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- Dites-moi Baramine, vous avez de l’ail ici ? demanda Tyrcevon.

- C’est pas vrai tu penses qu’a bouffer, on vient de sortir de table !

- Y m’restions ben cinq ou six tetes, j’vais vouere derriere l’comptoir.

- Mais non andouille. Un vampire. De l’ail. Tu vois pas ?

- Tu cherches a lui filer mauvaise haleine ?

- Mais non ! Les vampires, l’ail, les crucifix, l’eau bénite et tout ca. T’en as jamais entendu parler ?

- J’ai entendu parler de tous ces trucs séparément mais je vois toujours pas ce que tu peux faire en les mettant ensemble. Un ragoût ?

- Raaah c’est pas vrai. Démonstration : vous saisissez une gousse d’ail fermement…

- Ca ne marchera pas, fit Edsianié qui était revenu a lui et se frottait la tete. Le vampire de type courant, ou Draculus mordicus, est effectivement sensible aux molécules de glucocyrobengene contenues dans divers produits comme l’ail, par exemple, mais nous nous trouvons en présence d’une sous-espece, dite Draculus impotens. Voyez cet intéressant spécimen, fit-il en saisissant doctement par la manche le vampire qui s’approchait : de taille moyenne, il n’a pas la constitution remarquable ni, par voie de conséquence, la libido extravagante qu’on prete usuellement aux membres de l’espece principale. Ses canines, si elles possedent bien les trous nécessaires au prélevement de sang comme vous pouvez le voir (passez-moi donc cette baguette de bois… merci beaucoup) là et là en les examinant attentivement, sont toutefois moins aiguisées et plus larges que les canines du Mordicus et leur pénétration dans la chair est bien moins bonne. D’autre part, cette sous-espece de vampires que l’on rencontre dans les zones marécageuses (celle de Ja-Lyeu en est une comme vous avez pu le constater) n’a pas les pouvoirs communs que l’on attribue a ces créatures, ainsi que les allergies aillogenes qui vont avec : impossible pour lui de descendre les murs la tete en bas, ni de se transformer en chauve-souris, en rat ou en plat de nouilles, ni de voler, et encore moins de paralyser ses victimes par le seul pouvoir de son regard envoutant. Je suis sur que Monsieur se fera un plaisir de se livrer a quelques démonstrations qui étayeront mon exposé. Mais l’on est en droit, apres toutes ces constatations, de se demander pourquoi la sous-espece de vampires de Ja-Lyeu souffre de pareilles tares congénitales qui la releguent au rang de pale copie d’un original prestigieux. Eh bien, en vertu d’une théorie que je me fais fort de vous exposer pendant les trois prochaines heures, nous verrons que le vampire de Ja-Lyeu, en raison d’un manque en vitamines A, B, C, D, E, F, G, H, PP et QQ lié aux conditions effroyables de son habitat et d’un brassement génétique limité a développé au fil des siecles…

- Ouais bon y’en a marre, intervint Ferog. J’y comprends rien a ton blabla alors si tu veux bien, on passe a la meule maintenant. Tyr’, envoie l’ail. Merci.

- Tsss… tu n’as pas écouté, mon pauvre Ferog. Je viens de te dire que ce vampire est totalement insensible a l’…

- AIE ! fit le vampire qui venait de se prendre une gousse dans l’œil.

     La bete maléfique vacilla sous le choc et se mit a tituber dans la piece, gémissant et se tenant le visage dans les mains, tandis que le nain continuait a la harceler sous un feu nourri de gousses d’ail. Tyrcevon, écartant Edsianié qui se trouvait sur son passage et contemplait bouche bée ce spectacle navrant, alla trouver la serveuse :

- Bon ben kayaaa comme on dit chez nous. Dites-moi douce Baramine, vous avez des armes ici ?

- Oye, on a ben la faux du grand’pere pendue au mur, la.

- Ca fera l’affaire…

     Et tandis que le vampire handicapé par sa vision réduite tentait tant bien que mal d’esquiver les aulx et les insultes lancés par un nain a la fois furieux d’avoir du écouter un docte exposé avant de pouvoir enfin meuler et frustré d’avoir perdu sa hache, le pretre de Malax décrocha l’antique faux du mur ou elle rouillait depuis des décennies et dans un geste théatral abattit sa lame sur son adversaire, par-derriere, en fourbe. L’occiput de la créature vola dans les airs avant de rouler jusque dans la cheminée.

- Et voilà ! Pas plus compliqué que ca.

- Tu peux dire merci a mon jet d’ail.

- Heureux coup, en effet.

- Alors, Ed’-le-docte, on peut pas vaincre des vampires avec de l’ail ?

- Je n’ai jamais dit ca, j’ai dit que…

- Ouais ben en tout cas le résultat est la. La sagesse naine a toujours le dernier mot.

- Surtout quand l’adversaire en est décapité.

- Au fait vous deux vous auriez pu nous aider non ? Passe encore que l’elfe soit une lopette mais une mago et un golem, normalement ca prend part a la meule.

- Mais j’ai un ongle cassé…

- Moi je vous ai aidés, j’ai entonné tout au long de la meule un chant de guerre dont les vertus charismatiques sur votre moral furent déterminantes sur l’issue du combat.

- Vachement utile en effet.

- Ah c’était toi ? Je croyais entendre le chat qui s’était coincé la queue dans la porte.

- A propos, qu’allons-nous faire de ces créatures du Chaos ? Je propose qu’on commence par peler le chat pour révéler sa nature véritable. Il doit porter la marque du Chaos quelque part sur la peau. A moins de torturer l’un des clients, la serveuse ou l’aubergiste.

- J’aime ta conception de l’alignement Loyal-Bon, Ed’, tout en finesse. Tu me rappelles mon oncle Ramon-Conpacioñ de Misericordio, l’inquisiteur de la famille.

- Au fait, il est passé ou l’aubergiste ? Costaud comme il était il aurait pu nous aider a défendre sa propre auberge quand meme.

- Aucune idée.

- Je l’ai vu disparaître dans la réserve la-bas, peu avant l’arrivée du vampire.

- Je vais aller voir ca, fit Sibéa, vaguement consciente d’avoir a prouver son utilité de temps a autre depuis qu’elle entendait trop souvent parler d’esclavage.

     La magicienne pénétra a son tour dans la réserve de l’auberge, ou il régnait un calme et un noir absolus. Entre deux jambonneaux suspendus au plafond, elle crut distinguer des tonneaux alignés sagement contre le mur. Adaptant sa vue petit a petit a l’obscurité, Sibéa passa en détail le reste de la piece : des bocaux, des bouteilles, le cadavre de l’aubergiste, un coin a pommes de terres, d’autres bouteilles, un couteau ensanglanté, un piege a souris dont le gruyere avait disparu, une grosse flaque de sang, des outils divers…

- AAAAAH !

- Je crois que la mago a un probleme.

- IL Y A DU SANG PARTOUT C’EST HORRIIIIIBLE !

- Oui c’est assez normal quand on décapite un vampire. Celui-ci devait avoir vidé déjà quelques victimes ce soir, vue la quantité qui en est sortie.

- Mais non andouille, l’aubergiste ! Il est mort ! Dans la réserve !

     Les Compagnons du Barde Empalé, suivis par la serveuse et les clients de l’auberge, se ruerent dans la piece pour découvrir, a la lueur des torches, le corps sans vie de Tarbul qui gisait dans son propre sang. Le cadavre était percé de plusieurs coups de couteau dans le dos.

- Je crois que le suicide est a exclure, fit Ed. Reste a trouver l’arme du crime.

- Le couteau ensanglanté qui se trouve a coté n’aurait pas un rapport avec le meurtre, des fois ?

- N’excluons aucune piste, répondit le rodeur elfe. Tout d’abord, convocation de tous les suspects dans la cuisine.

- Oye c’est y point que j’veuille et’ contrariante mais la cuisine j’viens d’la nettoyer et c’est point question qu’vous aillez y mett’ les chausses.

- Bon alors tout le monde reste dans la salle principale. Laissez-moi faire je vais mener l’enquete.

- Si ca peut te faire plaisir…

- Trrres bien. Procédons par ordre.

     Edsianié prit une chaise, la retourna et s’assit dessus en s’accoudant au dossier, puis il se saisit du couteau, le leva bien haut et s’écria :

- J’accuse Mademoiselle Sibéa dans la réserve avec le couteau ! Allez ramene tes fesses, crapule.

- Tu vas pas bien ? C’est pas moi j’avais pas d’arme.

- Inutile de nier, ton complice a laché le morceau.

- Quel complice ?

- Ah ah ! Tu avoues donc avoir agi seule, raclure.

- Mais t’es con ou quoi ? C’EST PAS MOI !

- J’ai les moyens de te faire parler, ordure. Que faisais-tu dans cette réserve dans la nuit du… on est le combien au fait ?

- Le 18.

- Dans la nuit du 18 au 19.

- Non, ca c’est la nuit prochaine. Il est minuit dix, hier on était le 17.

- Bref cette nuit, la, maintenant. Qu’est ce que tu fabriquais dans la réserve, canaille ?

- Ben j’étais venue voir si l’aubergiste était la.

- Je vois, je vois…

     L’elfe se leva, fit quelques pas dans la piece, alla dans la réserve, inspecta le sol et les murs avec attention, ramassa quelque chose puis revint a la hate dans la piece principale ou étaient rassemblés tous les clients et ses compagnons qui le regardaient avec perplexité en train de faire son manege.

- BON SANG, MAIS C’EST BIEN SUR ! fit-il d’un air triomphant.

- Quoi ?

- Mademoiselle Sibéa, j’ai une derniere question a vous poser… Aimez-vous le fromage ?

- Euuh… oui mais quel rapport…

- AH AH AAAAH TU T’ES TRAHI, VIL SKAVEN ! fit-il en lui brandissant sous le nez la tapette a souris. Seul un homme-rat aurait perdu du temps a dévorer l’appat de fromage apres s’etre livré a son odieux forfait ! Sergent, arretez cet homme… euh cette femme. Bref ce rat géant, fit-il a Tyrcevon.

- Ed’, on apprécie tous tes efforts mais sincerement je crois que…

- Et cette carte de visite perdue sur les lieux du crime, hein ? « Kundïn inc. World cie » c’est ton vrai nom, pas vrai ? Avoue, gibier de potence !

- Oye non c’est l’nom d’la société qu’occupe la grosse batisse a la sortie d’Ja-Lyeu, fit Baramine.

- Faudrait plutot aller chercher de ce coté la, donc, fit Tyrcevon.

- Tu vois bien que je ne suis pas la coupable.

- Tu ne perds rien pour attendre, pourriture démoniaque…

 


 

     Apres une nuit agitée, les Compagnons du Barde Empalé se préparerent donc a se mettre en route pour la flamboyante cité de Ja-Lyeu, prochaine étape de leur quete selon toute évidence. L’un des aventuriers (Ferog en l’occurrence) ayant soulevé la délicate question de leur manque d’équipement et d’armes, il fut décidé qu’avant de partir, la Compagnie irait se fournir chez « Fanfan, le salon de l’équipement de l’aventurier moderne », seul bazar de ce genre dans le petit hameau. Plusieurs membres du groupe avaient alors soulevé également l’objection du manque d’argent en plus du manque d’équipement et d’armes. Ferog, grand seigneur, avait alors décidé qu’il avancerait de l’argent a tout le monde, sans préciser d’ou lui venait soudainement cet afflux pécunier. Alors qu’ils étaient tous en train d’essayer diverses pieces d’équipement pour la suite de leur aventure, Tyrcevon, qui était rongé par la curiosité autant que par les bestioles nécrophages, tenta malgré tout de tirer les vers du nez au nain tout en faisant de meme pour sa personne.

- Alors Ferog, c’est l’opulence on dirait ?

- Ma foi on peut pas se plaindre…

- J’aimerais tout de meme comprendre comment tu as eu tout ce pognon.

- Ben faut faire les poches des cadavres apres la meule, ca rapporte toujours…

- Combien ?

- Tu me permettras de garder une certaine discrétion sur l’état de mes comptes…

- Bien sur, bien sur. Et l’auberge et le repas, on les a payés comment ?

- Un petit arrangement avec l’aubergiste. Qui ne tient plus puisqu’une des deux parties est morte, en l’occurrence lui.

- Et c’était quoi au juste ?

- Oh trois fois rien, j’avais cru comprendre que Sibéa lui plaisait alors… voilà… Faut dire aussi qu’elle n’est pas vraiment faite pour le métier d’aventurier, alors je m’étais dit qu’une petite réorientation professionnelle dans les carrieres liées aux auberges…

- Tu veux dire que tu l’avais vendue comme esclave, quoi.

- Tout de suite les grands mots. Serveuse-concubine, c’est l’appellation d’usage. Et puis il faut bien que ces pauvres villageois renouvellent un peu leur brassage génétique comme dirait Ed’.

- Mouais. Bon je vois que tu es déjà bien équipé, fit-il en considérant la cote de maille complete en gromrimithril du nain (garantie deux ans). Je vais me choisir quelques bricoles, costume, baton de pèlerin, tout ca…

- Jolie n’est ce pas ? Je l’ai touchée a 109,99 écus seulement parce qu’elle sent le pipi de chat. Moi ca me dérange pas en tout cas.

- Question de gout…

- Alors mes chous, on a trouvé ce qu’on cherchait ? fit le vendeur en s’approchant.

- Euh, pas encore. Je cherche une robe de bure…

- Zouuu la grande coquine ! Elle aime les robes, aloooooors… J’ai cet ensemble en kilt pour l’hiver, avec poches en daim et doublure en vison. Essaie-le mon chou. Sois pas timide…

- Euuuuh vous n’auriez pas un peu plus long ?

- C’est la derniere vague, ca se porte comme ca, tres court.

- Bon j’te laisse a tes chiffons Tyr, faut encore que j’aille voir les armes, fit le nain mort de rire en se dirigeant vers le fond du magasin.

     La section armes, ou se trouvait déjà Kytskyl qui n’avait besoin d’aucun nouveau vetement, était apparemment bien achalandée et les rangées de haches succédaient aux rangées d’épées et de morgensterns, sans parler des batons magiques et autres fariboles habituellement prisées par les coteries d’aventuriers.

- Alors Soupe-en-boite, tu trouves ton bonheur ? Ah ces bardes, a part la mandoline vous savez pas manier grand’chose…

- Au fait, je voulais te demander, comment est mort mon prédécesseur ?

- Kouioli ? Ah, j’ai vu pas mal de morts stupides dans ma carriere mais celle-la elle dépasse tout.

- Comment ca c’est passé exactement ?

- Dans la foret, il y a beaucoup de lapins. Des gros lapins. Kouioli a voulu en chasser quelques-uns, et comme il n’avait pas d’arc il a pris sa guitare, on lui a filé des fleches, il est parti tout seul et puis on a entendu un grand cri. On est partis a sa recherche et on l’a trouvé. Le coup était parti tout seul et une fleche l’avait…

- Empalé, je parie.

- Comment t’as deviné ?

- Une intuition.

- Bon, assez parlé de ce blaireau. Y’a des trucs intéressants ici ?

- Regarde toi-meme…

- Voyons ca. Une belle hache, une belle hache… Tiens celle-la. Qu’est ce qui est écrit sur l’étiquette ?

- 149,99 écus.

- Pas donné, mais c’est le prix.

- Je te lis la description : Glamdringdring : le marteau a citrouilles (c’est le nom de l’arme) : cette arme fut forgée durant les guerres gobelines par El-Fyrionde, tapissier officiel du roi des elfes qui venait de décapiter son forgeron et avait besoin d’un remplacant. Glamdringdring s’illustra tres vite sur le champ de bataille de Razibus-les-bruyeres en tranchant les jambes de l’éléphant qui écrasa le porteur de cette hache. Par la suite l’arme connut des destins divers, et fut notamment aux mains de Patator-le-puissant, jardinier officiel du seigneur de Noircombes, qui s’en servait pour biner les légumes et qui lui a donné son nom.

- Mouais, chuis pas tres chaud. Et cette jolie épée, là ?

- Alors… 299,99 écus. Cuivrecrist : le fendoir a pipe. Arme magnifique forgée selon la légende dans l’antre du dragon Zxcpkh’hgjt au temps ou les armures en amiante étaient encore autorisées par la loi. Cuivrecrist fut portée successivement par Babubel-le-malchanceux, sultan de Khagnar, qui périt dans l’incendie de son cheval ; Poissard-le-simple, fils du précédent, qui succomba aux attaques d’un hamster ; Eureusojeu, prince de Koku, qui trébucha sur sa niece avant de s’empaler sur cette meme arme ; Padbol XXIV de Kouraté, qui périt des suites de la blessure qu’il s’était faite en se tranchant la main un jour qu’il épluchait les poireaux avec ; Katast, roi de Rohf, qui testa la loi de la gravitation universelle en se jetant du haut des remparts de son château apres avoir glissé sur sa propre lame…

- Bon y’a quoi d’autre ?

- Dardiflette, épée courte de Bliblo le halfeling, spécialisée dans le combat contre les araignées de moins de 5cm, 129,99 écus.

- Autre chose.

- Paflechien, arbalete a vitesse multiple. Vingt-cinq amputations des doigts des porteurs. 179,99 écus.

- Une autre.

- Machinabul, arquebuse naine a viseur incorporé. Quarante et un borgnes. 209,99 écus.

- Je passe.

- Kalymérau, masse d’arme a enrouleur automatique. « Satisfait ou enterré ». 59,99 écus.

- Passe…

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