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Quelques oiseaux chantent discrètement une amusante mélopée. Quelques sons, quelques sifflements, comme un refrain plein d’entrain.

L’état major aboie ses ordres comme un chien furieux et enragé, couvrant le choc des armures des soldats mal organisés, le tumulte des centaines de sabots se déplaçant très lentement, piétinant autant qu’ils le peuvent. Le bruit de milliers de bottes ferrées se mettant en ordre.

L’horizon s’étend devant eux, ces soldats rageurs, ces guerriers vengeurs, devant ces assassins tumultueux. Le soleil levant embaume tout le val de son onguent de rose et borde les reliefs de drapés de soie ocre, leur rappelant ainsi ce pourquoi ils se battent, leur rendant souvenir de la beauté des choses, comme d’un ultime sacre.

Tous équipés, prêts à parader avec ces grandes toges larges, serrées par les ceintures, et ces hauberts d’acier, et ces épées de fer. Que fait-il là ?

Il est venu combattre. Il est venu mourir.

 

Ils descendront tous, par colonnes, par flots, ils déferleront de ces collines, à l’horizon. Des centaines de barbares sanguinaires, la bave aux lèvres, haches et fléaux brandis, les flèches empênées, drapeaux ensanglantés volant aux vents comme de noirs trophées.

Ils viendront par là pour brûler les terres et piller les richesses. Ils viendront renverser le royaume, et bafouer le trône.

Ils viendront par là.

Avec leurs armes et leur fiel.

Ils viendront. Déjà le ciel de rose est obsurci par la noirceur de leurs actions. Déjà, déjà le vent rapporte leurs rumeurs, les plaintes cadavériques des fantômes qu’ils traînent derrière eux. Déjà les chants de guerre. Déjà les cris violents. Le bruit des cors. L’attente sourde. Déjà la mort, qui vient, les grincements, déjà. Déjà la peur.

 

Ils sont là.

Ils sont là, ils sont là ! A l’hallali, hardi, hardi, au combat ! Il est là, l’ennemi, chargeant, voyez !

Archers ! Empennez vos flèches ! Soldats ! Formez la ligne ! Cavaliers ! Restez derrière ! Sergent ! A sénestre ! Sergent ! A dextre ! Vous, là ! Au centre ! Ici ! Là ! Par là ! Là-bas !

Il est là, la bave aux lèvres, l’épée brandie, le front en fièvre, hardi, hardi !

Et il avance, mais voyez donc ! En ligne, ais-je dit ! Avancez ! Tirez ! Chargez ! Archers ! Soldats !

 

Et il avance, l’ennemi, il avance, engoncé dans son cuir, enfermé dans son métal, l’hallebarde à la main et le sang dans les yeux. Lui ne sait que faire. Il avance avec les autres. Il avance peut-être vers sa mort.

Il avance vers la douleur…

Que se passera-t-il alors ? Ira-t-il au Royaume convoité ? Va-t-il souffrir, et pleurer, et crier .. ?

 

Ils sont sur eux, Dieu bon, les voilà ! Un soldat vermeil semble l’avoir pris pour cible. Son épée part, le bouclier renvoie le coup, la contre-attaque vient, les épées s’entrecroisent. Il se jette sur lui, tous deux roulent à terre. Son épée part de sa main, frappée par celle de l’autre. Sang. Peur. Douleur. Sa dague dans le flanc de l’adversaire. Cris. Sang. Cris. Il se relève. Il est projeté à terre. C’est un autre. Un fou. Il se protège derrière son bouclier, aperçoit son épée, la ramasse, il est bloqué à terre, l’ennemi le frappe, il est tué par quelqu’un d’autre, il tombe, lui se relève, entaché de sang, épuisé déjà par les coups portés, il avance, tout le monde avance, il avance, il avance avec les autres, en voici un, frappe ! frappe ! tue !

Il se jette sur lui, douleur dans le bras, son épée est lourde, elle retombe sans dommages, l’autre veut le frapper, il lève son écu, chancelle sous le coup, sueur, il est au bord de l’épuisement, cris, cris, il frappe, il se défend, il frappe, cris, c’est lourd, cris, cris, cris !

Embruns de l’esprit, les vagues de sa fureur se brisent sans cesse contre le bouclier de fer, et son dard tranchant frappe, frappe, frappe ! Il lui coupe la main, sang, fureur, frappe ! frappe ! Tue !

Hurlements étranglés.

Râles mourants.

Frappe.

Frappe.

Tue…

 

Son drapeau claque dans le vent. Les autres poursuivent l’ennemi fuyard. Les blessés sont achevés, les siens crient à la victoire, et lèvent leurs épées.

Il tombe à genoux.

Les chants retentissent, victoire ! Victoire !

Son épée lui glisse des mains.

Ils ont gagné !

 

Il a perdu.

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