Site B, Automne 2068
Le gardien Korkaz tapa son code sur le panneau de contrôle ouvrant l'accès à la salle SB-G12. Le sas ouvert, il pénétra à l'intérieur suivit d'une demi douzaine d'hommes en uniformes militaires. Des milliers de petits coffres fixés à la paroi de la chambre étaient éclairés d'une lumière aveuglante par des milliers de LEDs encastrées dans le plafond. Le gardien scruta sa fiche pour taper un second code sur le clavier alphanumérique prévu à cet effet, au dessus d'un des coffres de la salle. Celui-ci glissa et laissa s'échapper un petit nuage de condensation d'azote qu’il renfermait. Korkaz sortit une dizaine d'ampoules contenant une épaisse solution aqueuse rose précipitée de volutes orangées. Bien que n’ayant vraisemblablement pas le temps, il prit quelques secondes pour en observer le contenu, lui semblant avoir aperçu des bulles sombres à l’intérieur. Son esprit tentait de se fixer sur quelque chose d’autre.
Ceci aurait tout pu être routine, une habitude minutieusement réglée pour cet homme s'il n'avait pas une arme qui lui tapota la tempe d’un mouvement insistant. Une larme coula sur sa joue, il n’était pas un héros mais se demandait tout de même s’il avait la possibilité de sauver l’humanité de cette insanité. Il avait beau ne pas être courageux et tenir à sa vie, l’horreur qu’il tenait dans ses mains suffisait à remettre en question ce trait de caractère, en appellent à ses plus profonds instincts de survie de l’espèce.
Il y avait moins d'une heure que six soldats avaient débarqué dans la station au motif de relever la sécurité. Mais une fois entrés, le ménage avait été fait au moyen de HC8, armes de nouvelle génération, que seuls les commandos d'élite utilisaient. Korkaz, détenteur de tous les codes de sécurité avait gracieusement été épargné et sa vie avait immédiatement été mise à contribution.
Il avait vite exclu la possibilité qu’ils soient des pirates : ils savaient ce qu’ils faisaient et l’uniforme militaire confirmait la façon dont ils s’organisaient. Pas un ordre, pas un regard, les soldats se postaient et réagissaient à d’imperceptibles signes entre eux sans aucune nervosité ou précipitation. Froids, implacables et organisés… tous ces signes ne trompaient pas Korkaz : le vol était une étape minutieusement réglée, leurs intentions se devaient malheureusement d’êtres plus vastes. Ils utiliseraient cette saloperie qu’ils étaient venus chercher.
Leur chef lui avait tout de suite intimé d’ouvrir la salle G, sans lui dire ce qu’il y cherchait il lui avait donné le numéro du coffre. Cela supposait d’être très bien informé car la sécurité dépendait d’Aïo et la station ne…
Un coup de crosse dans le dos le fit revenir à la réalité.
_ Z’êtes barjes ou quoi ?! Vous savez ce qu’il y a là dedans ?!
Evidemment qu’ils le savaient mais la mine impassible de leur leader l’empêcha de continuer. Il lui fallait emballer le colis à présent. Tout allait se jouer en quelques secondes.
John passa le sas de la salle des coffres en sens inverse et fit mine de tomber en avant, trébuchant sur un invisible obstacle, une cinquantaine de gyrophares sortirent du plafond et une sirène lança un long mugissement lugubre à travers la station. La porte de la salle des coffres se referma brutalement sans laisser le temps au soldat qui le suivait de passer dans la salle de contrôle. Ceux-ci se trouvaient maintenant enfermés dans la chambre pressurisée. Korkaz eut un sourire fier, toute la sécurité n'ayant intentionnellement pas été désactivée, les capteurs volumétriques avaient détecté un mouvement trop rapide pour être naturel. Le confinement était alors la mesure instaurée, que ce mouvement soit dû à un vol ou à une chute, bloquant les intrus dans le premier cas, compartimentant une possible contamination dans le deuxième.
John profita de ce moment où il se trouvait hors d'atteinte pour tenter de déclencher l'alarme principale qui avertirait Aïo et le Site A d’une rupture de la sécurité des installations. Il valida son identité avec son badge, récupéra la clé de secours libérant un poussoir rouge. Il pressa avec force le bouton mais une balle avait sûrement endommagé l'armoire à circuits : seule une gerbe d'étincelles sortit des haut-parleurs. Pratiques ces mesures d’urgences… le site A ne serait pas averti de l’attaque. Une lourde angoisse le traversa et des sueurs froides lui gagnèrent le visage. A présent il avait un sérieux souci et devait quitter les lieux vers les quartiers militaires les plus proches.
Il se précipita gauchement dans la chambre de dépressurisation, le contenu du coffre toujours sous le bras, les fioles de polymères s’entrechoquant au rythme de sa course. Il ne lui restait plus qu'à revêtir sa combinaison lorsqu'une violente déflagration se fit entendre. Par la vitre le séparant de la salle de contrôle, il pu apercevoir les soldats sortir de la salle des coffres et commencer à tirer des rafales dans sa direction de balles se fichant dans la vitre blindée. Korkaz loua pendant une seconde les ingénieurs qui avaient réalisé la station où il se trouvait : il n’y avait pas eut de brèche dans la structure, ce qui pour le coup les aurait tous tués.
Korkaz finissait de sceller son casque, verrouilla les sécurités de sa combinaison et rangea alors les fioles dans une de ses poches. Il devenait maintenant urgent de quitter les lieux et semer ses agresseurs. A peine avait-il rangé les fioles que la sortie de la station s'ouvrit. Un paysage désertique, plongé dans la nuit, parsemé de cratères et essentiellement couvert de poussière s’offrit à lui. De n’importe quel côté ce terrain meurtri et stérile s’étendait jusqu’à l’horizon. L’adjectif qui s’accordait le plus à ce lieu était " lunaire ".
Et pour cause : Korkaz était agent de sécurité sur le Site B, situé sur la face cachée de la Lune, et il lui fallait à présent rejoindre le Site A, sur la face éclairée, une douzaine de kilomètres au nord de sa position… à pied.
Un coup d’œil en arrière, les soldats commençaient déjà à s'équiper afin de poursuivre le garde. Celui ci remarqua alors en orbite basse, la navette du colonel Naem qui était à la tête de ce commando. Son vaisseau était fiché et diffusé sur beaucoup de chaînes TV. Mais Korkaz ne pris pas le temps de savoir comment il avait pu se rendre de l’autre côté de la Lune sans se faire prendre. Il lui demanderait pour sûr s’il en avait l’occasion mais considéra qu’il saurait vivre sans.
Il se mit tout de suite en route par succession de petits bonds en direction de la lumière. Il ne se trouvait qu'à une demi-douzaine de kilomètres de sa destination à vol d’oiseau mais éviter tous les cratères de poussière lui rallongeait la distance. Il s’agissait ainsi plus d’un trek que d’une course de fond mais s’il n’y parvenait pas, personne n’aurait connaissance de l’horreur qui venait de se produire, ni du danger à présent encouru.
Arrivé à la frontière entre nuit et jour, il sentit quelque chose à ses pieds, soulevant de petits nuages de poussière, puis, pivotant sur lui-même, il aperçut les soldats qui tiraient à vue. Foutues armes ! Les HC8 avaient été développés pour tirer sans atmosphère ce qui les rendait amphibie et très pratiques pour la sécurité des Sites Alpha et Bêta. Il se retourna afin de repartir mais à peine avait-il fait quelques bonds, qu'une des balles le toucha silencieusement à la nuque. S’écroulant à terre, assommé par le choc, il ne pu voir les soldats arriver à sa portée, lui substituer les fioles et repartir dans leur navette.
La poussière avait commencé à le recouvrir, retombant lentement après sa chute. Korkaz se releva doucement quelques temps plus tard et eut un geste réflexe, tentant de se masser la nuque à travers la combinaison blindée qui lui avait sauvé la mise. Sa jauge d'oxygène, qui devait lui permettre de tenir cinq heures en extérieur, était presque vide, la balle avait touché sa réserve et un infime filet d'oxygène s'en échappait. Intéressant comme dans l’espace " infime " signifiait la mort certaine.
Aïo
Noé se réveilla en sursaut. Son cœur battait la chamade. Chaud, il avait chaud et était trempé de sueur. Le climatiseur devait être une fois de plus déréglé. Seul son souffle se faisait entendre. Son regard fut happé par le hublot près de son lit; ce sombre et vaste océan de vide était toujours aussi impressionnant. Sur sa droite, comme flottante, il distinguait la grande planète bleue qui n'était plus qu'asile et terres dévastées. La voyant, il ne pouvait que penser aux évènements qui s’y étaient déroulés. 7 ans déjà.
Quelqu'un frappa à la porte, Noé tourna la tête alors que le battant coulissait silencieusement dans la cloison. L'amiral Oïc apparut dans le faible faisceau de lumière bleue diffusée par un néon crachotant. Sur son uniforme bleu marine apparaissaient différentes décorations et autres médailles pour des guerres que Noé n'avait sûrement pas connues et encore moins vécues. L'amiral tendit sa main pour allumer la lumière inondant la pièce, éblouissant Noé. De son autre main il tenait des dossiers pressés contre son ventre. Sûrement pour cacher la fonte de ses abdos songea Noé.
Celui-ci se leva puis, passant dans la salle de bain, interrogea Oïc sur les raisons de sa venue.
_ La confirmation a été donnée, vous partez dans trois heures.
Noé ne répondit rien. Revenant dans la première pièce, il s'arrêta devant son étagère avec toutes les photos de famille qu’il posséda. Une en fait, lui et Angie quelques années auparavant.
_ Uniquement des volontaires ?
_ Oui, tous. Sauf le lieutenant Immons. Le décès de sa femme il y a quelques jours l'a perturbé. Il est en permission.
_ Je sais, s'il n'y avait pas cette mission je serai à ses côtés. Combien serons-nous alors ?
_ Quatre. Mais si tu comptais en avoir plus, tu pouvais toujours demander des assignations au lieu de volontaires.
Noé fit la moue et ne répondit pas. L’amiral soupira et reprit :
_ Ce n'est pas beaucoup mais compte tenu de la composition de votre équipe, du type de la mission et de vos antécédents, je vous fais confiance. Comprends néanmoins que le conseil ait hésité. L’équipe comporte le capitaine Eisen, un transfuge ex-marine, le lieutenant Kanéda, hacker et référent en explosifs de l’équipe. Tu devrais néanmoins savoir qu’il a été recherché par Interpol, et sûrement la moitié des services de renseignement existants.
_ Bah, je veux juste qu’il soit capable de garder le contact entre nous. Et le quatrième ?
_ Je n’ai pas son dossier mais à ce qu’on m’a dit tu connais déjà ce membre. Il est en cours de transfert depuis la Terre. Tâchez de revenir en entier.
Pour le coup, Noé y comptait bien. Sa vie ne prenait de l’intérêt qu’une fois en mission et revenir estropié signifierait une retraite forcée qu’il craignait plus que tout.
S'engouffrant dans son module de transport personnel quelques minutes plus tard, il referma du même mouvement le sas qui le séparait des quartiers militaires basés sur la Lune. La nacelle se composait d'un seul siège faisant face à un panneau de contrôle munit de deux écrans, et à une vitre de polymère le séparant du vide spatial.
Sur sa gauche se trouvaient les armoires à circuits électriques internes ainsi que des provisions en cas de problème. Sur sa droite, un compartiment comprenant armes et réserves d'oxygène pour l'habitacle ou pour toute sortie inopinée à l'extérieur du module. Deux néons thermiques placardés de chaque côté de la paroi éclairaient d'une faible lueur verte l'intérieur, le reflet du soleil sur la Lune faisait le reste. Noé pris place devant les commandes, puis, après quelques manipulations, la nacelle se décrocha du bâtiment. Trois petits réacteurs se déclenchèrent à l'arrière et, malgré leur taille, le propulsèrent à une vitesse impressionnante hors du spatioport puis du champ de gravitation lunaire.
La station spatiale Aïo se détachait à présent de l'image de la Terre. Noé pouvait en apprécier toutes les formes : elle se composait de deux demi-anneaux, le premier vertical et l'autre horizontal, reliés par des passerelles à une fine tour qui formait un probable diamètre de la sphère suggérée. Aïo avait succédé à la station Orion lors de la dégradation de cette dernière durant la guerre qui avait récemment eut lieu.
A la suite de ce conflit majeur, la Confédération Internationale des Territoires Libres, avait placé Aïo en orbite, prenant de vitesse toute autre nation, obtenant ainsi l’ascendant sur les voyages spatiaux. Si la CITL, avec sa pompeuse dénomination, ne comprenait que l’Australie, le Groenland et quelques archipels indonésiens en territoires terrestres, elle pouvait tout de même se targuer de détenir préséance sur le système solaire accessible.
Deux autres nations, non moins grandes, s’étaient formées au cours de la dernière guerre mondiale avec à leur tête le général Akdov, dirigeant l’empire militaire du Nouveau Monde, et Lwaï-Tse-Now, Administratrice de l’Eurasie ou Asie Nouvelle selon les appellations.
Le premier contrôlait le continent autrefois nommé Amérique, et renommé présomptueusement à son goût. Le Nouveau-Monde était de loin la plus grande puissance armée mondiale, régnant sur des contrées ravagées durant les combats. C'était aussi le plus grand fantasme de l'homme que de se trouver maître du monde et c'est d'ailleurs ce qui lui a valut pour héritage les reliefs restants. Il n’était ignoré de personne que si l’empire consommait actuellement les vestiges de ses conquêtes, la source ne tarderait pas à se tarir et l’énergie ou la nourriture, une fois manquantes, les pousseraient à assaillir l’Eurasie.
En effet, Lwaï-Tse-Now était à la tête d’une nation qui s’était relevé plus rapidement de la guerre que le Nouveau-Monde. D’aucuns considéraient que c’était partiellement dû à sa politique assez ferme avec la population, parfois même comparée à une dictature. Mais c’était aussi un pré requis si elle voulait maîtriser l’étendue de ses frontières. Celles-ci comprenaient l’Asie, berceau de la patrie, l'Europe, la Russie et une petite partie du Moyen-Orient. Lwaï-Tse-Now avait récemment mis en place un embargo vers l’empire d’Akdov, forte de son économie et ses ressources croissantes, tentant d’oublier son voisin gourmand.
La guerre était belle et bien terminée mais les braises couvaient encore sous les cendres et si la puissance d’attaque du Nouveau-Monde approchait les capacités de défense de l’Eurasie, aucun d’eux ne tentait de pousser l’autre au conflit, ne souhaitant présumer de leurs forces. L’époque en était ainsi à un répit avant une trêve durable ou l’imminence d’un nouveau conflit.
La radio crachota, réveillant Noé de sa lassitude : il arrivait à moins de 200 kilomètres de la station Aïo et la tour de contrôle prenait contact avec lui :
_ Veuillez décliner votre identité, questionna l'opérateur.
_ Commander Noé, matricule 553ABS.
_ Quelles sont les raisons de votre venue Commander ?
_ Je suis mandaté par le CRIJ et ne suis pas autorisé à les divulguer.
_ Veuillez patienter s’il vous plaît.
Il attendit quelques secondes avant que la tour ne lui permette finalement de s'avancer vers le spatioport.
La sécurité d'Aïo était impressionnante, bien que Noé en ait pourtant aperçu quelques failles. Peu importait, sa puissance militaire dépassait tout ce qui avait été vu et fait auparavant : le volume d’armement et la mobilité de ses équipements n’étaient pas du même acabit que ce qui se faisait au sol mais il suffisait à contrôler toutes les entrées et sorties de l’atmosphère terrestre. La mainmise d’Aïo sur les déplacements spatiaux lui conférait une puissance indiscutable dans le système solaire accessible. Le module qui transportait Noé fut téléguidé vers les hangars qui se situaient sous la station. Une large ouverture dans les épontes laissait apparaître milliers de vaisseaux et de techniciens qui travaillaient sur ceux-ci.
Depuis une dizaine d'années, l'électromagnétique avait été développée et adoptée en tout point du globe et de l'espace. Même si cette partie de la station semblait ouverte sur le vide sidéral, il n'en était rien et les champs énergétiques empêchaient tout échange d'atmosphère et se comportaient comme une porte blindée selon leur configuration.
Noé se trouvait à présent dans les couloirs le menant à la section du CRIJ, le Corps de Répression et d'Intervention Juridique. Ce mouvement avait été créé lors de la mise en service d'Aïo, afin de prendre le relais sur la BISA, qui avait été dissoute en même temps que toutes les brigades intergouvernementales de la planète. Noé en était l'un des premiers membres. Ils pouvaient arrêter, juger et exécuter s'il le fallait n'importe qui et n'importe où dans l’espace. Ce mouvement se plaçait au-dessus de toute hiérarchie mais lui-même à la solde de la seule et unique organisation qui le contrôlait : la CITL.
Le CRIJ ne se composait que d'une cinquantaine de personnes, mais la crainte qu'ils inspiraient était fondée et totale. L'accès à tout armement leur était autorisé et le contrôle de toute installation leur était imputé. Triés sur le volet, ces agents n'en abusaient pas ou très rarement. Ils n’étaient pas l’élite mais remplissaient une fonction d’autorité avec force de compétences.
Il pénétra dans un vestiaire où se trouvaient déjà deux individus qui se mirent au garde à vous. Il se plaça nonchalamment devant eux et leur ordonna le repos avec une moue qui les déconcerta.
_ Eisen ?
Le soldat de droite hocha de la tête et Noé reprit :
_ Vous êtes donc nos gros-bras ?
_ En effet, Commander !
_ Pas de ça avec moi, répliqua Noé sans même lever le nez du dossier qu’il tenait dans ses mains. Quand nous serons en mission, il n'y aura aucune hiérarchie ostensible entre nous. Je veux pouvoir profiter des propositions de chacun mais surtout ça m’évitera d’être identifié comme un supérieur. Préparez tout ce qui se trouve sur cette liste et chargez le dans le Storm. Briefing dans une heure là-bas.
Le soldat fit mine de saluer Noé mais, à son regard, il partit sans terminer. Noé toisa le membre restant, qui était d'un certain style. Ses lunettes aux verres ronds et jaunes ainsi que ses cheveux piqués rouge vif lui donnaient plus l'apparence d'un adepte de rave parties que d’un agent.
_ J'en déduis que vous êtes le Lieutenant Kanéda, reprit Noé, puis je vous appeler Tetsuo?
_ Bien sûr.
_ Alors appelez moi Noé. Prenez ce passe, fit celui ci en tendant une carte aux couleurs d'Aïo, il vous donne accès aux stocks de la station. Prenez-y tout ce qui vous semble nécessaire pour nous permettre de guider un satellite et des dispositifs indépendants de communication. Je ne veux pas être dépendant de fonctionnaires d’Aïo quand ça tournera mal et ai une parfaite autonomie en matière de transmission. Il nous faut être capable de communiquer vers n'importe où et n'importe quand.
_ N'importe où !? Répéta Tetsuo désabusé.
_ Limitez vous à notre système solaire, répondit Noé sarcastique. Dans une heure au Storm.
_ Bien, lui répondit le soldat en prenant le passe.
***
Une heure plus tard Noé, accompagné de l'Amiral Oïc, retrouvait les deux soldats devant le Storm.
Le vaisseau en question avait le cockpit fuselé, trois ailerons soutenant un réacteur chacun et un arrière lui aussi composé d'un triangle de réacteurs. C'était un des rares hexa-réacteurs que comptaient la CITL, mais celui-ci Noé ne l'avait pas encore vu. Son pilote l'avait coloré en rouge orangé avec un vinyle sur le flanc gauche du cockpit où était sobrement écrit le nom du Storm et sa référence. C’était sûrement le meilleur des intercepteurs de classe 2 mais avait également une force de frappe non négligeable, pouvant aisément anéantir une flotte de Surcouf, vaisseau de poids moyen, grâce à sa maniabilité et son armement.
_ … et de ce fait vous ne serez couverts qu'en cas de réussite. Je ne vous demande pas d'être discret. Tout ce qu'il faut c'est récupérer les fioles. Je suis sûr que vous en cernez les implications et l’importance.
Noé opina et salua l'Amiral.
_ Une dernière chose, reprit ce dernier, une fois votre équipe éloignée d'Aïo vous êtes libres de faire ce que bon vous semble…
_ Je le sais déjà, Amiral.
_ … pour arriver à vos fins. Tout du moins j'ai un conseil à vous donner.
Il se rapprocha de l'oreille de Noé
_ Ignorez tout ordre émanant de n'importe qu'elle hiérarchie. Vous serez en quelque sorte coupés de l'actualité et ne saurez alors à qui vous en tenir… Sur Terre vous n’êtes pas dans votre juridiction et je ne veux pas que des gratte-papiers flanquent la mission par terre sous prétexte qu’ils sont frileux.
L'Amiral avait prononcé ces derniers mots avec un petit sourire de défi. Mais Noé choisit d’ignorer l’air théâtral de son supérieur et grimpa dans le Storm suivit d'Eisen et de Tetsuo.
_ Où se trouve le quatrième membre ? interrogea Noé.
_ Elle arrive, elle remplissait la fiche de vol, il se peut que le Storm ne rentre pas à bon port, il faut bien signer les papiers de l'assurance.
_ Elle ?
A ce moment ledit pilote et quatrième membre de l'équipe entra dans la salle. C’était une femme aussi avenante physiquement que glaciale du regard. Cela n’empêcha pas Eisen et Tetsuo de rouler des yeux à son arrivée. Elle dégagea son visage, balançant d’un geste vif sa courte chevelure brune en arrière avant de sourire à l’équipage.
_ Bonjour ! fit-elle vigoureusement.
Noé était bouche bée :
_ Naïa ?!
_ Intéressant, tu te souviens donc de mon prénom.
Noé ne sut que répondre, ne sachant trop s'il devait garder son sang froid ou tenter de se justifier auprès d'un de ses agents.
_ Je suis ici pour faire voler ce petit bijou, fit-elle en regardant Eisen et Tetsuo qui passèrent dans le cockpit. Mais bien sûr, je suis une de tes subordonnés alors officiellement je fais ce que tu me demandes, ajouta-t-elle en le regardant. Mais je n’oublie pas pour autant ton départ précipité.
Noé choisit de changer de sujet :
_ Quand pouvons nous y aller ?
_ L'autorisation de départ est donnée.
Elle fit mine de rejoindre son siège puis reprit :
_ On prévient, nous, avant de partir…
Noé attendit quelques secondes et rejoignit ses agents dans le cockpit. Naïa venait de confirmer le décollage à la tour de contrôle et vérifiait déjà les principaux systèmes du vaisseau. Puis elle prit la voix mielleuse d'une hôtesse tout en s'attachant à son siège :
_ Veuillez attacher vos ceintures, éteindre toute cigarette, PDA ou vibromasseur. La température extérieure est actuellement de -270°c. Les issues de secours se situent à l’arrière du vaisseau et les parachutes, qui ne risquent pas d’être utiles, dans les soutes.
Puis elle se retourna pour constater avec un sourire les mines étonnées des deux agents, Noé lui s'accrochait déjà à son siège.
_ Nous vous souhaitons bon vol en notre compagnie.
Sur ce elle actionna quelques boutons qui firent prendre au Storm une vitesse impressionnante en quelques secondes. Eisen et Tetsuo qui ne s'attendaient pas à ce départ fulgurant, furent projetés contre la cloison tandis que le vaisseau sortait des docks de la station, soulevant au passage des vociférations chez les techniciens dehors qui s’accrochaient pour ne pas être projetés au sol par le souffle des réacteurs. La vitesse les colla quelques secondes à la paroi, puis Naïa passa en vitesse de croisière sur orbite basse autorisant ses coéquipiers à se relever.
Ils suivirent alors Noé dans la soute du Storm qui faisait office de salle de réunion et s'installa en bout de table, face à deux rangées de sièges où prirent place ses agents. Sans attendre, il pianota sur le clavier qui lui faisait face, projetant un hologramme de quelque liquide entrant en contact avec des cellules.
_ Il y a maintenant 72 heures, un vol a été commis sur le site B où une douzaine d'hommes du Nouveau Monde prirent avec eux une batterie de fioles biodistruptrices.
Les deux autres agents se regardèrent avec moue, on leur confiait à présent une vulgaire enquête sur un cambriolage…
_ Seulement, trois points restent gênants. Tout d'abord, pas moins d'une cinquantaine de personnes trouvèrent la mort dans cette attaque et le lieu du vol nous indique que le Nouveau Monde a accès à l'espace malgré tous les efforts fournis par la Confédération. Le troisième point, et le plus significatif de notre affectation : ces fioles contiennent un agent liquide dangereux dans de mauvaises mains. C’est est un permutant, ou biodisrupteur. Vaporisez cette solution dans une salle de 100 personnes et vous ne reconnaîtrez plus personne après une demi-heure en raison de multiples déformations physiques et mentales par transgénèse accélérée. Ceci est bel et bien issu d'un programme d'armement biologique même si au départ le but était de recréer la vie.
_ Si nous sommes volontaires c’est parce que l’on doit se rendre au sol, fit Eisen, on doit donc avoir une idée de l’auteur du vol, non ?
_ Le principal suspect est actuellement le Colonel Naem, donc vous avez sûrement tous entendu parler, il fait les gros titres des news à chaque fois que son groupe de mercenaires lance une action. Actuellement on le suppose employé par Akdov, mais sans preuve directe. Nous n'avons par ailleurs aucune idée du motif de la visite de ces soldats ni de ce vol, bien que l’on peut s’en douter.
A ce moment apparu l'hologramme d'un homme en treillis collection automne hiver. Une des distinctions de ce personnage était d'avoir, selon les pensées d’Eisen, une poêle greffée sur le visage. En effet, à l'image de double face seule la partie droite de sa tête était humaine, et ses yeux avaient été remplacés par deux globes oculaires rougeoyants, lui donnant ainsi l'aspect du parfait malade mental dont la principale préoccupation était de détruire le monde.
_ Ceci a été pris par une caméra de surveillance avant l’entrée du commando dans le Site B. Comme vous le constatez, suite à un récent accident Naem s’est fait réparer le visage par cybernétique ainsi que son bras droit. Sachez aussi qu'il était déjà partiellement cybernétisé depuis 2027. A noter qu’il n’a jamais revendiqué un seul des actes qu’on lui impute et que c’est loin d’être un idiot.
Noé réfléchit quelques secondes puis conclut :
_ Nous devons retrouver cet homme et récupérer ou détruire les fioles. Quelqu'un aurait-il une suggestion ?
La question ne devait pas être posée correctement puisque personne ne répondit, laissant entendre faiblement le son du moteur.
_ C'est tout ce que nous avons ? Savons nous au moins où il se trouve ? demanda Eisen.
Naïa se leva et prit la parole tout en tournant autour de la table.
_ C'est à nous de mener cette enquête pas à la CITL. Il y a maintenant 48 heures, John Korkaz est mort d'asphyxie en tentant de rejoindre le Site A…
À ce nom Noé releva la tête.
_ N'était-il pas porté disparu du site A il y a 7 ans ?
_ Si, récupéré par le Site B, il fut intégré dans leur service comme agent de sécurité. Lors de l'attaque de ce site, l'alarme a été endommagée par une rafale de balles, nous gardant d’intervenir. Seul Korkaz pouvait nous en faire part, étant rescapé.
_ Mais nous ne savons rien de ce Site B, coupa à nouveau Eisen.
Tetsuo ne renchérit pas ce qu’il remarqua :
_ En tout cas moi je ne sais pas ce que c’est…
_ Le Site B ? C'est un centre de recherche génétique situé sur la face cachée de la Lune, reprit Naïa. Ce projet a été initié par les Américains mais après la guerre, la CITL en a pris le contrôle, laissant le Nouveau monde dans l'ignorance de ce plan suite à la perte des informations y faisant référence.
_ Sur la lune, un laboratoire ? Ils n'avaient plus de locaux libres sur Terre ?! ironisa Eisen.
Tetsuo coupa toute réponse de Naïa qui commençait à s’échauffer :
_ Naem a volé une arme sur le site B et nous devons le retrouver. Ce qui m’intrigue c’est qu’il a eut vent de la présence de l’arme sur le Site B mais surtout accès à l’espace et ce malgré Aïo. Tout porte à croire qu’il a des entrées assez haut dans la CITL, quoique pas assez pour empêcher une enquête du CRIJ.
_ Ce qui mène à penser que le commanditaire n’est pas la CITL, continua Naïa. Celle ci a récemment infiltré un de ses agents dans l'armée Nouvelle qui a rapporté que ce vol serait l'achèvement de tout un cycle pour le Nouveau monde.
_ Si j’ai pris la mission c’est aussi parce que je sais où trouver certaines données au sujet du Site B et autres anciens projets américains, fit Noé. Aïo est intéressée par ces informations et si le Nouveau Monde a fini par apprendre l’existence du Site B, il y a fort à parier qu’ils ont trouvé une idée pour utiliser à grande échelle l’objet du vol. Retrouver ces documents en question nous aiderait sûrement à connaître leurs intentions à long terme en apprenant ce que les USA comptaient en faire à la base.
_ Où allons-nous alors ?
_ Ces informations devraient encore se trouver dans une banque à Montréal, une des seules villes que le Nouveau monde ne contrôle pas pour la simple raison, qu'elle n'est pas prépondérante.
Noé faisait référence à son passé, les quelques jours qui l’avaient séparé de sa sœur et de son ami…
_ Pourquoi ne pas les avoir récupérés avant ? demanda Eisen.
_ La CITL n’a pas pour habitude d’autoriser des missions en territoire ennemi, répondit Tetsuo. Elle ne voudrait pas s’attirer les foudres du Nouveau Monde. Son existence n’est pas importante actuellement pour Akdov, mais il n’aurait aucune culpabilité à retirer une épine de son pied en attaquant la CITL si celle-ci se montrait impolie.
_ Montréal ? repris Naïa. En pleine guerre civile ? Ce doit être la meilleure saison pour s’y rendre !