Ces nuits sans lune les forêts du Liscord étaient des royaumes ténébreux. Les étoiles se déchiraient aux feuillages, les feuillages aux ombres et les ombres aux éclats tranchants des plantes. Il y avait cette humidité du nord, oppressante, qui rendait les gestes lourds et lents, la marche pénible parmi ces masses de roche d'un autre âge où s'agrippaient les arbres et s'achoppaient les plaques de mousse comme des parasites. Au plus noir des pentes et des replats passaient les reflets de la troupe, comme des fantômes.
Silencieux même entre malgré le poids des armures, malgré leurs armes ils frôlaient l'écorce de pas en pas parmi des silhouettes plus vastes qu'eux. En tête Chacal forçait du pied les buissons d'épines et leur dégageait un sentier que quelques pas suffisaient à perdre. Il n'était, pour les autres, malgré le peu de distance plus que quelques faibles lueurs courbes aux courbes de son armure, la plate luisante où pendaient attachées par le cuir les canines. Il était le plus bruyant, ouvrant la voie, Chacal seul semblait vivant dans ce cortège d'ombres.
À moins de deux jours étaient les Cendres, aux rumeurs de bêtes atroces. Chaque rumeur autour d'eux, chaque cri lointain, chaque souffle et chaque battement d'aile leur faisait serrer leurs armes.
Luana était la plus tranquille du groupe, parce qu'elle savait. Son pas creusait dans la terre, au poids de la maille, une empreinte qui n'était pas la sienne. Elle aurait pu tuer d'un regard, elle aurait pu tenir la lance mais portait au dos par deux lanières en croix les lettres de Serres. Alors en cet instant marchant parmi la troupe et presque en son coeur dans l'obscurité des bois son regard s'était éteint. Elle avait seulement, un instant, presque pressé le pas et comme les autres, serré la poigne à la poignée de son arme, avant de relâcher. Elle avait senti dans l'humidité le danger les traquer.
Puis ce fut au tour de Mersh de sentir la présence peser sur eux. Il se retourna, derrière lui le vide de leur marche ouvrait un puits obscur comme les grottes, comme les ruines et les marais. Il fit encore un pas le regard en arrière et les cinq carquois jouant sur ses jambes alertèrent le groupe, qu'il était aux aguets. Les carquois battaient contre ses cuisses malgré les lanières où suait l'humidité de la nuit. Mersh leva les yeux et parmi les figures d'obscurité, les branches, les roches, l'ancien chevalier découvrit la première bête.
Comme Luana, lui aussi se relâcha. Contrairement à elle, il ne savait pas, mais il savait y croire assez pour ne pas y croire.
Un croassement perça la nuit, juste au-dessus de leurs têtes. Il y en avait à présent par grappes tenant les hauteurs des arbres, aux faîtes et de strate en strate jusqu'où les feuilles commençaient à s'effilocher, parmi les lames de ténèbres les plumes noires s'agitaient. Ils entendaient battre leurs ailes, des coups vifs avant le silence. Ils ne pouvaient pas voir les yeux de sang, ils ne pouvaient pas les voir à cause de l'obscurité, ils les devinaient seulement et dans ces forêts du Liscord, c'était assez.
"Chacal" murmura Aniesse.
Elle désignait les corbeaux du regard. "Je sais" s'entêta Chacal sans s'arrêter, sur le même ton, et il commençait à sentir parmi les autres cette nervosité qui ne mentait pas, sauvage, qui précédait le combat. Sa vie tenait à quelques mots, celle des autres, au silence. Il pesait, à chaque pas, entre ces deux choix, jusqu'à ce qu'un nouveau croassement pareil au râle l'arrête. Dans la nuit presque totale les rares contours étaient ceux qu'ils entrevoyaient parmi des corps noirs, sans se reconnaître. Chacal ne bougeait plus, muet, sentit dans son dos un frisson et le poids de sa hache sanglée, un regret, il plongea les mains aux deux dagues. Ce fut comme un signal pour la curée.
Déjà la forêt s'emplissait de cris rauques et de battements d'ailes, ils voyaient au-dessus d'eux la forêt s'affoler, les ombres par vagues sombrer sur eux. Aniesse avait fait claquer les pierres à deux doigts, d'une étincelle embrasa la torche et dans la lumière aveuglante agitée à bout de bras elle repoussa les volatiles, les vit de plein. Elle poussa un cri, comme malgré elle, à la vue des bêtes à quatre pattes, aux ailes doublées et sous leur bec une moitié de bec pendante. La masse fondit sur elle alors même que les autres se débattaient, les serres ouvertes allèrent labourer cuir et tissu, et mailles et pièces de plates éparses pour les fendre, laisser des marques saillantes sur le métal. Mais elle portait un médaillon d'Aube, comme il y en avait des milliers au Liscord, de ces médaillons de paysan. Sa masse roulant dans la masse repoussa les rapaces, éclatait leurs os, elle en vit tomber autour d'elle aux feux affolés de sa torche avant que la folie ne se retire.
"À moi !" Hurla Mersh qui en queue de troupe perçait le coeur d'un volatile pour sentir le sang comme la poix couler à plein sur son gant. Les griffes acérées tailladaient son dos, son visage sans qu'il semble les sentir. Retournant l'arme dans sa poigne il frappa d'arrière et les bêtes dans son dos s'envolèrent à grands bruits. Yrvain était sur lui la lance à une main inutile pour, de l'autre, armé de sa rapière repousser les derniers ennemis. Au cri de son camarade Yrvain avait surgi des ténèbres si bien que la torche d'Aniesse sembla seulement alors l'atteindre et le détacher des arbres.
"On se resserre !" Hurla Chacal et le groupe se reforma.
"Qui est blessé ?" Lança encore Mersh en ignorant ses propres plaies. Il ne les sentait pas, il s'en moquait, son regard allait dans la lumière de la torche inspecter ces visages pleins de hargne. Pleins de terre.
Le petit Lucas, avec son épée bâtarde, répondit : "Je vais bien." Il n'allait pas bien, il était terrorisé. Il se donnait des airs.
Un claquement et la torche de Luana arracha une seconde part aux ténèbres. Autour d'eux les arbres peignaient une frontière infranchissable, effaçant les directions et les sens. Les regards perçants se perdaient dans l'opacité ambiante, comme un brouillard. Ils pouvaient entendre encore, autour d'eux, ces plumes filantes et les claquements de becs, les croassements. Enfin Charal cracha : "Luana bon sang ! Tu es blessée !" Comme un père grondant son enfant. Elle détourna le regard.
Blessée, cela signifiait trop. Tout le groupe au ton grondeur de leur chef s'était comme relâché, détendu et leurs sourires nerveux avaient taillé dans la nuit comme une revanche. Mais Mersh, en inspectant le flanc ouvert alors qu'elle s'étendait, hochait la tête lourdement. Elle ne dirait rien mais son attitude disait tout, adossée au tronc et en silence, le regard perdu au loin. À attendre rien.
"Qu'est-ce que c'était ?" Demanda le petit Lucas.
"Pas des corbeaux en tout cas" coupa Yrvain.
"C'était rien" coupa Chacal, agacé.
Lucas avait repris la torche, à mesure des secondes sentant le groupe se détacher les uns des autres il erra, au milieu d'eux, et sa lumière alla fouetter ces frontières nouvelles de buissons et de troncs rugueux où le lierre traçait ses symboles.
Ni lui ni Yrvain ne pouvaient saisir l'évidence. Aniesse, elle, après avoir guetté, était revenue à Chacal : "On doit partir." Elle savait avoir raison, elle avait raison, c'était tout ce qu'il leur restait à faire. Ce fut une sorte d'excuse trop faible pour être sincère, quand son chef se tourna vers elle pour lui lancer : "Tu veux la laisser là ?" Il la défiait du regard, de répondre, et elle répondit oui sans hésiter. Elle avait saisi l'évidence, et elle n'avait pas vu plus loin que ça.
Enfin Mersh s'était relevé, le flanc de Luana bandé, il la saisit pour la relever, la soutint sur son épaule. Et la guerrière, malgré la douleur, faisait semblant de pouvoir suivre, s'efforçait d'aider son effort et de tenir. Mais elle ne cachait rien.
"Qu'est-ce que tu fais ?" S'emporta Aniesse. "Tu as perdu la tête ?"
"Personne ne te retient" répliqua l'ancien chevalier.
À nouveau les flammes se resserrèrent et les voix s'élevant, toujours étouffées par la nuit et la crainte, le petit Lucas regardait sans comprendre ce spectacle muet. Pour lui, tant qu'il y aurait les torches les monstres n'attaqueraient pas. C'était la lumière qui, dans sa tête, les avait repoussés. Il ignorait tout.
Ces croassements rauques autour d'eux se multipliant crevèrent parmi leurs discussions, firent battre les coeurs. Soudain le choix s'emportait, sans parole, par quelques gestes, Chacal détachait les sangles pour saisir sa hache et, dans le même geste, Mersh détachait son arc. Appuyé contre lui Luana, silencieuse, jeta son regard sur le petit Lucas qui faillit reculer avant de comprendre ce qu'on attendait de lui, et vint à son tour la soutenir. "Reste près d'elle" siffla Chacal tandis qu'ils reformaient la colonne de marche.
Seul Lucas, alors, croyait encore qu'ils iraient sans peine. Il voyait les torches et dans ces torches s'ouvrir leur chemin parmi les arbres. La forêt s'arrachait dans leurs pas, traçait des spectres impossibles. Il pouvait lever la tête et voir, cette fois nettement, au-dessus d'eux les corbeaux par dizaines, par centaines, couvrir toutes les branches jusqu'aux plus basses branches, et quand ils criaient, la moitié de bec pendante. Et peu à peu le petit se mit à réaliser que les torches ne les repousseraient pas, qu'ils attendaient, qu'ils attendaient quoi, et il se mit à sentir plus nettement le poids que représentait Luana.
Mais Mersh avait été chevalier, et Chacal était Chacal.
Soudain les corbeaux se détachèrent des arbres, ces créatures de la nuit, se jetèrent sur le groupe. Ils se détachaient par rafales six ou dix ou isolé pour s'abattre sur ces armes dressées contre eux. Le fer de hache en tête accueillit leurs serres, crépita avant de tournoyer et à l'avant le bruit d'os et de râles répondit aux râles bestiaux sous la masse et la lame. Mersh saisit trois flèches, les banda, sans viser tira et toucha trois et deux bêtes qui voletèrent avant de s'effondrer. Il savait, il sentait autour de lui les bêtes filer et tournoyer et son coeur battre, compter sur les autres pour le défendre. Son arc à nouveau tendu les flèches filèrent tailler dans la masse.
Un cri les alerta et ils virent l'armure de Chacal transformée en un gouffre noir battant de plumes et de becs. Ils piquaient le crâne, raclaient le métal et aux articulations perçaient jusqu'à la chair. La silhouette de leur chef chancela, s'abattit d'un côté avant de se redresser et la hache siffla dans l'air nette, une fois deux fois puis trois fois arracha une vingtaine de corps démembrés à ses pieds. Aniesse se portait à ses côtés, surprise par les rapaces sur son flanc elle recula, apeurée soudain. La panique aurait dû la tuer mais le médaillon joua à son cou et les serres filant sur son visage ne laissèrent que de fins traits rougis. Elle abattit sa masse, sentit l'aile double rompre avant de lever les yeux.
La faune s'envolait à nouveau et tout ce temps du combat les corbeaux démembrés avaient tournoyé, cent, plus que cent, par plusieurs cercles denses au-dessus d'eux comme les charognards au-dessus des charniers.
"On se resserre !" Hurla encore le chef et son poing levé força les autres sur lui.
"On ne va pas tenir à ce rythme-là !" Cracha Yrvain.
"Sans rire" ne put s'empêcher d'ajouter Mersh, l'arc encore bandé de deux flèches.
Dans son regard, quelque chose d'amusé.
Sans attendre Chacal leur avait donné l'impulsion de la marche, alors leurs armes en main la troupe s'était remise à marcher. Lucas palpait à ses bras là où les serres avaient frôlé, ce miracle où aucune griffe n'avait touché. Il sentait encore leur morsure brûlante, mais rien d'autre et ce n'était que de la peur. Ce qui l'avait protégé, il en était persuadé, c'était Luana. Elle, son épée pendait au poignet, la pointe traînant dans l'herbe aux côtés de ses pieds. Il s'aperçut soudain qu'elle soufflait, de la difficulté à respirer. Et il comprit enfin, après cette éternité, ce concept infiniment simple. "Elle va mourir" murmura-t-il sans savoir, après coup, si la guerrière l'avait entendu.
Son regard passa affolé sur le reste de la troupe et il comprit soudain le sourire défiant de Mersh, l'agacement de Chacal. L'emportement d'Aniesse. Jusqu'alors le danger, oui, mais ce danger était autre chose comme de fatal. Il aurait voulu se porter jusqu'à la hauteur du chef, pour lui demander ce qui se passait. Il se sentait mal. Le petit Lucas regarda encore derrière lui Mersh que la torche parvenait à peine à éclairer, qui semblait de plus en plus s'enfoncer dans les ténèbres. Ses traits le frappèrent, si détendu, il se demanda soudain si l'ancien chevalier avait été véritablement inquiet.
Ensuite, et brutalement, Luana s'effondra. Il ne parvint pas à la retenir, d'un coup son poids s'avéra trop grand et glissant de son épaule la guerrière s'abattit au sol. Là, sous ses yeux, elle se recroquevilla et sa main cherchait à atteindre la gorge où peinait à passer l'air. Son flanc à nouveau rougi, Mersh les avait rejoints, regarda faire.
"Ce n'est pas fini, Lucas."
Il releva les yeux sur l'implacable archer pour n'y trouver que deux yeux éteints, dont la nuit avait volé les couleurs comme les traits. Il le sentit à ses côtés comme une statue, un bloc inébranlable, sans la moindre chaleur. "Qu'est-ce que tu veux dire ?" Formula péniblement le jeune homme.
"Il veut dire qu'on va s'en sortir, petite tête" répliqua Yrvain.
La voix d'Yrvain était nerveuse, plus fausse que le poison. Il regardait autour pour ne pas regarder plus haut ces feuillages de plume les regarder, ces centaines, ces milliers d'yeux rouges. Chacal aussi les avait rejoints et seule Aniesse se tenait en retrait, sa propre torche en main, sa propre réalité à elle. À les regarder creuser leur tombe.
"Ces bestioles, c'est quoi ?" Demanda encore Lucas.
"Des crevards." Répondit Chacal. "Des crève-coeurs."
"Des corbes ?" Demanda le petit.
"Je déteste les gens du sud" conclut le vétéran.
Un instant Lucas repoussa l'idée, puisque ces créatures appartenaient aux légendes. Pire que les légendes, elles appartenaient à la mythologie. Puis les idées s'enchaînèrent, tout ce procès qu'Yrvain ne ferait jamais, dont Aniesse se moquait. Lucas cherchait à reconstruire ce qu'était un crève-coeur et s'il avait su, il aurait compris ce qui se passait. Mais le petit n'était pas lettré, il n'avait que les rumeurs et les contes pour seul guide.
À présent les croassements étaient incessants, les battements d'ailes interminables les assourdissaient. Il releva la tête et les arbres étaient remplacés par ces masses bestiales dressées contre eux. Toute la forêt. Dans sa tête se fit l'idée que, quand les corbes commenceraient à tourner en cercle, alors ce serait la fin. Il revint à Mersh, brutalement, et celui-ci s'était agenouillé auprès de la guerrière pour lui palper le cou, puis lui palper le flanc, puis il se releva.
"Tu veux l'entendre ?" Demanda-t-il à Chacal.
"Vas-y, qu'on en finisse."
"Vivante. Elle en a pour plusieurs jours."
"Aniesse !" Gueula le chef.
Elle vint vers eux et sa torche à la torche de Lucas sembla fulminer. Il y avait eu en elle un déclic, celui de la survie. Maintenant, ils allaient l'abandonner. Maintenant, ils allaient partir. Fuir. C'était ça, leur chance.
"Ton médaillon." Et Chacal tendit la main.
La combattante demeura interdite, parce qu'elle n'avait aucune idée de la valeur de son médaillon. Simple décoration. Elle dut penser, sans doute, qu'en le donnant elle accélèrerait leur départ. Alors d'un geste elle l'arracha de son cou et le posa dans la poigne du chef qui le tendit aussitôt au petit Lucas.
"Toi et Aniesse, vous courez. Nous, on va tenir." Et se relevant, à tous : "Des questions ?"
"Ouais" dit Yrvain. "Pourquoi je reste ?"
"Parce que tu ne veux pas mourir."
"Ici ou ailleurs..." souffla ce dernier, hargneux.
Une dernière fois Chacal regarda le petit Lucas et ce regard dura longuement, deux, trois secondes, huit secondes, quinze ou seize. Tout ce que Chacal aurait voulu dire au petit avant que ce dernier ne parte. Il fit signe et la troupe se détacha, Aniesse emportant le petit avec elle tandis que les autres, gardant la torche de Lucas, se reformèrent autour de la guerrière étendue. Elle présentait alors au ciel son bouclier et le bouclier avec ses lettres enflammées par la torche étaient un nouveau rempart aux bêtes nocturnes.
"Dépêche !" Lança Aniesse en se retournant pour le petit. Elle tenait sa torche droit devant elle pour empêcher la braise détachée d'aller se perdre dans sa chevelure. À l'autre poing la masse balançait dans le vide, filait au-dessus de l'herbe et rasant les troncs pesait dans sa course. Lucas, derrière, n'arrivait pas à gagner sur elle. Il s'efforçait, tant qu'il pouvait, de la rejoindre, de rejoindre la protection de la torche et de cette masse mais ses jambes étaient lourdes, infiniment lourdes. Son souffle difficile. Il la voyait courir, à peu de lui, trop loin pourtant, il sentait la distance entre eux se creuser, se creuser de plus en plus. Ses jambes comme faibles, tremblantes. Il la vit jeter la masse dans les herbes, Lucas se tendit pour bondir en avant, percer en avant jusqu'à elle mais son corps ne parvenait plus à suivre. Il trébucha, se rattrapa, se relevait.
Il la vit soudain paniquée, le feu de lumière autour d'elle englouti en un instant par toutes les ailes battantes et ces yeux rouges l'engouffrer. Il crut entendre son râle mais c'étaient les râles des corbes. Lucas se rendit compte qu'il ne bougeait plus, que tout autour toutes les branches étaient chargées de ces créatures de folie. Il cligna, et ses membres retrouvant leurs forces, avant de voir la flammes s'éteindre se remit à courir, au hasard, dans la forêt.
Sa course déboucha brutalement sur une route de terre creusée de sillons de roues. Lucas se retourna, derrière lui les yeux rouges pesants, il se remit à courir et toujours plus, toujours plus loin, sans plus penser à rien qu'à vivre. Il pouvait entendre les râles et les sifflements de lames, les sifflements de flèches, les prises au poing et ces os éclatés.
Ensuite, un village, il n'aurait su dire lequel, une dizaine de maisons arrachées à une clairière. Les gardes l'avaient vu, vinrent à lui. Lui, essoufflé, dit seulement : "Des corbes." Puis, tandis que les soldats le laissaient se reprendre, il expliqua, comment son groupe s'était fait surprendre, ce qu'ils avaient décidé, et comment il était arrivé là. À cet instant le bruit du combat battait encore dans sa tête.
"On va les chercher ?" Demanda un garde au petit, mais d'une voix étrange. Il parlait du groupe, de Luana, d'Yrvain, de Mersh. De Chacal. Et le petit se retournant regarda la forêt, ces milliers, plus que des milliers, ces légions de corbes battant au-dessus des bois comme une tempête d'ailes, tournoyer en un cercle immense au-dessus du lieu où ils les avait laissés. La certitude se grava dans son coeur. L'écho du combat s'éteignit. Il secoua la tête, tristement. Les gardes regardaient la forêt paisibles, sans la moindre créature, silencieuses.
L'illusion du Liscord, les bêtes d'illusion, c'était qu'on se battait de métal et de chair. La vérité, c'était que Lucas avait été la meilleure arme de Chacal, contre les corbes, et que le petit Lucas l'avait tué.
Le petit Lucas
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- Écrit par Vuld Edone
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