Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 
     Comme au ralenti, le petit groupe des guerriers avançait dans la pénombre des souterrains. A chaque pas, ils scrutaient les alentours, prêts à faire face au pire. Depuis longtemps maintenant, ils avaient perdu toute idée de l’endroit où ils pouvaient se trouvaient, mais ils n’en avaient cure. Seul leur importait d’avancer, de continuer toujours plus profondément dans le repaire de la vermine. Tout à coup, le pesant silence qui régnait jusqu’à lors fut brisé par le sourd martèlement de pas aux intonations métalliques. Le bruit s’intensifia et les aventuriers retinrent leur souffle alors que devant eux passait dans un pas cadencé une petite patrouille d’hommes-rats, tous vêtus de la même livrée rouge et blanche. La même scène s’était répétée à maintes reprises au cours des dernières heures, et une atmosphère d’excitation régnait dans la ville souterraine. Magnus et ses amis, qui au fond d’eux mêmes n’aspiraient qu’à révéler leur présence et lutter contre les Skavens, tenaient a en apprendre plus sur le comportement de ces derniers, bien qu’ils redoutaient que la cause de l’agitation ambiante ne fut le funeste présage d’une attaque à venir. Le silence revint dans les corridors, et, lentement, les guerriers s’avancèrent, plus tendus que jamais. Pendant plusieurs longues minutes encore dura leur marche pénible, et ils débouchèrent finalement devant une lourde porte de bois finement ciselé. Comme on eût pu s’y attendre, cette dernière était solidement verrouillée, et Skaggy, après avoir sorti de sa sacoche quelques outils aux formes étranges, entreprit de faire céder la serrure. Victimes d’une nervosité encore grandissante, ses deux compagnons entreprirent de monter le guet. Après quelques instants de méticuleux efforts, la porte s’ouvrit dans un long grincement, accompagné des soupirs de soulagement des trois aventuriers. L’obscurité régnait au delà de l’entrée, et tous trois se demandaient bien ce qui pouvait se trouver derrière, s’attendant à affronter un dragon tout autant qu’à voir apparaître un fabuleux trésor. Sans hésitation, Skaggy s’avança à pas de loup, et, après seulement quelques mètres, s’arrêta, bouche bée. Intrigués par l’expression du tueur de trolls, Magnus et Iggy entrèrent à leur tour, et, encore une fois à l’instar de leur ami, se figèrent sur place, épouvantés par le spectacle qui s’offrait à eux. Ils se trouvaient sur une petite corniche, entièrement décorée par des sculptures à l’effigie de démons grimaçants ; l’endroit devait servir de tribune aux orateurs hommes-rats. En contrebas, dans une vaste salle d’où montait une assourdissante cacophonie, défilaient sans discontinuer des rangées de soldats skavens, flamboyants et sinistres dans leur tenues rouge sang. On eût dit une terrible parodie des fières armées impériales ; et cette armée là, qui semblait aller à la bataille, prenait le chemin de Laarsburg.

-Ils...ils vont raser le village, parvint à articuler Iggy, avec difficulté. L’horreur se lisait sur son visage, à la pensée du funeste sort destiné aux habitants du hameau.

-Pas si l’on fait quelque chose, lui répondit Skaggy, qui semblait réfléchir à toute allure. Ecoutez, les gars : vous deux, remontez à la surface et faites quelque chose. Prévenez le Comte électeur, murez l’entrée en dernier recours, ou trouvez autre chose. Moi, je vais tâcher de retenir ces satanées créatures.

     Iggy allait refuser catégoriquement le plan du tueur de trolls, mais se ravisa, connaissant l’obstination de son aîné. Il ne fallait pas se mentir : ils étaient arrivés trop tard, et seule cette idée pourtant désespérée pouvait à présent sauver Laarsburg. Maudissant intérieurement les larmes qui lui montaient aux yeux, Iggy se retourna sans un mot et partit en direction de la sortie, rapidement suivi par Magnus. Skaggy, une fois seul, balaya du regard les alentours, à la recherche d’une idée pour endiguer le flot des hommes-rats. Ses yeux se posèrent sur une énorme statue, grossièrement sculptée dans la pierre, représentant à n’en pas douter un des chefs des Skavens. Sans perdre un instant de plus, le tueur de trolls porta un coup féroce de sa lourde hache à la base de la sculpture ; cette dernière trembla sur son socle, au bord de la chute. D’une poussée d’épaule, le nain la déséquilibra définitivement, et la statue chuta comme au ralenti, avant que la violence de l’impact ne pulvérise un homme-rat dans un atroce bruit de craquement. Skaggy se tint pendant quelques instants, accoudé à la rambarde, dans une pose de défi qu’aucun des Skaven n’eût pu ignorer ; une fois sûr d’avoir attiré leur attention, le tueur de troll fit demi-tour et disparut dans les ténèbres des corridors.

 

     Skaggy courait à présent dans l’obscurité des tunnels, accélérant encore à chaque fois que derrière lui montaient les ricanements des hommes-rats. Ignorant tout de sa position, il continuait de courir, éperdu, lorsqu’au détour d’une bifurcation se présenta devant lui un impressionnant Skaven au pelage doré, qui tenait entre ses mains griffues une énorme hallebarde. Sans y réflechir, le tueur de trolls porta un coup aux pattes de son adversaire ; ce dernier tenta de parer la lame de la hache mais Skaggy dévia la trajectoire de son arme qui coupa littéralement son adversaire en deux au niveau du bassin, dans un geyser de sang. Sentant ses poursuivants sur ses talons, le nain ne prit pas le temps de se retourner et reprit sa course frénétique. Cette traque dura encore de nombreuses minutes qui parurent s’étirer indéfiniment à Skaggy ; et il fut presque soulagé lorsqu’il se retrouva pris au piège dans une impasse, sans autre issue que celle d’affronter la maudite engeance du Rat Cornu. Il se retourna alors, pour faire face à la masse de ses ennemis. Ces derniers, sûrs de leur fait, avançaient lentement, et il semblait que la peur n’avait guère de prise sur eux ; étrangement, le tueur fut rassuré par le nombre des hommes-rats. Son piège avait fonctionné, et maintenant tout reposait sur Iggy et Magnus. Il songea alors à ses amis, qu’il n’aurait sûrement pas la chance de revoir. Au moins Grimnir, l’antique dieu guerrier du peuple nain, lui avait donné l’opportunité de mourir d’une mort honorable, et de racheter ses fautes. Les pensées de Skaggy se tournèrent alors vers son enfance. Il revit le corps de sa mère, tuée lors d’une attaque de peaux-vertes ; puis il se rappela de son frère, luttant contre une bande d’orques lors de leur évasion... La rage montait en lui, et les Skavens continuaient de s’approcher, comme dans un rêve, inconscients du sort qui attendait la plupart. Les hommes-rats n’étaient plus qu’à quelques mètres lorsque Skaggy fondit sur eux hurlant mille malédictions. Un de ses adversaires tenta de parer un coup de sa hache ; son épée fut brisée de même que son crâne par la puissante lame de gromril. Le tueur de trolls frappait sans relâche, sans réfléchir non plus : où qu’il frappe se trouvait un ennemi, et pour chaque Skaven tombé, un autre le remplaçait. D’un ample mouvement de sa hache, il trancha la tête d’un des hommes-rats ; ce dernier, comme un sinistre pantin, continua quelques instants de bouger, avant de s’écrouler définitivement. Skaggy faisait tournoyer sa hache, menaçant, mais ses ennemis ne semblaient pas prêts à abandonner aussi rapidement. Un Skaven tenta de le frapper au flanc ; le tueur ne l’aperçut qu’au dernier moment et, d’un violent coup de hache, lui fracassa le visage. Son arme, hélas pour lui, resta solidement ancrée dans la plaie, et un autre homme-rat en profita pour lui asséner un coup à la poitrine. La cruelle morsure de l’acier le tétanisa, et il repartit de plus belle, frappant sans discontinuer. Il ne ressentait rien d’autre que la rage, qui l’avait emporté dans sa sombre rêverie ; les cris de ses ennemis lui parvenaient comme s’ils se trouvaient très éloignés. Les membres volaient dans des flots de sang, les entrailles se répandaient sous les coup de Skaggy ; mais il semblait inéluctable qu’il finisse par faiblir, que la force de sa fureur ne soit pas suffisante pour venir à bout des hommes-rats qui continuaient d’affluer. Tout à coup le temps s’arrêta. Le tueur de trolls pouvait distinguer l’horrible rictus qui défigurait le visage des Skavens ; et il vit alors leur expression se figer dans un indicible mélange de terreur et de haine. Et soudainement, les hommes-rats implosèrent dans une atroce cacophonie. Et Skaggy, médusé, put apercevoir dans la brume sanglante un visage atrocement canin qui émit un long rire avant de disparaître. Le tueur resta longtemps, là, à genoux au milieu des cadavres de ses ennemis, incapable de comprendre quel tour le destin lui avait joué, horrifié par les implications de cette mystérieuse apparition.

 

     Titubant, Skaggy sortit des catacombes. Le vent glacé qui soufflait sans discontinuer ne le tira pas de sa torpeur. Il continua de s’avancer, jusqu’à la sortie du cimetière, où se tenaient, immobiles, Magnus et Iggy. Devant eux s’étendait une terrible spectacle de désolation. Les hommes-rats, qui avaient devancés les aventuriers, n’avaient laissés derrière eux que des ruines calcinées. Ici et là, au milieu des décombres, on pouvait distinguer les corps de ceux qui avaient vécu toute leur vie durant à Laarsburg. Et qui maintenant y étaient morts, de même que leur village. Les trois aventuriers, anéantis par le drame, recherchèrent longtemps leur ami Ulric dans les ruines du village. En vain. Des Skavens, il ne restait aucune trace. Rien, si ce n’est la destruction.

Fin

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