Donc Thorval entra dans la salle, et sur lui se posèrent les regards admiratifs des villageois, et celui, moins concerné, de Cornelius. C’était un colosse à la musculature pour le moins impressionnante (je parle de Thorval, pas de Cornelius, bien sur), vêtu d’un simple pagne en fourrure d’une bête qui aurait sans doute préféré connaître un autre sort.
Il semblait satisfait de son entrée et, devant l’attitude des paysans, décida de sortir le grand jeu : sous le regard à présent sidéré de Cornelius, il prit plusieurs poses successives, bandant tous ses muscles de manière à faire ressortir le moindre détail de sa morphologie (dont un détail qui n’était pas des moindres, et qui dépassait malencontreusement de son pagne). Puis son attention se porta sur notre héros, qui ne sachant que faire, prit à son tour des poses qui ne mettaient à vrai dire pas grand chose en valeur. Ce spectacle que beaucoup (notamment parmi la gent féminine, car chacun le sait, c’est bien la femme qui est la plus cruelle créature sur terre, et c’est aussi vrai dans le vieux monde, même en tenant compte des dimensions infernales*) auraient qualifié de pathétique ne parut pas faire grande impression sur le barbare qui saisit le Tatooïnien par l’épaule et le traîna jusqu’à l’extérieur du bâtiment sans grand ménagement. Cornelius, dont la tenue ne ressemblait plus à grand chose, mis à part peut-être un chiffon qui aurait servi pour faire la poussière dans ma chambre, allait faire une remarque quant au traitement qu’on lui infligeait, lorsque son bon sens- ou une intervention de Subconscient- lui rappela qu’il mesurait à peu près le quart du barbare en hauteur et qu’il était au mieux épais comme sa jambe. Il se contenta donc de se relever péniblement, lorsqu’il remarqua qu’un autre paysan approchait, tenant par la bride deux chevaux. Enfin, plutôt un cheval et demi, car l’autre bête avait sans doute du servir de monture à Sigmar lors de ses conquêtes tant elle semblait vieille et, en un mot, mal fichue. Oui bon je sais ça fait deux mots mais bon ça correspond bien à ce que je voulais dire à lors on s’en fout. Enfin, l’état de cette vieille carne n’inquiéta pas Cornelius qui de toute façon n’avait jamais vu de cheval. Il était par contre juste un petit peu terrifié par le fait de devoir côtoyer l’animal, se rappelant une mésaventure remontant à l’époque où son père l’amenait tous les week-ends au ranch des bantha jusqu’à ce triste jour où un des animaux, sans doute atteint de nombreuses tares visuelles, avait pris notre héros pour une femelle en chaleur. Autant que je vous rassure tout de suite, cette malencontreuse confusion n’avait pas eu les conséquences que vous pourriez imaginer ; mais le petit Cornelius ne garda pas un bon souvenir, et on le comprend, de s’être fait piétiné par un animal en rut (le lecteur attentif aura sans doute remarqué que notre héros a eu une enfance difficile, information somme toute tout à fait inintéressante). Conduire une charrette, passe encore ; mais monter un de ces bestiaux... Se remémorant les conseils de sa psychologue, il entreprit de vaincre sa crainte et de monter sur la bête. Il commença à l’examiner longuement, d’un air sérieux, comme le ferait quelqu’un qui a une longue expérience du " paraître intelligent avec peu de moyens**". Il recula lentement, avec méticulosité, comme le ferait un scientifique qui chercherait à démontrer une théorie, et, tout à coup... Tout à coup, un petit test pour éveiller l’intérêt des lecteurs :
Il s’enfuit à toutes jambes, à l’opposé des villageois et de Thorval.........................................réponse A
Prenant son élan, il bondit sur l’animal (par ailleurs assez surpris) et tomba lamentablement de l’autre côté, emporté par son élan.....................................................réponse B
Il sauta sur Thorval, saisit son épée et massacra tous les villageois.......................................réponse C
Je mets mon clignotant et j’attends pour tourner...............................................réponse D
Pour ceux qui ont mis A : Bien essayé,... mais complètement faux. Ceux qui ont mis C jouent sans doute une armée de guerriers du chaos de Khorne ; je me moquerais bien, mais étant moi même passé par là, mieux vaut peut être que je me taise... Vous avez marqué D : alors là, je sais ce que c’est et compatis sincèrement. Les plus intelligents d’entre vous l’ont peut-être deviné par élimination (à moins que, comme mon frère me l’a fait remarquer, lire -et à plus forte raison écrire, a-t-il dit, cet hérétique- cette histoire est bien un signe d’absence d’intelligence), c’est bien la réponse B qui se réalisa ; et Cornelius se retrouva de nouveau dans la poussière, sous les quolibets des paysans hilares. Mais, une nouvelle fois, Thorval, peu ému par ce spectacle, releva le Tatooïnien, et le mis en selle d’un seul bras, sans bien sur oublier de garder la pose un instant, un grand sourire pas tout-à-fait-émail-diamant-mais-presque vissé sur le visage, que les gamins du village puissent pousser leurs soupirs admiratifs (on notera au passage que les gamins étaient fin prêts à prendre la relève de leurs aînés). On posa un lourd sac de cuir usé empli, pour la plus grande joie de Cornelius, de provisions ; fait totalement anodin à moins que l’on se place du point de vue de sa monture, qui manqua de s’effondrer sous le surplus de poids. Tout d’un coup, les deux chevaux se mirent en route ; et c’est alors Cornelius lui-même qui manqua de s’effondrer lamentablement, occupé qu’il était à adresser des sourires de vainqueur à une bande de gamins pas vraiment réceptifs. Il lui fallut quelques minutes pour s’habituer à voir le paysage défiler devant lui par cahots, encore trop rapidement à son goût bien que quelques villageois continuaient à les suivre à pieds sans effort apparent. Puis le village s’éloigna, lentement, et bientôt les derniers paysans à s’attarder ne furent guère plus que des silhouettes dont la similitude n’était à vrai dire pas plus flagrante que lorsque Cornelius les avait vus de plus près. Les deux aventuriers, puisqu’on peut dès lors les appeler ainsi, entrèrent enfin dans ce qu’un géographe sans imagination avait appelé Bois Obscurs ; et la monotonie prit rapidement Cornelius dans son étreinte, du moins après qu’il eut décidé de stopper ces recherches sur les signes révélateurs de la présence d’ewoks dans la forêt en question et renoncé à fouiller le contenu de son sac à provisions, de peur de tomber une nouvelle fois d’Ernest (car c’est bien de ce doux patronyme que le Tatooïnien avait décidé d’affliger son cheval). Et puis il remarqua enfin quelque chose de tout à fait accessoire à l’histoire mais qui lui parut sur l’instant capital pour son avenir en tant qu’aventurier -à condition qu’il en ait un-, à savoir : la pose. Et, bien qu’il l’ignorât peut être, Thorval lui donnait un exemple vivant du poseur accompli, ce que mes lecteurs les plus vifs (je ne désespère pas) avaient sans doute compris. Roulements d’épaules, attitude apparemment nonchalante mais qui met en valeur chacun des muscles du barbare, expression tranquille mais pleine d’assurance, pour peu que ses parents l’auraient appelé Aldo qu’il n’y serait rien manqué. Alors, tant bien que mal, Cornelius tenta de l’imiter, avec les moyens du bord. Cette soudaine activité que j’oserai qualifier de trépidante sembla sortir Subconscient de sa torpeur :
" Qu’est-ce que tu trafiques, cette fois-ci ? "
Pas de réponse.
" Oh, je vois, tu t’es mis en tête de ressembler au cratère sur le cheval à côté, c’est ça ? " Essaya-t-il.
" Ah, tiens, te voilà ? " Lui répondit enfin le Tatooïnien " je ne comprends pas. Quand c’est lui qui le fait, c’est cool, mais quand je l’imite, y un truc qui va pas. Tu aurais pas une idée, toi ? "
"... Tout est dans le pagne " fit Subconscient qui venait de découvrir le concept de diplomatie. Et celui de jeu de mot, bien involontairement.
*Je sais que je peux me lâcher ici puisqu’il est notoire qu’aucune fille ne s’intéresse à Warhammer ! :-).
**Pour ceux que ça intéresse, je prépare une thèse sur le sujet.