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Le soir même, Tray confirma effectivement que c’était une des meilleures solutions, à savoir se référer aux autorités compétentes. Quant à l’argent il n’en souffla mot, ne pouvant se permettre de leur conseiller quoique ce soit sans les pousser à conserver l’objet de leur vol.

_ Au final on dirait bien que vous commencez à grandir…

Il se leva au milieu de sa phrase pour calmer Sempras qui aboyait à la porte. Jetant tranquillement un œil à la fenêtre il continua :

_ Oui il semblerait que vous commenciez enfin à faire confiance aux autorités, tout du moins quand vous en avez besoin.

Il sourit et tapant sur l’encolure de son chien pour tenter de l’apaiser. Une voiture banalisée s'était arrêtée en face et deux hommes en costume se dirigeant vers la maison. Il se retourna alors tranquillement avant d’ajouter :

_ C’est le moment de prouver que vous changez vraiment, montez à l’étage et ne faites pas de bruit. Ne vous faites remarquer sous aucun prétexte.

Il appuya sa demande d’un regard mi-autoritaire, mi-rassurant. Tous trois se levèrent et se dirigèrent vers l’escalier se regardant tour à tour, malgré tout inquiets. Sempras continuait d’aboyer et redoubla de force lorsque la sonnette retentit dans la maison. Ils accélèrent alors le pas.

Tray s'assura que le trio ait bien fermé la porte de l’étage avant d’ouvrir celle d’entrée. Sempras grognait à présent. Les hommes étaient de forte carrure et la mine sévère. Celui de droite, se présentant comme étant l’agent Daniels était légèrement plus petit et plus nerveux. Ce dernier engagea en demandant à voir les ados.

_ C'est pour leur bien, disait-il, ils sont en danger mais vous ne craignez rien avec nous. Nous savons qu'ils se trouvent ici, ne vous opposez pas et tout se passera bien.

_ Je ne vois pas de qui, ou de quoi vous voulez parler, je…

_ Facilitez-nous la tâche Travis, ne perdons pas temps en bavardages…

_ Je ne sais pas d’où vous me connaissez, ni qui vous êtes, mais tout ce que je sais, c'est qu'ils sont en sécurité ici. Je vous prie maintenant de…

Il ne pu terminer sa phrase, le second agent entra de force sans mot dire et entreprit de visiter toutes les pièces de la maison.

_ Tirez-vous ou j'appelle les flics, vous n'avez pas à être ici ! lui cria Tray.

Daniels entra de la même manière et, sortant une carte de sa poche, fit écran en bloquant toute avancée de Travis :

_ Du calme, la cavalerie est déjà là, nous sommes du FBI.

Tray ne su que dire. Le FBI maintenant, ses trois hôtes lui avaient-ils caché qu’ils avaient déjà proposé quelque chose à l’agence fédérale ? Ou avaient-ils omis de lui expliquer une partie de l’histoire ? Quelque chose qui aurait permis aux agents de remonter leur trace ?

_ Vous êtes de mèche avec ceux qui leur ont tiré dessus ? Avouez-le, et maintenant vous voulez récupérer ce que vous avez perdu ? fit-il plus agressivement.

_ Non, nous sommes là pour les protéger, répéta calmement le supposé agent Daniels. Nous vous l'avons déjà dit, plus on perd de temps, plus ils sont en danger.

Tray se dirigea vers la fenêtre.

_ Ils ne sont pas en danger, personne ne…

Il ne finit pas, une autre voiture s'était arrêtée un peu plus loin, depuis combien de temps ? Que se passait-il au juste ? Sempras avait reprit ses aboiements, de manière beaucoup plus vindicative, couvrant en partie leur discussion. Celle-ci ne parvenait que par bribes aux gars qui écoutaient à travers la porte de leur chambre d’ami où ils s'efforçaient de ne faire aucun bruit. Comment allaient-ils échapper à ces hommes ? Et s'ils le faisaient, le fallait-il bien ? Ils ne savaient plus à qui faire confiance.

Angie observa plus attentivement la pièce où ils se trouvaient : une fenêtre donnait sur la rue et une autre sur le pignon. Une porte fermée sur la dernière cloison permettait de passer dans le grenier. S’ils devaient se cacher, leur meilleure option serait de sortir dehors plutôt que de s’y réfugier.

Alors qu’au rez-de-chaussée les agents fouillaient les pièces, le plancher craqua dans le grenier. Seule Angie leva la tête, Amîn et Noé étaient trop occupés à écouter la conversation pour avoir entendu le bruit. Elle tendit l’oreille, ne sachant si son esprit n’était pas en train de la tromper. Mais un bruit de pas camouflé se fit entendre de nouveau. Cette fois-ci, plus de doute, quelqu'un se trouvait dans la pièce à côté ! Les gars plus attentifs que jamais à ce qui se passait en bas ne réagirent toujours pas. Mais pourquoi Sempras… Angie comprit à ce moment que si le chien aboyait, ce n'était pas après les agents du FBI, mais après une présence qu’il avait entendue contourner la maison et pénétrer dans le grenier. Elle toucha Noé avec nervosité et lui fit rapidement comprendre. Les ados étaient piégés, pris entre deux feux, il ne restait qu'une seule solution : la fenêtre.

Tout ce qui suivit se passa en un éclair, Amîn se précipita dessus, l'ouvrit tant bien que mal et commença à hisser Angie sur le toit pour quitter le plus vite possible la maison. Noé pris l'initiative de tourner la clef dans la serrure de la porte du grenier. A ce bruit caractéristique, l'agent Daniels grimpa quatre à quatre les marches de l'escalier qui le distançait de la porte de la chambre avant de l’ouvrir violement.

Il vit dans un premier temps Noé, effaré, qui se précipitait vers la fenêtre qu'Amîn était en train de franchir, puis sur sa gauche, un homme tomber sur la porte du grenier qu'il venait d'enfoncer d’un coup d’épaule suivit par un acolyte, arme au poing, ajustant Noé qui entreprenait de passer la fenêtre. Dans un mouvement rapide et maîtrisé, Daniels dégaina son Gluck, visa, tira et troua la main de l’inconnu armé du grenier. Amîn sursauta au bruit du tir et dégringola, entraînant Noé dans sa chute sur le toit du garage. Angie était déjà dans le jardin, leur faisant signe de la rejoindre rapidement.

Entre-temps, le premier inconnu s'était relevé de sa porte enfoncée, hébété, ne comprenant ce qui se passait. L'agent du FBI explosa le coude du second homme qui tentait, lui et sa main en sang, de se mettre à couvert. Son compère le pris par le bras, reprenant ses esprits et l'entraîna la pièce d'où ils arrivaient. Daniels tira plusieurs coups à travers la paroi qui le séparait du grenier. Il entendit un bruit de chute sourd et, se rappelant des ados en fuite, redescendit les escaliers en courant.

Tray avait profité du désordre général pour sortir de la maison laissant Sempras garder l’autre agent du FBI. Daniels prit son collègue par la manche, sans faire attention au chien qui grimpa les  mêmes escaliers en aboyant, lui passant à côté, se ruant vers l’étage. Les deux agents du FBI sortirent ainsi dans la rue, le premier expliquant au second la scène du grenier, tout en cherchant des yeux leurs quatre fuyards, les ados et Travis, qui semblent-ils, n’avaient pas tardé à les distancer.

Tray n’avait pas mis de temps à rejoindre ses hôtes, ralentis par la blessure d’Amîn qui ne pouvait se permettre de courir très rapidement. Une fois ensembles, ils optèrent pour un déplacement sinueux, passant de rues en rues, parfois à travers des jardins, espérant ainsi déjouer leurs poursuivants. Malheureusement pour eux, la lune était pleine et haute dans le ciel, ne leur autorisant pas de pause ni d’endroit bien pratique pour se cacher.

Que c'était-il passé ? Qui étaient les deux hommes surgis du grenier ? pour sûr ils n’étaient pas de mèche avec les supposés agents du FBI. Noé n’avait pas eu le temps de distinguer les visages à l’étage mais ne pensait pas que c’était les mêmes hommes qui leur avaient tiré dessus à Montréal. Néanmoins, la raison la plus simple était de considérer qu’ils étaient du même camp. Une quatrième partie n’aurait pas vraiment de sens. Quand bien même, le fait d’avoir été retrouvé n’en avait pas vraiment, de sens. Quelles traces leur avaient-elles échappées ?

Pendant un moment il lui avait été tentant de rejoindre les agents du FBI, mais à présent, il valait mieux distancer les deux parties en présence : même si l’une des deux pouvait les aider, l’autre l’en empêcherait sûrement. Il fut coupé dans ses pensées par la voix d’Amîn :

_ Où va-t-on ? fit-il essoufflé.

_ On les distance encore, après on verra, répondit Tray.

Amîn jeta un œil alentour, ils étaient dans une ruelle déserte traversant une série de jardins sauvages, d’installations d’évacuation d’eaux usées diverses et autres terrains vagues. Pas une maison habitée à la ronde semblait-il.

_ Non, répondit-il, je ne pourrais pas aller bien loin à ce rythme. Il nous faut une destination réfléchie à présent.

Il s’était arrêté comme pour prouver son point mais se tut. Un grondement se faisait entendre et quelques secondes plus tard un tank passa dans un bruit assourdissant au bout de leur rue ! Derrière celui-ci une douzaine de fantassins en treillis militaire trottait en rythme. Les fuyards restèrent interdits devant la scène qui venait de se dérouler sous leurs yeux alors que roulement des chenilles s’éloignait déjà dans une rue perpendiculaire. Ils prirent alors conscience d’autres grondements du même genre leur parvenant des quartiers adjacents.

Mais cet arrêt leur fut défavorable : un bruit de course derrière eux leur appris qu'ils allaient être rattrapés. Ils regardèrent Amîn qui leur fit signe de dénégation de la tête :

_ Allez-y sans moi, je courrai mais vous aurez plus de chance si vous…

Mais déjà les silhouettes des deux agents du FBI apparurent, courant dans leur direction, essoufflés. Les fuyards qui ne pouvaient repartir sans laisser Amîn qui souffrait trop derrière eux, se résignèrent et se regroupèrent instinctivement. Fallait-il vraiment se réconforter ? Une fois à leur hauteur, les supposés agents firent une pause quelques secondes avant que l’agent qui n’avait pipé mot jusque ici ne prenne la parole, le souffle court mais le ton ferme et glacial :

_ Il va falloir être sage maintenant et nous suivre. Nous sommes du FBI, il ressortit sa plaque pour appuyer ses mots, et devons vous protéger. Votre puérilité nous met en danger.

Il avisa son partenaire, Daniels, qui jeta un œil alentour avant de prendre le relais :

_ Rejoignons une artère plus large, j’ai appelé un véhicule d’extraction, ils ne vont pas tarder et nous retrouveront de toute façon.

Il agita son téléphone portable de sorte que ses interlocuteurs comprirent intuitivement qu’il était équipé d’une quelconque balise. Il reprit :

_ Il vous faut quitter…

_ Ne bougez plus ! ordonna une voix avec surgit derrière eux, tenant Angie en joue.

Un homme, en sale état tenait Angie en joue. Dans un soupir et une vague de consternation, Noé reconnut l'homme qui avait enfoncé la porte du grenier. Jamais cela ne finirait.

L’homme en question repris férocement et avec un fort accent :

_ La mallette avec les documents ? Où est-elle ?!

Il fut suivit par un homme en costume qu’Amîn reconnu être l’agent Jennings, en photo sur le journal qu’il avait acheté le jour même. Celui-ci s’approcha rapidement mais calmement de leur agresseur et ne tarda pas à le désarmer d’une clé de bras puis d’un coup de genou dans le ventre. Une fois de plus on leur intima de ne pas bouger, chose qui ne risquait pas d'arriver, Amîn étant blessé et les autres trop stupéfaits, ne comprenant décidément pas ce qui se passait. Jennings reconnut les adolescents ainsi que Tray comme étant les personnes qu’il recherchait. Puis il se tourna vers les deux agents supposés être du FBI.

_ Qui êtes-vous ?

Tray leva la tête :

_ Je m'en doutais, nous aurions eu tort de vous faire confiance.

Les concernés ne dirent rien, restèrent impassibles. Angie réagit à ce moment et se tourna vers Jennings :

_ Ils ont appelé du renfort, ils veulent gagner du temps !

Jennings haussa les sourcils et d’un mouvement du bras ajouta :

_ Déposez vos armes !

Alors que les agents esquissèrent un mouvement vers leurs holsters, un cri de douleur déchira l'air, faisant sursauter le groupe. Sempras venait de les retrouver et avait mordu Jennings au bras, lâchant son arme qui retrouva rapidement un porteur en l'homme au fort accent que Jennings avait précédemment désarmé. A genoux, celui-ci se releva et se retourna pour décocher une droite à l’agent l’envoyant au tapis, le bras et le visage en sangs. Il pivota sur lui même une nouvelle fois pour faire face au groupe, mais arme au poing.

Noé se jetait déjà sur son bras pour le désarmer. Le malade tira sur celui-ci qui, toujours dans son élan, pris la balle dans le ventre et avant de s'écrouler sur son agresseur qui le repoussa sur le côté alors qu'un des supposés agents du FBI s'approchait. Cherchant à se défendre, il tira au jugé et fit éclater l'ampoule d'un réverbère. Daniels sortit alors son arme et le refroidit définitivement. L'autre agent s'était avancé vers Noé qu'Angie tenait déjà dans ses bras, pleurant de tout son corps. Il sortit son portable et appela une ambulance.

_ Nous devons partir, fit Daniels quand son collègue eut raccroché et s’être assuré que le malade au fort accent était bien mort. Il ne faut pas que l'on nous sache dans cette affaire.

Tray ne dit rien mais brûlait d’envie de savoir ce qui se tramait réellement.

_ Vous, reprit-il en désignant Amîn et Tray, venez avec nous ! Nous avons assez perdu de temps comme ça ! Toi, la fille, tu restes avec ton ami. Et retenez votre chien ou je le bute !

Tray rappela Sempras et le maintint par son collier.

_ Yann, continua Daniels, préviens Naem que nous avons les gosses et demande lui un point d’extraction d’urgence plus loin.

 Amîn, soutenu par Tray se retourna pour voir Angie qui restait à côté de Noé, comprimant fortement la plaie à son abdomen. Une arme pointé sur ses reins, il ne pouvait rien faire d'autre que suivre ces supposés agents.

Angie serrait la main de Noé à lui en écraser les os, regardant désespérément autour d'elle, le regard brouillé par les larmes. Pas loin d'elle gisait le fou qui l'avait tenue en joue, les lèvres figées en un rictus glacial et les yeux exorbités. Et plus près du trottoir, l'agent Jennings qui avait prit un mauvais coup à la tête en tombant sur le trottoir. Elle aurait aimé rattraper les agents, même s’ils étaient faux, leur dire qu'elle avait peur, qu'elle ne voulait pas rester seule ici, être sûre que l'ambulance viendrait… mais ne pouvait laisser Noé seul. Celui-ci regardait le ciel comme s'il ne voyait que du vide.

Après quelques minutes de désorientation, Angie entendit son frère marmonner :

_ Tu sais Angie, entreprit-il…

_ Non tais-toi, s'il te plaît, tais-toi, sanglota Angie.

_ … le cinéma ne reproduira jamais ce que l'on ressent quand on part… continuait Noé.

Angie pleurait, le balançant, comprimant fermement la plaie qui devait se trouver en dessous de son poumon. Et cette p….. d'ambulance qui n'arrivait toujours pas ! Noé continua sa diatribe :

_ C'est une fausse impression de la réalité, c'est entre… entre peur et calme. J'aurais aimé exploiter toutes les possibilités qu'offrait la vie, c'est bête mais… il déglutit, c'est en mourant qu'on y tient le plus, que l’on voudrait voir la suite... ce qui va se passer… le futur.

Il s'arrêta, déglutit de nouveau et soupira. Le hululement d’une sirène apparut au loin, couvrant les grondements des véhicules lourds de l’armée qui semblaient sillonner les grandes rues adjacentes. Angie embrassa longuement le front de son frère cherchant toujours de l'aide autour d'elle. L'agent du FBI ne bougeait pas et Angie cru apercevoir une flaque de sang se former à la base de son crâne. Elle ne pouvait s’en assurer sans s’éloigner de Noé mais n’eut pas à s’en décourager, elle ne pouvait desserrer ses bras, pensant profondément qu’elle le retenait parmi le monde des vivants.

_ Mais je suis privilégié tu sais ? reprit Noé d'une voix plus faible.

_ Non, fit-t-elle entre deux sanglots, pourquoi ?

Qu’allait-elle faire sans Noé ? Il était sa seule famille. Leur histoire avait créé un lien profond entre eux et voilà qu’on allait lui enlever.

_ Dans quelques instants… quelques minutes peut-être… je saurais si… s'il existe ou non un… une… une vie après la mort, s'il existe… un dieu quelconque.

_ Arrêtes tu divagues, calme-toi. Lui conseilla Angie

Ce dernier n’avait jamais été très démonstratif, toujours distant, incapable de lier une relation sentimentale de ce genre. Alors Angie l’avait fait pour deux car elle savait que de toute façon, au fond de lui, il l’aimait aussi, même s’il ne savait le montrer.

Mais que faisait cette ambulance, pourquoi mettait-elle tant de temps ?! La sirène se rapprochait tout le temps, sans pour autant que le véhicule de secours ne soit visible.

_ Tu ne mourras pas, tais toi maintenant, gardes tes forces pour… pour…

Dans les rues adjacentes elle apercevait des camions militaires, beaucoup d’ombres dansantes projetées par leurs phares contre les murs. Sûrement des soldats, leur pas ne trompait pas. Que se passait-il donc ?

_ Je serais parti d'ici là et tu le sais, reprit Noé que rien ne pouvait arrêter, tu le sais… aussi bien que moi.

Angie n'en pouvait plus de tout ce temps passé, l'ambulance devrait déjà être là.

_ Aucun… aucun mot ne saurait exprimer ce que je… ce que je ressens… je… je pardonnerais au pire de mes ennemis… non pas… pour vivre mais seulement… par envie de … de…

Il s'évanouit. Angie ne su que faire. Elle se mit à crier, à hurler de toutes ses forces maintenant au centre d'une mare de sang. L'ambulance prit forme à travers les volutes de vapeurs, puis à travers ses yeux brouillés, à son grand bonheur. Elle regarda Noé qui avait les yeux clos, le visage blême et inexpressif. Non ! Il ne pouvait être trop tard ! Pas maintenant.

***

Une odeur de produit désinfectant se mélangeait à celle des médicaments. Aucun bruit autre que l'inépuisable bip du moniteur cardiaque ne se faisait entendre. Angie fixait le mur blanc se repassant le voyage qu’elle venait de faire aux côtés de Noé dans l'ambulance. Balancée, abrutie par la sirène, dans un profond brouillard psychique. Le voyage avait été plus long que prévu, il leur avait fallut passer des barrages de police et de militaires. La ville était sens dessus dessous. Maintenant, cela faisait presque trois heures que Noé se trouvait sur la table d'opération, il devait être environ 4 heures du matin et elle était épuisée.

Un docteur en blouse verte, le masque autour du cou, sortit d’une salle en face d'elle. Celle ci releva la tête, guettant n'importe quel signe de bonne nouvelle.

_ Il s'en sortira ? tenta-t-elle de dire, mais seul un son rauque sortit de sa gorge enrouée.

Le docteur avait l’habitude des premières questions en sortie de bloc et répondit calmement :

_ Nous avons extrait la balle qui était logé dans son abdomen. Elle l'a bien atteint et il se trouve maintenant dans un coma léger.

_ Vous… vous ne savez pas ?

_ Nous avons fait tout notre possible, il est en salle de réanimation et nous suivons ses constantes de près. Pour le moment nous ne pouvons être sûrs de rien.

Angie se laissa retomber sur son siège. Il ne savait pas. Ces mots résonnaient dans sa tête. Un écho terrible, elle se sentit vaciller. Qu'allait-il arriver ? Et Amîn, où se trouvait-il ? Ce trop plein de question l'abrutissait. Le docteur lui demandait, sans qu'elle ne réponde, si elle était couverte par une quelconque assurance, s'il y avait d'autres proches. Qu'allait-il arriver ? Cette question revenait par centaines de fois, sans qu'elle ne puisse y répondre une seule fois…

Le journal télévisé diffusa le soir même les premières images de mesures prises par les USA, la loi martiale avait été instauré et l'état d'alerte nationale décrété. Un nouveau conflit international émergeait. Angie ne sut pourquoi, le sommeil l’emportant épuisée avant, sur son banc d'hôpital au milieu des allées et venues de médecins. Le monde n’avait plus aucun sens pour elle. Tout s’était écroulé en quelques jours. Noé, Amîn et elle même avaient perdu pied et ne faisait que tomber dans un gouffre d’incompréhension et d’impuissance. Un gouffre sans fin semblait-il.

Ils avaient précipité des évènements qui étaient de toute façon planifiés. Le Projet 6 était en marche et le monde allait le savoir… au prix de millions de vies.

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