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Ils comptèrent ensemble le nombre de fenêtres, treize exactement. Ils en avaient profité pour les ouvrir et du dehors leur venait l’air assez froid et humide de la lande. Mais la treizième leur résistait, insensible à toutes leurs tentatives. Elle était, comme les autres, à loquet, un verrou simple mécanique qui courait le long de son plaqué. Et le livre que les deux chroniqueurs cherchaient se trouvait juste devant eux, bien visible quand ils se mettaient en face, ironiquement, à portée de main.
« Peut-être qu’en faisant des ronds dessus avec le doigt ? » ironisa Quirinal.
À sa surprise son camarade drogué obtempéra, à plusieurs reprises, sur toute la surface de la vitre. Il laissa des traces de doigt telles qu’elles évoquaient la nausée, à part quoi ses tentatives restèrent sans résultat.
« Je n’vois pas d’verrou. C’pas comme les portes. » Puis, plus vivement : « ‘Doit y avoir un mécanisme, à coup sûr. Ouais, un mécanisme r’lié au vestibule. »
« Pas question de quitter cette pièce » répondit avec un aplomb quitte de toute bonhommie son camarade.
Ils tâtèrent néanmoins le cadre de la fenêtre, puis les pierres environnantes, puis passèrent les mains sur les tapisseries et en retournèrent plusieurs, sans résultat. Tandis que Vlad continuait à chercher, le docteur lui se remit devant la vitre et observa de plus près le livre. Il n’en voyait que la reliure, qu’il jugeait riche, sans le moindre titre dessus, pas même une lettre.
Un vacarme le fit se retourner : le loqueteux avait fait tomber par terre une partie des alcools contenus dans une armoire. Il secouait ses haillons dégoulinants. Le docteur sourit : cela réduirait peut-être son abominable odeur. Il devait aussi admettre que son ami cherchait, ce qui le réconforta. Jusqu’alors, il s’était senti seul, livré à lui-même. Quand bien même c’était un drogué, son ami chroniqueur n’en était pas moins un allié désormais. Le livre aurait au moins eu ce pouvoir.
« Du calme, pas de précipitation » lança-t-il de son air docte. « Procédons scientifiquement. Une pierre devrait pouvoir briser cette vitre. »
« ‘Pas possible, t’es claustro’, Quir’ ? »
« Je veux dire : celui qui a caché – si je puis dire – ce livre ici devait souffrir d’une démence grave. Quoi qu’il ait prévu pour le récupérer, c’est au-delà du bon sens. Pas question que je ne m’y engage. »
« Si c’est d’la démence qu’y faut, ça doit pouvoir s’trouver. »
C’était exactement ce que voulait entendre le docteur, qui ne put s’empêcher de sourire à son ami toujours trempé, ses chausses sales au milieu des débris de bouteilles. Oui, cela le tranquillisait de pouvoir compter sur ce boulet de Vlad. Il était même d’eux deux le mieux préparé pour cette situation hors-norme. Pas question de se rendre au vestibule, cela était arrêté, mais lui-même n’était pas contre un léger chamboulement de la décoration dans le petit salon, qui lui avait toujours paru trop convention de chasse pour lui plaire.
Tous deux se remirent donc à fouiller patiemment, l’un jubilant dans l’attente de voir le pouvoir du livre se réaliser, l’autre pressé que selon son habitude tout lui tombe tout fait sous la main. Ils faisaient un vacarme de tous les diables, à déplacer les tables, à renverser les chaises, à ouvrir et fermer les fenêtres – si si – dans différents ordres (juste au cas où) et quand ils en eurent assez, dans le chantier de ce petit salon transformé en salle de taverne après le coutumier passage du héros, l’un et l’autre se rassirent pour faire le point.
Ils n’avaient rien trouvé et cela ne les dérangeait pas vraiment. Pour une fois, rien qu’une fois depuis leur arrivée, ils avaient enfin l’impression d’aller quelque part. À cette seule idée d’un objectif concret, accessible bien que retors, leur esprit de chroniqueur retrouvait le moral. Quirinal en supportait presque les piques incessantes de son camarade.
Ce dernier s’était mis à ranger le jeu de société, jusqu’alors délaissé sur le sol. Il prenait les figurines en vrac et les jetait dans la boîte, puis les dés, puis le plateau et quand il allait refermer la boîte : « Eh, et l’manuel ? » Une idée alors germa.

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