Pour profiter pleinement de cet époustouflant spectacle que constituent les aventures de Cornelius Skywalker, l’usage du Skywalker sound est fortement recommandé.
La salle était emplie d’une atmosphère bruyante et enfumée, du genre que l’on trouve dans toutes les histoires d’héroïc fantasy. Un vieux nain, un figurant qui depuis des décennies déjà arpente les tavernes des mondes fantastiques en tous genres, et ce contre un cachet somme toute ridicule, restait là assis, sa pipe à la bouche, d’un air de dire : " qu’est-ce qu’on se fait chier ! " ou encore " faudra que je pense à acheter du pain en rentrant " ou ce genre de trucs qu’un mec qui s’ennuie à mourir peut bien penser. Et c’est là qu’advint l’incroyable, le merveilleux, que dis-je, le grandiose : Cornelius lui marcha sur le pied.
-Ouh punaise ça fait mal ! Dit le nain.
Pour la première fois de sa longue carrière, il avait eu son dialogue. Un dialogue longuement répété chez lui, devant un parterre conquis (sa bonne et son chat, un public pourtant réputé difficile). Un dialogue tel que Michel Audiard n’aurait jamais pu en écrire. Ce soir là, lorsqu’il rentra chez lui, l’euphorie le poussa même à se servir une tranche de salami en rab en regardant la télévision. C’est dire. Donc, Cornelius venait de marcher sur le pied du nain. Mais à quoi bon un tel déchaînement de violence insoutenable, me direz-vous : ce n’est certes pas une simple pulsion sadique de la part de votre auteur favori (je parle de moi, là) qui est à l’origine de ce débordement, ça non ; mais simplement tout ceci n’avait d’autre but que d’avertir les lecteurs les plus sensibles, et je sais qu’ils ont dû être nombreux à être choqués par ces quelques lignes, avant un épisode dont la teneur en hémoglobine devrait sans doute dépasser celle de tout ce que vous avez pu voir auparavant, à condition de ne pas avoir vu grand chose de violent jusqu’ici. Maintenant, que ceux qui ont compris quelque chose à cette phrase aient l’amabilité de quitter tout de suite cette page, et à ceux-là je ne peux que recommander par ailleurs vivement un site web qui sera sans doute plus proche de leurs considérations : http//www.jeanpaulsartre.com/. Oui, je sais, on va encore dire : " quel homme, ce nain, il est prêt à aider des confrères qui n’ont pas eu la chance de connaître la même renommée que lui ", mais bon, c’est moi, ma grandeur d’âme, je n’y peux rien. Bon, donc Cornelius se trouvait dans cette grande salle enfumée, sans doute un ancien abattoir étant donné l’odeur méphitique qui régnait sur les lieux et qu’on ne pouvait guère attribuer en toute objectivité qu’aux seuls cinquante primates dégénérés qui se trouvaient là. Ah oui, quand même, qu’on se comprenne : quand je parle de cinquante primates dégénérés, il s’agit bien sur d’un échantillon représentatif de la population de l’Empire (mes amis représentants de cette noble nation à warhammer se reconnaîtront ;-)), et non pas de vulgaires anthropoïdes, bien évidemment. Notez que j’essaie d’élever le niveau, bien que cela ne me soit pas aisé. Donc, si tout ce beau monde (enfin, façon de parler) s’était réuni, c’était pour assister à un match de lutte clandestine et très très violente™ . En gros, deux types se tapent dessus pendant que d’autres types les regardent en mangeant des cacahuètes, en buvant de la bière et en se comportant de manière générale de façon à paraître le plus arriéré possible. Rien d’étonnant donc, que ce sport connaisse un si phénoménal succès à travers tout l’Empire. Mais si cette soirée était spéciale pour Cornelius, c’était pour deux raisons : d’abord parce qu’il avait pour la première fois l’occasion de voir en action ses deux idoles, les deux lutteurs les plus renommés du vieux monde, c’est à dire Million dollar man Ted Dibiase et Gavin Thorpe (ben oui, Gavin Thorpe. Allez, avouez, entre nous, qui ne l’a jamais imaginé en catcheur professionnel ? Comment ça personne ?) et parce qu’en plus, il venait de faire une découverte fondamentale : les cacahuètes. Ben oui parce que Tatooïne c’est bien joli, mais y a pas de cacahuètes sur cette planète. Des vaisseaux spatiaux, des monstres en tous genres (un peu comme chez nous en fait), mais pas de cacahuètes. Donc Cornelius, depuis le début de la soirée, restait assis dans les gradins, comme une sorte de hamster lobotomisé, à grignoter ses cacahuètes sans prêter la moindre attention au spectacle.
" Drôlement bonnes ces cacahuètes ", fit-il pour meubler l’atmosphère. " Rien à voir avec d’autres cacahuètes, par exemple ".
" J’oubliais à quel point tu pouvais être CONnaisseur " répondit Subconscient sans enthousiasme.
" Tu n’aimes pas les cacahuètes, toi. Remarque, ça ne m’étonne pas. Tu ne manges presque rien. "
" Je ne mange ABSOLUMENT rien. Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, je suis éthéré. Sans consistance. Le genre de truc qui ne facilite pas la digestion. "
" Tout de suite obligé de chipoter, continua le Tatooïnien. Mais ça ne m’étonne pas : dès que je t’ai vu, je me suis dit : Cornelius, méfie-toi. Mais laisse-moi te dire quelque chose : qui n’aime pas les cacahuètes n’aime pas les gens. "
" C’est donc sur cette haute pensée philosophique que se clôt le débat de ce soir. Et à demain " Acheva donc Subconscient.
C’est à ce moment là que se produisirent deux événements à priori sans rapport aucun : Gavin descendit du ring et Cornelius s’étrangla avec une cacahuète. Mais une cacahuète en entraînant une autre, c’est un vrai torrent à base d’arachide qui sortit d’une manière ma foi fort peu poétique de la gorge de Cornelius et qui submergea notre bon catcheur/journaliste (le quel est le plus farfelu, je vous laisse seuls juges). Bien qu’on eût pu objecter que ça ne se voyait pas trop sur son t-shirt, ce dernier ne sembla guère apprécier la chose et s’empourpra de manière à ressembler à un type en colère qui vient de se faire vomir dessus. Et c’est dans ces mots qu’il s’exprima (je vais essayer de faire autant de fautes que dans ses articles, mais je ne suis pas sûr de pouvoir rendre justice à sa créativité débordante dans ce domaine) :
-Oh putain tu m’as vomi dessus dais cacaa houette !
Et, parce qu’il doit bien se passer quelque chose dans cette histoire :
-Je te défie ! deux mains, m’aime heure,, même en droit ! rugit Gavin. Moi et Ted Dibiase contre toit et nain porte qui !
-Mais qu’est-ce que tu me wacontes là ? Fit Cornelius dans une fort cocasse imitation d’Arnold et Willy. Tu veux te battre ? C’est d’accord ! Continua-t-il avec un entrain qui tira Subconscient de sa torpeur. Puis, après une salutaire mais tardive réflexion : non, tout compte fait, demain je peux pas, c’est jour de lessive allez, sans rancune ! Au fait, tu voudrais bien me signer un autographe ?
-Paquet stion ! Tas intérêt à te poing tté sinon jette retrouverai et puis je te tue Ray.
-Et ben ! J’aimerais pas me retrouver à la place de ce Ray, c’est moi qui te le dit. M’est avis qu’il va passer un sale quart d’heure, hé hé !
Ce dialogue au demeurant passionnant aurait pu s’éterniser sur de nombreuses pages, mais comme toutes les choses, même les pires, ont une fin, Gavin décida de regagner son vestiaire au terme de fascinant échange, bien qu’il n’ait sans doute pas formulé sa pensée avec autant de mots dépassant les deux syllabes. Quoi qu’il en soit, la soirée arrivait maintenant à son terme, et Cornelius, accompagné de Subconscient et d’un puissant arôme de cacahuètes tentaient de se faufiler parmi la masse con-pacte des Impériaux. Lorsqu’enfin il fut sorti du bâtiment, il décida de flâner un peu sur les rives du Reik, histoire bien digérer toutes ces cacahuètes.
" je crois que je vais faire une petite promenade digestive sur les rives du Reik, moi. "
" Franchement, j’aurais jamais cru que tu oserais nous ressortir le gag du type qui répète tout une bonne trentaine de fois " répondit Subconscient bien qu’on ne lui ait pas posé de question.
Durant plusieurs minutes, le seul bruit qu’on entendit fut le pas de Cornelius.
" Au fait, on est dans le Middenland ici. Le Reik coule à plusieurs centaines de lieues d’ici, tu sais. "
" C’est vrai, tu as raison, continua Cornelius. Je me demande ce que je ferais sans toi. Allez, on a intérêt à se presser si on veut rentrer avant le couvre-feu. "
Subconscient, fidèle à ses habitudes, était sur le point de formuler une objection lorsque tout à coup une silhouette se découpa sur le bord de la route :
-Hum-hum, fit une voix désincarnée.
-Une pastille de menthe ? Proposa Cornellius.
L’apparition avança dans la lumière et le Tatooïnien put la contempler longuement. S’il avait fallu la décrire, et bien en fait on aurait exactement dit JRR Tolkien avec ce qu’il faut de transparence et de couleur verdâtre pour ressembler à un fantôme.
-Ah, je vois, fit Cornelius. Vous vous êêtes passés le mot. Vous non plus, vous n’êtes pas un gros mangeur, pas vrai ? Et bien, vous voyez Subconscient ? Ah non, c’est vrai, vous pouvez pas le voir. Ben lui non plus y mange pas beaucoup. C’est dommage, c’étaient de bonnes pastilles à la menthe. Seulement deux calories, en plus. Vous comprenez, je fais attention à ce que je mange. D’un autre côté, vous avez pas l’air de comprendre.
Ce fut au tour de Tolkien d’étudier Cornelius de la tête aux pieds, sans un mot. Puis, finalement, d’une voix sépulcrale :
-Je crois savoir qu’actuellement un diffférent vous oppose à un certain Gavin Thorpe, et il se trouve que moi-même j’ai quelques comptes à régler avec lui. Donc, l’occasion semble parfaite et je vous propose mon aide dans les épreuves qui vous attendent demain.
-Vous voulez dire que vous voulez faire un match de catch à quatre avec moi contre Gavin Thorpe et Million Dollar man Ted Dibiase ?
-Je veux dire : " je vous propose mon aaide dans les épreuves qui vous attendent demain. " Mais disons que votre version suffira pour cette fois.
-Yeaaaaah baby ! Fit Cornelius. Puis, deevant le regard pour le moins circonspect de Tolkien : C’est cool alors. On va leur casser la gueule ! Dit-il avec une pointe de virilité mal contenue (mais qu’est-ce que je raconte comme conneries, moi !).
Fin
Non, eh, j’déconne, c’est pas fini ! Vous suivez pas, ou quoi ? Et le super combat à venir, alors ?
Donc Cornelius passa la journée du lendemain à s’entraîner, un peu comme Stallone dans Rocky. A moins que ce soit dans Rocky 2. Ou peut être dans Rocky 3, celui avec Mr T. Quelle bouse ce film ! Enfin, en tout cas, notre bon héros fit un jogging dans les rues de Middenheim avant de rentrer en charrette, le souffle court ; il s’essaya aussi au punching-ball, quelques minutes du moins avant d’abandonner par KO. Tout ça pour dire que ledit soir venu, il était plus près que jamais, ce qui ne signifie finalement pas grand chose quand on connaît la condition physique de notre Tatooïnien préféré (que ceux qui ont pensé à Luke Skywalker quittent immédiatement cette page !). A l’heure J, au jour H, à moins que ce ne soit l’inverse, il attendait fébrilement le spectre de Tolkien devant le lieu L, c’est à dire l’entrepôt du début pour ceux qui n’auraient pas suivi. Il était donc fin prêt pour le combat C. Enfin, toujours est-il que finalement Tolkien arriva , vêtu d’un peignoir en lamé violet, qui aurait été de mauvais goût s’il n’y avait eu le teint verdâtre cent pour cent spectral de l’écrivain-fantôme-catcheur. Là, c’était carrément ignoble.
-Alors, prêt ? Questionna Tolkien, tout en mimant des coups de poings dans le vide, comme si ça avait put lui donner l’air d’un vrai lutteur.
-Tu rigoles ? Fit Cornelius. J’étais prêêt dans le ventre de ma mère, dit-il avec assurance.
-Bon, je suppose que je vais prendre ça pour un oui. Allez, allons-y !
C’est ainsi que nos héros firent leur entrée dans l’arène, sous les vivats d’une foule en délire. Enfin, on aurait eu du mal à dire s’il s’agissait d’un enthousiasme incontrôlé vis à vis de nos héros, ou plus simplement des navrantes conséquences de la consommation excessive de liqueurs en tous genres, ou encore du résultat de siècles de mariages consanguins, mais les impériaux en tous cas beuglaient de tout leur saoul (c’est le mot) tandis qu’au milieu de ce chaos la voix nasillarde d’un commentateur tentait de se faire entendre :
-Mes dames et messieurs... commença-t-il aavec emphase. Dans le coin droit, nos deux champions, les légendes vivantes de la lutte clandestine et très très violente™, ... Milliooon dollar man Teeeed Dibiase et Gavin Thooooorpe !!!!
Nouvelle salve d’acclamations tandis que les deux combattants se livraient à une gestuelle ma foi fort réussie, un peu comme si Pouic Pouic s’était essayé au Haka. Un spectacle assez terrifiant, donc.
-Et dans le coin gauche, venu tout droitt de la lointaine Tatooïne, le Louis de Funes de la désarticulation, Corneliuuuus Skywalkeeeuuuuuuuuuuuur !!!!
Rien du tout.
-Et pour faire équipe avec lui, venu de la rue sombre à côté qui mène sûrement vers le Reik, JRR Tolkien, le seigneuuuuur du Riiing !!!!!
" Devant ce jeu de mot faisandé au dernier degré, je me désolidarise de cette histoire " fit Subconscient.
Quelques applaudissements arthritiques fusèrent.
-C’est qui, eux ? Questionna Cornelius een désignant du doigt les quelques supporters de l’insolite duo, tous en état de décomposition avancée.
-Oh, eux ? Répondit Tolkien. C’est justee mon fan club, les Nazes Goules.
" Mais que fait la censure ? " Commenta un Subconscient désespéré.
Il y eut un petit son de cloche et Cornelius sut qu’il devait combattre dès le moment où sa tête fut violemment projetée contre un des poteaux au coin du ring. En fait, le fait qu’il soit ou non au courant du fait qu’il soit censé se battre ne changea pas grand chose, et les cinq minutes suivantes furent remplies de ’ouïe !’, de ’ouch !’, et d’onomatopées du même genre. Une énième fois, notre Tatooïnien vola au tapis.
" C’est bon, mon gars, fit Subconscient. Je sens qu’ils fatiguent. A mon avis, ils vont pas tarder à demander grâce ".
Ignorant les sarcasmes, Cornelius tenta de se relever pour faire le changement*. C’est alors qu’il put se rendre compte d’une des difficultés majeures du catch à quatre avec un fantôme : l’intangibilité. Ben oui parce que ça a l’air de rien dit comme ça, mais c’est loin d’être évident de taper dans la main d’un type qu’on ne peut même pas toucher. Et ce fut pour notre Tatooïnien, une, comment dirai-je...douloureuse découverte, et le mot est faible. Passèrent donc quelques minutes supplémentaires durant lesquelles Cornelius eut tout le loisir de méditer sur sa toute nouvelle condition de punching-ball. Gavin s’en donnait carrément à cœur de joie, avec entre autres une belle " clay de boia " comme diraient les commentateurs du catch, suivie d’une " souwpless " qui envoya notre héros, où du moins ce qu’il en restait hors du ring. Ce joyeux massacre aurait pu s’éterniser sur de nombreuses pages, mais comme je commence à être à cours d’imagination, il se trouve que le molosse, un prénommé Dédé dont la musculature était à peine suffisante à soutenir la couche d’ignorance crasse dont il se faisait une vraie carapace (un impérial, quoi), se trouva fort marri de voir un tatooïnien volant lui atterrir dessus avec fracas, et monta sur le ring avec une expression de fureur dans le plus pur style ’je-suis-atteint-d’une-grave-paralysie-faciale-et-j’en-suis-très-fâché’ (décidément, citer deux fois Stalone dans un même chapitre, ça vire à l’obsession). Deux temps, trois mouvements plus tard, Gavin et Ted Dibiase se retrouvaient au tapis, bien que sous le tapis eut peut-être été plus juste étant donné qu’il fallut plusieurs heures aux officiels pour les désincruster du ring. Cornelius, lui fêtait dignement son succès, en dégustant, vous l’aviez deviné, un paquet de cacahuètes en compagnie de JRR Tolkien.
-Conclusion de Cornelius : vous saviez que si dans les paquets de chips, les plus petits morceaux restent au fond, c’est à cause de phénomènes physiques complexes impliquant notamment la mécanique quantique ? Etonnant, non ?
-Conclusion de Gavin : sel à faute Dédé !!
-Conclusion de Tolkien : Je ne comprend toujours pas ce que je fais là.
-Conclusion de Subconscient : Personnellement, j’avais préféré l’original chanté par Frank Sinatra.
-Conclusion du nain figurant : j’adore le salami.
-Conclusion du lecteur : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
Fin
*Faire le changement : terme technique signifiant ’taper dans la main du coéquipier pour que celui-ci prenne votre place sur le ring’. Dans ce cas précis, on supposera que ledit coéquipier se porte volontaire pour combattre, ce qui constitue une irréfutable preuve que le catch est truqué.CQFD.