Un silence de mort pesait sur la prairie embrumée. Un silence lourd seulement brisé par les cliquetis des armures ouvragées des guerriers d’Ulthuan, partis en guerre dans les provinces du nord pour repousser un ennemi débarqué à l’aube du jour précédent, un ennemi symbolisant la mort et la corruption, la décadence d’un monde déchiré.
Le soleil prit une couleur de sang, pâle lueur pourtant derrière l’épais brouillard. Un oiseau noir se posa sur une des branches d’un arbre à l’orée de la forêt voisine, un corbeau, qui dit-on était le seul, après les sadiques dieux du chaos, à se réjouir du mal d’autrui. Les lanciers avançaient vers l’inconnu, vers une mort quasi certaine, lances en avant, avant de s’arrêter : au loin, leurs yeux perçants avaient discerné l’ombre de la masse chaotique, qui elle aussi s’arrêta. Les archers tenaient leurs arcs bandés, prêts à en découdre. Aucune goutte de sueur ne coula sur leurs fronts plissés par la concentration. Les lanciers en rangs serrés pointaient leurs lances sur l’ennemi. Les quelques balistes, positionnées sur un des tourments du sol humide et herbeux attendaient l’ordre de leur commandeur pour faire feu.
Un barbare humain s’approcha et s’arrêta, il hurla en brandissant son arme souillée par le sang d’un sacrifice vers l’ennemi. Ses paroles sèches et incompréhensibles furent suivies par les cris de guerre terrifiants de la horde démoniaque et les gémissements frissonnants des créatures de cauchemar encore cachée derrière le voile de brumes. Il retourna dans ses rangs désorganisés. Un terrifiant destrier sortit des nuages, comme appelé par on ne sait quel signal de son maître. Le barbare injurieux se mit en selle, passa devant ses rangs et signala la charge. Guerriers et maraudeurs s’exécutèrent dans une grande clameur, et le mal dans son infinie discorde fondit sur les forces du bien.
-Archers, feu !
Sur ces paroles imbibées de colère les cohortes de tireurs experts lâchèrent sur l’ennemi une grêle continue de carreaux immaculées, alors que les quelques balistes à répétition s’actionnèrent, soutenant les lanciers prêts à recevoir la charge, un genou à terre et lance en avant, cachés par leurs larges écus. Un puissant cor sonna : son cri s’éleva dans les cieux tel une intense plainte aux dieux, mais ce n’était autre que le signal de charge adressé à la cavalerie cachée derrière les pins et les sous-bois. Un puissant grondement se fit entendre, les rangs auréolés de magnificence des heaumes d’argent jaillirent de la forêt, percutant les flancs surpris des maraudeurs et des guerriers, alors que les valeureux patrouilleurs ellyriens passèrent tel un éclair entre les deux armées sur le points d’entrer en contact, criblant au passage le front ennemi de flèches et brisant ainsi ses rangs, avant d’aller harceler un groupes de créatures étranges semblables à des femmes plongées dans une extase meurtrière.
Puis se fut le choc, terrible et effrayant, le choc entre la mort et la vie, entre le bien et le mal, entre la hache et la lance. Sangs purs et impurs se mêlèrent et se mélangèrent à la rosée matinale déposée sur la couche d’herbe. D’étranges créatures volantes changeant perpétuellement de couleur, à la forme des créatures à peau lisse que les pêcheurs de Lothern prenaient par mégarde dans leurs filets, s’abattirent en hurlants sur les flancs des lanciers, les prenant au dépourvu. Malgré la stratégie experte du commandeur Hierran, la chance tournait et son armée était sur le point de fuir. Il n’avait plus qu’une solution : s’engager dans le combat. Il demanda aux musiciens de faire de leur mieux pour que les puissants sons de leurs cors atteignent le fortin de Tel Biran, à quelques lieues d’ici, afin de leur demander de l’aide en urgence. Les cors avaient une très grande portée, mais peut-être pas suffisamment pour atteindre les murs de la ville.
Hierran sauta sur son coursier aussi blanc que les flèches de son carquois et chargea l’ennemi en criblant de flèches le plus de guerriers possible, avant de sortir son épée emplie de magie et de s’engager dans la mêlée. Le sang coulait à flot, les coups de l’ennemi faisaient jaillir dans les cous et les entrailles de ses frère de longues gerbes écarlates. Les valeureux lanciers reprirent du courage en voyant leur général, mais ils étaient à présent en infériorité numérique. Le combat était perdu.
Bientôt l’astre solaire atteignit son zénith, les elfes d’Ulthuan n’étaient plus qu’une centaine contre deux cents voire trois cents guerriers.
Tous les démons gisaient sur le sol ensanglanté mais jamais ils ne résisteraient. Hierran venait d’entamer un duel avec se qui semblait être le chef de l’armée, un pesant guerrier au bras droit en forme de tentacule visqueuse et changeante. Repoussant coup sur coup Hierran ne parvenait cependant pas à éviter l’immonde tentacule qui lui ne cessait de le fouetter et ne parvenait que difficilement a blesser son ennemi. Soudain, un puissant trait de lumière s’abattit devant lui, exterminant au passage une dizaine de guerriers du chaos. Au loin, culminant sur un rocher, un mage aux couleurs immaculées brandissait vers les cieux son bâton de lumière, alors que plusieurs grands aigles, chevauchés par de puissants héros, fonçaient sur le dos ennemi.
Hierran profita de l’effet de surprise produit sur le barbare pour le faire tomber de selle d’un puissant cou au torse, qui ne le tua cependant pas mais le blessa mortellement. Il sauta à terre pour l’achever et brandit son épée pour la lui planter dans le crâne, mais au moment ou il rabattit celle ci, le barbare, d’un geste rapide, puisant dans ses forces les plus cachées, lança un couteau dans le cou de Hierran, qui s’effondra, mourant, agonisant. Mais il était trop tard pour la horde du chaos, les aigles de guerre s’engagèrent à leur tour dans le combat. L’ost chaotique, prise entre l’enclume et le marteau fut exterminée. Les dieux d’Ulthuan, dans leur infinie miséricorde, avaient accordé la victoire à leurs fils.