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LE MAGICIEN

 

 Un jour, j’aimerais bien prendre ma baguette magique et raconter une histoire sans aucune histoire, c’est-à-dire sans personnage, sans suspense particulier, juste trouver le fil qui tiendrait le tout en équilibre, où chaque mot nous ferait avancer pas à pas, vers on ne sait où, mais là exactement où on aurait eu envie d’aller, juste pour voir si, à la toute fin, il nous arriverait quand même quelque chose. J’ignore ce qu’on y trouverait exactement, peut-être un rêve, une caresse ou même exactement le contraire, un truc bizarre, horrible où l’on redécouvrirait ses peurs d’enfants, à moins que l’on se retrouve sinon face à soi-même avec toutes ces choses qu’on ne veut pas connaître ou que l’on cherche à se cacher.

J’imagine qu’il me faudrait quand même quelques accessoires. Certains, meilleurs magiciens que moi, se contenteraient sans doute de tous ces mots qui déclenchent des émotions, des rebondissements, de la poésie comme on tirerait sur des cordelettes pour déclencher l’effet surprise voulu, mais moi, je ne suis pas assez fort. Moi, je crois que j’aurais quand même besoin d’un accessoire pour réaliser un tour qui me soit plus personnel, comme par exemple l’aide d’un miroir, ou peut-être aussi d’autre chose que je sortirai un peu plus tard de ma manche en tant voulu.

Dans ce tour, je me regarderais dans le miroir et puis, à la toute fin, je me retrouverais soudain comme Alice de l’autre côté. J’ignore trop ce que j’y trouverais mais je dois dire que cela m’a toujours fait un peu peur, parce que, moi, je ne peux m’empêcher d’y imaginer plein de choses malsaines, des trucs normalement pas possibles qui soudain le deviendraient. J’imagine aussi que l’on ne verrait plus du tout pareil l’autre côté du miroir. Quand je dis « autre côté », il faut bien voir ici le bon côté, celui d’où l’on vient, qu’on utilise le matin pour se coiffer ou se maquiller ou se raser etc., celui-là même où, quand je me regarde, je me dis que la surface y est trop lisse et l’image trop nette pour être réelle ou pour dévoiler au monde tout entier ce que je suis vraiment.

D’ailleurs, il est curieux qu’on se connaisse si peu, on le fait au fil des jours et des années. Or je crois qu’une vie toute entière ne suffit pas pour le découvrir vraiment. Pour ma part, la dernière chose que j’aimerais m’entendre dire, c’est: “ ça, c’est toi tout craché ! ”. Par exemple, moi, j’aimerais tellement être meilleur que je ne suis. Pouvoir réaliser de grande choses qui me permettraient de rendre ce monde meilleur comme un grand magicien, parce qu’il en a tellement besoin.

 

Il faut dire que le monde qui nous entoure est tellement compliqué, tellement incompréhensible, avec des enjeux tellement hors de ma portée que je peine à croire que je puisse en faire partie. Parfois, je me dis même que j’en fais si peu partie que je n’existe pas. Du moins, j’ai vraiment cette impression qui flotte dans ma tête d’être irréel. Et le monde devient à son tour aussi irréel que moi, si bien que je me dis que je ne fais que rêver. Par exemple, tous ces morts dont j’entends parler ne m’apparaissent parfois que comme un cauchemar de plus, et tous disparaissent quand je rouvre les yeux et, s’ils sont encore présents dans ma tête, ils ne le sont guère plus que des fantômes au loin.

D’autres fois, quand j’ai le cran de faire le prétentieux, je me dis plutôt l’inverse, de manière à me sentir infiniment plus réel que tout ce qui m’entoure qui devient alors à son tour une vaste illusion. Et je vis à cet instant sans doute la fameuse expérience de Descartes, quelque chose de si intime que même le battement de mon cœur me semble étranger. Si tout n’est autour de moi qu’illusion et si cette voix que j’entends dans ma tête ne me chuchote que des mensonges, comment être sûr que moi aussi j’existe ? Pour trouver ta réponse, il ne te reste plus qu’à affronter cette évidence  de ce qui se cache irréductiblement tout au fond de toi et qu'on trouve avec ce fameux axiome du «Je pense donc je suis”, avec peut-être cette fois-ci un grand sourire en plus. Oui, parce qu’après tout, pourquoi ne pourrait-on pas en rire ? Moi, en tout cas, ça me fait rire, parce que tout ça ne mène à rien. Ce ne sont que des histoires qui ne mènent nulle part. Cela ferait d’ailleurs sans doute une belle histoire sans histoire… Sauf que, si je sais que j’existe, je n’en sais pas plus sur qui je suis réellement et pas davantage sur le monde qui m’entoure.

De toute façon, qui peut encore comprendre ce monde qui nous entoure ? Ou plutôt comment comprendre cet étrange « moi » qui est enfoui en nous et qui nous pousse à agir d’une manière parfois si incompréhensible aux yeux des autres, comme si on ne se tenait plus face à un miroir ? Le miroir est pourtant là, en face de nous, il n’y a même qu’à ouvrir les yeux et à se demander : “Que caches-tu donc au plus profond de toi qui vaille à ce point le coup d’être caché?”. Et là, il faudra affronter l’évidence, ce n’est pas cette surface si lisse et si nette qui nous intéresse, mais bien, comme la petite Alice, ce qui se cachera au-delà de l’image que nous voyons.

Pourtant, parfois, comme ici dans ce même miroir, je me dis que nous sommes deux dans ma tête. Il y a celui qui lit mes pensées qui n’est certainement pas le même que celui qui les écoute. Par exemple, j’aurais aimé écrire une histoire qui aurait dû s’appeler “Qui est tu?”. Seulement l’un et l’autre n’auraient pas compris la même chose. Celui qui lit dans mes pensées m’aurait à coup sûr immédiatement signalé une horrible faute d’accord dans le titre, alors que celui qui les écoute aurait eu à affronter une toute autre ambiguïté liée davantage à la sonorité identique entre le verbe être et haïr. Et bien entendu, tous les deux auraient fait fausse route. Tandis que moi, dans cette histoire, idéalement, je n’aurais eu d’autres échappatoires pour m’en sortir que d’aller au-delà de ce reflet sur le miroir de manière à chercher ce qui se cache en chacun de nous et que nous ne voulons pas voir et devenir à mon tour un être nouveau. Oui, enfin découvrir qui tu es une bonne fois pour toute et prendre ta baguette magique pour changer le monde à ta guise, comme dans un rêve d’enfant, mais avec des désirs de grands. Au final, un texte bien trop compliqué que j’aurais été incapable d’écrire. Pourtant, j’aimais bien ce titre de  “Qui est tu?”.

Et puis, je me suis dit aussi que personne n’aurait vraiment pu comprendre une telle histoire, avec un enjeu aussi fumeux et dans lequel le narrateur aurait certainement pris plus de plaisir que le lecteur. Cela aurait certainement fini en une sorte d’exercice somme toute peu vain. Oui, je me disais qu’on n’aurait sûrement jamais eu envie de plonger dans ce texte puis de s’y perdre. Or j’ai toujours bien aimé les histoires où on s’y perd un peu, à la manière du Petit Poucet qui avance dans les bois et qui soudain se rend compte qu’il n’a plus de petits cailloux blancs dans sa main alors que, sans doute, il lui reste tant à parcourir. Pourtant, écrire une histoire où l’on se découvrait plus grand et plus fort à la fin aurait offert de si belles possibilités...

 

En fait, ce matin, je me suis un peu retrouvé dans la même situation avec ce caillou que je tenais dans la main. Un caillou brun comme il se doit  jusqu’au noir, à la forme irrégulière, vaguement rectangulaire, à la surface rugueuse car pleine d’interstices et de micro fissures, avec une magnifique veine blanche en son quasi centre. Je le regardais, je sentais son poids dans la main, j’en analysais inconsciemment la matière (est-ce du calcaire avec de la calcite ou un autre minerai sans doute d’origine volcanique que j’ignore avec du véritable quartz dedans?), mais, au fond de moi, au-delà même de mes connaissances somme toute limitées, quelque chose se refusait à moi. J’avais la troublante impression de ne rester qu’à la surface des choses et qu’il cachait en son sein quelque chose qui se dérobait à tout regard. Or je ne pus m’empêcher de penser : "de quoi tu te mêles, ce n’est qu’une pierre!". Or, au moment même où je formulais la phrase dans ma tête, je savais que j’avais tort. Il y a ce qu’on connaît et tout ce qu’on ignore encore à son sujet. On ne peut pas faire le tour de la question en quelques mots, et même un scientifique bien plus calé que toi n’aurait jamais eu cette prétention ! Et si tu le sais, pourquoi chercher à ce point à te mentir?

D’ailleurs, c’est tout bête mais, depuis ce matin, à force de regarder cette simple pierre, j’ai comme pris conscience que, moi aussi, j’étais bien plus que ce je ne pensais. Pour le découvrir, je pense qu'il faut trouver l’envie de passer de l’autre côté du miroir afin d’y découvrir ce qui se cache au-delà de cette surface opaque, et qu’importe que la voix qui nous accueille soit bonne ou mauvaise du moment qu’on se dise qu’elle fasse encore partie de nous. Du coup, cette pierre ne m’a plus quitté de la journée. Cela m’a même fait rire, parce que je me suis demandé si cette pierre pouvait avoir une infime parcelle de conscience. Oui, dis-moi tout, sais-tu qui tu es? Bien entendu, elle n’a jamais réagi. Et son absence de réaction ne signifie rien pour autant. Pourtant je me sens soudain comme cette pierre que je regarde. Peut-être suis-je moi-même une pierre dans la main de quelque chose de plus vaste et qui me dépasse ? Mais je m’emporte. Oui, tu t’emportes parce qu’il est parfois inutile de tout vouloir analyser…

Toujours est-il que ce caillou m’a fait prendre conscience que j’étais moi aussi davantage que ce que s’imaginent les autres. On a tous des ressources insoupçonnées, des dons inexploités et une personnalité cachée, seulement pour l’heure, je n’arrive toujours pas à les cerner, j’effleure du bout des doigts tout au plus cette potentialité en moi. Un jour, je me dis qu’il te faudra bien la laisser s’épanouir… Par exemple, tu aimerais tellement laisser une trace sur cette terre qui te survive, une sorte de parcelle de toi que d’autres, un jour, découvriront et qui se diront quel être merveilleux j’avais dû être et même qui aimeraient tant en connaître davantage sur moi, tout comme moi cette pierre que je serre dans ma main.

D’ailleurs, je me rends compte que la pierre a pris ma chaleur, alors qu’il y a peu encore, elle était si froide. C’est un peu comme si elle m’avait volé un peu de moi-même, ou comme si elle cherchait par ce biais à se rapprocher de moi. Décidément, ce que tu peux être bête, des fois ! Il n’y a rien de tout ça. Tu te racontes juste des histoires et puis c’est tout!

 

Au fait, j’aurai dû le préciser bien avant, mais il y a parfois dans ma tête une voix qui me parle comme si je m’adressais à moi-même, et d’ailleurs je me demande si tout le monde est comme moi et entend cette voix qui lui parle aussi de la sorte… Moi, elle me dit parfois des trucs du genre “Qu’est-ce que tu peux être con de te poser de telles questions!". Et ça me fait du bien. Je ris de moi comme si je riais d’une autre personne. Dans ces moments-là, j’ai presque l’impression que cette voix me connaît mieux que moi… Comme si j’étais à mes yeux une autre personne. Et parfois je me dis qu’elle contient peut-être tout ce que je ne veux pas être. D’autre fois encore, je me dis qu’elle renferme plutôt toute cette part de moi que je n’ai pas su trouver et qui me permettrait d’accomplir de si grandes choses. Tu vois, petite voix, c’est dire combien je t’apprécie ! Alors ne te moque pas trop de moi, parce que parfois j’ai aussi envie de te tordre le cou, de ne plus t’entendre et que tu me laisses tranquille, parce que tu as le don de juger tout ce que je fais. Tu es comme une paire d’yeux qui scrutent le moindre de mes gestes, partout, je la sens braquée sur moi, prêt à déchiffrer la moindre de mes pensées, à tel point que parfois je ne te supporte plus. Mais le monde est si bizarre autour de nous, qu’il ne faut pas trop se poser de questions.

Ce qu’il y a de plus étrange en ce moment, c’est de sentir si nettement son existence dans ma tête. Elle est parfois si forte… Plus forte que tout ce qui t’entoure… Oui, plus forte que moi… Alors, dis-moi, qui es-tu? Fais-tu partie de moi ou bien est-ce moi qui suis fou d’entendre des voix ?

 Comme ce serait pratique, hein ? Pas de question à se poser. La folie résout tout. Tu poses une bonne question mais tu n’as pas envie d’entendre la réponse. Il y a de fortes chances que cette folie qui t’effraie ouvre, à la place, d’autres portes derrière lesquelles se cachent tellement de choses à découvrir. Et si elles te donnaient justement accès à ce potentiel que tu sens confusément en toi et qui te permettrait de changer le monde? Tu en as peur parce que tout change autour de toi. Et même cette pierre que tu t’obstines à serrer dans ton poing, si tu la comprenais vraiment, aurait peut-être le pouvoir de changer ton regard sur le monde…

 Tu n’as pas répondu à ma question. Cette voix que j’entends dans ma tête fait-elle partie de moi ou bien es-tu autre chose? Comme une espèce de…

 Comme une espèce de dieu, n’est-ce pas? Des mots, encore des mots. Les mots n’existent pas. Et ce mot en particulier plus que tous les autres. Regarde autour de toi, et dis-moi seulement que ce mot ne veut pas tout dire et son contraire? Disons que je vois ce que tu veux dire, mais vous avez tellement sali ce mot que qui pourrait avoir envie de se revendiquer comme tel, même s’il en avait le pouvoir?

Et tu aimerais bien savoir si j’existe vraiment, hein? Mais pour exister, il faut vivre. Du moins, c’est ce que tu crois, car, pour que le mot “ vivre ” ait un sens, il faut pouvoir mourir.  Bon, je vais t’avouer un truc: je n’existe pas. De toute façon, tous les mots qu’on entend dans sa tête n’existent pas non plus. Ils sont des idées, des concepts, des impulsions électriques entre des neurones mais ils n’existent pas. C’est pourquoi je n’existe pas, même si tu crois le contraire parce que tu entends des voix…

Mais si déjà tu te refuses de le comprendre, comment veux-tu comprendre le monde autour de toi? Et le veux-tu vraiment?

 Bien entendu, que je le veux! Qui ne le voudrait pas? Je veux le comprendre dans son entier pour me dire que je peux à mon tour le changer. J’entends tellement de choses qui me révoltent! Il doit bien y avoir une solution…

 Alors cesse de le regarder comme si tu le connaissais. Tu es comme le Petit Poucet qui compte ses cailloux pour déterminer jusqu’où il peut encore aller. Par exemple, toutes ces couleurs, toutes ces formes, tous ces sons qui nous entourent ne sont que les vecteurs dont nous disposons pour le comprendre. Ce ne sont que des vibrations, des ondes, que la physique explique très bien… Mais tout ça n’est en rien des couleurs. Couleur est juste le mot que certains ont inventé pour cette illusion. Et la voix qui te parle en ce moment n’est rien d’autre à son tour. Et d’ailleurs, cette voix, avoue, tu ne l’entends pas! Tu la sens plutôt au fond de toi plus que tu ne l’entends! Tu vois que j’ai raison quand je te dis que tout n’est qu’illusion!

 Mais, non, tu as tort! Regarde cette pierre que j’ai encore dans la main. Tu sais quoi? Je sais qu’elle existe et j’aimerais tellement me dire que je suis comme elle : malgré toute l’évidence qu’elle semble contenir, elle conserve une part de mystère qui fait que j’ignore pourquoi j’ai envie de la serrer si fort dans ma main. Là, dans l’instant présent, j’aimerais même la lancer très loin de toutes mes forces. J’ai tellement son poids en tête qu’à l’avance je vois sa trajectoire, comme si je réussissais à lui communiquer ma propre volonté.  Et là, je la verrais se fracasser, à moins qu’elle ne soit plus dure que je ne l’imagine... Alors je ressentirais un tout autre plaisir, celui du bruit sec de l’impact qu’elle provoquerait contre une surface dure ou celui, plus sourd, de la voir s’incruster dans une matière un peu molle à la manière d’une arme.

 S’il suffit de si peu pour te faire plaisir, alors pourquoi tu ne te laisses pas tenter? Jette-la donc en plein cœur du miroir! Après tout, c’est le moment de réussir ton tour de magie et de faire basculer ce monde de l’autre côté. Sauf que tu voudrais que je te dise comment faire, c’est ça? Alors pourquoi, pour commencer, ne tuerais-tu pas tous ceux qui rendent ce monde si laid et si triste ou tous ceux qui ne pensent pas comme toi? Ou, si ça te fait si peur, pourquoi ne sauverais-tu pas ton prochain? Ou ne distribuerais-tu du bonheur autour de toi en rendant possible tous les rêves de chacun? Car, si tu veux laisser une trace dans ce monde, autant voir les choses en grand! Tu as tellement le choix, sauf que toi, tu décides à chaque fois de rester bien au chaud en dehors de tout ça…

 Et là, toi? Tu ne t’écoutes pas parler? Des mots, encore des mots. Tu brasses toujours du vide car personne ne comprend où tu veux m’emmener. Parce que moi, je suis très content d’appeler “pierre” cette pierre que j’ai dans la main.

 Qui ça? Moi? Mais je n’existe que dans ta tête! Tu n’as donc toujours pas accepté que tout n’est qu’illusion ici? Cette pierre, par exemple, si ça se trouve, si tu l’avais lancée contre je ne sais quel objet, elle disparaissait d’un coup  Pfuit! Partie on ne sait où avant même de l’avoir heurté.

Et dire que tu voulais être un magicien… Imagine ce même Petit Poucet au cœur de cette forêt profonde au-dessus de sa tête et qu’il n’ait plus que trois petits cailloux blancs dans la main. Alors, à ton tour, au lieu de parler, il te faudra agir et plonger dans le plaisir d’accepter que toutes tes certitudes aient disparu et qu’à la place tout ne soit plus qu’illusion. A toi de chercher cette joie de construire sans cesse dans du sable pour que tout s’effondre… C’est à ce prix que tu pèseras sur le monde de tout ton poids. Dans l’action et non les mots. Mais je suis sûr que jamais tu n’oseras… Et dire que toi, tu te rêves magicien, et tu n’es même pas fichu de transformer cette pierre en lapin ou en je ne sais quoi… Un magicien nous fait croire l’impossible, il nous fait rêver!

 Mais mon ambition n’est pas d’être ce genre de magicien de pacotille. Je veux être plus grand et plus puissant encore. Je veux être craint et avoir le pouvoir de changer le monde comme dans les livres.

Pourtant, c’est bizarre, tu es sur le point de découvrir l’immensité de ton pouvoir et tu t’obstines toujours à ne voir cette pierre que comme une pierre. Mais si elle était beaucoup plus que ça, que dirais-tu? D’ailleurs, je suis sûr que tu as compris où je voulais en venir... Et si, là où tu t’obstines à ne voir qu’une pierre, je la remplaçais par toi? Pour ça, vois tout ce qu’elle ne contient pas encore et tout ce que tes rêves t’apporteraient, puis, et mélange les deux pour entrevoir ton nouveau pouvoir, tel ce si grand magicien dont tu rêves. C’est à ce seul moment précis que tu seras prêt à franchir le seuil de cette satanée Raison avec son « R » majuscule qui t’arrête et qui t’empêche de te dévoiler toutes tes capacités, y compris celles qui te font peur. C’est comme ça que tu feras les choses en grand et que tu laisseras une trace dans ce monde ! Alors, qu’attends-tu pour le faire?

 D’abord, je dirais que je ne comprends rien, que les mots que tu emploies sont toujours aussi vides de sens et que je ne t’ai pas sonné!

Crois-tu ? Mais si tout est si vide, peut-être découvres-tu enfin que tu n’as plus aucun petit caillou blanc dans la main et qu’il te faut encore avancer dans l’épaisse et sombre forêt? Seulement je sens que tu as encore besoin d’une poudre de Perlimpinpin pour enfin accepter que tu ne serres plus une pierre, hein ? Rappelle-moi, ne voulais-tu pas devenir un grand magicien et découvrir tout ce qui se cache au plus profond de toi, car, disais-tu, tu mérites tellement mieux que cette vie ? Alors ne me dis pas que tu as peur… Si le monde autour de toi a changé, c’est uniquement parce qu’il n’est plus flou. Peut-être même est-il encore bien plus dangereux, tout comme peut-être cette pierre dans le creux de ta main à laquelle tu ne cesses de t’accrocher, sauf que tu as devant toi tant d’opportunités à saisir pour devenir meilleur… Oui, accepte qu’il change et tu seras libre d’en faire ce que tu veux, de devenir à ton tour exactement qui tu rêvais et de gagner ce pouvoir de changer le monde à ta guise. Et plus rien ne sera jamais comme avant. Alors, qu’as-tu à dire à tout ça ?

  Strictement rien. Je t’écoute…

 Tu restes sceptique? Tu ne t’es sans doute rendu compte de rien, mais à partir de maintenant, tu n’as plus à imaginer que tous tes rêves sont hors d’atteinte, puisqu’ils sont tous là dans le creux de ta main ! Tu peux même exécuter toutes ces choses si terribles qu’hier encore tu refusais d’admettre et qui pourtant faisaient pleinement partie de toi. Et tout était dès le départ, là, en toi. Allez, dis-moi, puisque tu sembles avoir compris le secret de la pierre, que feras-tu maintenant?

 Bon, attends une minute. Parce que tu veux me faire croire que j’ai basculé de l’autre côté du miroir et qu’ici, le monde devient plus fou, que tout est possible, même le pire ? Que je peux à mon tour apporter du bonheur à l’humanité et à la planète toute entière ? Ou assassiner tous ces gens sans qu’il ne se passe rien ? Ou même devenir un grand magicien juste en claquant des doigts ? Qu’on a qu’à prononcer un mot magique comme Abracadabra pour changer le monde parce qu’il nous paraît si irréel ?

Seulement, c’est toi qui te trompes. Si le monde n’est devenu qu’illusion, c’est parce que je suis un magicien et que je viens juste de réussir mon tour…

 Comment ça?

 Franchement, tu crois qu’il est vraiment possible de basculer de l’autre côté du miroir? Ce que tu regardes et que tu envisages et qui est censé m'enchanter ou m’effrayer n’a jamais été de l’autre côté du miroir. Regarde le reflet. Regarde ce visage et le monde qui l’entoure. Tout est à sa place. Jamais cela n’a été ailleurs… Et de tout temps… C’est ce monde que tu regardes. C’est toi. 

Décidément, tu n’es pas drôle ! Admettons que tu dises vrai. Mais si le monde était déjà ainsi, alors, toi qui es si malin, de l’autre côté, qu’y a-t-il dans ce miroir?

  Il y a ce qui a toujours été. Il y a tout ce que tu respires et qui t’alimente et te façonne sans même que tu ne t’en rendes compte. Il y a tout ce qui ne tient pas dans la tête des hommes : l’immensité des océans, l’immuabilité des montagnes, le cycle éternel de la Nature qui régule les forêts. Et tous, dans leurs forces invisibles, prodiguent parfois en toi leur doux et prodigieux fracas. Et tous impassiblement te dévoilent ce petit quelque chose pourtant aussi puissant qu’un rêve et qui t’appelle depuis toujours en secret. Et ici, vois-tu, contrairement à ce que tu penses, on ne trouve sa place qu’à la seule condition de n’y laisser aucune trace. Tout doit rester intact et l’homme gagnerait ainsi sa juste place dans cet immense silence qui résonne tout au fond de lui et qu’il peine pourtant à écouter. Tel est le prix pour basculer de l’autre côté du miroir. Et voici pourquoi si peu au bout du compte en ont vraiment envie…

 Mais dis-moi, puisque que tu as refusé mon rêve, je suppose que tu sous-entends aussi par là qu’il n’y a jamais eu d’autre voix dans ta tête. Si tel est le cas, ce serait donc toi qui étais dans la mienne ?

D’abord, je n’ai pas refusé ton rêve, c’est toi qui es rentré dans le mien. Tu oublies aussi que c’est moi qui ait la pierre et surtout que j’avais tout annoncé dès le départ : une histoire sans histoire et sans personnage… Juste des mots… et un miroir. C’est toi qui refuses de voir mon tour de magie, parce que tu cherches encore et toujours le truc. Les mots sont mon seul vrai pouvoir. Pour qu’ils en aient, comme cette pierre, ils ont besoin du silence comme d’une ombre.  Or c’est seulement en te laissant parler, vois-tu, que j’ai réalisé mon tour.

Sauf que tu as menti ! Il y avait bien un personnage dans cette histoire ! A moins que tu ne sois le genre de magiciens qui disparaissent d’un coup de baguette magique à la toute fin de leur tour en guise de dernière surprise?

 Voilà une bonne question… Seulement, pour y répondre, j’ai suffisamment fait entendre ma voix. Il ne me reste alors plus qu’à me taire à jamais pour que tu m’entendes partout, tel est mon plus beau tour de magie… A chaque fois que tu poseras le regard sur quelque chose ou dans un miroir, à chaque fois que tu prononceras un mot, alors tu seras comme face à mon pouvoir. A ton tour, tu auras le choix, face à ce miroir, de voir le monde tel qu’il est, quel que soit le côté à partir duquel tu le regardes.

 Il ne restera alors plus qu’une ultime question à te poser: qui suis-je finalement? Allons, cherche, c’est facile! Bon, je veux bien quand même t’aider encore une dernière fois avec une autre métaphore, car tu commences certainement par sentir en toi un début de lumière dans tout ce charabia, n’est-ce pas? Car je te dois bien ça… Voilà, quand tu commenceras à comprendre, dis-toi que je serai juste l’appel du vide brutal et vertigineux qui s’ouvrira en grand quand surgira le fameux point final. Disons, là, maintenant, pile face à toi, dans ce miroir magique.

 

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Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20560 il y a 8 ans 4 mois
Si je voulais faire fuir les éventuels lecteurs qui auraient envie de se plonger dans ce texte, alors je leur dirais qu’il s’agit d’un texte purement cérébral, donc sans une once d’affect, et quasi abstrait. En fait, même ce n’a pas été sciemment fait, cela pourrait être l’une des toiles du peintre de mon précédent portrait. Et on y retrouve d’ailleurs quasiment tous les thèmes mais d’une manière plus abstraite. Ce qui est assez drôle, c’est que du coup le texte est sur ce plan réaliste…

Maintenant, si j’avais envie de donner envie de lire le texte, je dirais également que le texte propose un vaste jeu avec le lecteur. Ce n’est pas un texte de renard, mais il a un air de famille. Et c’est un texte également assez drôle. Je doute d’ailleurs qu’une première lecture permette de le découvrir. Ici, l’humour se fait à mes dépens, donc j’ignore si un lecteur peut vraiment le percevoir. Je dirais que c’est là ma principale interrogation.
La seconde, c’est que je suppose que le lecteur va régulièrement décrocher, car la matière du texte fait qu’elle nécessite de la concentration pour être comprise. Il y a ici une sorte de mise en abîme de mon texte. J’aimerais connaître si possible ces endroits où vous décrocherez.

Enfin, il s’agit d’un texte plein de fantastique. Ce que je trouve assez drôle, c’est quand il cesse de l’être qu’il l’est finalement le plus… Son point de départ est un texte que j’avais proposé dans les travaux qui traitait d’une sorte d’entité omnisciente qui s’adressait directement au lecteur, dans lequel j’avais essayé de créer une sorte d’univers qui nous dépasse. Un texte, il faut le dire pas très agréable et pas très heureux… L’autre point de départ était ma volonté d’écrire à la seconde personne du singulier. Sur ce plan, vous verrez que j’ai échoué.
Bien entendu, dans ce vaste jeu que je propose dans lequel le lecteur est censé être un peu actif, j’aimerai que vous donniez votre ressenti en tant que « joueur ». Vous sentez-vous confortable à parcourir le texte et y prenez vous du plaisir ou alors ce texte ne vous parle jamais vraiment, et vous le considérez comme un exercice de style un peu vain de ma part ? Voilà ma principale crainte.
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20564 il y a 8 ans 4 mois

Pour trouver ta réponse, il ne te reste plus qu’à affronter cette évidence...

wat

Soudain la seconde personne, et je ne peux pas m'empêcher de me dire que tu essaies d'utiliser le texte comme un miroir pour faire en sorte que le lecteur soit le narrateur qui se lit en train de narrer.
Auquel cas je le devine beaucoup trop tôt, si c'est ça je vais pas mal m'ennuyer par la suite...

Oui, je me disais qu’on n’aurait sûrement jamais eu envie de plonger dans ce texte puis de s’y perdre.

Jusqu'à présent moi ça ne me gêne pas, du moment que ce narrateur a une personnalité. Nommément, ce qu'il redoute, sa faiblesse répétée.

Au fait, j’aurai dû le préciser bien avant...

Yé confirme.

Tu brasses toujours du vide car personne ne comprend où tu veux m’emmener.

Non ça va, jusqu'ici je suis.
J'hésite entre deux poupées de chiffon qui se disputent ou prendre la chose plus sérieusement mais eh, parlez donc.

Crois-tu ? Mais si tout est si vide, peut-être découvres-tu enfin...

Ah là non, je t'arrête.
Eins, je n'ai rien découvert du tout. Moi j'ai dit que cette pierre était une pierre donc t'es gentil, le vide c'est toi qui le professes. Zwei, qu'est-ce qu'une forêt vient faire là-dedans, tu essaies de me dire que je t'ai créé et inversement, et moi je te dirais que pour une série d'accidents nous sommes quand même une sacrée série d'accidents.
Drei, on se concentre s'il vous plaît. L'objectif c'est de franchir le miroir, la question c'est la lâcheté, merci de ne pas se disperser, ou je préviens, je décroche.

Strictement rien. Je t’écoute…

Réponse, tome un, page un sur mille soixante-quatre. Petit a. Qu'est-ce que tu essaies de démontrer ?
Non parce que moi, je discute du courage pour traverser un miroir. Toi, tu discutes de l'existence d'une pierre. Je ne vois pas l'intérêt de traverser ce miroir si je ne peux pas décider que cette pierre existe. Un peu de cohérence aussi, quoi.

D’abord, je n’ai pas refusé ton rêve, c’est toi qui es rentré dans le mien.

Voui m'enfin voui mais non, tu connaissais mes attentes. Je veux bien avoir un brin forcé la porte, mais on m'avait promis des cailloux.

A chaque fois que tu poseras le regard sur quelque chose ou dans un miroir, à chaque fois que tu prononceras un mot, alors tu seras comme face à mon pouvoir.

Oui, fondamentalement pourquoi pas. Tant qu'il n'y a pas de coût cognitif associé, une infinité d'entités indéfinies peuvent exercer un pouvoir infinitésimal. Mais quant à une influence réelle, le milliard de mes cellules se permet de grogner, c'est que c'est du travail.

Alors au final, je dirais deux choses.
La première, c'est que le texte a un ton léger et du coup même si ça donne l'impression de voir se disputer deux comédiens, sur scène, c'est suffisamment divertissant pour ne pas décrocher. Même quand les raisonnements ont tendance à faire du cent mètres haies sur patins à roulettes.
La seconde, c'est qu'au terme de la lecture je suis censé me retrouver face à mon écran -- ou feuille de papier, je suppose -- et constater que de un, il n'y a que moi, et de deux, il y a le monde. Qui n'avait pas son mot à dire mais qui a le mérite d'exister. Le problème étant que le monde est cohérent, et qu'il préfère l'action aux mots, ce qui aurait donné un narrateur particulièrement silencieux.

Je suppose qu'avec une version romancée du langage le texte fonctionne, même si les "tu" trahissent un peu vite le jeu. Mais pour le linguiste et logicien, euh... ben oui, on des machines à interpréter, cognitivement on s'interprète soi-même donc bon. Tout ça manque un brin de scalpel, pour un briseur de rêves.
Et là je dirais aussi que les personnages sont encore trop passifs. Ce qui donne envie de continuer, c'est le personnage lâche avec ses rêves, qui se donne un but, etc. Dès l'instant où cela s'efface comme excuse pour leur discussion, c'est le texte tout entier qui vole en éclats. Le personnage devrait quasiment s'aveugler dans son but, bretter un peu plus avec le texte quitte à se montrer effronté. Rire face à la mort, ce genre de choses.
L'autre personnage devrait au contraire être beaucoup plus passif, surtout si au final il prêche un monde "tel qu'il est", immuable et se moquant bien des interprétations. L'objectivité par excellence. On s'attendrait à le voir beaucoup plus absolu, posé, insensible, à asséner des vérités sans même songer qu'on puisse les remettre en question. Mais là ce doit être mon biais qui parle.

Parlant de ça, en un mot, si le texte avait été un peu plus comique je me serais peut-être pris à le relire pour voir ce que j'aurais pu manquer. Mais en l'état, j'ai plus l'impression qu'on essaie de me prendre mes cailloux.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20565 il y a 8 ans 4 mois
Il faut voir ce texte un peu comme la croûte terrestre, il y a par conséquent plusieurs couches. Et ce de par les thèmes qui s’empilent et également par ma façon d’écrire car je travaille dans la matière jusqu’à ce que je sois satisfait quitte à chambouler mes plans. D'ailleurs, tu ne t'es pas trop encombré des couches les plus superficielles pour rentrer dans le cœur, ce qui rend ton propos tout à fait intéressant.
Malheureusement pour lecteur (surtout un lecteur aussi analytique que toi qui plus est linguiste et logicien), il est possible que des matériaux persistent qui n’auraient peut-être plus lieu d’y être (par exemple ici l’aparté sur Dieu, même si les attaques terroristes ont fortement influencé ici mon travail et mon propos). Donc ce texte n’a gagné son magicien qu’à la 4eme mouture… Et au départ, c’était plus une idée qui venait comme un cheveu dans la soupe. Ce n’est qu’en voulant finalement écrire sur un portrait de magicien pour le faire rentrer dans Portraits des Jours Anciens que j’ai vraiment travaillé ce côté « Tour de magie ». Tout ça pour dire que je crois que mes textes ne rentreront jamais dans ta rigueur analytique pour cette raison…

Ensuite, j’ai l’impression de mieux comprendre pourquoi tu disais avoir de plus en plus de mal à lire les textes des autres. En lisant ta critique, j’ai eu l’impression que ta façon même de lire un texte t’empêche de vraiment y rentrer et de t’immerger. En voulant analyser ce que tu lis, tu court-circuites le plaisir de lire simplement sans se poser de question. Or ce texte invite justement un peu à ça (relis la première phrase, c’est toi qui m’a fait comprendre l’importance de la première phrase, et là, tu as tout le programme d’entrer de jeu). Donc pour le texte fonctionne, je dirais en l’occurrence qu’il ne faut paradoxalement pas forcément s’intéresser au succès du tour de magie annoncée (qui ne se produit littéralement pas, et ce, volontairement) mais au respect de ce cahier des charges. Tu ne dis d’ailleurs rien sur la première moitié, qui à mon sens est la plus importante. En soi, c’est quand même très proche de la logique du fil du texte qui se déroule…

Auquel cas je le devine beaucoup trop tôt, si c'est ça je vais pas mal m'ennuyer par la suite..

Oui, le texte ne cache pas spécialement ce jeu avec le lecteur. Mais je me surprends de ton ^propos. Quand tu regardes une comédie romantique, tu sais à l’avance ce qui va se passer. Pareil pour un drame. Pour un policier, idem, on sait que tous les suspect sont innocents et qu’il faut chercher dans ceux qui paraissent les plus innocents (ou les soit-disant morts) pour trouver le coupable. Si on regarde le film, ce n’est surtout pas pour l’originalité de l’histoire ou de la subtilité de je ne sais quoi (si c’est le cas, alors il ne servirait à rien de revoir un film qu’on n’a déjà vu et dont on connait l’histoire). L’important, c’est le reste : la mise en scène, les enchainements de plan, le jeu des acteurs, la profondeur des thèmes ou ce mystère de trouver un plaisir sur quelque chose qui justement serait au départ galvaudé. D’où ma remarque sur la position de lecteur que tu prends.
Si on revient au tour de magie, je dirais qu’on sait toujours à l’avance ce qui va se passer. Oui, il va retrouver la carte que j’ai tirée. Oui, il va faire disparaître la dame dans la boite etc. On le sait, ce qui importe, c’est comment il va nous surprendre. Or, j’espère que tu ne t’attendais pas à ce déroulement du tour.

Drei, on se concentre s'il vous plaît. L'objectif c'est de franchir le miroir, la question c'est la lâcheté, merci de ne pas se disperser, ou je préviens, je décroche.

Oui, franchir le miroir… Je dirais que le lecteur attende ça fait partie du tour. Dans un tour de magie, il faut distraire le spectateur, attirer son attention sur des choses qui apparaissent importantes mais qui ne le sont pas pour mieux le distraire pour profiter de ce qu'il ne va pas regarder ou jouer avec ce qu'il a envie de voir etc. Pour ce qui est de la lâcheté, par contre, je pense que tu interprètes un peu sur l'importance de cette dimension (faut être lucide, l'humanité est avant tout constitué de gens normaux, moyens et médiocre (sans chercher à être péjoratif car je me place parmi ces gens)) La question centrale, pour moi, c’est davantage le rapport à l'intime.
C’est surtout un texte qui a été rédigé un peu dans l’idée que je mettais en scène mes thèmes fétiches qu'on pourrait appeler obsession, et qu’un lecteur qui connait mes textes gagnerait des clés supplémentaires, tout comme toi avec certaines de tes obsessions (les démons, les inversions logiques, les renards etc.). Si tu faisais la liste, je pense que tu devrais retrouver la plupart des miennes, à part les relations hommes-femmes bien entendu…

Zwei, qu'est-ce qu'une forêt vient faire là-dedans, tu essaies de me dire que je t'ai créé et inversement, et moi je te dirais que pour une série d'accidents nous sommes quand même une sacrée série d'accidents.

Et si je te disais que cette histoire raconte au final davantage celle du Petit Poucet que celle d’Alice au Pays des merveilles, ça t’aiderait à rendre le texte plus intéressant ?

Parlant de ça, en un mot, si le texte avait été un peu plus comique je me serais peut-être pris à le relire pour voir ce que j'aurais pu manquer. Mais en l'état, j'ai plus l'impression qu'on essaie de me prendre mes cailloux.

Le comique du texte ne s’arrête pas forcément aux phrases elles-mêmes mais plus dans le fonctionnement du texte lui-même, dans la façon de jeter de la poudre de Perlimpinpin pour distraire le lecteur de l’essentiel et qui rend anecdotique les choses fondamentales (en l’occurrence ici Descartes). Et également, c’est un comique très tournée sur l’absurde. Par exemple, tu ne dis aucun mot sur la façon dont le magicien construit et réussi son tour. J’aurais bien aimé voir si tu voyais comment le tour de magie est mis en scène.
Je parle également de comprendre le monde, mais en réalité, que fait le texte fondamentalement à propos du monde ? Puis, quand le texte passe en mode dialogue (d'ailleurs,, j'ai voulu m'y essayer un peu façon Petch, j'ignore si je m'en sors d'ailleurs bien), qui détient finalement le pouvoir ?
Et je trouve aussi assez drôle mon utilisation du fantastique et combien le texte fonctionne sur des paradoxes quand on y réfléchit bien. Je pense que le fond du comique (le comique d'intention notamment) peut difficilement apparaître à une première lecture... Tout comme l'absurdité sous-jacente... Ce qui fait que tout le dernier paragraphe doit se lire avec un grand sourire. Mais bon j'ai un humour tordu, mais ça, je pense que tu commences à le savoir... ;)

La seconde, c'est qu'au terme de la lecture je suis censé me retrouver face à mon écran -- ou feuille de papier, je suppose -- et constater que de un, il n'y a que moi, et de deux, il y a le monde.

je dirais plutôt que je disparais dans la tête du lecteur et qu’il est censé voir le monde à la fin avec mes yeux (c’est-à-dire de ne plus le voir ni le comprendre :oops: :evil: ) Et la boucle est bouclée, il est à ma place du début du texte. Disons que c'est une option possible du texte... ;)

Et là je dirais aussi que les personnages sont encore trop passifs.

Quelque chose me dit que tu n'as pas vu le vrai tour ou tout du moins l'astuce du tour...
En fait, j’ignore si je suis un grand magicien, mais je me suis bien amusé à me découvrir bien meilleur magicien que je ne le croyais, et à dire vrai, j’ai moi-même été surpris de réussir mon (mes) petit(s) tour(s)… :lol: Maintenant, je sais que ce n'est pas parfait. Je suppose qu'il faudrait couper dedans mais, comme je te l'ai dit, c'est un texte qui est résumé dans son entier dans la première phrase (que je trouvé assez drôle pour ma part, quand on se place du côté de l'auteur, bien entendu).
Ce texte est un peu le miroir du Loup Garrou. J'y tentais de faire plonger littéralement le lecteur dans la tête de mon personnage, là c'est moi qui essaie à la fin de rentrer dans la sienne. En tout cas, c'est ma tentative.de fusionner avec lui. :oops: