Je ne fais qu’un avec mon fusil. Mon fusil ne fait qu’un avec moi.
Je ne fais qu’un avec la cible. La cible ne fait qu’un avec moi.
Au final, ce trio est, pendant quelques instants, comme un seul organisme, respirant de concert, et dont chacun des membres influe sur les autres. Cette sorte de relation un peu malsaine, tout tireur en prend vite conscience.Mais là où le mauvais tueur accompagne sa victime jusqu’à sa chute, le bon s’en dissocie juste avant l’impact. Là où le débutant tente de comprendre l’agonie de sa proie, comme animé d’une fascination morbide, le professionnel la déshumanise. On me dit souvent :"Vous tuez des innocents, d’honnêtes citoyens !! !!". Mais pour moi, prendre une vie, c’est appuyer sur une gachette, un bouton... Et malgré toute l’horreur qu’une telle philosophie puisse entraîner chez certain, c’est grâce à elle que je dois d’être encore sain d’esprit, et de n’avoir pas encore retourné mon arme contre ma tempe, comme de trop nombreux confrères....
Le type en question était perché sur sa tribune, plantée au milieu de la place publique, et harranguait la foule en gesticulant à outrance. Du toit où je me situais, j’entendais pas grand chose de son argumentation _habituel bla-bla religieux j’imagine _mais son discours semblait au goût de la foule. Alors que l’Imam reprit son souffle pour une autre diatribe, je pris une décision.Sous la poussée du projectile, l’utopiste s’envola littéralement du sol (bizarre comme le corps tourne sur lui même. Faudra que je demande à Friedrich.). Cris, panique...Je rangeai vite fait mon matos, et rejoignis mon collègue en bas de l’immeuble.Durée totale de l’opération : 10 minutes.
"Comment ça, pivoté en l’air ?!" Je levais les yeux au ciel, fataliste..."Tourné sur lui-même,quoi...Bon sang, comment c’est possible un truc comme ça, Friedrich ?". Le dit Friedrich quitta un bref instant la route des yeux, et me jeta un regard où je crus lire une certaine inquiétude (justifiée ?). "Franchement Frank,"finit il par dire. "Tu viens d’abattre un type il y a à peine quinze minutes, type dont la popularité dépassait de loin celle de tous nos politiciens réunis. Inutile de dire que si un de ses fidèles met la main sur toi, tu partageras le sort de Jesus sur une croix... D’un autre côté, tu vas toucher pour ça une somme qui te permettra, si l’envie t’en prends, de bouffer du caviar à la cantine pendant un petit paquet d’années... Alors viens pas m’emmerder, tu veux ? Parce que si on est pas à Bruxelles dans 20 minutes, les flics et la milice de ces blaireaux finirons par nous choper. Et la Section Angélique viendra pas nous réclamer. "Il prit une voix grave." Comme toujours, si vous ou l’un de vos hommes était pris au cours de cette mission, nous démentirons toute implication...". La dite citation me sembla parfaitement convenir à l’état d’esprit de la boîte, et c’est en riant qu’on rentra bien sagement au bercail.
"Deux menus "Freedom chicken", et une biére." Enregistrant notre commande, l’ordinateur fit pivoter une de ses excroissances, merveille des progrés cybernétiques. "Commande enregistrée. Merci de patienter.". Situé à quelques blocs du Paradis, le fast-food rassemblait plusieurs immeubles, liés entre eux par le biais d’immenses ponts qui surplombaient la rue. On aurait dit un jeu de construction de gosse...
Sur le trottoire d’en façe, des ombres se profilaient à la lumiére des lampadaires. Si les rues principales étaient entretenues, la plupart des rues annexes, des quartiers d’immigrés en majeur partie, étaient elles laissées à l’abandon. A la nuit tombée, ses habitants se précipitaient vers les parties les mieux tenues de Bruxelles, pour simplement en apprécier la propreté...
"Regarde moi ces vampires.... Non contents d’avoir foutu le bordel chez eux, ils viennent le foutre chez nous !". Dans l’obscurité, je pus sentir la main de Friedrich se serrer sur la crosse de son arme... De mon côté, j’étais serein. Calmement, je saisis le sigle distinctif de la Section Angélique, et le plaçait sur le toit du véhicule. Sa simple vue eut l’effet escompté. La plupart des ombres se dispersérent dans la nuit, et Friedrich me lança un sourire en coin. "On peut jamais se marrer avec toi...." dit t’il en observant les ombres s’éloigner. "C’est pas parce que je bute des types que j’y prends forcément du plaisir, Friedrich... J’ai jamais trop apprécié vos petites "excursions"...". Friedrich tiqua. "Ca, on a remarqué... Tu pourrais t’investir un peu plus pour tes idées, Frank...". Mes idées ? Quelles idées ? Qu’est-ce que.... "Putain, les...". Friedrich saisit mon bras, ouvrit sa portiére, et avant que le moindre mot puisse franchir mes lévres, me propulsa hors de la voiture. Le coktail Molotov s’écrasa sur le pare-brise dans une gerbe de flamme, projetant des éclats de verre dans toute la rue. Un second atterrit presque à mes pieds, m’envoyant valdinguer contre notre véhicule. Ma tête frappa violamment le métal enflammé, et je pus sentir un filet de sang s’écouler de mon crane... Saisissant un long fusil d’assault dans le coffre, Friedrich se redressa pour arroser copieusement l’allée. Mais lentement, les couleurs, les sons, les formes semblaient se diluer pour former un amas de donnés incompréhensibles... Alors que mes cinqs sens envoyaient des informations contradictoires, oniriques, de vieux souvenirs remontaient subitement, et se superposaient à la réalité. La mort de mes parents, ma prise en charge par la Section Angélique.... De multiples images que je pensais oubliées ressurgissaient, lorsque un bourdonnement résonna à l’intérieur même de ma tête... A l’autre bout de la rue, les silhouettes étaient fauchées par le tir nourri. Pour la première fois depuis longtemps, une certaine horreur monta en moi, comme si elle avait été muselée pendant des années... Après le bourdonnement, les carillons... Après le désagrément, la douleur. Douleur intense. Puis le vide.
"Alors ? L’implant à souffert ?" _"Impossible de savoir. L’inhibiteur est toujours en place, mais se trouvait tout près du choc. De toutes façons, après tant d’années avec ce truc dans la tête pour en faire un tueur, je ne pense pas qu’un retour en arriére est possible..." _"J’espére bien ! On a toujours utilisé ces implants pour former nos assassins... Faudrait pas que ça commence à foirer.".
Lorsque je repris mes esprits, de nombreux médecins religieux m’entouraient. L’un d’entre eux aurait pu s’écrier "Loué soit-Il. Il est réssussité !!", qu’ils ne m’auraient pas observés avec moins d’intérêts et d’attention... Dans leurs yeux, je décelais une mentalité de professionnel-qui consiste, chez les médecins, à plus ou moins nous regarder comme un gros tas de viande-mais aussi... Oui... Une certaine forme de peur...
Dans la rue, plusieurs camions de la Section Angélique avaient déversé de gros effectifs en hommes et matériels. La première chose que j’aperçus fut la rangée de cadavres abattus pendant la nuit. Des cyborgs - en fait, des pauvres types attrapés en train de se bourrer la gueule par la Fourriére de la Section, qu’on lobotomisait ensuite pour s’en servir grosso modo comme esclaves (L’alcool nuit à la santé....)- ces cyborgs s’occupaient de monter les maccabés dans le véhicule-crématorium, tandis qu’un prêtre s’époumonait en liturgies... Un des médecins se retourna. "C’est bon, Frére. Vous pouvez revenir.". Friedrich s’avanca, l’air sombre. D’après le regard qu’il jeta aux médecins, je compris qu’il n’était pas dans leurs petites faveurs. La hiérarchie.... Il s’agenouilla à mes côtés. "Allez viens, vieux.... T’a pris un sale coup. On va rentrer au Paradis...". Il me saisit au niveau du col, et me redressa. " ...’rich.... ’tend une seconde...". Avec un violent effort, je parvins à me remettre sur pieds. Sur le tapis roulant du fast-food, nos deux menus nous attendaient. "Et... Et ma biére... ?". Une voix métallique s’échappa de la machine. "D’après le décret entré en vigueur le 27 février, à 23h35, la vente d’alcool dont le degrés est supérieur à 1% est désormais interdite... Merci de votre compréhension...". Je jetais un oeil à ma montre. "P’tain... A une heure près, c’était bon....".
Friedrich stoppa la voiture face à l’immeuble de la Section Angélique _ou Paradis, comme la plupart d’entre nous nommaient l’endroit _et resta un moment silencieux. Il finit par se tourner vers moi : "Honnêtement Frank, je t’avoue que je m’inquiéte un peu à ton sujet. J’ai participé à pas mal d’opérations dans ma vie, connu pas mal de monde, mais t’es le seul type que je connaisse qui arrive à passer sa vie à tuer des gens-jusqu’à n’avoir pratiquement que ce sujet de discussion avec tes collègues !-sans pêter un câble. Tous les autres ont un refuge, comme la religion, une femme, des enfants... Toi, rien...". Pendant un instant, il me fixa du regard, comme essayant de comprendre l’incompréhensible. "T’es pas comme nous autre, Frank... On se bat tous pour un ideal, pour nos opinions... Mais pas toi. Tu sais quoi ? Tu me fais penser à ces machines à tuer du Service de Sécurité.". Il sortit de la voiture, s’éloigna, puis se retourna au bout de quelques mêtres. "Au fait," cria t’il d’un air mauvais. "Qu’est ce que tu vas en faire de tout ce fric ? Le bouffer ?".
Pendant de long moments, je restais interdit. C’était pourtant vrai. Qu’allais-je faire de toute cette somme ? La principale raison pour laquelle je fréquentais pas trop mes collégues était somme toute assez simple. Le fanatisme, c’est sympa un moment, mais à la longue.... J’ai beau faire un sale boulot, autant le faire proprement, et sans le zêle dont mes "Fréres" sont tous si friand... Moi, tant que j’ai ma paie, ça me dérange pas de dessouder les fanatiques d’en façe... Mais.. Une paie pour quoi ? Depuis mon plus jeune âge, j’avais appartenu à la Section Angélique. Depuis sa création en fait, vingt ans plus tôt, création qui coïncida avec la mort de mes parents... Cette organisation gouvernementale avait été mise en place après le succés aux éléctions européennes du parti socialiste-religieux. Le commandant Speer, son fondateur, était persuadé que ce mouvement paramilitaire était la condition sine qua none pour l’avènement d’un nouvel Eden. Vous voyez le tableau, quoi... Quoi qu’il en soit, on en était aujourd’hui à massacrer plus ou moins les "infidèles qui freinent notre glorieuse évolution". Perso, c’est pas trop mon truc.... Je me vois mal rester dans ce milieu de dingues, mais.... Pour aller où ?
Ma main se raffermit sur la commande d’ouverture. Mais alors que je m’apprêtais à sortir, le monde, mulicolore, pris doucement une teinte uniforme... Lentement, les formes s’effacérent... Jaune. Le monde fut jaune. Et rouge. D’un rouge indélébile...
***
Le sable. La chaleur. La brûlure du soleil sur mes plaies. Le sang qui coule
lentement, brouille ma vision, humidifie ma bouche....
Au dessus de mon corps meurtrit, une Ombre se penche. "Voyons,
Frank..." sussure t’elle à mon oreille. "Ce n’est qu’une question de
Temps...". A mes côtés, le chiot gémit, tente de se débattre
contre ses liens. "Cette créature est, comme nous tous,
soumise au Temps. Sa vie terrestre n’est qu’un prélude, une
courte introduction au véritable sens de son existence, se situant
auprès de notre Seigneur. Car qu’est-ce donc qu’une quinzaine
d’années de vie ici-bas façe à l’éternité que nous offrira
l’autre monde ?! Et le Temps, ce Temps instauré dés la création
de cette réalité, n’est que le moyen, le pont qui permet
le passage entre ces deux royaumes...
En servant le Temps, en accélérant le processus de
passage, tu ne fais donc qu’aider les égarés, souffrant de
leur vie terrestre, à gagner leur félicité. Ne voit donc dans
le meurtre qu’un moyen de précipiter un avènement naturel,
tout en rendant service à ta victime, à lui et à nous tous...".
L’Ombre, rangeant le fouet, saisit un couteau,
qu’elle me tendit. "Et maintenant, plus de caprices...
Fait ton office.".
***
Hébété, je sortis finalement à mon tour du véhicule. A l’intérieur de mon crane, une sourde pulsation, parcourant mon corps de haut en bas, me donnait une nausée atroce... La pulsation gagna en intensité, et du sang commença à s’écouler de mes tympans... Puis un voile passa... Comme le cauchemard après le réveil, la vision, la nausée ne furent qu’un vague souvenir, déjà enterré...
Me dirigeant vers le batiment d’un pas rapide, je gravis les marches du perron. La nuit était déjà bien avancée, et les deux Anges qui gardaient l’entrée ressemblaient plus à une parodie de l’humanité, qu’à la version angélique de cette dernière. Vétus d’uniformes blanc qui contrastaient avec les divers câbles, masques à gaz, fusils automatiques composant leur équipement, ils semblaient être une aberration, issue d’un croisement entre deux espèces antithétiques. Au moment de franchir le seuil, une dizaine d’Anges sortirent de l’immeuble, emportant une série d’armes plus effrayantes les unes que les autres. Lourdement engoncés dans des armures de combats, leurs yeux n’exprimaient qu’une détermination absolue, presque folle. Je m’écartais rapidement, quand apparut alors à leur suite Friedrich, lui aussi équipé comme si sa vie ne tenait plus qu’au nombre d’armes qu’il portait. Je lus dans ses yeux la même folie, la même fiévre si coutûmière aux fanatiques, aux malades et aux fous (n’est-ce d’ailleurs pas la même chose... ?). "Ah, Frank..."dit-il d’une voix fébrile. "Si tu savais...Si tu savais...Jamais notre Eden ne fut aussi proche.". Il me dépassa, et s’embarqua à la suite de ses hommes dans les camions qui stationnaient à l’extrémité de la rue. Un bruit de moteur se fit entendre, et tous disparurent, comme issus d’un bref cauchemard. Que voulait donc dire tout ce bordel ? Même les opérations officielles ne bénéficiaient pas d’un tel soutien logistique. Alors une simple expédition punitive...
Déterminé à en savoir plus, je pénétrais dans l’immeuble. Aprés avoir traversé le hall, la série de bureaux et de locaux composant le Paradis, j’accédais à l’étage de mon supérieur. Malgré son nom, le commandant Smart manquait singulièrement de matiére grise, et je n’espérais pas trop de lui qu’il ait compris ou deviné les intentions de nos dirigeants. Pour moi, il ne faisait aucun doute qu’une telle opération avait trouvé naissance dans les hautes sphères, et que les ordres avaient dû passer au-dessus des blaireaux comme Smart. La mobilisation d’un tel armement, des gazs de combats aux charges à fissions, nécessitait des autorisations qui ne pouvaient être obtenues qu’en haut lieu, et seulement pour des opérations militaires de grande envergure... Or dans Bruxelles, à trois heure du matin, c’est rare qu’on tombe façe à un probléme qui nécessite, pour être résolu, assez de matos pour raser le quartier... (même en imaginant le pire... Une armée de squatteurs... ?)
"Ces enfoirés de paiens de politiciens nous ont fait un gros bras d’honneur !!!". Bingo. "Ils m’ont juste envoyés un papelard qui me piquait mes meilleurs hommes, me faisait de chaudes félicitations pour mes loyaux services _comme si j’en avais quelque chose à foutre, les enfoirés _et ils sont entrés directement en contact avec eux.". Stuart et ses cent dix kilos se tenait façe à moi, enfoncé dans son siége et tirant sur un havane. Son visage était rouge de colére. Un vrai stéréotype. "Vous n’avez vraiment aucune opinion sur ce qui ce passe, commandant... ?" dis-je de ma voix la plus suave (pas trop non plus...Des rumeurs parlaient de sa sexualité un peu débridée, et j’avais aucune envie qu’il se fasse des idées...). Il me fit une tronche qui lui donnait l’air si con (genre "veillez-répéter-la-question-SVP"), que je le plantais là sans attendre. Sa tête d’ahuri le confirmait dans son rôle de pion. Je passais à la Trésorie pour récupérer ma prime, et décidais qu’après t
out, une bonne nuit de sommeil, pour réfléchir, ça aide.
* * *
La Lumiére. Vive, agressive. Elle
parcoure mon corps, glisse sur lui comme
une légére brise matinale...
Mais mon corps ne me réponds
plus. Je tente bien de me redresser,
de desserrer mes attaches, mais
je ne parviens qu’à déclencher quelques
rires dans la salle...
A nouveau, une Ombre. Lentement,
elle s’intercale entre moi et
la Lumiére. Je regrette la Lumiére.
"Mon Pére ? Nous allons
commencer l’opération... Il
faut que nous l’anesthésions."
L’Ombre s’assombrit. "Pas
d’anesthésie...".
***
La douleur, plus que le cauchemard, me réveilla... Mais une douleur ciblée, concentrée vers mes souvenirs, mes pensées... Le rêve s’imposa à moi de nouveau, mais au ralenti, et surtout, à l’envers... La douleur, toujours cette Douleur...
Lentement, je parvins à me traîner jusqu’à la salle de bain. Là, j’y rencontre un homme, séduisant, mais défiguré... Un large pansement parcoure son crane. Un vrai pacha. Sans tout ce qui va avec, malheureusement.... Délaissant mon reflet, les évênements de la veille me reviennent en mémoire. Pourquoi ? Pourquoi une simple sortie me préoccuppe t’elle tellement ? Bien sûr, certains détails sont troublants, mais.... Mille et une raisons pourraient les expliquer. Pourtant... C’était comme si une fibre, ancrée en moi, et dont je ne supposais même pas l’existence, était tout d’un coup stimulée après des années de sommeil... Une sorte de sixiéme sens... Soudainement, un flot d’images s’imprime sur mes rétines. Mon imagination essaye d’interprêter, d’analyser ces données, et en déduit une floppée d’hypothéses qui pourraient justifier les propos de Friedrich, cette sortie... Certaines sont fanchement fantastiques. Et effrayantes. Et pourtant... Mon Dieu, même si je ne crois pas en Vous, faîtes que.... Faîtes que... Puis la Douleur. Encore et toujours. Les môts franchissent mes lêvres, et disparaissent. Les idées sont construites, puis détruites. Mais cette fois-ci, mon organisme, mon cerveau refuse, se révolte contre cette intrusion contre nature. La Douleur reste. Mais mon esprit résiste. La Pensée combat la Douleur. Entre les deux, mon corps est brisé... Les couleurs s’emmêlent de nouveau. Le noir s’impose. Un Noir où ne brille plus aucunes lumières...
***
Lorsque je reprends mes esprits, une large flaque de sang s’étends sous moi. Ma main droite est refermée sur un objet rugueux, rigide. Un manche de couteau. Ma main gauche, elle, serre un objet pas plus grand qu’une piéce de monnaie. Une sorte de petit transistor, où on peut aperçevoir des reflets dorés. Façe à moi, l’image d’un homme brisé, épuisé par la nuit la plus dure qu’il ait jamais vécu... En lieu et place d’une partie de son crane, un trou béant...
Le robot médecin insista pour m’envoyer en urgence, mais je n’en eus cure... Saississant mon arme de service, mes fringues, je me préparais pour une des journées les plus difficilles qu’il m’ai été donné de vivre. Moralement. Car moi aussi, jusqu’à nouvel ordre, je fais parti de cette monstrueuse organisation qu’est la Section Angélique. Puis je sortis. Sous le bras, le journal de ce matin...
***
The Europeean Post
February the 28th,2033
French edition.
Cette nuit, les habitants de Bruxelles ont
eut l’horreur d’assister impuissant à
l’incendie du Parlement Européen, où
se trouvait encore de nombreux députés
du Socialiste-Religieux. D’aprés les forces
de l’ordre, un groupe armé aurait fait
irruption en pleine séance, et installé
de puissants explosifs au coeur du batiment.
L’utilisation d’armes légéres et de gazs
neurotropes par le commandos aurait entrainé
une centaine de morts parmis les députés et
les forces de l’ordre. Le gouvernement ne privilégie
aucune pistes, mais suspecte cependant
des mouvements islamiques et de gauche.
Friedrich leva les yeux du journal, et je pus percevoir au sein de ceux-ci une teinte de triomphe, d’arrogance, et de fierté. Son visage resta pourtant impassible." J’ai déjà lu l’article ce matin.Tragique.". "Te fous pas de ma gueule, Friedrich. C’était ça, votre petite opération d’hier, non ?". Il me fixa du regard pendant un moment, presque étonné de l’apostrophe. Mais presque... Mon collègue et supérieur était plus intelligent qu’il ne le laissait voir. Du couloir, toutes les voix s’étaient tues, et j’imaginais sans mal la surprise que devait causer mes paroles chez tous ces hommes, unis par une foi absolue en leur entreprise ,et habitués à agir sans jamais poser de questions. Friedrich se leva, referma la porte, et revînt s’assoir. "Ecoute Frank, nous n’avons fait que ce qu’il y avait à faire. De grands projets sont en marche au gouvernement, des projets d’une ampleur que tu ne peux sans doutes pas imaginer. Cela fait vingt ans que les scientifiques, les dirigeants planchent dessus. Ils sont à présent prêts à être réalisés. Or le quasi-succés de ces laïcs, athés aux éléctions législatives montre bien les risques qui pourraient les contrecarrer. Mes supérieurs préférent donc prendre les devants...". Un sourire serein apparut sur son visage, tandis que de mon côté, les questions se bousculaient dans mon crâne, et une vague de peur monta petit à petit en moi. Cette histoire semblait beaucoup, beaucoup plus importante que tout ce que j’avais pu penser hier soir. L’incendie du Parlement n’en était qu’un morceau, une simple introduction dans une pièce qui promettait d’être longue. Je dus faire un violent effort pour former quelques mots. "Mais...Pourquoi ? Il n’y avait que des députés socialistes-religieux quand vous avez attaqué...A moins que...". Pris d’une intuition atroce, je saisis l’article, le relus,... et dus me rattrapper à ma chaise quand j’y découvris la confirmation de mes craintes. Le sourire de Friedrich s’accentua lorsqu’il vit que j’avais compris. "Les salauds... Vous allez tout mettre sur le dos des mouvement de gauches, et musulmans....Ce scandale va les abattre aux élections pendant des années, et encore plus les isoler dans cette société de pourris...". Cette fois, mon Teuton de chef éclata de rire, un rire où je sentis à nouveau poindre son arrogance. "Bravo Frank....Bravo...". Il étouffa ses derniers gloussements dans sa manche, puis me refis façe. Son sourire ingénu avait laissé plaçe à un sourire carnassier. "Je savais bien que t’étais un mec plutôt futé. Mais...Tu n’y es pas encore. Ce plan est bien plus vaste que tu ne le crois. Moi même, je n’en sais que des bribes.". Il se tourna vers l’horloge."Mais j’en sais assez pour prévoir ce qui est en train de ce passer...". D’un geste rapide, il saisit la télécommande de l’écran mural. Il tomba immédiatement sur une déclaration de notre Chancelier Röhm :
"Européens, Européennes.Frères et Soeurs.Fils et Filles.
Suite à l’hérétique agression qu’ont subis nos députés hier soirs, votre
gouvernement vient de prendre une des décisions les plus dures depuis
sa nomination. En ce moment même, les agents du Service de Sécurité
de notre république interviennent partout dans le pays, et particuliérement
dans la capitale, Bruxelles. Leurs ordres sont clairs : arrêter ou neutraliser
tous les participants et les soutients de cet attentat.Le lien entre les
mouvements communistes, socialistes, et soi-disant "républicains" et
cette attaque ne fait plus aucun doute. Seront donc interdis toute représentation
aux élections des différents partis. Tous leurs dirigeants seront en outre arrêtés,
et la peine capitale sera sans doute appliquée. Durant toute la durée de
cette crise, le pouvoir executif sera renforcé. J’espére que cette situation
restera provisoire, et que les coupables seront vites appréhendés."
Friedrich se tourna vers la dizaine d’Anges qui se tenaient dans son bureau, buvant les paroles de l’écran. "Mes Fréres !! Ce pour quoi nous nous battons depuis tant d’années est sur le point de se réaliser ! Grâce à nous, notre continent rayonnera de part le monde,montrant le chemin de la félicité aux non-éclairés.". Une véritable ovation acceuillit cette déclaration. Si certains, comme moi-même, étaient plus perturbés par cet enchaînement d’événements que remplis d’allégresse, la plupart étaient par contre en liesse.Soudain, une voix s’éleva dans la pièce. "Taisez-vous !! Röhm continue !".
"...de la Section Angélique. Les terroristes aurait bénéficiés de très
nombreux appuis au sein-même de cet ordre gouvernemental. Sa
dissolution a donc été prononcée lors du Conseil de Sécurité
tenu ce matin-même. Depuis des années, ces nouveaux Templiers,
s’ils ont bien remplis leur rôle dans le passé, sont devenus une
menace pour notre nation. Il est de notre devoir civique d’éradiquer
ces déviants corrompus par le pouvoir et l’argent."
Un silence de plomb acceuillit cette nouvelle. Les Anges avaient adoptés un teint blanchâtre analogue à leur uniforme, leur donnant à mon goût un aspect plus fantastique (là au moins, l’habit faisait un tant soit peu le moine...). Friedrich était quant à lui passé par toutes les nuances de couleurs, du blanc de la surprise au rouge de la colére. Smart fit alors irruption dans le bureau. A la grimace qui le défigurait, je compris que la fin de la déclaration ne lui avait pas échappé. "Ces enfoirés de politiciens ne nous ont pas encore eut. Allons-nous nous laisser abattre de cette façon, comme de misérables délinquants ?! Allons-nous courber la tête face au couperet qui s’élève contre nous ?!" Avec sa puissante voix, Smart se créa un veritable auditoire au milieu des bureaux. Tous à présent attendaient les consignes d’un chef autrefois méprisé par son service. Qui aurait crût qu’un tel crétin serait si charismatique lors d’une crise ? Certainement pas moi...."Je viens de joindre notre Maître à tous. Le Très Saint Commandant Speer nous garde sous Son aîle, ayez confiance. Ses relations, Sa popularité, Son pouvoir politique et militaire vont bien vite calmer ces païens de politiciens !!!". Pour la deuxiéme fois de la journée, de violentes acclamations secouèrent le Paradis. Au point où tournaient les choses, je n’aurais était guére étonné de voir monter la gardienne pour flanquer une rouste à ces jeunes pour tapage matinal... Comme pour me confirmer ( !!), de puissants coups furent portés à la porte.
"Service de Sécurité !! Ouvrez !!". Après un blanc sonore marquant notre surprise, des voix s’élevérent de partout... Certains brandissaient leurs armes de services, appellant à combattre, tandis que d’autres, au contraire, levaient les mains en signe d’apaisement. Le bruit d’une assourdissante explosion mit tout le monde d’accord pour quelques secondes, chacun trouvant que se planquer sous un bureau était une bonne attitude dans des cas comme ceux-ci (Smart le premier...). A travers la poussière en suspension, je pûs voir une dizaine de silhouette évoluer à travers les décombres du mur et de la porte. Alors que le nuage disparaissait peu à peu, je m’appliquais à mieux détailler les (tristement) célébres agents du Service de Sécurité. En uniformes noirs, équipés de fusils, d’armures diverses et d’un lourd équipement militaire, ils déclinaient toutes les nuances possibles et imaginables du noir et du gris.Mais ce qui retînt mon attention ne fût pas cet étalage d’armes et de technologie. Ce fût leurs yeux. Tantôt d’un bleu glacial, tantôt verts ou marrons, ils possédaient tous une étrange caractéristique. Celle d’être lisse comme une lentille, d’être vide de toute expression, de toute impression... Un abîme insondable semblait nous faire façe, mais où brillait une intelligence certaine, comme rendue supérieure par l’absence de sentiments. Alors que les Anges se relevaient petit à petit, un frisson nous parcourut. Tous remarquaient l’inhumanité qui émanaient de ces hommes et femmes, dont le regard semblait plus détailler nos âmes que nos corps.
Durant un moment, les deux groupes se contemplèrent, avec haine pour l’un, et une froide indifférence pour l’autre. J’avais l’impression d’être sur un échiquier géant, où pions noirs et blancs se dressaient les uns face aux autres. Après quelques secondes tendues, ces pseudo-humains s’écartérent pour laisser place à une silhouette atrophiée. Placé sur un siége robotique, l’être qui nous apparut affichait un sourire mauvais, remplit de cruauté. Mais en considérant ce qui entourait ce sourire, il semblait que ce dernier avait pour unique fonction de rappeller l’humanité de cet organisme, tant le reste s’en éloignait. Un corps massif, des jambes atrophiées, de longs bras maigres. Un exosquelette de métal, rassemblant tubes et câbles, et semblant fusionner avec sa chair. Enfin, deux yeux froids, fixes, et brillant d’une intelligence malsaine, inhumaine, complétaient le physique de Brose Laval.
Lorsqu’il reconnut le directeur du Service de Sécurité, Smart se redressa pour acquérir un semblant de dignité. "Laval !! Vous n’avez aucune autorité pour nous arrêter !! Dites à vos hommes de baisser leurs armes et de se tirer !!". Laval fixa Smart de ses yeux bleus. Son sourire ne l’avait pas quitté. "Tout dépend du sens que vous donnez au mot "autorité", commandant Smart...". Sa voix me donna froid dans le dos. C’était celle d’un jeune homme, voir d’un adolescent, pas celui d’un être presque centenaire. Les rumeurs courant sur Brose Laval me revinrent en mémoire. Opérations chirurgicales, transplantations d’organes et expériences médicales sur "cobayes" étaient des termes qui revenaient souvent...Brose s’accrochait à la vie. A le voir, il semblait pourtant que la vie n’en voulait plus depuis bien longtemps...
Autour de moi, les anges se reprennaient, et s’aggripérent encore plus à leurs armes. Mais les agents du Service de Sécurité semblaient plus déterminés que jamais. Les regards des deux meneurs se croisèrent, et une décision fut prise. Smart baissa la main vers son arme, tandis que Laval ouvrit la bouche pour crier un ordre. Mais un instant avant l’arrivée de la Grande Faucheuse, la sonnerie du téléphone cassa la tension qui régnait dans la piéce. Tous se retournérent vers le coupable. Smart, sans quitter Laval des yeux, décrocha."Commandant Smart. Section Angélique. J’écoute.". Au fur et à mesure des paroles de son interlocuteur, son visage se recomposait. A la fin, il abordait même un sourire triomphateur. "Bien Patriarche.Je vous le passe.". Il tendit le téléphone à Laval. "C’est le Très Saint Commandant Speer. Il est actuellement avec le chancelier Rhöm.". A l’inverse de Smart, le visage de Laval (ou son équivalent chez lui) se décomposa peu à peu. Sans dire un mot, il raccrocha le combinée. Un rictus de haine déformait à présent sa façe. "Bien...Très bien....Profitez bien du temps qu’il vous reste, mes petits anges...Car ce n’est que partie remise.". Il se "tourna" vers ses hommes. "On plie bagage, messieurs !!". Sur le pas de la porte (ou ce qu’il en restait), Laval se retourna une ultime fois vers nous. Son sourire était revenu, et son regard se posa sur chacun d’entre nous. Un regard gourmant, analogue à celui que pourrait poser un enfant sur un jouet convoité. Mais en sachant que, au final, ce jouet lui reviendrait.
"Lorsqu’Il a entendu le discours de Röhm du Palais, Il en a immédiatement saisit l’importance. Il a embarqué en helicoptére pour arriver à Bruxelles en quelques minutes. Là, Il est allé voir Röhm, et lui a passé un appel des Etats-Unis. Pendant le trajet, le Patriarche avait en effet multiplié les appels à ses soutiens étrangers. Le Chancelier s’est donc vu rappeller à l’ordre par le Président-Directeur Keynes, au nom de toute la communauté internationale...". Un des Anges qui écoutait Smart se leva. "Tout est donc fini ?!". "Non." répondis Smart. "Tout au plus reculé de quelques mois... Röhm et Laval vont engager une procédure auprès du Parlement, et ce dès que les éléctions auront eut lieu...".
Au fond de ma poche, ma main jouait distraitement avec cette petite bille métallique, ce Changeur De Pensées... Quelle ironie. Ce petit objet pouvait, par sa simple existence, terrasser cet immense organisme composite qu’était la Section Angélique. Un petit mot à un des gros médias encore indépendant de l’Union, et nous assisterions à un Watergate-bis. Et pourtant... Il me sembla à ce moment que notre société n’avait pas besoin de mon concours pour abattre ce monstre. Mais... n’allions nous pas trouver en son vainqueur une créature plus vorace, plus inhumaine que la précédente ?
***
The Europeean Post
June the 29th,2034
French edition.
Hier encore, de nouvelles mesures de
sécurité ont été décidées par l’exécutif.
Lors du conseil gouvernemental, le
Chancelier Röhm est parvenu à faire
interdire l’accés au batiments administratifs
pour les Musulmans et Immigrés. Une annexe est
en projet pour satisfaire la horde qui demande
le renouvellement de leur citoyenneté.
Mais notre Chancelier ne s’est pas encore
prononcé à ce sujet. Le gouvernement
a été également interrogé sur le laxisme
de la police lors des émeutes racistes
de la semaine dernière. D’après certains
informateurs, les agents auraient reçu des instructions
pour ne pas intervenir lors de la pendaison
de cinq marocains par la foule. Les parlementaires
n’ont pas voulu commenter cet incident.
En politique intérieure, le Parlement a refusé
l’amendement du Chancelier Röhm portant sur
l’illégalité de la Section Angélique. Mais grâce
au renforcement du pouvoir executif effectué
après les attentats de 2033, le Chancelier
devrait invalider sa décision dans les
jours suivants.
Je levais les yeux de l’article, et rencontrait le regard de Friedrich. Depuis l’attentat, il y a un peu plus d’un an, et le coup de théatre qui suivit, il était dans un état épouvantable. Plusieurs kilos en moins, mal rasé et fiévreux, tous les gars du service se faisait du souçis pour lui. Selon certain, la situation précaire de la Section le touchait particuliérement. Pour moi, il était surtout rongé par le remord.
Il ouvrit la bouche, hésita, puis se tut. Smart entra à ce moment dans le bureau. "Les gars, on ferme...Désolé de vous virer comme ça, mais vu la situation, je préfére que tout le monde quitte le Paradis pour la nuit. Rejoignez une de nos antennes dans Bruxelles, et restez sur vos gardes. On sait jamais ce qui pourrait leur passer par la tête,à Röhm et Laval. Surtout Laval...". On pris donc tout deux nos affaires, et on récupéra nos armes à l’entrée. Smart verrouilla la porte et se dirigea vers sa voiture blindée, escorté par une paire d’Anges armé de pied en cap. Friedrich se tourna vers moi, dans l’intention de me parler, lorsque une violente explosion déchira l’air. Autour de nous, une pluie de métal et de chair s’abattit. Les restes de Smart, de ses gardes et du véhicule piégé...
Après un moment de consternation, Friedrich saisit son micro et se mit à crier des ordres à travers toute la capitale. De mon côté, je courus vers la voiture en flamme, dans l’espoir un peu fou que l’un d’entre eux avait pu en réchapper...La chaleur du feu m’empêcha de m’approcher du véhicule, et je m’apprétais à rejoindre Friedrich, lorsque un mouvement sur le côté attira mon attention. Après avoir contourné les flammes, j’aperçus une forme blanche qui essayait de se relever. C’était un des Anges de Smart, qui s’était trouvé un peu plus loin de la voiture que les autres, et avais survécu à l’explosion. Lorsqu’il me vu à son tour, il esquissa un sourire, et ouvrit la bouche.
Il n’eut jamais le loisir de la refermer. Une rafale d’arme automatique le cloua littéralement au sol. Une seconde rafale s’abattit sur moi, démantelant la voiture à côté de laquelle je me tenais, et me frappa de plein fouet. Une vague de douleur me submerga, et mon corps frappa le bitum de la route. En rampant, je me mis à l’abri derriére la carcasse de voiture, et passa en revue, un par un, chacun de mes membres. Si mon gilet pare-balle avait bloqué l’essentiel, l’état de ma jambe était par contre critique...Derrière moi, j’entendais Friedrich et nos agresseurs échanger des coups de feu. Puis un bruit de moteur se fit entendre, et un véhicule s’éloigna. Après quelques secondes, Friedrich me rejoignit. Juste avant de sombrer, j’eus le temps de voir son visage terrifié...
***
Lorsque j’ouvris les yeux, j’étais confortablement installé dans un lit d’appartement. D’après les affaires qui trainaient, j’en conclus que je devait être chez Friedrich. Au bout d’un moment, il entra dans la chambre, une tasse de café à la main, et me tendis un journal. "Bienvenue parmis les vivants, mon vieux....Avec toi parmis nous, ces enfoirés n’ont pas une chance....". Pas d’humeur à rigoler. Je saisis le journal, en espérant que l’événement d’hier soir y soit expliqué, ou au moins rapporté. De ce côté là, je ne fus pas trop déçu...
The Europeean Post
June the 30th,2034
French edition.
C’est un événement sans précédent qui
a secoué la capitale hier soir.
Alors que les agents de la
Section Angélique étaient répartis
dans la ville pour assurer notre
protection, comme un peu
partout dans la Fédération
Européenne, une série d’attentats
et d’attaques ciblées à travers le pays
ont frappées leurs positions.
Ces attaques, d’une violence inouïe,
ont fait plusieurs centaines de
morts dans les rangs des
Anges.Il ne fait malheureusement
aucun doute que le Service ne
se relevera pas d’un coup si dur ...
D’après la police, la piste
s’orientrait vers des réseaux
islamiques, soutenus par la
Confédération Arabe...
"Tu y crois, toi, à un complot islamique ?". Friedrich me fis une grimace. "A ton avis... ? Ce monstre de Brose Laval en a eu assez d’attendre, c’est tout...".A ce moment, un Ange ouvrit la porte à la volée. "Mon Pére !! On a réussis à contacter Le Très Saint ! Il est au Palais, ou plutôt ce qu’il en reste...Ils ont essayés de l’avoir à l’ogive nucléaire, mais certaines parties de la demeure de notre Patriarche sont heureusement fortement blindée...". Friedrich se leva d’un bond, et ils sortirent tout deux en courant. A mon avis, si Speer avait survécu, c’était surtout grâce à la chaine alpine...Construire sa forteresse sous une montagne, ça aide pour un bombardement...
Une sourde démangaison au niveau des bandages préoccupait depuis un petit moment déjà une partie de mon esprit. Mais l’autre partie était elle tout occupée en réflexions, et en spéculations, sur le concours d’évênements qui, depuis un an, bouleversaient ainsi un régime dans son ensemble. Même si l’existence d’un complot ne faisait pas de doutes, une telle succession de faits demandait une telle préparation, de tels efforts, que seul le hasard pouvait l’avoir permise... Comment conclure autrement ? La situation ma paraissait tellement iréelle... Une société comme la notre, si transparente, si brillante, si juste malgré les défauts qu’on lui apporte souvent, sombrerait-elle ainsi, en quelques années, du fait de quelques hommes ? Et alors que la population entiére, malgré ses critiques, voue un attachement sans bornes aux idées qu’elle défends : les simples notions de liberté, d’égalité...
Cela ne pouvait être le cas. Et ce même si les armes étaient de leur côté pour le moment... (mais important, les armes, mine de rien....)
Alors que je patientais, mon regard tomba sur une série de feuilles écrites à la main. Par curiosité, je me mis à les lire, et constata que c’était une sorte de résumé de toute cette histoire, de l’attentat de l’année derniére à hier soir... Mais dont on avait fait une sorte d’analyse poussée, et où on déchiffrait le véritable sens de ces événements. Son auteur avait l’air d’avoir été au coeur des évênements... Et privilégiait clairement l’hypothése d’un complot gouvernemental, voir carrément le coup d’Etat... Si on échappait à un extréme pour tomber dans un autre... Alors que j’étais en pleine lecture, une petite voix se fit entendre derrière moi : "Dites, vous pouvez me rendre mes feuilles...". Je me retournais, et tombait façe à façe avec une adolescente, qui me regardait d’un air un peu apeuré. "Oh, bien sûr..." répondis-je. ". Dis moi, ça t’intéresse l’actualité pour la rédiger en notes, comme cela ?". La fille me fit des yeux ronds. "Quelle actualité ? Ce sont mes cours d’histoire...". L’espace d’un instant, mon coeur s’arrêta de battre. Les mains tremblantes, je ressaisis le manuscrit...
Dans le but d’augmenter son pouvoir, le
gouvernement organisa à
l’aide de ses services de sécurité un
attentat au Parlement fédéral.
En trouvant par la suite un
bouc émissaire, il put justifier
l’élargissement du pouvoir exécutif,
et continuer sa politique ouvertement
raciste...
Mais c’est plus d’un an plus tard,
en 34, que le gouvernement pu
vraiment assoir son pouvoir.Alors
que le gouvernement était de plus en
plus critiqué, le SA se désolidarisa
peu à peu du pouvoir en place.
Or les branches extrémistes
du parti du Chancelier désirait eux
continuer la même politique avec
encore plus de vigueur.Finalement,
un choix fut fait, et lors de la "nuit
des longs couteaux", les SS,
adhérant à la doctrine étatique,
arrêtérent tous les opposants,
et exécutérent la plupart des SA.
Service de Sécurité. Shutz-Staffel. Section Angélique. Sturm Abteilung. SS et SA... Röhm, Speer, Laval... Même les dates se jouaient de nous...
Friedrich entra alors dans la pièce, le visage souriant. "Tout n’est pas perdu. Il nous reste peut être assez d’hommes pour tenter quelque chose...". Aperçevant sa soeur, il la fit sortir avant de continuer. Mais je l’interrompis au milieu d’une phrase."A quoi bon, Friedrich...A quoi bon...". Surpris, il resta un moment interdit. Puis, délicatement, il posa sa main sur mon épaule."Tu dois tenir, Frank...". Son regard se fit plus dur. "Ce que je voulais te dire hier soir... C’est au sujet de leurs grands "projets". Ah, Frank, si tu savais...". D’un geste lent, je me dégagea. "Inutile Friedrich.... Je sais déjà... Pour notre plus grand malheur, l’histoire ne fait pas dans l’originalité.... Ce n’est en fait qu’un perpétuel retour en arriére.... Comme si nous n’étions que de simple pantins, rejouant sans cesse une même pièce macabre...". Mon regard surpris alors un bref mouvement. De la porte, la fillette nous contemplait. Ses yeux brillaient.