Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

Les combats se poursuivirent tout le jour, et au crépuscule de nombreux guerriers étaient tombés et leurs cadavres jonchaient le champ de bataille. Cependant, aucun des deux camps n’avait réussi à prendre un avantage sur l’autre, et à la tombée de la nuit les combattants se séparèrent peu à peu, dans l’impossibilité de continuer un combat dans l’obscurité la plus totale. Kundïn eut du mal à raisonner certains Tueurs qui étaient prêts à se battre à la lumière des torches s’il le fallait, mais il réussit à leur faire admettre que beaucoup de leurs ennemis étaient avantagés par les ténèbres, comme les Gobelins de la nuit, et que se précipiter sur leurs lignes équivalait à courir au suicide. Il chargea les plus fougueux d’entre eux de la garde du camp de l’alliance, tâche difficile et indispensable car leurs ennemis enverraient certainement des assassins dans la nuit. Les Tueurs grommelèrent mais finirent par se ranger à son avis.

Kundïn, harassé et couvert de blessures dont certaines saignaient encore, s’apprêtait à regagner la tente des généraux où une réunion des chefs d’armée était prévue, quand il entendit quelqu’un l’appeler dans sa langue natale.

Il se retourna et vit un vieux Nain qui pressait le pas dans sa direction. Il reconnut immédiatement le vieux guerrier "Longue-Barbe" :

<< Par Valaya ! Bifur Borrison ! Cela fait des années que nous ne nous étions plus rencontré.

- Trente-deux ans exactement. Comme tu le vois, je suis toujours de ce monde, fit le Nain dans un sourire, découvrant une mâchoire à moitié édentée. Je fais partie du régiment de Longues-Barbes qui a été appelé en renfort. Lorsque j’ai su que tu étais dans le camp, je me suis mis aussitôt à ta recherche...

- Quelles sont les nouvelles de la forteresse ? Demanda aussitôt Kundïn. Cela fait si longtemps que je ne l’ai pas vue...

- Plutôt bonnes dans l’ensemble ; tout le monde se porte bien. Nous avons subi un assaut d’hommes-bêtes au printemps de l’an dernier, et il y a eu quelques dégâts. Peu de morts, mais... >> Le visage du vieux Nain s’assombrit.

<< Eh bien, quoi ?

- Ta pierre, Kundïn. Ta pierre runique a été brisée, et ils ont emporté les morceaux. >>

Le Tueur baissa les yeux, et la détresse se lisait sur son visage. Sans dire un mot, il s’éloigna et disparut dans l’obscurité en direction de la tente des généraux. Resté seul, Bifur dit à voix haute, pour lui-même :

Lentement, les guerriers d’argent regagnaient le campement de l’alliance, leurs armures reflétant la pâle couleur rouge du soleil couchant.

Le combat avait été rude ; et si les tireurs avaient pu stopper l’ennemi sous une grêle de projectiles mortels, la contre-attaque sanglante n’avait pas eu le résultat espéré ; pire encore, sans l’arrivée de renforts sylvains, les Nains, les impériaux et les Elfes se seraient retrouvés totalement encerclés par l’ennemi, coupés du reste de l’armée et condamnés à une destruction certaine.

Les survivants regagnaient maintenant la sécurité des palissades de bois, jetant un regard fatigué sur le génie militaire des ingénieurs nains et impériaux, qui en l’espace d’une journée, avaient réalisé ce camp retranché.

Bien à l’abri derrière les douves remplies de piques, protégés par les miradors de guet, les combattants fatigués se reposaient enfin, livrant aux renforts nains et impériaux le récit de leur folle charge.

Réunis dans la tente de commandement, les seigneurs Mercusio, Kundïn, Karek Longue-Barbe, Fingolfin et Malleyron tentaient de se mettre d’accord sur la suite des opérations. Tous parlaient d’une voix grave. Car en cette sombre nuit, les seigneurs portaient le deuil de l’Archimage Lorindil d’Yvresse.

Le vieux nain acquiesça en silence.

<< Pour ma part, je préconise une attitude défensive, rien ne sert de se séparer, mieux vaut attendre l’ennemi à l’abri de ces fortifications. L’interrompit Malleyron.

- Et se retrouver encerclés par l’ennemi ! Vous n’y songez pas, Malleyron ! explosa Fingolfin.

- Les siècles d’isolement de votre peuple vous ont abruti l’esprit, Seigneur des Forêts ! La défense, voilà ce qui me permit de triompher des Druchii...

- Vous n’êtes pas en Ulthuan, Malleyron ! l’interrompit Mercusio. Nos ennemis sont différents, et plus nombreux. Nous devons les déborder au plus vite, afin de provoquer dans leurs rangs un vent de panique, et ainsi les mettre en déroute !

- Stupide humain ! hurla le Haut Elfe. Même les nabots savent que la défense est la seule manière de venir à bout de l’ennemi ! >>

A ces mots, Kundïn lança un regard noir à Malleyron qui se sentit mal à l’aise et détourna les yeux du Tueur.

<< Si Lorindil était encore en vie, il saurait vous faire taire ! lança Mercusio.

- Mais il est mort, dévoré par sa folie ! Et maintenant, c’est à moi qu’incombe la responsabilité de sa mission ! Je suis désormais le représentant de Finubar, ne l’oubliez pas ! se vanta Malleyron.

- Usurpateur ! lança Mercusio, dégainant son épée. Traître à ta race ! Tout le monde sait ici que c’est toi qui as donné l’ordre de la retraite, dans le but d’abandonner Lorindil !

- Encore un mot, chiens d’êtres inférieurs, et je vous... >>

La tente s’ouvrit subitement, laissant pénétrer Lorindil ; sa tunique et sa robe couvertes de sang âcre, son épée traînant négligemment sa pointe sur le sol de terre battue, tenant dans sa main gauche la tête d’un énorme orque noir. Une foule de curieux avait suivi l’archimage et ses maîtres des épées depuis leur arrivée triomphante dans le campement. Une clameur montait maintenant dans tout le campement ; les Elfes d’Yvresse hurlant leur joie et bénissaient leur déesse Morai-Hegg. Luthien accompagnait son amant. Kundïn remarqua alors que la sorcière portait fièrement à son cou l’énorme rubis runique du mage.

<< Désolé pour le retard, une prophétie et une vengeance mineure à accomplir... salua le mage, posant brutalement la tête de l’orque sur la table de chêne, le sang âcre effaçant l’encre des cartes étalées dessus.

- Vous ! Mais... bredouilla Malleyron.

- Oui, moi. A ce que je vois, vous n’avez pas attendu mon retour pour briser l’alliance... >>

Malleyron et Mercusio rengainèrent leurs épées, et les Nains baissèrent leurs haches.

<< Lorindil ! s’écria Kundïn. Je savais bien qu’ils vous enterraient un peu trop vite... Joli morceau, commenta-t-il aussitôt en désignant la tête d’orque d’un air admiratif.

- Je vous apporte une bonne nouvelle, pour ma part. Il n’y a plus de gobelins.

- Comment ça ? Demanda Fingolfin.

- La mort de leur chef ici présent les a en quelque sorte convaincus d’abandonner la lutte... Quant à vous, Malleyron, je vous ai trouvé un remplaçant pour chevaucher votre dragon : Faereïn ! >> appela-t-il.

Le champion Haut elfe s’avança.

<< Monseigneur ?

- Mets cet elfe aux arrêts, et prépare ton dragon. Demain, nous combattrons et vaincrons !

- Que Morai-Hegg vous bénisse, Monseigneur, à vos ordres ! >> se réjouit le champion, tout en ordonnant à deux de ses hommes d’enchaîner le seigneur Malleyron.

Lorindil se retourna en direction des autres généraux ;

La nuit se passa en discussions stratégiques interminables, et au matin tous étaient épuisés, mais savaient qu’ils conservaient quelques chances de vaincre. Seule la présence dans le camp adverse du Buveur de Sang inquiétait les généraux de l’Alliance : le démon n’était pas intervenu durant la première journée de combat et tout portait à croire qu’il ne resterait pas à rien faire encore un jour. La bataille serait terminée selon toute vraisemblance au soir du deuxième jour, et les deux armées allaient jeter toutes leurs forces dans un ultime assaut. L’absence de vivres sur place empêchait en effet une guerre de positions, et chacun des deux camps avait intérêt à en finir le plus rapidement possible tant que les troupes étaient encore en mesure de donner le meilleur d’elles-mêmes au combat.

Le jour était à peine levé que déjà la plaine grouillait de combattants. Comme l’avait prédit Lorindil, il ne restait plus aucun Gobelin présent sur le champ de bataille, et même si les troupes ennemies paraissaient fortement diminuées par rapport à la veille, leur nombre n’en était pas moins respectable et surpassait encore celui des forces de l’Alliance.

Le combat s’engagea comme la veille par un duel d’artillerie, semant la mort parmi les rangs des fantassins des deux camps. Kundïn, à la tête de ses Tueurs, s’avançait fièrement en première ligne. Il avait attaché au manche de sa hache un lambeau de bannière orque qu’il avait pu arracher à l’ennemi la veille et qu’il brandissait comme trophée, défiant de la voix les troupes ennemies en montrant bien haut sa prise. Les cris de joie de son régiment roulaient sur la plaine dans la langue âpre des Nains et semblaient résonner dans le cœur des ennemis. Les Tueurs de Trolls avaient désiré rester seuls pour cette dernière journée, probablement par orgueil, ne voulant partager leurs exploits avec personne d’autre malgré leur attachement à leurs alliés. Seul Tricromnur avait été autorisé à les accompagner, ne voulant pas abandonner son ami Nain.

Les régiments d’infanterie elfe se déployèrent en silence, protégeant de leurs armes étincelantes les centaines de tireurs disposés sur les faibles hauteurs de la plaine. Une position idéale pour tenir et balayer les premières lignes ennemies, le moment de l’assaut venu.

Les Elfes avaient préféré suivre leurs meilleurs atouts : puissance de feu et contre charge éclair. Leur mission se résumait à endiguer l’assaut ennemi sur le flanc gauche, tandis que les Nains repousseraient le gros des troupes au centre et que les Humains tenteraient un débordement de flanc.

Lorindil se tenait, silencieux, en compagnie des derniers maîtres des épées, en première ligne. Derrière lui, des dizaines de régiments de lanciers se préparaient au combat. A ses côtés, danseurs de guerre, lions blancs, gardes phœnix et esprits sylvestres regardaient intensément l’ennemi s’approcher.

Des milliers de flèches jaillirent en direction de la marée maléfique, fauchant des milliers de soldats ennemis. Une flèche pour chaque cadavre, telle est la redoutable efficacité des elfes au combat. Dans les cieux, Faereïn et Fingolfin s’élançaient en direction de l’ennemi. Un roulement de tonnerre attira l’attention de l’archimage en direction de sa gauche ; profitant des bois, couverts par les éclaireurs et la cavalerie légère d’Athel Loren, la cavalerie lourde d’Ulthuan s’élançait à la conquête du flanc ennemi.

Le soleil brillait sur la plaine, se reflétant sur les innombrables morceaux de métal des armes et armures des soldats. Mercusio, du haut de son destrier, regardait l’avancée des troupes ennemies, rêveur. L’astre solaire était au zénith, l’heure convenue de l’offensive. Il se redressa sur ses étriers, vérifia les sangles de son bouclier, et sortit son épée de son fourreau. "C’est une belle journée pour mourir, chevaliers ! " hurla-t-il à l’imposant régiment de reiksguard dont il avait pris la tête. "En avant ! Pour l’Empereur et Sigmar !" La terrible cavalerie impériale se mit en branle, couverte par les tireurs humains.

Au moment même où Mercusio lançait sa charge, une série d’éclairs déchira le ciel dans un fracas indicible. La magie de la roue infernale des Skavens venait de frapper de plein fouet un régiment entier de brise-fer Nains, et le général impérial, passant à côté d’eux, ne vit que des cadavres carbonisés là où quelques instants auparavant se tenaient de fiers guerriers en armure. Mercusio frissonna d’épouvante et détourna le regard, se concentrant sur le groupe d’hommes-rats qu’il s’apprêtait à combattre avec ses hommes.

L’armée ennemie s’était élancée comme un seul homme vers les troupes de l’Alliance, et bientôt la plaine ne fut plus qu’un terrible champ de bataille où résonnaient les clameurs guerrières et où les cris des mourants étaient couverts par les battements démoniaques de la Cloche Hurlante skaven. Le maître des runes Nain, ruisselant de sueur sur son Enclume du Destin, avait fort à faire pour empêcher la magie ennemie de submerger ses troupes, et ses deux gardes fidèles le voyaient avec inquiétude chanceler sous les terribles efforts que lui imposaient le contrôle des flux de magie qui passaient par l’enclume.

Soudain, à bout de forces, il s’écria :

Alors qu’il prononçait ces mots, un hurlement terrifiant résonna sur la plaine. Le Buveur de Sang et ses chevaliers du Chaos venaient de se mettre en marche, et une terreur sans nom précédait leurs pas.

, marmonna Kundïn pour lui-même. Autour de lui, ses frères d’armes, conscient que leur sort était scellé, entonnèrent ensemble leurs chants de mort, et se ruèrent avec leur chef à la rencontre des terribles guerriers et du démon qui les chargeaient.

Le choc fut terrible. Des deux premiers rangs du régiment de Tueurs, seul Kundïn survécut à l’impact de la charge des guerriers du Chaos grâce à son expérience des combats. Autour de lui, déchaînant leur furie et leur haine, les chevaliers en armure noire faisaient un carnage parmi ses frères Nains mais semblaient épargner à dessein le chef des Tueurs. Celui-ci comprit en voyant arriver devant lui la plus terrible entité qu’il ne lui eut jamais été donné de combattre. Le Buveur de Sang le défiait en personne.

En quelques instants, tous les Tueurs furent implacablement massacrés et seul Tricromnur resta pour tenir tête aux sbires du Buveur de Sang. Balayant l’air de ses grandes et puissantes branches, il assénait des coups formidables à ses adversaires, mais ceux-ci semblaient disposer d’une protection magique et l’acculaient sans relâche. Kundïn lui jeta un dernier regard puis se retourna pour faire face à son ennemi.

En l’espace d’une seconde, il revit sa vie entière défiler devant ses yeux. Il se remémora ses bons et ses mauvais souvenirs, la raison de son entrée dans l’ordre, si lointaine, ses différents combats contre des monstres toujours plus puissants, ses projets insensés pour la renaissance de la grandeur de son peuple... Il revoyait l’entrevue avec Thorgrim, son roi, il se remémorait la rencontre avec Lorindil, et tout leur cheminement jusqu’à cette bataille finale, ce jour de Grimnir tant attendu. Tout cela prenait enfin sens à ses yeux, et il sut que son destin était accompli. Il ne lui restait plus qu’à mourir en tâchant d’emporter avec lui son terrible ennemi, ce dernier obstacle qui se dressait entre lui et le séjour des Héros. Sans hésiter, il se jeta sur le prince démon.

Sur tout le champ de bataille, les soldats des deux camps détournèrent un instant les yeux vers le lieu de l’affrontement titanesque entre deux de leurs chefs. Le Tueur de Démons semblait dérisoire face à l’immense créature ailée armée d’un fouet et d’une gigantesque épée qui se tenait devant lui, et pourtant la lutte fut longue et acharnée entre les deux adversaires. De cet affrontement, peu de choses sont dites dans le Livre des Jours Anciens, et pourtant aucun de ceux qui survécurent à la bataille ne put oublier le dernier combat de Kundïn. Tous se souvinrent de l’héroïsme du Nain, puis du grand silence qui s’abattit sur eux juste avant que les clameurs de victoire de l’armée des ombres n’envahissent la plaine. Le Prince démon, blessé mais triomphant, brandissait à bout de bras le corps sans vie de son ennemi.

Les membres de l’Alliance furent aussitôt paralysés de stupeur et d’effroi. Mais alors que l’espoir semblait abandonner le camp du Bien, quelque chose redonna courage aux troupes de Kundïn. Fauchant ses derniers adversaires, Tricromnur se dressa devant le buveur de sang et le bouscula de toute sa force dans un hurlement de rage et de colère avant de lui enlever le cadavre du Tueur. Complètement pris au dépourvu, son adversaire ne put que le voir s’enfuir à grandes enjambées, se frayant un passage au milieu des hordes de Skavens et emportant avec lui son ami.

Lorindil exultait. Autour de lui, tout n’était que massacre et victoire. La cavalerie elfe avait pris en tenaille le flanc ennemi, et les fantassins elfes achevaient leur adversaire. Il déambulait sur le champ de bataille, tranchant de sa grande épée chairs et armures, décapitant d’un revers le chef d’une unité de skavens. La bataille était sur le point d’être gagnée, et les Elfes en sortiraient vainqueurs ! Et pourtant, l’inconcevable arriva. Au centre du champ de batailles, une clameur montait. Kundïn venait de tomber...

Luthien avait rejoint le mage haut elfe dans sa charge héroïque, délaissant pour un temps ses archers et épaulant les gardes sylvains de son clan. Lorsque le démon majeur fuit le combat, dix chevaliers princes dragons se lancèrent à sa poursuite, à travers la plaine... Aucun d’eux ne revint. Au contraire. En signe de défi, le démon, blessé, lança le cadavre d’un des nobles princes de Caledor sur le régiment d’elfes le plus proche. L’ultime action de la journée se jouerait entre le Chaos et les Elfes. Et même si l’armée ennemie était en passe d’être anéantie, une victoire du serviteur de Khorne suffirait à faire pencher la balance en faveur des hordes maléfiques... N’écoutant que son courage, Luthien entreprit de bombarder magiquement la créature démoniaque. Lorindil bandait ses pouvoirs magiques, invoquant sans relâche de puissants bannissements.

<< Rien à faire, hurla-t-il à la sorcière ; un charme semble le protéger !

- La Marque de Khorne, elle est trop puissante ! gémit Luthien. >>

Lorindil regarda fixement la créature, puis poussa un soupir de résignation.

conclut-il en désignant l’énorme saphir que sa bien-aimée portait sur son cou. La sorcière hocha la tête, et se rapprocha du mage d’Yvresse. Alors, s’envolant sur un pilier de Finreir, les deux mages entamèrent l’invocation sacrée de l’Epée de la Grande Ridée, la Servante Guerrière de Morai-Hegg, la Championne Banshee. Et dans un halo de lumière, chevauchant une licorne flamboyante, apparut le terrible spectre de Laethenia, fonçant sur son adversaire chaotique. Le pilier se dissipa peu à peu, et Lorindil et sa maîtresse reprirent leur lutte, aux côtés de l’apparition fantomatique, lorsque soudain Lorindil s’écroula, une flèche plantée dans sa poitrine...

Noir. Seulement des ténèbres. Et pourtant, une lumière, une seule, brillant dans les ténèbres de son inconscience...

commenta un apothicaire. Lorindil ouvrit les yeux, dissipant les brumes lui cachant la vue de quelques mouvements de cils. Il avait mal à la poitrine, et souffrait terriblement. Avec peine, il reconnut Luthien, Mercusio et Fingolfin à son chevet, ainsi qu’une forme blanche, en retrait, près de l’entrée de sa tente.

L’archimage tenta de parler, mais sa voix s’éteignit dans un croassement de douleur.

<< Ne te fatigue pas, Mon Adoré ; tu as été frappé par une flèche orque, et tu dois te reposer... fit Luthien.

- Inutile, Lorindil, ils ne peuvent me voir. >> La silhouette se rapprocha, et les traits de Laethenia apparurent.

<< Pour la dernière fois avant ton trépas, nous nous retrouvons... Une belle bataille, gagnée pour ma Déesse. Et pour la Justice. Mais la dernière, Lorindil."

- Je vais mourir... pensa l’archimage. Je vais retrouver Kundïn et ensemble...

- Pas encore, Lorindil, pas encore... Ton destin reste à s’accomplir, et le dénouement approche. Tu vas te reposer, et vivre en Athel Loren le bonheur que nous aurions dû connaître autrefois, en la maison de ton Père. Tu l’as donc trouvée, celle avec qui tu fonderas un foyer... Et comme je te l’ai promis, je la protégerai. Seulement après, tu retrouveras ta sœur dans votre agonie de sang...

- Quelle sœur ? Je ne veux pas que tu partes ! Laethenia... >> murmura-t-il. Les seigneurs elfes s’inquiétèrent, croyant à une nouvelle poussée de fièvre.

lança Fingolfin à l’apothicaire. Faereïn rentra dans la tente, et marqua un temps d’arrêt face au spectre. Pouvait-il donc lui aussi le voir ? Avait-il donc le cœur assez pur pour apercevoir les messagers de sa Déesse ? Ou avait-il déjà résisté à leur cri, trouvant en chemin l’immortalité ? Car le guerrier, pourtant blessé à l’abdomen lors de la destruction des chevaliers du Chaos, semblait en parfaite santé... Le champion de l’archimage s’approcha de son seigneur, et s’agenouilla, les yeux embrumés par les larmes.

Et le spectre disparut.

Les jours s’écoulèrent, longs et paisibles, avant qu’enfin le champ de bataille soit purifié de la présence impie des cadavres ennemis, et que les morts de l’armée de l’alliance aient reçu une sépulture décente. Le corps de Kundïn fut ramené dans sa montagne natale et placé aux côtés de ses ancêtres dans un tombeau de pierre protégé par de puissantes runes.

Lorindil, une fois rétabli, choisit de rentrer en Athel Loren, et de vivre auprès de son épouse, Luthien. Chemin faisant, ils retraversèrent les montagnes grises, avec l’armée d’Ulthuan. Lorsque le moment de la séparation fut arrivé, Lorindil regarda en silence s’éloigner les soldats d’argent de sa patrie. Il n’avait pas dit un seul mot durant les adieux de Faereïn.

Fingolfin et les Nains avaient conclu quelques alliances, avant de se séparer pour traquer les dernières poches de résistance ennemie, tandis que Mercusio rentrait au plus vite dans l’Empire. Les derniers guerriers de l’Alliance encore réunis se résumaient à deux amants, descendant les cols tortueux des montagnes en direction d’Athel Loren. Mais dans son cœur, Lorindil sentait encore la présence du courageux tueur de démons Kundïn. Il ne pouvait accepter que se termine ainsi une telle mission, bénie des Dieux. Il ne pouvait supporter non plus que son destin se joue sans qu’il ait eu son mot à dire. Non, il ne mourrait pas, victime de machinations divines, même si braver son destin impliquait ne jamais revoir Ulthuan. Il retrouverait Kundïn, il le savait. Et la quête de justice continuerait, autre part que dans la mort. Tel était sa certitude, aussi sûr que l’or brille et que les Druchii périraient encore par sa lame. Pour lui, le Jour de Grimnir ne faisait que commencer...

 

FIN

 

Lorindil & Kundïn

7 Avril 2001

Connectez-vous pour commenter