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     Iggy entra dans la pièce exiguë où s’entassaient ses amis. Le silence qui y régnait en disait long sur la situation, et l’expression de Magnus, qui n’avait pas bougé depuis plusieurs minutes n’augurait rien de bon. Des villageois, ils n’avaient rien appris : ils avaient trouvé Ulric, gisant dans une flaque de sang au milieu de la rue principale. Skaggy, revenu sur les lieux en quête d’un indice, n’avait trouvé aucun cadavre de Skaven, bien qu’il y eût des traces de combats ; et la neige, qui tombait sans discontinuer depuis maintenant plus d’une heure, avait masqué la piste des hommes-rats survivants. Le middenheimer reposait à présent sur un vieux lit dévoré par les mites, luttant contre la mort. Seul ses fréquents tremblements indiquaient qu’il était toujours en vie, et l’angoisse allait en augmentant chez ses amis. Magnus lui avait administré différentes herbes de soins, sans véritable effet. Pourtant, il semblait à présent plus serein, comme si sa douleur s’atténuait ; ce qui n’était pas pour rassurer les autres aventuriers, conscients qu’il ne s’agissait pas là d’une guérison miracle. Tout d’un coup, brisant le lourd silence, Magnus prit la parole, d’une voix basse et monocorde :

-Je dois vous faire part des découvertes que j’ai faites quant à notre affaire, commença-t-il. D’après les registres impériaux, une énorme bataille eût jadis lieu non loin d’ici, à l’époque où Sigmar luttait pour l’unification de l’Empire. Il se pourrait que les soldats tombés ce jour là aient été inhumés dans des catacombes creusées sous le cimetière, à l’ouest de la ville.

     A ces mots, les regards des deux nains s’allumèrent d’une leur de rage. Tirés de leur mélancolie, il leur tardait à présent de faire payer aux hommes-rats la blessure de leur ami.

-Tu crois que les Skavens se seraient installé dans ces catacombes ? Demanda le tueur, dont la voix cachait mal son excitation.

-Et bien, je pense qu’il ont pu les découvrir en creusant un tunnel, et profiter de ces souterrains, lui répondit le mage, qui avait mûrement réfléchi à son raisonnement.

-Dans ce cas, on devrait y aller, conclut Skaggy. De toute façon, c’est bien pour ça qu’on est là, non ? Autant y aller tout de suite, plutôt que de les voir nous tomber sur le poil.

-L’inaction m’a assez pesé tout au long de la journée pour que je me range à ton avis, ajouta Iggy, dont l’expression mimait l’enthousiasme sans trop de conviction.

-Aucun texte ne parle de l’entrée des catacombes, fit Magnus, pensif. Aussi devrions nous nous presser : d’ici peu, la neige nous enlèvera toute chance de la trouver.

     Sur ces mots, les trois aventuriers quittèrent la pièce, non sans jeter un dernier regard à leur ami luttant contre la mort. Une fois dehors, ils reçurent de plein fouet la morsure du froid, et, sans y prêter attention, prirent la route. La neige les empêchait de voir à plus de quelques pas, et la tension montait alors qu’ils se rapprochaient du cimetière. Iggy pensait à nouveau à son clan, terrifié à l’idée d’abandonner les siens. Il ne craignait pas la mort elle-même, mais périr ici serait revenu à faillir à sa tâche de chef. Serrant sa hache contre lui, il tenta d’oublier ces noires pensées. Jetant un œil à ses amis, il comprit qu’eux aussi étaient en proie au trouble ; même Skaggy, chez qui la perspective d’un combat n’avait rien pour déplaire, semblait inquiet, sans doute à cause de l’état d’Ulric. Enfin, les aventuriers arrivèrent en vue des lourdes grilles du cimetière. Ils pénétrèrent dans ce lieu sacré, sous le regard millénaire de deux gargouilles menaçantes. L’endroit semblait abandonné, et de nombreuses tombes étaient à présent recouvertes de lichens, alors que d’autres encore avaient apparemment été pillées. Dans un coin, on pouvait apercevoir de nouvelles sépultures, bien moins luxueuses pourtant que les anciennes. Quelques fleurs desséchées étaient le seul ornement que l’on eût pu distinguer : les villageois devaient sans doute craindre ces lieux, dont l’atmosphère malsaine était presque tangible.

-Mettons nous au travail au plus vite, mes amis, proposa Magnus dans un murmure. Cet endroit ne me dit rien qui vaille ; autant y rester le moins possible, ajouta-t-il, parlant cette fois-ci plus fort, comme pour défier les ténèbres.

     Les deux nains, apparemment du même avis que le mage, s’éloignèrent ainsi dans les ténèbres, à la recherche de l’entrée des catacombes. La lueur de leurs torches perçait avec difficulté l’obscurité presque totale des lieux et les recherches, si elles n’étaient pas vaines, s’avéraient plus ardues encore que les aventuriers ne l’avaient imaginé : le cimetière, très étendu, abritait plusieurs édifices mortuaires, pour la plupart en ruines, qui ne manquaient pas de recoins que les guerriers se voyaient obligés de fouiller. La neige, dont le manteau recouvrait tout à mesure que le temps passait, gênait considérablement leur progression, rendant de plus en plus fréquentes les glissades. Iggy, transi par le froid, avançait péniblement, lorsqu’il trébucha sur une grosse pierre. Pestant contre cette maudite contrée en des termes qui ne pourraient être retranscrits ici, il baissa les yeux, et vit que ce qu’il avait prit au premier abord pour un simple caillou était en réalité un dalle de marbre, recouverte de terre et de mousse. Hélant ses amis, il commença à creuser le sol gelé, s’écorchant les mains ; il ne cessa qu’après plusieurs minutes de labeur frénétique. Skaggy apparut à quelques mètres de lui, contemplant ce qu’il avait mit à jour : une lourde porte de bronze ouvrait un accès vers le sous-sol où se terraient les Skavens. Magnus approcha à son tour et le tueur, après avoir jeté un regard complice à ses compagnons, ouvrit le portail, révélant un escalier de pierre plongé dans la plus totale obscurité.

-Bon, commença Skaggy, dont le visage arborait à présent un grand sourire. Autant y aller tout de suite.

     Il s’avança lentement, tenant fermement sa torche d’une main et sa hache de l’autre, suivi de près par ses amis. L’escalier descendait abruptement sur quelques mètres, mais il était impossible de déceler quoi que ce fut au delà de cette distance. L’atmosphère de mort presque tangible qui régnait sur les lieux prit à la gorge les guerriers, ajoutant encore à leur tension. Sur les murs de pierre étaient gravées de multiples inscriptions à demi effacées par le temps ; si la plupart dataient de l’époque de la construction des lieux, Magnus aurait juré que certaines étaient plus récentes, et différentes des autres. Il s’aperçut tout à coup que Skaggy était à présent immobile, quelques mètres devant lui. Tout comme Iggy, le tueur semblait avoir entendu quelque bruit et examinait à présent les alentours avec attention. Il jeta brusquement sa torche en avant, qui roula sur quelques mètres avant de s’immobiliser, éclairant de sa flamme vacillante une vaste pièce où régnait une odeur pestilentielle, bien différente de celle de la putréfaction. Les trois aventuriers attendirent encore quelques instants sur le pas de la porte, bien que Magnus n’eût pu dire pour quelle raison ; lorsque une nuée de scorpions sorti tout à coup d’une fissure dans un des murs, la lueur du flambeau se reflétant sur la multitude de carapaces chitineuses. La masse grouillante des créatures recouvrait à présent tout le sol de la pièce, tel un tapis mouvant. Aussitôt, le mage sortit de sa sacoche une fiole d’huile qu’il lança en direction de la torche. Le liquide s’enflamma dans un crépitement et la plupart des insectes furent carbonisés, alors que les autres regagnaient promptement leur abri. Prudemment, le trio d’aventuriers s’avança, et accéléra le pas pour quitter la pièce, pénétrant dans un nouveau couloir.

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