait presque. Pendant que les trois couples fricotaient ensemble, une conversation entre John et son ami s’apprêtait à changer cette nuit en cauchemar. En effet, l’ami soutenait mordicus qu’il existait quelque part un esprit qui veillait sur la forêt, une sorte de spectre végétal, et John, amusé par ce mythe, ne cessait de prouver par A+B qu’il ne pouvait exister une telle entité. Alors, le regard soudain pétillant de malice, son ami lui fit faire un pari, un pari stupide, sous prétexte d’animer la soirée, et John le releva.


Rapidement, les deux amis appelèrent les autres et leur expliquèrent que John avait promis qu’il défierait ce soir, à ses risques et périls, l’esprit de la forêt. Amusé par cette perspective d’occuper la soirée, les autres suivirent et tous ensemble ils suivirent John et son ami jusqu’à cet arbre, là-bas. Une fois sur place, l’ami tendit à John un grand couteau et lui déclara simplement : « Il te suffit de te rire de l’esprit de la forêt, et juste après de planter ton couteau dans l’arbre pour que sa colère soit sur toi. Réfléchis bien, il est encore temps de reculer… »


Un moment effrayé, John se saisit tout de même du couteau, se rappelant qu’il ne s’agissait somme toute que d’une blague, et déclara à voix haute « Bon, ben… à ce soi-disant esprit de pacotille, si jamais tu existes, tu peux aller te faire foutre ! » et il appuya de toutes ses forces avec la lame contre le tronc de l’arbre si bien qu’il réussit à faire tomber un morceau d’écorce un peu fragile, et à faire une profonde entaille dans le bois d’où s’écoula un peu de sève. Se retournant vers ses amis, il se mit à rire, et eux avec lui, lorsqu’une puissante lueur envahit le ciel, comme cella d’un éclair, puis disparut aussi brusquement. Ils attendirent le grondement caractéristique, mais rien ne vint, et ils en conclurent que l’orage devait être trop éloigné.


Enfin, ils s’en retournèrent à leur campement, sans se douter de se qui devait se passer par la suite. Juste avant de dépasser le tas de bois, John se retourna et, lorsqu’il jeta un regard vers l’arbre, il crut le voir se mouvoir, puis la vision s’estompa et il partit vite vers le feu où ses craintes s’évanouirent. La suite, durant plusieurs heures, ne fut qu’une grande beuverie où les esprits échauffés par la petite aventure de l’esprit de la forêt, pouvaient se libérer désormais entièrement. Il y eut beaucoup de bouteilles de bières ouvertes, et sans doute une des filles dût-elle trop en abuser car elle s’éloigna alors du campement pour se soulager. Les discussions continuèrent un moment jusqu’à ce qu’un grand cri se fasse entendre, suivi d’un lourd silence. Ils tendirent l’oreille, se questionnèrent du regard, mais la nuit avait repris son calme, elle était même, à vrai dire, bien trop calme.


Le petit ami de la fille, n’y tenant plus, voulu partir à sa recherche, et lorsqu’un autre se proposa de le suivre car, avait-il dit « ce n’est peut-être pas très prudent », tous comprirent ce qu’ils ne voulaient pas admettre : ils avaient soudainement peur, très peur. Mais sans doute la fille égarée voulait-elle leur faire peur dit un des hommes, mais ils ne croyaient cette explication qu’à moitié, bien que ce fut celle qui fut acceptée… Toutefois, chacun vérifia bien qu’il avait une lampe torche sur lui, et John, se souvenant du couteau, ne manqua pas de s’en armer, et une petite expédition de sauvetage « parce que ce peut être amusant avait dit l’ami de John » se mit en route, après s’être divisés en groupe de deux, et un plus grand groupe de trois.


Dans les premiers instants, ils pouvaient encore se voir, puis ils ne purent plus entendre que leurs voix. Certains voulaient déjà faire demi-tour, sous des prétextes divers, lorsque deux vois cessèrent soudain au beau milieu de leur phrase. Bien vite, John et son ami, qui avaient formé un groupe à eux deux, n’entendirent plus rien, et ils eurent beau appeler, seul le silence leur répondit. Puis, lorsqu’ils se turent un instant, ils crurent entendre non loin d’eux des bruits de pas furtifs. Ils voulurent se convaincre que ce devait être leurs amis qui leur faisaient une farce, mais bien vite des râles et des gloussements inquiétants vinrent défaire cette théorie. Si c’était une blague, elle était par trop réaliste.


Il n’y avait qu’une chose à faire, et ils la firent. Sans se soucier de ce qui les entourait, ils se mirent à redescendre au campement, dans l’espoir qu’ils y seraient plus en sécurité, par un réflexe stupide. Autour d’eux les sons s’amplifiaient, et leur angoisse avec. Ils crurent même entendre l’un de leur amis les appeler à l’aide dans le lointain, comme s’il s’était perdu, mais ils n’y firent pas attention.


Enfin ils aperçurent le feu, et, à leur grande surprise, plusieurs silhouette tout autour, celles de leurs amis. Soulagés, enfin, ils se mirent à ralentir, se rendirent compte que les bruits avaient cessés, et intérieurement s’avouait avoir été vaincu par une plaisanterie vraiment bien menée.


Mais lorsqu’ils purent enfin parer à leurs camarades, une sensation étrange les saisit, d’autant plus que lorsqu’ils voulurent les féliciter, ceux-ci firent mine de ne rien savoir, et jurèrent n’avoir pas quitter le campement. Mais leurs voix ne trahissaient pas la moindre émotion, ils étaient comme déconnectés du monde, absent en pensée. Les deux amis voulurent mettre cela sur le compte de leur peur dans la forêt, mais bien vite John dût changer d’avis. En effet, alors qu’il essayait de se calmer, assis non loin du feu, il observa soudain un de ses « camarade » qui ajoutait du bois dans l’âtre, et, ce faisant, mis maladroitement son bras au milieu des flammes. Sous le regard de John, il l’en ressortit et, l’observant brûler, éclaira sa face d’un sourire. Enfin, il leva les yeux sur John qui, pétrifié, ne su détourner son regard. Pris au piège, l’autre ne fit pas mine de se sentir démasqué et se contenta d’ajouter encore une bûche avant de s’éloigner un peu.


Affolé, et pourtant maître de lui par cette fatalité et ce courage que l’on trouve dans les pires situations, John se mit à sortir discrètement du campement, mais fut intercepté par son ami. Celui-ci lui avoua avoir des doutes sur leurs camarades, et John, après son expérience, ne pu qu’affirmer ses dires en bougeant la tête. Mais son ami l’invita à le suivre pour voir la chose la plus étrange. Quelque chose que, dit-il, il ne pouvait plus garder pour lui. John, sans se douter de rien, le suivit jusqu’à un abaissement de terrain. Soudain, il s’arrêta, pétrifié d’horreur. Il faillit s’évanouir, et lorsqu’il se retourna vers son ami, il constata que ses yeux étaient devenu d’un noir de jai, et se rendit compte que sa voix était sans émotion, vide. Il se retourna et tomba au milieu des cadavres de l’affaissement. Il  y avait là tout ses amis, les trois couples et, au premier rang, son meilleur ami, une grande balafre lui déchirant le visage. Levant les yeux, John aperçut se découpant dans l’horizon les silhouettes de sept personnes, et les entendit rire, rire d’une voix fausse, cassantes.


Il voulut fuir, mais ses jambes ne le portaient plus. Il voulait pleurer mais aucune larme ne venait, il devait continuer. S’il rampa dans un premier temps, il réussit par miracle à se remettre debout et à courir, d’une course lente, interminable. Dans son dos, il sentait une présence, une sensation de danger immédiat. Il s’arrêta, se retournant, mais ne vit rien, et soudain il sentit une main qui lui touchait l’épaule, mais  nouveau, se retournant, son regard ne rencontrait que le vide, et une nuit noire d’encre qui se détachait à peine du ciel. Tout en haut, il aperçut subrepticement une large lune qui brillait violemment comme se moquant de lui. Il chuta, il venait de rencontrer un obstacle et s’était écrasé contre. Ouvrant les yeux, il aperçut le grand arbre qu’il avait lacéré, mais ce n’était plus de la sève qui coulait le long de son tronc, mais du sang, son sang qui coulait à présent aussi sur ses mains, et de sa bouche. Il voulu se débattre, mais ses mains ne rencontrèrent qu’un sol mou, qui lui échappait, semblable à du tissu. Il se sentit entouré par les ténèbres, assailli par des dizaines de fantômes vêtu d’ombre contre lesquels ses mains ne pouvait rien, puis, étouffant, éreinté, il toucha du bout de ses doigts une lame, celle de son couteau, et s’en saisissant découpa soudainement ses adversaires, laissant entrer le jour à l’intérieur de son antre.


Le soleil était déjà levé, et partout dans le campement traînaient des cadavres de bouteille, des mégots calcinés de joins… les cendres du feu étaient blanches et grises, encore fumantes. Il faisait assez froid, malgré que John soit habillé, et dans le lointain se fit entendre un chant d’oiseau, plein de vie. Un autre bruit résonna dans sa tête, et se retournant il aperçut son ami qui sortait d’une tente, l’air endormi, mais bien vivant, se grattant la nuque nonchalamment. Apercevant John le couteau à la main, et ladite main blessée, il se mit à réveiller les autres, désarma John et avant que celui-ci n’ait pu réagir, sept personnes s’occupaient à le soigner, à examiner sa tente déchirée sur tout un côté par lequel il était sorti, ou nettoyaient un peu le campement. On demanda à John ce qui s’était passé, pourquoi il en était là, mais lui ne répondit pas tout de suite, se méfiant encore. Puis son natel sonna, sa copine qui voulait le voir dans la journée, et lui rappelait qu’il devait l’aider à faire un devoir. Il était bel et bien revenu dans la réalité.


Toutefois, au moment de s’en aller seulement, il osa à peine porter le regard en direction de l’endroit où il avait vu les corps, et surtout vers le grand arbre, refusant de savoir s’il portait ou non une marque de couteau. Il se convainquit qu’il avait rêvé, comme en avaient conclu ses amis, et ne fit pas attention aux marques de brûlures sur le bras de l’un de ses compagnons.


Si cette histoire m’a marqué, ce n’est pas vraiment de par ce qu’elle raconte, ni parce que je crois ou non aux esprits… Mais le fait est qu’une semaine après cette fameuse nuit, il parla à sa sœur de cette soirée, de ce qui lui était arrivé, et le lendemain il ne vint pas en classe, ni le surlendemain. Il fallut attendre encore un jour de plus pour qu’il réapparaisse, et encore sa sœur m’a-t-elle affirmé qu’il était changé, et affirmait ne rien se rappeler des événements qu’il lui avait conté. Elle en fut profondément marquée, et je le sentis lorsqu’elle m’en parla.


Ce qui m’a vraiment touché, en fait, c’est que le lendemain de la journée où elle me raconta l’histoire de son frère, nous devions nous voir pour réviser un cours, mais elle ne vint jamais. L’école s’est terminée sans que j’aie jamais eu depuis de ses nouvelles, et il m’arrive de me demander si tout cela est rêve ou réalité. Je n’en avais jamais parlé jusqu’ici, parce que je considère cela comme un racontar, une simple histoire pour faire peur. Mais d’être là. A l’endroit où tout s’est déroulé, non loin de l’arbre qui aurait dû être marqué, et de voir tout ces éléments… Je me dis que peut-être, si j’allais examiner l’arbre, j’y trouverais une entaille, et qui sait, quelque part sous ces terres les cadavres des sept compagnon de John, et un peu plus loin le sien, venu les rejoindre une semaine plus tard.

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