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Tout autour de moi, le silence. Absolu. Angoissant. Ces couloirs naguère emplis de vie, où les gens se croisaient en se souhaitant le bonjour, étaient à présent vides de toute agitation. Seul avec mes pensées, j’empruntai la volée de marches qui menait à la bibliothèque. Depuis mon retour au Manoir, ce poids dans la poitrine ne me quittait plus. La culpabilité m’accablait telle une chape de plomb. Le Cercle Primaire s’était joué de nous. Le stratagème d’Oderik ne visait pas tant à s’emparer des livres que de nous contraindre à nous battre à ses côtés. Notre plan avait échoué et nous avions payé le prix fort... Non, pas " nous " : Marcus avait payé le prix fort. Magdalena avait payé le prix fort. Et j’étais là, impuissant à leur venir en aide.

" De graves évènements se préparent. La Meute est divisée. Bientôt les rivaux devront se faire face car il ne peut y avoir qu’un seul chef ".

Les paroles de Loup résonnaient dans ma tête, sinistre prédiction sur le point de s’accomplir. J’avais vu de mes propres yeux le cortège des Répurgateurs fouiller toute la cité à la recherche du responsable de l’attentat sur Von Guelt. La piste serait facile à suivre, beaucoup de gens connaissaient Marcus à Middenheim, ce qui mènerait les soldats de Sigmar directement au Manoir. Conscient du risque que couraient ses gens, Lord Karson avait ordonné sans hésitation le repli dans les sous-sols. Comme mon cœur est lourd à l’idée de devoir quitter bientôt ce havre de paix ! J’admirais Lord Karson pour ses qualités de meneur. Sa lucidité et sa clairvoyance n’avaient d’égal que son courage et son abnégation Je n’ignorais pas la cruauté d’une telle décision. Nul homme ne peut se réjouir de quitter son foyer, surtout quand on l’y contraint !

- Ah, Lothar, te voilà !

La voix de Lord Karson me fit sursauter. Malgré l’urgence, il n’avait pas à renoncé à préserver du pillage les innombrables trésors entassés en ces lieux, les volumes d’une grande rareté entreposés dans la Bibliothèque n’étant pas les moindres. Une fois tous les habitants du Manoir en sûreté, il était remonté à l’étage prétextant vouloir sceller certaines portes par magie. Mais je devinais-là l’occasion pour le maître de céans de faire ses ultimes adieux à son foyer.

- Mon travail est enfin accompli. Il est teemps de quitter ces lieux. " Dit-il, l’air grave.

Il me prit par le bras, m’entraînant en direction des niveaux inférieurs :

- Entends-tu l’écho du passé qui résonne à tes oreilles ? Je peux l’entendre moi : les éclats de rires, les murmures d’une discussion qui se poursuit tard dans la nuit, les pleurs aussi parfois... Toute une existence de joies et de peines enchâssée dans ces murs comme le diamant dans la roche. Nous traversons de dures épreuves, mais la tristesse de quitter cet endroit n’est rien à côté de la perte de Marcus et Magdalena. Ils étaient mes plus fidèles compagnons et plus que tout, je les considérais comme mes enfants.

A ces mots, je tressaillis. Je sentais le fardeau de toutes ces épreuves s’accumuler sur mes épaules, si lourd qu’il en devenait insupportable. Je me devais de dire toute la vérité au sujet de Laars et comment Oderik avait su me manipuler.

Une fois mon récit achevé, je prononçai la terrible sentence :

- Nous n’avons plus le choix. Nous voilà accculés, sans aucune issue. Oderik a atteint son but. Nous allons devoir nous battre ou mourir.

- Ne te blâmes pas Lothar. Un rêve mérite pparfois qu’on se batte pour lui !

 


 

La grande salle était illuminée par des dizaines de bougies qui éclairaient les visages graves tournés dans notre direction. Dès l’instant où Lord Karson était apparu à la balustrade qui bordait le palier, surplombant l’assemblée qui se tenait devant lui, les discussions cessèrent, plongeant l’endroit dans un silence qui me mit mal à l’aise. Plongé dans la semi-pénombre, je ne pus empêcher les souvenirs d’affluer, réprimant un sursaut de frayeur irraisonnée. Je dus fermer les yeux de toutes mes forces pour me persuader que je n’étais plus dans le repaire du Cercle Primaire. Le souvenir des statues grimaçantes et des miasmes de mort me prenait à la gorge...

Les premiers mots de Lord Karson retentirent avec force, dissipant mon malaise :

- Mes chers frères et sœurs, le malheur tannt redouté s’est abattu sur nous ! Nous voilà désormais obligé de fuir devant l’ennemi qui se masse à notre porte. A présent, une nouvelle ère se dessine sous nos pas. Middenheim, dorénavant, appartient au passé...

Entendre cet aveu de la bouche même de notre guide, cet homme de conviction qui défendait sans relâche son idéal de paix, provoqua un grand émoi. Je fus certain que la plupart d’entre nous ne réalisèrent vraiment la gravité de notre situation qu’à cet instant précis. Lord Karson dut s’en apercevoir, car il reprit son discours :

- Ne pleurez pas ! Notre fin n’est pas encoore venue. Ici et maintenant, il est temps pour notre espèce de se tourner vers l’avenir ! La plupart d’entre nous vont se rendre dès ce soir dans notre nouvelle demeure. Le miroir de passage qui se dresse derrière vous, vous mènera en lieu sûr où nous pourrons bâtir un nouvel Eden. Oui, nous ne sommes pas si démunis ! J’avais déjà envisagé une telle menace, hélas... Mais je n’ai pas encore fini, j’ai besoin de volontaires. Une poignée d’entre vous suffira. Nous devons porter secours aux nôtres, car il ne sera pas dit que notre Meute a abandonné les siens !

 


 

J’assistai à ce nouveau départ le cœur lourd. Les scènes d’adieux étaient déchirantes et plus que jamais, je me sentais seul. A voir ainsi un père quitter femme et enfants au milieu des pleurs et des regards abattus, j’eus envie de leur crier de ne pas perdre courage. Mais moi-même, je ne nourrissais guère d’espoir, mes pensées tournées vers Marcus et Magdalena qui m’avaient soutenu depuis mon arrivée ici et qui n’étaient plus là. Lord Karson vint à moi, comme s’il devinait le trouble qui m’habitait.

- S’attarder davantage serait nous faire coourir un grand risque. J’entends déjà le martèlement de centaines de pas qui grondent sur le pavé ! Reprend courage Lothar, notre survie en dépend ! Magdalena court un grave danger et nous devons nous porter à son secours. Quoi qu’il advienne.

Oui, Lord Karson avait raison. Je n’avais pas le droit de désespérer. Des gens comptaient sur moi. Des gens dont j’ignorais l’existence quelques semaines auparavant, mais qui maintenant représentaient tout pour moi : une nouvelle famille, une nouvelle vie...

 


 

Au-dessus de moi, le Temple du Loup Blanc dévoilait toutes les splendeurs de son architecture sous la pâle lumière de Morrslieb. Ses tours élancées aux teintes argentées défiaient la voûte céleste, s’étendant vers les étoiles telle la cime inaccessible d’arbres majestueux. Dissimulé sur les hauteurs de ses contreforts, je sentais l’air glacé de la nuit m’envelopper de son étreinte. Pourtant ce n’était pas le froid qui me faisait frissonner mais l’horreur de la scène qui s’offrait à mes yeux.

Au-dessous de moi s’étendait une marée humaine. Hommes, femmes, enfants réunis, succombant dans un même abandon aux penchants les plus sombres et sauvages de la nature humaine, abolissant toute distinction entre l’homme et l’animal. Des centaines de personnes se massaient sur la grande place, tous les regards horrifiés et emplis de colère tournés dans une même direction. Sur le parvis du Temple, au sommet des marches de marbre noir, trônait à présent une cage de fer. Sinistre instrument de torture, elle retenait derrière ses barreaux d’acier Magdalena. Toujours sous sa forme de louve, elle contemplait la foule avec calme et dignité, ne montrant aucun signe de peur ou d’agressivité.

Exposée comme une bête sauvage, elle allait être livrée à la vindicte populaire. A cette pensée, je sentis mon cœur se recroqueviller dans ma poitrine, comme assailli par une myriades d’épingles chauffées à blanc. L’innocent devra-t-il donc toujours périr pour que l’homme puisse transcender ses peurs ?

Un homme paradait devant la cage. Un homme qui savait manipuler les foules, réduisant les gens en simples automates, profitant de leur ignorance et de leur curiosité morbide. La fierté d’exhiber son "monstre" se lisait sur son visage dont les yeux brillaient d’un éclat fanatique. Von Guelt ! Quel être abject ! Mon sang bouillait de rage à sa seule vue ! Si les Répurgateurs qui l’entouraient ne semblaient pas très à leur aise, lui était en transe. Sa présence souillait ce lieu de culte ! La bête grondait en moi et je dus me retenir de me jeter sur lui pour le réduire en charpie. Mais je devais attendre le signal de Lord Karson. Lui et une cinquantaine d’hommes loups se positionnaient en ce moment même sur les hauteurs des édifices qui entouraient la vaste place devant le Temple du Loup Blanc.

Silencieusement, sous couvert de l’obscurité, la Meute resserrait son étreinte et bientôt, les mâchoires se refermeraient sur Von Guelt et ses troupes. Ces monstres ne méritaient aucune pitié !

Pourtant, savoir Magdalena si vulnérable rendait l’attente insupportable. L’animosité de la foule grondait à mesure que Von Guelt distillait son poison dans des harangues exaltées, attisant sans cesse le brasier de la haine. Ses mots abjects me donnaient davantage la nausée que l’air vicié dégagé par cette masse grouillante avide de sang.

M’arrachant à ce triste spectacle, je vis soudain une ombre se déployer dans les airs, et une silhouette familière atterrit sans bruit à mes côtés. Dressé sur le fronton de pierre. Lord Karson se tenait près de moi, ses yeux ne quittaient pas un instant la scène qui se jouait plus bas.

- Ils vont la mettre en pièces si nous n’aggissons pas tout de suite !" Criai-je pour couvrir le vacarme de cette tempête qui se déchaînait au-dessous de nous.

Je pouvais voir certains visages, les traits déformés par un rictus haineux, les yeux injectés de sang, vociférant des injures. L’hystérie la plus totale s’était emparée des habitants de Middenheim. La cité tout entière semblait plonger dans la folie. Dans ce tumulte assourdissant, je me tournais vers Lord Karson qui demeurait impassible.

- Patience mon ami. Nous devons encore atteendre. Nous sommes trop peu nombreux pour une confrontation directe. Notre assaut doit être sans faille !

- Si nous ne nous pressons pas, nous n’auroons plus personne à sauver !

J’eus à peine le temps d’attendre la réponse de Lord Karson que quelque chose d’extraordinaire se produisit. La clameur de la foule, qui avait atteint son paroxysme quelques instants plus tôt, venait de s’étouffer aussitôt en l’espace d’une poignée de secondes. Pas un son ni même un murmure ne vint troubler cette subite accalmie. Désemparé devant ces visages muets de stupeur, la situation échappait totalement au chef des répurgateurs. Faisant brusquement volte-face, Von Guelt perdit toute contenance devant la vision qui s’offrait à lui. Il en resta figé telle une statue de marbre.

Des larmes pleins les yeux, je regardais Magdalena. Devant l’expression médusée de ses geôliers, la bête qui se dressait naguère derrière ces barreaux d’acier avait fait place à la jeune femme à l’éblouissante beauté que je connaissais si bien. Son visage grave mais empreint d’une grande détermination, dominait l’assemblée abasourdie par une telle apparition. Nue face à ses bourreaux, Magdalena paraissait aussi fragile que le verre et pourtant, l’éclat de son regard émeraude trahissait la dureté du diamant. Rompant le silence, elle prit la parole d’une voix douce et claire, qui s’éleva au-dessus de la foule hébétée :

- Peuple de Middenheim, ne laissez pas la hhaine vous aveugler. Nous ne vous voulons aucun mal. Notre unique souhait est de pouvoir vivre comme tout un chacun, sans peur ni crainte. Ne vous laissez pas abuser par les corbeaux de mauvaises augures !

Ces dernière paroles eurent pour effet de faire sortir Von Guelt de sa transe. Bousculant ses gardes, il brandit son épée en direction de Magdalena.

- Assez ! N’écoutez pas cette créature qui nne cherche qu’à vous détourner de Sa Vérité ! Sigmar, Protège-nous du Mal qui souille cette bouche ! L’impie doit être châtiée ou la damnation s’abattra sur cette Cité !

Révoltée, Magdalena empoigna les barreaux de sa cage, jusqu’à ce la morsure d’un fouet lui fasse lâcher prise dans un cri de douleur. C’était plus que je ne pouvais en supporter !

- Regardez-les tous ! Pas un ne s’élèvera ppour dénoncer cette barbarie !

- Ils sont aveuglés par la peur. Mais ne lees blâmes pas trop vite., Lothar. Vois !

Je scrutai la foule encore sous le choc. Von Guelt fit signe à ses hommes de resserrer les rangs, trahissant une certaine nervosité. Soudain, une voix forte tonna dans l’air, recouvrant les murmures de l’assistance en proie à la confusion.

- Cessez cette folie !

Un vieil homme corpulent fendit le rempart humain qui le séparait des premières marches du parvis. Le visage empourpré par son effort, la sueur luisait sur son front dégarni qu’il épongea délicatement avec un mouchoir en flanelle. Plusieurs hommes, tous vêtus de riches étoffes, se tenaient à ses côtés, exsudant la peur de toutes les pores de la peau. Pourtant, je pouvais lire dans les yeux de leur meneur la profonde conviction qui l’animait. La mine solennelle, il s’avança vers Von Guelt, portant sur le chef des Répurgateurs un regard accusateur. A mes côtés, je vis Lord Karson sourire :

- Ce brave Borvo ! C’est un fidèle du Templle mais jamais, je ne l’aurais cru homme à s’opposer à quelqu’un de la trempe de Von Guelt. Espérons qu’il ne le regrettera pas...

D’un geste théâtral, ce dernier tendit un doigt vers la cage et prit la parole, ses moustaches tombantes tressautant à chacun de ses mots :

- Je connais cette enfant et je n’ai pas peeur de le dire ! D’ailleurs, beaucoup d’entre nous l’ont déjà rencontrée au Temple. Qui parmi vous, peut se croire menacé par cette innocente ?

- Le Mal a de multiples visages pour mieux abuser les faibles d’esprit ! " Vociféra Von Guelt.

La face cramoisie de colère, Borvo réussit seulement à bredouiller quelques borborygmes. La situation devenait critique et j’appréhendais la suite des évènements avec gravité. Je ne devais pas être le seul à me tourmenter car Lord Karson fit signe de me tenir prêt.

- Nous ne pouvons pas agir ainsi sans nous condamner nous-même ! " Cria Borvo à l’attention de son auditoire.

- Bien parlé, humain. "

La voix familière claqua dans l’air et un frisson d’effroi me parcourut l’échine. Surgie de nulle part, une langue de brume était apparue, rampant sur le sol tel un serpent éthéré et s’étendait à présent jusqu’aux premières marches du Temple. Bientôt, une quinzaine de formes encapuchonnées se découpait dans ce rideau de fumée tandis que, seuls encore visibles, des yeux flamboyaient d’un éclat orangé.

- Oderik ! Les fous, ils courent au massacrre ! " S’écria Lord Karson.

Sans que quiconque n’esquivât le moindre geste, une silhouette drapée de rouge écarlate s’avança d’une démarche assurée qui ne trahissait aucune crainte. Le chef des Renégats dépassa Borvo sans même un regard, méprisant la menace des soldats de Sigmar comme s’il s’agissait d’inoffensifs cafards. Les Répurgateurs, abasourdis, semblaient ne pas comprendre quel genre de créature pouvait ignorer les lames aiguisées qu se dressaient devant elle. S’ébrouant comme pour sortir de ce cauchemar éveillé, trois hommes plus prompts que les autres à réagir, se jetèrent sur Oderik. Serrant son arme, le premier soldat amorça son attaque mais il se fit trancher la gorge. Le corps sans vie du Répurgateur s’effondra par terre et je vis le sang pourpre se répandre sur le sol, s’écoulant le long des marches. Les deux autres, trop stupéfaits par la vitesse de la riposte, ne sentirent même pas les griffes leur ôter la vie. Tout s’était passé si rapidement que les humains n’avaient pu voir que trois soldats s’élancer pour l’instant d’après, se retrouver gisant sur le sol dans une mare de sang.

Oderik n’avait pas perdu une seconde et en deux enjambées, il se dressait devant Von Guelt qui resta figé, les yeux écarquillés

- Alors, humain, tu parais surpris. Croyaiss-tu que Sigmar lui-même se dresserait devant moi pour m’empêcher de t’atteindre ?

Surmontant sa peur, le chef des Répurgateurs amorça un coup puissant de son épée à double tranchant. La lame décrivit un arc de cercle qui ne rencontra que le vide. Le visage grimaçant, Von Guelt réalisa son erreur. Sans aucune pitié, Oderik lui cisailla la poitrine d’un geste brutal, déchirant le plastron d’ acier comme s’il s’agissait de papier. Sans un son, le Sigmarite s’effondra sur son meurtrier tandis que son regard empli d’incrédulité se voilait sous l’emprise glaciale de la mort. Dans un bruit de chair déchirée qui me hanterait jusqu’à la fin de mes jours, Oderik arracha le cœur encore palpitant de son adversaire et le brandit vers le ciel tel un macabre trophée plein de défiance.

Un vent de panique souffla sur la foule qui s’éparpilla dans un concert de hurlements. Les gens fuyaient en tout sens, comme un troupeau de brebis égarées, se bousculant et se piétinant, empêchant les Répurgateurs qui patrouillaient sur la place de rejoindre le lieu de l’affrontement.

Tout cela se passa très vite et j’entendis comme dans un rêve, Lord Karson donner le signal de l’assaut.

Jaillissant de nos refuges, nous plongeâmes au beau milieu des combats, ajoutant encore à la confusion. Une vague d’hommes loups bondit lestement des toits et se précipita sur les soldats de Sigmar totalement pris au dépourvu. Dans le chaos le plus total, je me frayais un chemin à travers la masse compacte d’humains apeurés, prenant bien garde à ne blesser personne. Mais je pouvais voir les corps piétinés et ensanglantés des victimes de la bousculade, abandonnés sur le sol, alors que les gens continuaient à fuir dans la plus grande indifférence, guidés seulement par leur soif de vivre. Combien d’innocents allaient périr ce soir par la folie des hommes ?

Malgré la mort de Von Guelt, les répurgateurs déstabilisés par cette attaque au cœur de leur ligne, tentaient de reprendre l’avantage, faisant preuve d’une grande valeur martiale. Largement inférieurs en nombre, Oderik et les siens se faisaient inexorablement encercler par les soldats de Sigmar qui resserraient leur mortelle étreinte.

Même la sauvagerie primitive des Renégats ne suffirait pas pour résister à un tel déploiement de forces. Conscient du danger qui pesait sur Magdalena, Lord Karson me fit signe de le suivre quand un hennissement strident déchira l’air. La Garde de Morr apparut au milieu de la place, chargeant à bride abattue, leurs faux relevées, prêtes à faucher les rangs du Cercle Primaire comme du blé mûr. Engoncés dans leur toge obsidienne, les cavaliers fondirent sur leurs proies et je détournai le regard quand les Renégats se firent démembrer alors qu’ils cherchaient à protéger leur chef.

Toujours sous sa forme de loup, Oderik était parvenu à ouvrir la gangue de fer qui retenait Magdalena, tordant les barreaux avec rage. Au sein de cette tourmente, je vis le chef du Cercle Primaire la couvrir de sa toge et la serrer contre lui. Le père et la fille étaient à nouveau réunis.

J’entendis soudain Lord Karson leur crier un avertissement alors que d’innombrables carreaux d’arbalètes s’abattaient en une nuée acérée. Sans hésitation, Oderik fit rempart de son corps, encaissant les nombreux traits qui pénétrèrent sa chair.

D’un bond, je plongeai sur les tireurs, envoyant les soldats rouler sur le pavé. J’imaginais leur terreur face à cette créature qui se dressait devant eux, hurlante et écumante, insensible aux coups qu’on lui portait ! Je poussai un grognement en faisant jouer mes griffes effilées devant ma gueule et il n’en fallut pas plus pour que la poignée de survivants ne déguerpisse !

Mais le répit fut de courte durée et bientôt, nous nous retrouvâmes acculés devant les portes du Temple du Loup Blanc. Nous n’étions plus qu’une poignée et où que portait mon regard, des centaines de soldats se déployaient, marchant en ordre sur notre position. Nombre des nôtres étaient tombés et il ne nous restait guère d’espoir. Lord Karson ordonna le repli vers la seule issue possible :

- Tous au Temple !

Les portes grandes ouvertes, ce lieu sacré s’apprêtait à accueillir les Fils de Loup à nouveau unis. Encore à l’extérieur du Temple, Lord Karson livrait un dur combat face à la garde de Morr, faisant son possible pour que Magdalena, qui soutenait son père dont les nombreuses plaies saignaient abondamment, puisse se mettre à l’abri. Il désarçonna un cavalier mais d’autres continuer d’arriver dans un flot ininterrompu. Fourbu par cet effort et marqué de nombreuses blessures, il se replia.

Avec une poignée de mes congénères, je couvris sa retraite, repoussant des dizaines d’assaillants qui essayaient de s’engouffrer dans le Temple alors que la cruelle morsure de l’acier m’arracha un cri de douleur tandis qu’enfin, les portes se refermaient.

Nous étions pris au piège. Tout autour de moi, les visages étaient défaits, les corps meurtris harassés par le combat. Entouré de ses hommes encore valides, Oderik était pâle et la souffrance se lisait dans ses yeux. Pourtant, il se tenait encore debout, trop fier pour trahir le moindre signe de faiblesse. Ses yeux cristallins étincelaient de colère alors qu’il prenait Lord Karson à partie :

- Pourquoi m’avoir sauvé Lomir ?

- Toute vie m’est précieuse. La tienne autaant qu’une autre.

Lord Karson demeurait égal à lui-même, fixant avec calme celui qui venait pourtant de compromettre son rêve et forcer son peuple à l’exil. J’admirai cette grandeur d’âme, et je compris pourquoi Marcus lui était entièrement dévoué. Un homme de cette trempe ne pouvait vous trahir ni même vous décevoir ! Mais je ne doutais qu’il devait être rudement éprouvé par les évènements de ces derniers jours. Et si Oderik n’avait pas encore ordonné aux siens de nous attaquer, nous le devions à sa fille.

Cherchant refuge dans la pénombre, Magdalena demeurait silencieuse. Si jeune et déjà marquée par les pires épreuves ! Aux mains des Répurgateurs, je pouvais à peine imaginer le supplice qu’elle avait enduré. Pourtant, je la savais assez forte pour surmonter ce traumatisme. Je m’approchai doucement vers elle quand elle sortit de sa cachette.

- Où est Marcus ?

Sa question me laissa coi, me frappant en plein cœur. Marcus ! Comment lui annoncer la terrible nouvelle à un pareil moment ? Pourtant, je me devais de lui dire la vérité.

Des éclats de voix retentirent alors. Appuyé sur l’autel, Oderik avait repoussé ses acolytes sans ménagement et criait maintenant à l’attention de Lord Karson.

- Je refuse de me laisser tuer par ces souss créatures ! Je dis que nous allons sortir et nous emporterons dans la tombe autant d’humains que possible !

Aussi vif que l’épervier s’abattant sur sa proie, Lord Karson fondit sur Oderik dans un état de fureur à peine contrôlé. Il l’empoigna par la fourrure, le bloquant contre une colonne qui frémit sur ses fondations.

- Combien de morts te faudra-t-il encore poour assouvir ta vengeance ? Je comprends ta souffrance car moi aussi j’ai perdu un être cher ! Et cela par ta faute ! Tu dis agir pour le bien de notre race mais ta haine n’a engendré que mort et destruction !

La menace des Répurgateurs complètement oubliée, les anciennes rancœurs avaient resurgi tout aussi promptement, et partisans de Lord Karson et Renégats se faisaient face à présent, prêts à en finir pour de bon. Les nerfs durement éprouvés, la tension était palpable, le moindre geste pouvait déclencher une véritable apocalypse.

- Assez !

Tremblante d’une émotion à peine contenue, Magdalena se tenait entre les deux camps, défiant quiconque de son regard animé par la colère et la peine.

- Ce soir, j’ai retrouvé un père et perdu uun ami... Et peut-être que dans quelques minutes, tout sera terminé. Mais pas de cette façon ! Je vous le demande de tout mon cœur, par égard pour notre race et la pureté de ce lieu. Suffisamment de sang a coulé...

En regardant autour de moi, je pus lire dans les yeux de chacun de nous l’écho qu’avaient éveillé ses paroles si justes.. Nous nous apprêtions à terminer ce que les Répurgateurs avaient commencé, trahissant Loup et toute notre espèce. Le malaise se dissipa aussi vite qu’il était apparu, même si le silence ne fut troublé que par le martèlement sourd du bélier qui heurtait les portes.

- J’ai peut-être une solution.

Lord Karson fit signe à l’un des nôtre de lui apporter une sacoche d’où il sortit les Livres. Dans les rangs du Cercle Primaire, des murmures s’élevèrent.

- Oui, mes frères, il s’agit bien là des Liivres de puissance. La magie qu’ils contiennent va nous être d’un grand secours !

Oderik fixait les antiques ouvrages d’un air pensif. Lui qui les avait si ardemment désirés, ils étaient enfin à portée de mains. Paré à toute éventualité, je ne le quittai pas d’un regard, me tenant prêt à intervenir au premier geste suspect. Pourtant, le chef des Renégats n’esquissa pas le moindre mouvement.

- Je sais ce que tu as en tête. C’est de laa folie !

- Nous seuls pouvons y parvenir. Je crois qque nous tenons notre dernière chance de sortir d’ici vivants...

La mine sombre, je pouvais voir le trouble qui habitait Oderik. Quand il jeta un regard vers Magdalena, je sus que sa décision était prise.

- J’ignore les forces qu’il me reste mais nnous devons nous hâter.

Il rejoignit Lord Karson qui lui fit signe de s’asseoir. Saisissant un cierge, celui-ci fit couler la cire écarlate, traçant sur le sol un entrelacs de motifs aux formes complexes. Une fois le cercle formé, il s’assit à son tour.

- Je ne sais pas combien de temps le rituell va durer. Mais vous devez à tout prix empêcher les Répurgateurs de pénétrer dans le Temple !

Comme pour souligner ses propos, une clameur guerrière retentit à l’extérieur alors qu’à chaque nouvelle poussée, les portes tremblaient toujours davantage sur leurs gonds. Sans ménager notre peine, nous nous mîmes au travail, entassant tout ce que nous trouvions à portée de mains pour bloquer les issues et renforcer notre défense.

- Nous n’avons pas beaucoup de temps avant qu’ils n’enfoncent ces portes !" Criai-je.

Dans un fracas assourdissant, le grand vitrail vola en éclats dont les fragments s’abattirent sur nous en une pluie de débris tranchants. Une volée de flèches enflammées fila par la brèche ainsi ouverte, incendiant les nombreuses tapisseries. Les projectiles incandescents se fichaient dans les murs et dégageaient une fumée âcre et épaisse qui rendait l’air irrespirable. Secoué par la toux, j’avais la gorge en feu et les yeux me brûlaient. A travers mes larmes, je vis Lord Karson et Oderik, toujours assis en tailleur, leur chant résonnant sous la voûte de pierre. Le plan astral ! Ils étaient dans le plan astral ! Je pouvais voir leurs visages tendus sous l’effort, et j’imaginais la souffrance tant physique que psychique qu’ils devaient endurer. La moindre erreur, la plus petite déconcentration, pouvaient être fatales pour leurs corps déjà affaiblis par les combats.

Soudain, les runes se mirent à luire. D’abord faiblement puis avec de plus en plus d’intensité, jusqu’à former un halo de lumière flamboyante qui enveloppa les deux chefs de Meute. Un pilier d’énergie s’éleva dans les airs, illuminant le Temple comme une bougie dans une lanterne. Les rayons luminescents filtraient à travers le vitrail brisé tel un phare dans la nuit et j’entendis dehors des cris de stupeur retentir avec force. L’assaut cessa alors que nous étions tous figés, tandis qu’au-dessus de nous, des centaines de sphères aux scintillements pareils à celui des étoiles, voletaient autour de la colonne d’énergie, crépitant d’une myriades d’éclairs aux reflets étincelants.

Sous la puissance phénoménale accumulée par le sortilège, le Temple tout entier tremblait sur ses fondations, ses antiques murs lézardés par de nombreuses fissures. Des blocs de pierre se détachaient de la voûte, détruisant le mobilier dans une cacophonie épouvantable. J’avais le plus grand mal à conserver mon équilibre alors que le sol vibrait sous nos pieds, tanguant comme un navire en pleine tempête.

" Lothar ! Vous devez fuir maintenant ! Vite ! "

Lord Karson ! Le ton de sa voix avait quelque chose de désespéré qui fit naître en moi une vive inquiétude. Au milieu de ce déferlement d’énergie, il n’était plus visible à présent. Mais je savais qu’il avait raison. Je me dirigeai vers Magdalena

- Nous devons évacuer le Temple si nous ne voulons pas être ensevelis vivants !

- Je refuse d’abandonner mon père et Lord KKarson ici !

Une nouvelle secousse, plus forte que les précédentes, ébranla tout l’édifice dans un grincement de mauvaise augure. Les autres hommes loups se tournèrent vers nous, en attente de notre décision.

- Très bien, je reste ! Conduis les autres en sécurité, notre Meute aura besoin de toi ! Fais-moi confiance...

Un mince sourire éclaira son visage. Elle fit signe aux autres de s’approcher et tous ensemble, nous dégageâmes les portes obstruées par les nombreux éboulis. A l’extérieur, les Répurgateurs s’étaient repliés dans le plus grand désordre, les troupes se tenant à distance du Temple.

- Retournez au miroir de passage. Je vous yy rejoindrai. Bonne chance !

Les hommes loups menés par Magdalena empruntèrent la voie ainsi dégagée, se précipitant sous le couvert des bâtisses, toute fatigue oubliée. Les soldats de Sigmar n’eurent pas le temps de réorganiser leurs lignes et seul le claquement sec d’une salve d’arbalètes marqua leur riposte. Filant dans l’obscurité, je vis avec soulagement disparaître les miens au détour d’une rue alors que la Garde de Morr se mettait tout juste en branle. Ils étaient sauvés !

Par Ulric ! Loin de rompre le combat, les Répurgateurs s’étaient remis en marche ! Avant de refermer les portes, j’aperçus avec effroi les troupes fanatisées s’avancer au devant du Temple. Leurs prières retentissaient à mes oreilles en une longue litanie, couvrant presque par leur chœur les vibrations de l’air sous l’effet du rituel.

Ma fourrure se hérissait alors que l’atmosphère, saturée de magie, palpitait autour du pilier d’énergie qui se scinda soudain en deux, libérant une onde phénoménale qui me projeta au sol comme un fétu de paille ! Relevant péniblement la tête, je vis l’air se déformer alors que le substrat de la réalité se déchirait sous les pulsations frénétiques de plus en plus violentes et incontrôlables. S’extirpant du tourbillon aveuglant qui étincelait de mille feux, une silhouette démesurée prenait forme devant mes yeux écarquillés !

Que se passait-il ? Je hurlai le nom de Lord Karson, bravant le déchaînement des rafales qui s’échappaient du vortex et me balayaient de toute leur puissance. Les bras repliés sur mon visage, je marchais vers l’autel face à un véritable déluge de débris qui tournoyaient dans la pièce et me percutaient avec force. Titubant, je ne distinguais plus rien autour de moi, si ce n’était des formes oscillantes aux contours flous.

Dans ce déferlement d’énergie, l’écho d’une voix résonna dans mon esprit. Ce n’était guère plus qu’un murmure mais jamais je n’oublierai ces mots :

" Adieu mon ami... Veille bien sur eux..."

Soudain une ombre vacillante émergea du brouillard lumineux, et s’avança vers moi d’une démarche saccadée.

Oderik !

Hagard, du sang coulait aux commissures de ses lèvres, et ses yeux étaient brillant de larmes.

- Il... Il n’a pas voulu de mon aide... Tu n’avvais pas le droit Lomir !

Sa voix se brisa alors qu’il chuta au sol tandis que je m’empressai de le relever.

- Que s’est-il passé ? Parles !

- Il s’est sacrifié pour nous sauver...

Lomir... Non ! Je me refusai à le laisser ainsi nous quitter ! Alors que je m’élançais vers le cercle cabalistique, une poigne implacable me retint par l’épaule

- Tu ne peux plus rien faire Lothar !

Telle une plaie béante ébréchant le plan astral, le portail laissait maintenant échappaient des filaments luminescents tandis que se matérialisait une créature colossale à la fourrure indomptée. L’invocation avait réussie... Le Chasseur regagnait sa tanière alors que le Temple s’écroulait pierre après pierre.

Tous les sens aux aguets, je me concentrai sur Lord Karson. Aucun son, aucune odeur ne trahissait sa présence. Comme s’il s’était volatilisé dans le flux d’énergie. Comme s’il n’avait jamais existé...

- Je suis désolé...

Prostré, Oderik n’avait plus la force de se relever alors qu’autour de nous, le monde s’écroulait. Celui qui représentait il y peu la pire menace pour les nôtres se tenait à cet instant à mon entière merci. Tant de malheurs par sa faute... Refoulant la tentation de l’abandonner à son sort, je pris le meneur du Cercle Primaire à bras le corps. Serrant les mâchoires sous la souffrance, j’enjambais les éboulis à toute blinde, faisant fi du bourdonnement intense qui vrillait mon esprit. Je vis la sortie. Enfin ! Nous franchîmes les portes alors que le Temple était sur le point de se disloquer.

Notre fuite fut stoppée quand les légions de Sigmar se dressèrent face à nous. Figés de frayeur, les Répurgateurs ne nous prêtaient guère d’attention. Leurs rangs étaient soudain devenus silencieux lorsqu’un rugissement viscéral gronda de l’intérieur du Temple qui frémit sur ses fondations. Je me joignis à cet appel, signe annonciateur du prodige dont j’allais être témoin.

Les flèches du Temple s’écroulèrent une à une, tandis que l’apparition astrale aux proportions titanesques déchirait les cieux. Et la cité tout entière bascula dans un abîme de terreur devant la forme fantomatique au pelage argentée qui s’élevait dans la nuit. Sous l’éclat adamantin de la lune, le Loup Blanc hurlait sa colère où se mêlait la douleur d’avoir perdu ses enfants.

De mémoire d’homme, jamais Middenheim n’avait été témoin d’une telle manifestation. Et ce souvenir, lui, resterait toujours vivace dans mon esprit.

 


 

EPILOGUE

La forêt, à nouveau. La fragrance des bois palpite à mes narines, odeur apaisante et familière qui m’entoure et me pénètre. Un sentier tortueux se dessine sous mes pas. Qui sait où il me mènera ?

Des jours ont passé depuis cette effroyable nuit, et mon esprit reste encore confus. Je me souviens des hurlements, terribles, de la peur primale qui s’était emparée de la Cité et qui avait vu la déroute des Répurgateurs devant le courroux du Loup Blanc ; les séides les plus fanatiques se jetant au sol, implorant leur Dieu et gémissaient en s’arrachant les cheveux. Je revois encore ces visages aux yeux baignés de larmes de sang. Cette scène si irréelle... je la traversai dans un état second, soutenant la forme inanimée d’Oderik, oscillant à chaque pas à travers les rues, jusqu’à atteindre le miroir de passage. Après avoir franchi la surface lumineuse, les évènements deviennent flous. La tension accumulée à la fatigue ont certainement eu raison de ma résistance.

Plus tard, je repris conscience dans un lieu inconnu mais entouré de visages familiers : le nouvel Eden de Lord Karson.

Oderik resta alité des jours durant, sous les bon soins de Magdalena qui le veillait de l’aube jusqu’au soir. Plongé dans les ténèbres, il demeura inconscient jusqu’à ce qu’un beau matin, quelqu’un s’aperçoive de sa disparition. Pas une trace. Pas un mot. Magdalena ne me dit rien mais cette disparition l’affecta énormément. Pourtant, la Meute avait besoin d’elle. Plus que jamais auparavant, elle devait être forte. Mais son cœur saignait de nombreuses blessures. Je savais ce qu’il me restait à faire, et dès que j’eus récupéré suffisamment de forces, j’allai la voir et lui annoncer ma décision de partir à la recherche de Marcus, répondant ainsi à son secret espoir.

Une fois encore, je suis en chasse. Seul. J’ai laissé les miens découvrir petit à petit leur nouvelle existence. Le changement est ardu et la cohésion de notre Meute sera mise à rude épreuve. La perte tragique de Lord Karson a bouleversé notre communauté. Le deuil ne sera pas facile même si le tertre dressé en sa mémoire sera toujours là pour nous rappeler celui qui fut notre chef et ami. La cérémonie funéraire, au cours de laquelle le cortège silencieux défila jusqu’au cœur de la forêt, fut très émouvante. Sous le regard bienveillant de Morrslieb à son apogée, les fidèles de Loup entonnèrent un chant l’honneur de leur guide : " Loup, accueille comme il se doit ton fils le plus fidèle ! ".

Je m’arrête soudain, humant l’air où je capte une odeur devenue familière qui me tire de mes pensées. Dans l’ombre des chênes, quelqu’un m’observe.

- Que veux-tu ?

- Te venir en aide.

La voix est différente, moins glaciale qu’auparavant mais je reste sur mes gardes.

- Ne crois-tu pas que tu en déjà as suffisaamment fait ?

- Les évènements de Middenheim m’ont plus aaffecté que je ne le pensais. La culpabilité m’assaille. Elle s’est infiltrée en moi tel le venin du serpent et a affaibli ma volonté...

- Je me fiche de tes états d’âmes ! Si tu ccherches une oreille compatissante, passes ton chemin !

- Je sais que mes fautes sont impardonnablees et je suis prêt à vivre le reste de mon existence avec le poids de mes erreurs. Mais je veux soulager la souffrance de ma fille... Il m’est donné une seconde chance et je ne veux pas la gâcher ! Lomir s’est sacrifié pour moi et Loup m’a fait comprendre mes égarements.

- Si tu désirais tant te rapprocher de Magddalena, pourquoi avoir fui comme un voleur dans la nuit ?

- Je ne pouvais faire autrement ! Penses-tuu que les tiens m’auraient accueilli les bras ouverts ? C’est par respect pour Magdalena et Lomir qu’ils ne m’ont pas abandonné à mon sort ! Réfléchis bien Lothar, moi seul sais comment délivrer Marcus de cette malédiction.

J’hésite. Son repentir semble sincère et plus que tout, j’ai envie de croire en sa rédemption. Cette pensée me fait sourire, réminiscence de Lord Karson et son infaillible confiance en l’être humain.

Sans un mot, je poursuis mon chemin, longeant la rivière qui serpente entre les arbres. Je ne suis plus seul. Eau, révélatrice de l’âme humaine, je te contemple et je suis heureux. Car même si j’ignore encore l’homme que j’étais, je peux sourire devant l’homme que je suis devenu.

 

FIN

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