Le feu couvait encore sous la braise. Péniblement, il s’extirpa du providentiel tronc d’arbre qui lui avait permit d’échapper aux flammes. Malgré cela, sa peau avait été brûlée par la chaleur, faisant apparaître de grosses cloques accompagnées d’une douleur sourde et lancinante. Il se releva lentement et s’éloigna le plus vite possible du cercle de destruction où les corps de ses camarades finissaient de se consumer.
Rien n’avait laissé prévoir un tel désastre et ses conséquences risquaient fort d’être dangereusement dramatiques. Une citation du psychiatre de bord lui revinrent en tête « Les échecs sont comme des couteaux: ils te servent ou te blessent selon que tu les prends par le manche ou par la lame.» Une belle phrase, qui ne lui servirait à rien. Ici, l’échec serait mortel, et il n’en tirerait aucune leçon.
Un jour standard plus tôt, il aurait juré être le plus heureux des employés de l’Empire Galactique, section Surveillance et Exploration.
Ils étaient quatorze, triés sur le volet et surentraînés, avec mission, comme des milliers d’autres, de patrouiller aux confins de l’univers connu et de rapporter toute rencontre avec des races hostiles ou des planètes colonisables.
C’était un peu comme des vacances perpétuelles, sauf que l’on trouvait toujours de la place pour se garer et que personne ne tentait de vous vendre de force des bibelots inesthétiques ou de la nourriture indigeste. Et il fallait bien avouer qu’assister à la naissance d’une étoile drapée dans son long voile d’hydrogène rouge sur le fond de jais pailleté de diamants qu’est l’espace infini, c’était quand même plus grandiose et spectaculaire que le défilé de la fanfare municipale commémorant un fait historique obscur et vraisemblablement sanglant. (En brutalisant la sensibilité auditive et musicale d’innocents civils qui ne leur avaient rien fait.)
L’astronef s’était matérialisé à proximité d’une planète biologiquement compatible avec leurs organismes. De plus, leurs détecteurs firent état de la présence d’une civilisation indubitablement intelligente, quoique techniquement balbutiante. Le Capitaine ayant opté pour une exploration exhaustive, l’astronavigateur calcula une trajectoire qui permettrait de bénéficier d’une période ensoleillée optimale une fois sur la planète.
Ils se posèrent donc et le délicat parfum de l’atmosphère envahi le vaisseau au moment de l’ouverture du sas.
D’abord timidement, puis avec plus de hardiesse, ils se dispersèrent dans cette nature inconnue où au silence causé par leur arrivé bruyante, succéda rapidement la mélodie des chants de la faune indigène.
D’un commun accord, ils s’étaient ensuite regroupés puis dirigés au travers d’une formation végétale impressionnante, laissant le vaisseau sous surveillance électronique.
S’étant écarté pour examiner un spécimen floral fascinant, il fut le seul à voir les monstres. La répulsion que lui inspira leurs enveloppes corporelles et leur attitude cruelle et malveillante fut telle qu’il s’effondra de tout son long sur le sol, terrifié.
Une seconde plus tard, l’enfer s'abattait sur lui et les siens.
La suite ne fut qu’un cauchemar, empli de souffrance et de terreur. Les monstres ayant vite remarqués le survivant, ils le pourchassèrent avec acharnement. Heureusement, son corps plus efficace à la course lui permit de s’enfuir en direction du vaisseau. Mais quand il le vit, ses espoirs s’effondrèrent: l’ennemi occupait déjà la navette. Son devoir lui apparut alors clairement. Fonçant dans le vaisseau en bousculant brutalement les monstres surpris par son apparition, il se rua vers le dispositif d’urgence permettant l’autodestruction immédiate ainsi que l’envoi vers l’Empire des coordonnées du vaisseau, afin d’exercer ensuite d’impitoyables représailles sur les hostiles.
Balayant d’un revers le quadrumane à la peau rosâtre qui se tenait devant la commande, il enfonça victorieusement l’interrupteur fatal d’un de ses tentacules violets et luisants.