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     Voici l’histoire d’un pieux et courageux seigneur, aussi terrible que le soleil à son zénith, aussi noble que le lion de son écu, aussi rusé que l’aigle de son étendard et aussi habile que l’archer adroit. Du nom de sa compagne je baptise cette complainte, Mortelune la blanche, dont le teint pâle n’a d’égal que l’astre nocturne, aussi belle que l’aurore aux doigts de rose, aussi douce pour les hommes que le soleil du matin.

     Un matin, que l’aube était fraîche, le soleil encore ensommeillé dardait ses rayons sur la Vaste Bretonnie, foyer de tous les cœurs nobles, mère de toutes les vertus. Le seigneur Hilgrim quitta sa bien aimée pour la gloire de sa famille, il lui promit de revenir victorieux dans quelques longs mois. Il partait guerroyer pour l’honneur plus que par plaisir. Il n’était pas homme à se battre par profit. C’est les larmes aux yeux qu’il lui fit ses adieux, des jours encore après son départ, le château était empreint de la tristesse de leur séparation. Les larmes de la dame de Mortelune plongeaient le château dans le plus grand désarroi. Elle se résigna, elle attendit les lettres que son époux lui fit parvenir le plus vite possible. Chacune de ces lettres était empreinte d’une grande tristesse, d’une nostalgie et d’une mélancolie que l’on prête mal aux hommes de haut rang.

     Ce n’étaient point des mots de soldat, mais les mots d’un homme qui va se battre la mort dans l’âme. Tous n’approuvaient pas ce comportement étrange pour un noble mais chacun le respectait. Les hommes qui n’arrivaient au pouvoir que par intrigue et félonie lui étaient insupportables. Sa garde n’était composée que de chevaliers au cœur pur comme l’eau claire d’une fontaine mais à l’esprit trempé comme l’acier de leurs armures étincelantes. Il y avait Beaufroy, d’une famille noble du compté voisin, Fritz von Hisleff, un grand ami du sieur Hilgrim, le grand Réaux de Mortelune, frère de la Dame Elanore, le frère Grégoire le Sigmarite, un intellectuel aux conseils avisés, et une foule d’autres personnages moins puissants mais aussi vaillants.

     La Dame s’inquiétait, jour après jour de ne recevoir aucune lettre et son visage gracieux avait les traits tirés par l’anxiété. Chaque nuit, des cauchemars la tourmentaient, et son supplice ne cessait qu’à l’arrivée d’une nouvelle lettre. Seuls les mots : "Ma tendre et Douce Elanore, Je désespère de te revoir, le soleil est écrasant mais le seul fait de repenser à ton doux visage me rafraîchit et me redonne du cœur. Le cœur, il m’en faudrait moins, il est si lourd de t’avoir abandonnée, et la moindre pensée de ton désespoir me torture," pouvaient calmer pour un instant son chagrin. Elle lisait et relisait chacune des lettres envoyées par l’oiseau sacré du seigneur. Il écrivait lui-même ses lettres et chaque soir, elle baisait les écrits calligraphiés pour faire fuir les cauchemars.

     Rien n’y faisait, ils se faisaient de plus en plus violents et de plus en plus nets. Elanore y percevait des sourires grimaçants de têtes démoniaques, des images de sang et de fureur. Au-dessus des clameurs de la bataille, elle entendait le cri de son époux qui suppliait en implorant son nom, et toujours, elle devait lui porter le coup de grâce, la chose la plus horrible, c’est qu’elle n’en ressentais aucun remord au moment de frapper. Toujours au beau milieu de la nuit elle s’éveillait, et tâchait d’oublier les horribles images qui la hantaient. La croisade de son époux en terre impie lui paraissait interminable, les oiseaux se faisaient de moins en moins fréquents jusqu’à ce que les lettres disparaissent totalement. Plus aucun mot de réconfort, plus de messages tendres. La Dame était désespérée.

     Le mois suivant, après trente jours d’incertitudes, de craintes, de torture, de supplice, on vit apparaître dans le lointain l’armée du seigneur Hilgrim. Leur étendard était noir de deuil, signe d’un grand malheur, d’une tristesse sans nom . Le signe qu’un des membres de la croisade avait rencontré un destin fatal. La Dame était morte d’inquiétude lorsqu’elle aperçut les membres de l’expédition, la mine sombre, porter deux cercueils aux couleurs des duchés de Mortelune et d’Hilgrim. Le Seigneur était tombé, le frère d’Elanore avait donné sa vie pour le protéger.

     Les survivants de la croisade, un fiasco absolu, firent le conte d’une armée innombrable de squelettes dans les terres de Khemri, les anciens rois des tombes de Nehekhara s’étaient relevés, et ils étaient avide de pouvoir, et leur terres désertiques, jalonnées de pyramides et d’anciens temples oubliés. Ces terres inhospitalières ont repris leur droit sur le Vieux Monde et nulle terre n’est plus à l’abri.

     Dame Elanore était au bord du suicide. Son frère, son époux, deux êtres qui lui étaient aussi chers que la prunelle de ses yeux, victimes tous deux du même mal. Mais l’abandon de la vie était trop facile, elle avait besoin d’autre chose. Il lui fallait la vengeance. La vengeance, ce sentiment qui s’insinue comme un poison dans les veines. Oui, c’était cela, seule la disparition de ces êtres maléfiques lui apporteraient le repos. La disparition ? Non, l’Anéantissement le plus complet.

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