Ce temps passé à attendre il ne savait quelle épreuve lui paru une éternité , malgré son habitude des longues méditations. De nombreux moments de sa vie lui étaient revenus à l’esprit , de plus en plus lointains . Il avait inconsciemment retracé son existence , comme cela arrive lors d’un accident brutal , lorsque l’on croit que l’on va mourir . Seulement lui était serein , paisible . Si le passage était tout sauf un jeu , la mort ne devait pas en faire partie. Du moins en principe. Il est vrai que les puissances obscures s’en donnaient à coeur joie lors de cette épreuve où le candidat était plus ou moins sans défenses. C’était là le plus grand risque du passage.
Son maître l’avait mis en garde contre ce danger , et tant qu’il ne sortirait pas du cercle runique tracé au sable blanc sur le sol de la forêt , il n’avait aucune raison de s’inquiéter. Alors qu’ Il était perdu dans ses pensées , quelque chose attira son attention. IL ouvrit les yeux. Rien. Fermant les paupières , il découvrit ce qui le dérangeait. Le silence était devenu total . Les nocturnes s’étaient tus , et si le vent continuait à souffler , le reste de la forêt semblait de marbre. Il ne recevait plus l’échos de vie des êtres qui l’entouraient . Quelque chose faisait obstacle à sa perception. A nouveau , l’homme tenta de voire ce qui se passait et ouvrit les yeux. Rien d’anormal ne vint se répercuter sur sa rétine. Il faisait presque jour , les sous-bois étaient semblables à touts les autres , et la lumière commençait à percer les cimes résineuses.
Quelque chose le gênait , mais il ne savait pas dire quoi. IL ressentait une présence inhabituelle et indiscernable. Le silence se fit lourd , chaque battement de son coeur raisonnant dans sa poitrine.
Soudain , un monstre gigantesque jaillit des fourets en rugissant . Sa gueule laissait apparaître d’immenses poignards d’ivoire , et ses yeux injectés de sang aurait fait tourner les talons aux plus courageux chasseurs.
L’homme bascula en arrière , pétrifié par l’apparition .
Il était énorme . Peut-être deux fois la taille d’un buffle. Son souffle faisait jaillir des flammes de brumes à quelques mètres des pieds de l’homme. Les idées s’enchaînaient dans la tête de l’homme à une vitesse incroyable. Instinctivement il ferma les yeux.
Alors il souffla.
IL ne recevait aucun écho d’existence du monstre. Ce n’était qu’une illusion. Lorsque Il ouvrit les yeux , plus rien ne lui faisait face. Son coeur revint lentement à un rythme normal , et IL détendit un à un ses muscles encore tétanisés par la frayeur.
A cet instant , où il retrouvait l’usage de son corps , la douleur lui parvint. Tournant la tête , il vit que sa main gauche sur laquelle il s’appuyait se trouvait en partie hors des glyphes de sable blanc. Les premières phalanges des trois doigts dépassants des symboles étaient profondément brûlés , et dégageaient une odeur répugnante. S’aidant de sa main valide , il leva délicatement son membre meurtri , et l’examina avec une grimace tourmentée. IL ne sentait plus cette chair carbonisée par la puissance magique qui avait déferlé sur lui. Seule demeurait l’impression d’avoir un poids au bout de la main.
Il déglutit difficilement , puis mordit fortement dans la peau noircie. Rien . En revanche, la chair encore vivante, à la limite de la brûlure, lui envoyait un message atrocement douloureux.
Ce sinistre avertissement lui fit prendre conscience des puissances immenses et innommables auxquelles IL se mesurait. Si il avait était sur le point de tomber dans le piège qui lui avait été tendu , IL savait maintenant à quoi s’attendre , et comptait bien réussir à contrer tout les assauts futurs que ne manqueraient pas de lui envoyer les Ténèbres.
Le passage avait débuté .