La survie l’emportait sur la discipline. Déjà des portions entières de
l’installation étaient noyées par les eaux glaciales des fonds. Pris
dans l’obscurité alors que l’air âpre se raréfiait les soldats du
Nouveau Monde se repliaient en toute hâte vers le quai où les attendait
l’abordeur. Le quai lui-même menaçait de s’effondrer, avec son plafond
d’acier de plus de vingt tonnes, et malgré cela le vaisseau de
transport, ses champs désactivés malgré l’eau qui battait toujours plus
fort, attendait au plus proche de l’accès les forces qui refluaient.
Quatre projecteurs illuminèrent l’entrée défoncée par les combats, et
que les flots déjà submergeaient. Ils saisirent dans l’entrecroisement
de leurs faisceaux les quatre assaillants.
Tour à tour le lieutenant Immons, suivi de leur pilote le sergent Naïa,
enfin de Kyréna traînant le biochimiste à bout de bras se firent
surprendre par cette lumière, suivie de peu par les tirs nourris du
vaisseau. Les lames d’eau et les secousses servirent seules de
couverture : ils passèrent. Ils grimpaient par la trappe et à peine
entrés découvraient le vaisseau pratiquement vide de soldats.
Naïa resta derrière pour garder le docteur Jean qui s’était accroupi
dans un coin. Le capitaine et Immons se précipitèrent au poste de
pilotage, qu’ils prirent par surprise, après quoi suivirent des rafales
d’armes légères, puis le silence. Le capitaine appela Naïa par
l’interphone du bord et tandis que la trappe se refermait enfin, elle
alla les rejoindre dans le cockpit. Elle eut un moment de stupeur en
découvrant son état, mais se reprit.
- Vous saurez piloter cet engin ?
- Ce n’est pas bien différent d’un Cive. Un gros, très gros Cive.
- Si jamais on y passe, Naïa, j’aimerais vous dire…
- Plus tard, les déclarations d’amour.
- Comment vous avez deviné ?
Resté dans la cale le biochimiste desserra son étreinte de sur son
ordinateur. Il le rouvrit et tandis que l’appareil s’ébranlait, il le
ralluma. La lueur de l’écran le rassura, comme une échappatoire. Le
code avait disparu, il n’y avait que le symbole d’entrée qui
clignotait. Jean Valdes se remit à écrire, d’abord quelques touches,
puis de plus en plus absorbé à mesure qu’il oubliait la situation.
L’abordeur se dégageait du quai, ils réactivèrent ses champs un peu tôt
et ceux-ci frappant les parois à l’étroit faillirent s’effondrer. L’eau
s’écarta alors qu’ils s’enfonçaient et bientôt ils glissaient dans
l’eau en surpression.
- Mince !
- Qu’y a-t-il ?
La pilote leur désigna le premier sous-marin, détruit plus tôt dans
l’assaut du site et qui avait coulé droit sur le passage vers
l’extérieur. Au-dessus d’eux le quai avait pris la teinte des flammes.
- Tirez, foncez, faites ce que vous voulez mais sortez-nous de là.
- Les canons d’abordage ne pourront jamais détruire un classe Ohio !
Le capitaine se pencha par-dessus les commandes, pour désigner un point par les vitres :
- Tirez à la proue. Il doit encore avoir ses torpilles.
Elle n’hésita pas une seconde, mais abaissa les champs en même temps
qu’elle redirigeait tous les canons sur l’avant du sous-marin. Déjà la
pression de l’eau écrasait la coque. Tout l’armement fit feu en une
fois, d’abord ricochant avant de cisailler la coque puis les munitions
de l’Ohio, touchées, explosèrent en chaîne. Naïa martela la commande
des champs qui peinaient à revenir alors que l’abordeur était secoué
par l’explosion. Une alarme à bord les affola même quand tout fut
terminé. Ils traversèrent le passage ainsi ouvert et s’échappèrent du
site à l’agonie.
- Comment vous saviez ? Pour les torpilles ?
Le lieutenant du CRIJ anticipa la réponse :
- Notre cher Kyréna vient de Thulé, voilà comment ! Pas vrai, Kyréna ?
96 - Géo, à l'abordage
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- Écrit par Vuld Edone
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