Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 
NB : Ce chapitre est en version Deluxe !

Le soleil était encore bas dans le ciel quand nous nous mîmes en route. Laars chevauchait en tête ; son précieux fusil, attaché en bandoulière, oscillait à chaque pas de sa monture. Je me tenais en retrait, absorbé dans mes pensées. Mes récentes découvertes épaississaient encore le mystère de mon passé et la confusion la plus totale s’était emparée de moi. Pour chaque voile levé, un autre prenait sa place dans une implacable fatalité. Pourtant, je devais faire abstraction de tout cela et me concentrer essentiellement sur les obstacles à venir. Peut-être était-ce aussi pour échapper à mes problèmes que j’avais accepté si rapidement la proposition de Laars ? Une fois de plus, j’allais me retrouver face à des loups...ou quoi que ce soit d’autre, d’après Laars et le Bourgmestre Russ. A ce moment-là, une seconde de concentration pourrait faire la différence entre la vie et la mort.

Tant de victimes... Des loups auraient-ils réellement pu être les auteurs d’un tel carnage, faisant preuve de tant d’acharnement ? En y repensant, ces créatures n’étaient pas si différentes des hommes. De la même façon, elles vivent en société, en meutes, véritables familles au sein desquelles se tissent des liens complexes entre les individus qui les composent. A la manière de la société humaine, ce sont les forts qui dominent les faibles, et pour faire partie de la caste des dominants, tous les coups sont permis. Le loup est capable du pire comme du meilleur : il peut aussi bien tuer un de ses congénères pour montrer sa supériorité qu’être tendre et patient quand il s’agit de faire l’éducation de ses petits. Cette même dualité se retrouve chez l’homme. Mais son côté noir est peut-être plus sombre encore. Ne dit-on pas que l’homme est un loup pour l’homme ?

- Alors Lothar ? Vous semblez bien pensif...

- Je repensais à cette histoire de créaturess des bois. Vous y croyez, Laars ?

- Je crois que l’on vit dans un monde plein de surprises. J’ai pas mal roulé ma bosse, d’un continent à l’autre, et j’ai assisté à des phénomènes pour le moins étranges. Si j’ai appris quelques choses durant ces années, c’est que l’impensable est souvent vrai. Quant à cette histoire de créatures des bois, loups ou hommes-loups, je compte bien mettre un terme à ces attaques !

Je hochai la tête en signe d’approbation, resserrant machinalement le manche de l’épée que m’avait fournie Laars, comme pour conjurer le danger qui allait se dresser sur notre route.

- Je vous suis grès de m’avoir accompagné, LLothar, quelles que soient vos raisons. Croyez-bien que si j’avais eu le moindre doute sur vos capacités martiales, je ne vous aurais jamais proposé de me suivre. Mais je sais reconnaître un bon combattant quand j’en vois un, et il est rare que je me trompe dans mes jugements.

- Je suppose qu’il s’agit d’une question d’hhonneur...

- L’honneur... Que connaît un mercenaire de l’’honneur, me direz-vous ? Vous rappelez vous ce nain hirsute, le soir de notre arrivée à Fiirsburg ? Il s’agit d’un Tueur, et à en juger par l’ampleur de sa crête et ses nombreuses cicatrices, je dirais que c’est un Tueur expérimenté, du genre à qui il ne faut pas chercher querelles. Les nains sont un peuple qui place l’honneur au-dessus de tout, et la caste des tueurs en est la plus singulière illustration. Le guerrier dont l’honneur est bafoué abandonnera tout ce qu’il possède pour suivre la voie du Tueur et vouer alors sa vie à trouver la mort au combat... Il fut un temps où moi-aussi, je me battais pour des idéaux. Mais la vie vous joue parfois des coquins de tours, et sans que vous y preniez garde, le monde qui vous était si familier s’écroule tel un château de cartes sous la chiquenaude du Destin...

Nous gardâmes le silence pendant de longues minutes, absorbés dans nos réflexions, respirant à pleins poumons l’air de la forêt saturé par les effluves entêtants de résine de pins. A mesure que nous progressions sur le sentier encore détrempé par les trombes d’eau de la veille, les arbres se resserraient, se refermant sur nous tel un piège inextricable. Bifurquant sur notre gauche, nous plongeâmes dans la pénombre inquiétante des pins parasols, seulement agités par le souffle irrégulier du vent.

- Les signes sont visibles pour ceux qui savvent les déchiffrer " Fit Laars en pointant le doigt vers le sol. " Ce petit tertre de pierre indique que nous arrivons à proximité de la cabane du garde-chasse. Peut-être pourra-t-il nous renseigner ? "

Le chemin déboucha sur une clairière étriquée, encerclée par de lugubres troncs d’arbres noircis, rendus luisant par le crachin qui s’abattait à présent. Isolée au cœur de ce dédale végétal, la cabane de rondins marquait de façon incongrue la présence de l’homme, seul îlot de civilisation à des lieus à la ronde. Pour autant, je ne me sentais pas rassuré, et le silence surnaturel qui hantait la clairière pesait sur mes nerfs. Je fis avancer prudemment ma monture pour arriver au niveau de Laars.

- Ce n’est pas normal : aucune fumée ne s’éllève de la cheminée ! " Dis-je, conscient qu’en ces glaciales contrées, aucun autochtone sensé ne cesserait d’entretenir la principale source de chaleur de son foyer, alors que les températures pouvaient chuter extrêmement vite.

Laars descendit de son cheval, ramenant lestement son arme entre ses mains. Je sentais le sang pulser dans mes veines, toujours plus rapidement à mesure que Laars se rapprochait de la cabane qui ne trahissait aucun signe de vie. La porte grinça tout à coup, alors que nous n’étions plus qu’à quelques mètres du porche, révélant à nos regards médusés un museau ensanglanté. Un loup famélique se tenait sur le perron, tout aussi surpris de ce soudain face-à-face. Je ne disposais que d’une fraction de seconde avant que Laars n’ajusta un tir mortel.

- Attendez ! Ce n’est pas la bête que nous reecherchons !

Le visage tournée vers moi en une expression stupéfaite, Laars abaissa malgré tout son fusil, le doigt crispé sur la gâchette, tandis que la bête décampait sous le couvert des bois sans demander son reste.

- Regardez, elle n’a que la peau sur les os.. Cette créature n’a rien à voir dans les attaques de Fiirsburg, j’en suis certain.

- J’espère pour vous, car nous tenions là unne occasion en or ! Et tout ce sang alors ?

Je mis pieds à terre et, l’épée hors de son fourreau, j’esquissai quelques pas avec prudence lorsqu’une odeur de mort me prit à la gorge. Luttant contre le haut-le-cœur, j’ouvris la porte entrebâillée, laissant la pénombre reculer sous l’assaut de la lumière du jour. Horrifié, je vis le plancher en bois, rougi de sang jusque dans ses plus minces nervures. Le mobilier avait été réduit en miettes, comme sous l’effet d’une tornade. Et au milieu de l’unique pièce, gisait le cadavre déchiqueté du garde-chasse, prostré sur le sol. Quelle boucherie...

- Par Ulric, que s’est-il passé ici ?

Posant son fusil à ses côtés, Laars s’agenouilla vers le corps sans vie, murmurant une prière muette pour l’âme du défunt. Un hennissement strident retentit soudain. Il se passait quelque chose dehors !

- Attention !

Le verre se brisa en mille éclats quand une forme sombre s’engouffra par la fenêtre de la cabane en grognant. Elle me percuta avec force, m’arrachant l’épée des mains d’un revers de griffes. Laars s’apprêtait à me venir en aide lorsque le fracas dans son dos le força à faire volte-face pour affronter un nouvel ennemi. Une ombre démesurée me barrait la sortie, et je distinguais avec effroi d’autres créatures au pelage noir, couvert de stries, qui entouraient la cabane. Soudain, la détonation du long fusil d’Hochland couvrit les grognements de nos assaillants alors que l’une des bêtes s’écroula, le poitrail déchiré. Laars n’avait pas perdu son sang-froid, rechargeant son arme avec une dextérité aguerrie, sous le couvert d’une table renversée. Sortant de ma torpeur, j’extirpai la dague de ma veste, prêt à vendre chèrement ma vie. Alors que mon adversaire amorçait une nouvelle charge, je le laissai venir, mettant à profit son élan pour l’empaler sur ma lame. Le sang gicla et je me surpris à pousser un cri exalté. Mais cela ne découragea pas les autres qui, toujours plus nombreux, se jetaient sur notre position. La chaleur des combats brûlait dans mes veines, et je m’y abandonnais au risque d’être consumé. Du coin de l’œil, je vis Laars mettre merveilleusement à profit l’exiguïté de la cabane, repoussant les créatures, les unes après les autres. Mais peu à peu, nous cédâmes du terrain, jusqu’à nous retrouver dos-à-dos.

- Nous devons sortir de cette coquille de nooix ! " Cria Laars par dessus le tumulte.

Combinant nos forces, nous progressâmes vers la lumière, mètre après mètre, chacun veillant sur l’autre du mieux qu’il pouvait. Les vêtements en lambeaux, couverts d’ecchymoses et de nombreuses griffures, nous atteignîmes enfin la sortie dans une escalade de sauvagerie. Sans nous laisser le moindre répit, les créatures humanoïdes jaillirent de la semi-pénombre de la clairière. Tel le vautour guettant sa proie, l’ennemi resserrait le cercle autour de nous.

- Tenez-vous prêt Laars ! Nous devons briserr leur ligne coûte que coûte !

- Je crains hélas, que cela me soit impossibble...

Un sourire las crispait ses traits lorsque j’aperçus la profonde entaille qui barrait sa cuisse, en-dessous de laquelle le tissu du pantalon était déjà imprégné d’une tâche sombre qui allait en s’élargissant.

- Ne vous souciez pas de moi. Fuyez tant quee vous le pouvez !

- Je ne vous abandonnerai pas Laars...

Je rassemblai mes dernières forces, essayant de faire abstraction de la sensation humide qui me collait à la peau à mesure que le sang de Laars imprégnait mes vêtements. Je ne pouvais pas mourir ainsi, pas sans même savoir qui j’étais ! Venue d’outre-tombe, la voix blanche de Laars résonna à mes oreilles

- Pour l’honneur... "

Ignorant douleur et fatigue, nous fîmes face à la horde qui se ruait à l’attaque. Jetant nos ultimes forces dans la bataille, je frappai sans relâche, les articulations de mes doigts blanchies sous l’effort tant j’agrippais mon arme avec fermeté. Mon bras engourdi s’élevait et s’abaissait sans discontinuer dans une implacable mécanique, ôtant la vie à de nombreux adversaires dont je ne distinguais pas les traits. Soudain, un choc sourd me projeta en arrière, et je fus séparé de Laars dans ma chute. Sur le sol boueux où la terre se mêlait au sang, le mercenaire avait sombré dans l’inconscience, à la merci des créatures. Je me relevai frénétiquement tandis que je glissais à chaque enjambée dans cet infâme bourbier. Je finis par atteindre mon compagnon, déviant in extremis la trajectoire des griffes qui allaient s’abattre. Le bras sectionné tomba dans un bruit mat, et alors que je j’empoignai la bête par la fourrure, tout prêt de délivrer le coup de grâce, celle-ci se déroba, dévoilant le visage émacié et tordu de douleur d’un homme ordinaire !

- Mais qu’êtes-vous donc ? " Demandai-je, abbasourdi.

Sous cette fourrure, et ces fausses griffes, se cachaient des êtres humains ! Tout un peuple dont la cruauté n’avait rien à envier à celles des bêtes sauvages dont ils imitaient l’apparence ! Et j’allais très certainement emporter cette révélation dans la tombe car dorénavant, la rage de ces êtres était décuplée. Leurs grognements sourds s’amplifiaient, rendant l’attente insupportable.

- Si vous voulez m’achever, approchez-donc eet tâtez de ma lame !

A la périphérie de ma vision, j’aperçus l’une des créatures se jeter sur moi. Mes réflexes, bien qu’émoussés par l’âpreté des affrontements, me sauvèrent la vie de justesse, et seule ma veste fut arrachée par la prodigieuse force de l’impact, ne laissant plus aucune protection entre ma peau nue et les griffes de mes ennemis. Au deuxième assaut que je repoussai avec peine succéda un troisième, puis un quatrième, et à chaque attaque, mon corps se couvrait de nouvelles blessures, assez légères toutefois pour que ces bêtes puissent poursuivre ce terrible jeu, jusqu’à ce qu’arrive enfin la délivrance par la mort Harassé, mes jambes fléchirent soudain et je mis genoux à terre, la tête ruisselante de sueur et de sang baissée vers le sol, en attente de l’inéluctable. Navré, Laars, j’ai échoué...

Déjà, un masque à face de loup me surplombait, le regard brûlant de haine posé sur ma silhouette recroquevillée. Que se passait-il ? Un changement soudain s’opéra dans l’attitude de mon bourreau, en proie à une grande excitation ou se mêlait autre chose... La peur ? L’index tendu vers moi, il fit quelques pas en arrière tout en articulant des mots dont le sens m’échappait mais qui suscitèrent une agitation fiévreuse parmi les rangs des hommes sauvages. Confus, je fis mine de me relever, ne voulant pas laisser échapper une occasion unique de sauver nos deux vies. Les créatures étaient en transe, répétant en une litanie ininterrompue les mêmes sons inintelligibles. C’est alors que je ressentis cette sensation de chaleur sur mon omoplate. Les griffes du Loup ! La marque scintillait de le même façon qu’à l’auberge ! Mais je ne devais pas tergiverser : les hommes-loups reculèrent d’épouvante, évitant de croiser mon regard alors que je me dirigeais vers les bois, Laars hissé sur mes épaules, très affaibli à présent. Aussi vite que je pus, je m’enfonçai sous la frondaison, laissant derrière moi la sinistre clairière, tout en tâchant d’ignorer le lugubre chant tribal qui claquait dans l’air humide. Sans me retourner, j’avançais tel un automate, accélérant la cadence en dépit du chemin tortueux barré de branchages entremêlés, et des ronces qui jonchaient le sol. Je marchai pendant de longues minutes, progressant à travers la végétation de plus en plus dense, tandis que je sentais mes forces s’amoindrir. Laars pesait sur mes épaules comme un poids mort, seuls ses bras se balançaient au rythme de mes enjambées.

- Tenez-bon Laars !

Aucune réponse. Je pressai l’allure, refoulant cette boule qui me nouait la gorge. Où était ce fichu chemin !? Sous l’effort, mes muscles étaient secoués de tremblements incontrôlables. Je me sentais si las... Je me laissai guider par mon instinct, tournant tantôt à gauche, tantôt à droite, repoussant les limites de ma résistance physique en puisant dans des ressources insoupçonnées. Et soudain, comme répondant à ma prière muette, je perçus un hennissement non loin. L’espoir guidait mes pas : une de nos montures était toute proche ! Enfin, je vis la bête. Encore affolée, elle secouait nerveusement la tête, ses nasaux expirant bruyamment dans un souffle blanchâtre. Après avoir déposé Laars au sol avec précaution, je m’avançai à pas feutrés, prononçant quelques mots apaisants, autant pour l’animal que pour calmer ma peur de voir notre unique chance de salut s’enfuir à travers les bois. Avec des gestes lents, je parvins à m’approcher suffisamment pour saisir la bride qui s’agitait follement à l’encolure de la bête. La secousse qui me traversa alors le bras provoqua une effroyable douleur qui faillit me terrasser. Pourtant, je tins bon. Quand le cheval ne montra plus aucun signe de nervosité, je hissai Laars avant de monter mon tour en selle. Docile, l’animal accepta avec grâce ses nouveaux cavaliers, et j’entrepris, éreinté, le chemin du retour dans un état de semi-conscience, Laars entre la vie et la mort...

 


 

Notre retour à Fiirsburg restait confus dans mon esprit. Je ne me souvenais que des arbres penchés sur notre passage et la respiration saccadée de Laars que je guettais avec angoisse. Quand la palissade de rondins qui ceignait Fiirsburg fut enfin visible, après ce qui me parut une éternité, je me sentis flotter, tout mon corps aussi léger qu’une bulle. Une silhouette floue se dirigeait vers nous.

- Les créatures des bois, ce sont des hommess comme vous et....

Ce furent mes derniers mots avant de sombrer à mon tour dans l’inconscience.

 


 

- LAARS !

- Doucement, Lothar. Tu es en sécurité mainttenant

Ma vision était floue, comme si un voile à demi opaque occultait mon regard. Où étais-je ? Je plissai les yeux alors que les contours familiers de la chambre de l’auberge se dessinaient autour de moi. A travers la fenêtre, le crépuscule rougeoyant baignait la pièce d’un éclat carmin. Rassuré, je voulus me redresser de mon lit quand la douleur stoppa net ma tentative.

- N’essaye pas de bouger, tu ne vas réussir qu’à aggraver tes blessures !

Un jeune homme se tenait devant moi. De haute stature, il avait belle prestance avec son long manteau rehaussé de fourrure blanche. Je remarquai immédiatement le pendentif orné de la Griffe du Loup Blanc, ainsi que la dague damasquinée qui pendait à sa ceinture.

- Qui êtes-vous ? " Parvins-je à articuler, la gorge sèche tout à coup.

- Tu ne me reconnais vraiment pas ? Alors cee que Maître Russ m’a dit est bien vrai. Tu es amnésique...

Je pouvais lire la perplexité dans ses yeux vifs où se disputait une légère lueur d’inquiétude. Avec sollicitude, il me tendit un verre au contenu odorant et vaguement brunâtre.

- Je m’appelle Marcus. Bois, Lothar, ton corrps a besoin de soins.

Le liquide encore fumant me brûla la langue mais je sentis bientôt une vague de chaleur bienfaisante se répandre dans mon corps. Mes blessures ne devaient pas être aussi graves que je le redoutais. A nouveau pleinement conscient, je me heurtai à la brutale réalité :

- Laars ! Où est-il ?

- Le rebouteux est encore à ses côtés dans lla chambre voisine. Tu ne peux rien pour lui. Pour l’instant, seul importe ton rétablissement.

Laars était vivant ! Je devais le voir ! Je m’empressai de quitter mon lit, écartant le dénommé Marcus sans ménagement, trop médusé pour esquisser un geste. Je franchis les quelques mètres séparant les deux chambres, aussi rapidement que me le permettaient mes jambes encore flageolantes. La vision accablante qui s’offrit à moi s’imprima au fer rouge dans mon esprit : Laars, livide, gisait sur son lit, luttant contre la froide emprise de la mort qui envahissait son corps. Je le sentais, de la même façon que je voyais ses yeux s’agiter convulsivement, comme s’il cherchait à s’éveiller d’un mauvais rêve qui le retenait captif de ses serres.

Un grand homme au visage décharné qui se tenait jusqu’alors silencieux, s’approcha, son regard compatissant surmonté de sourcils épais à quelques centimètres de moi.

- Son état est grave. Ses blessures l’ont afffaibli et il a perdu beaucoup de sang. Mais il y a autre chose qui...

Je n’écoutais déjà plus. Groggy comme sous l’effet d’un coup, je fis quelques pas en arrière, refusant d’accepter mon impuissance face au sort de mon ami. Un vertige me saisit soudain, et je sentis une poigne vigoureuse me retenir par le bras avant que je ne chutasse.

- Sortons, Lothar. Je crois que nous avons àà parler...

Marcus me ramena dans ma chambre, trop choqué pour lui opposer une quelconque résistance. L’état de Laars m’avait fait presque oublier que l’homme en face de moi prétendait me connaître et qu’il détenait peut être les clés de ma guérison ! Assis sur mon lit, je pris une profonde inspiration, avide d’entendre ce que Marcus avait à dire. Pourtant, je fus surpris de le voir s’emporter soudain :

- Où diable étais-tu donc ? Depuis ton déparrt de Middenheim il y a quelques jours, nous étions sans nouvelles de toi ! Mais je sais bien que tu ne peux me répondre. Ton amnésie complique grandement les choses... " Se répéta-t-il comme pour lui-même.

Il marqua une pause, caressant machinalement sa barbe naissante, comme s’il essayait de remettre de l’ordre dans ses pensées.

- Sache tout d’abord que tout comme moi, tu appartiens au Culte du Loup Blanc, dont le sanctuaire se trouve à Middenheim. Nous sommes ta seule et unique famille. Lord Karson, notre Maître et haut dignitaire d’Ulric, inquiet de ta disparition, m’a chargé de te retrouver. Je t’épargnerai les détails de mon périple mais tu n’imagines pas ma surprise lorsqu’en me présentant à Fiirsburg, on me prévint de ta présence ! Mais qu’es-tu donc allé faire avec ce mercenaire ? Enfin, l’important, c’est que je t’ai enfin trouvé. Comment te sens-tu, Ami ?

Comment décrire mon état d’esprit à cet instant ? Des centaines de pensées contradictoires tourbillonnaient dans ma tête. Middenheim ? Lord Karson ? Ces noms n’évoquaient rien de précis dans mes souvenirs. Pourtant, je devinais derrière le discours de Marcus quelque chose de plus grave qui se dessinait, provoquant un léger malaise entre nous, comme s’il cherchait à me dissimuler une partie de la vérité. Marcus connaissait de toute évidence mon passé, et j’étais maintenant sur la bonne voie pour retrouver la mémoire. Ou bien, étais-je en train d’essayer de m’en convaincre ? Je ne parvenais pas à faire la part des choses et la fatigue qui accablait encore mon corps ne faisait que renforcer le flou de ma situation. A qui se fier ? Marcus dut remarquer mon trouble, et après m’avoir laissé un peu de temps pour assimiler ces révélations, il reprit la parole.

- Nous devons repartir à Middenheim le plus tôt possible, Lothar. Lord Karson pourra t’apporter toutes les réponses que tu attends.

- Quitter Fiirsburg ? Je ne peux abandonner ainsi Laars. J’ai une dette envers lui.

- Ta conduite t’honore et je n’en attendais pas moins de ta part. Mais il faut que tu m’accompagnes là-bas.

- Cela m’est impossible...

A ces mots, je crus discerner un éclat fugitif de colère dans le regard de Marcus. Ses yeux aussi translucides que la glace se voilèrent tandis que je devinais le trouble qui l’habitait.

- Écoutes-moi ! Crois-tu vraiment que ta préésence va suffire à guérir ton ami ? Nous avons besoin de toi à Middenheim. Lord Karson m’a fait partir à ta recherche pour que tu sois de retour le plus vite possible.

- De quoi est-ce que tu parles ? Lui demandaai-je.

- Tu es loin de connaître toute la vérité. JJe ne voulais pas tout te révéler, hélas, tu ne me laisses guère le choix. Une guerre couve en Middenheim. Plusieurs factions influentes s’affrontent. Dans l’ombre pour l’instant, mais qu’adviendra-t-il lorsque le conflit éclatera au grand jour ?

Marcus avait la voix tremblante en prononçant ces derniers mots.

- Je ne peux t’en dire davantage. Mais au foond de toi, tu reconnaîtras la vérité. Tu appartiens tout comme moi au Loup Blanc. Fais ce que ton instinct te dicte.

 


 

Deux jours plus tard, je chevauchais aux côtés de Marcus et de sa suite en direction de Middenheim. Je ne saurais dire quoi mais j’étais maintenant certain d’avoir fait le bon choix. Quelque chose dans le discours de Marcus m’avait persuadé de le suivre, même s’il m’en coûtait.

Notre petit groupe chevauchait tranquillement, arpentant les chemins de terre sinueux qui menaient vers les pics enneigés. Indifférent au froid qui se faisait toujours plus mordant, je ne pensais qu’à Laars, que j’avais laissé derrière moi à Fiirsburg, et à ce que j’allais découvrir une fois arrivé à Middenheim. Au moment de notre départ, Laars était toujours alité. La fièvre avait chuté et son état semblait s’améliorer tout doucement. Malgré ces bonnes nouvelles, je me sentais responsable de ce qui lui était arrivé. Mais il était trop tard pour changer les choses. Les évènements se précipitaient et je n’avais aucune emprise sur eux. Au moins, pouvais-je être fier d’avoir dévoilé l’existence des hommes sauvages à Maître Russ.

Enfouis précieusement dans une des malles, les livres aux étranges symboles demeuraient dans leur écrin de bois. J’avais préféré garder leur existence secrète, car j’espérais bien parvenir à percer ce mystère qui, j’en avais la conviction, était intimement lié à ma quête. Guérir mon amnésie... Middenheim, la cité du Loup Blanc. Puisses-tu me délivrer de ce terrible fardeau...

Connectez-vous pour commenter