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Vous ne passerez pas !

 

La cité royale de Lusaka avait été bâtie sur un impressionnant promontoire surplombant la mer de plus de deux cent mètres. À l’Est, ce promontoire était rattaché à la terre sur une largeur de deux kilomètres. Il s’y élevait une haute muraille garnie de cent tours où patrouillaient les gardes dans leurs cottes de mailles ocres. Jamais ennemi n’y avait posé le pied. À plus de quatre kilomètres à l’Ouest, l’extrémité du cap était battue par les marées. La ville était construite de pierres de granit blanc. Les maisons se regroupaient souvent autour de petites places agrémentées de fontaines et de jardins publics où les habitants aimaient à flâner le jour, et où les amants se rejoignaient la nuit à la lueur de quelque torche. La partie à l’Ouest du promontoire était occupée par le quartier des nobles et des riches bourgeois. Les demeures y rivalisaient d’audace architecturale et de splendeur, tandis que les jardins multicolores et odorants renfermaient des essences parmi les plus rares. Les nantis occupaient leurs journées à recevoir ou visiter leurs amis tandis que le soir, tous se retrouvaient au théâtre ou dans quelque réception chamarrée. Parfois l’une des ambassades organisait une soirée typique du pays qu’elle représentait.

Au pied de la falaise Nord s’étendait une grève où avait été construit le port et sa cohorte de tavernes, d’entrepôts mais aussi de modestes habitations en bois où vivaient les moins fortunés. Cette véritable ville basse était entièrement bâtie sur pilotis, et les bâtiments étaient reliés par un incroyable réseau de ponts de cordes et de passerelles. On pouvait en permanence y croiser des marchands et des émissaires venus du monde entier, y humer les fragrances de cent contrées ou simplement venir admirer les voiliers amarrés aux dizaines de pontons. Le quartier du port était relié à la ville par un immense escalier de mille marches de marbre. On y rencontrait aussi bien de simples dockers que les plus riches marchands, des enfants faisant la course ou des voyageurs aux vêtements exotiques.

À son sommet, l’escalier débouchait sur une immense place de trois cents mètre de côté où se tenait un marché permanent. Les rangées irrégulières d’échoppes et de toiles de tente faisaient penser à un campement nomade. Parfois, par manque de place, le marché s’étendait même dans les rues avoisinantes. Aussi bien le jour que la nuit la place grouillait d’activité, des marchands s’installaient ou remballaient, des domestiques cherchaient à satisfaire le dernier caprice de leur employeur ou de simples habitants venaient boire une chopine dans l’un des nombreux estaminets perdus au milieu des toiles. Au Sud, à cinquante mètres du promontoire, sortait de la mer une flèche de roc aussi haute que les falaises. Au sommet avait été construit le palais royal, bâti sur les ruines de l’ancienne forteresse détruite par un tremblement de terre. Les tours fines et gracieuses qui partaient à l’assaut des cieux surplombaient toute la ville et de vifs oriflammes ondulaient à leur sommet. Il était relié à la ville par un pont vertigineux large de quinze mètres dont les piles supportaient nuit et jour l’assaut des vagues.

La demeure royale était toute de marbre aux discrets reflets bleutés. Un complexe réseau de fontaines arrosait les nombreux jardins parsemés dans tout le bâtiment. Ces espaces de verdure, calmes et apaisants, contrastaient avec l’activité permanente qui régnait dans l’immense palais qui était également le siège des administrations royales. Et plus que tout, la salle du trésor renfermait la plus grande relique possédée par les hommes : une épée à deux mains ayant appartenue à un dieu au nom aujourd’hui oublié. Cette lame avait une telle aura magique, qu’aucune personne sensible à la magie ne pouvait l’approcher sans s’évanouir. Les guerriers qui avaient essayé de s’en saisir quant à eux s’étaient embrasés à son contact, incapables de maîtriser sa puissance. Les membres de la famille royale de Lusaka avaient la garde de cette épée depuis mille générations, tenus par un serment jamais oublié.

C’est pour respecter ce serment que le roi avait quitté sa cité à la tête de son armée, allant à la rencontre des forces levées par un sombre seigneur des montagnes du nord. Cette armée était composée de toutes les créatures malfaisantes qui peuplaient les cimes inhospitalières : des gobelins et des orques bien sûr, mais aussi nombre de trolls, minotaures et géants. En quelques semaines seulement l’armée maléfique était arrivée à une poignée de lieues de la ville, semant sur leur passage chaos et désolation. Lusaka n’avait eu que le temps de rassembler son armée avant de partir à la rencontre de l’ennemi, dont la ville était sans aucun doute l’objectif.

 

***

 

Cinq jours après le départ des fiers guerriers, quatre étranges personnages arrivèrent aux abords de la ville. C’est le vent qui avait apporté la nouvelle à Emelor l’elfe des bois, éclaireur compétent et voleur habile. Sous sa tunique verte il portait une cotte de maille elfique d’admirable facture, aussi légère qu’une chemise d’été mais aussi robuste que l’armure d’un chevalier lourd. Dans son dos était fixé l’arc à la précision infaillible hérité de son maître, ainsi qu’un carquois magique qui jamais ne se trouvait à court de flèches. A son flanc battait une rapière à la garde finement ciselée et gravée de runes avec laquelle il savait exploiter le moindre défaut des armures. Son regard doré était aussi vif que celui d’un rapace et ses gestes ceux d’un félin. Il était le plus agréable des compagnons avec ses amis, mais son attitude inquiétait tous ceux qui envisageaient de l’affronter.

A ses côtés se tenait comme toujours une elfe à la beauté sans égal, sa compagne Malinaë, une ensorceleuse à la puissance renommée. Ses longs cheveux d’ébène contrastaient avec la pâleur de son visage. Elle portait un long manteau noir comme la nuit, dissimulant une robe iridescente qui mettait admirablement ses formes en valeur. Ce vêtement antique possédait de grands pouvoirs mystiques qui la protégeaient des attaques aussi bien physiques que magiques. Elle avait à la main un bâton aussi blanc que l’aube. Son brigand de compagnon lui avait appris à lancer des couteaux qu’elle dissimulait sur elle. Ses traits étaient aussi mortels que les flèches de son amant. Malinaë n’était que grâce et volupté mais son regard d’azur recelait une force que peu de mortels osaient affronter.

Le troisième membre de la compagnie était Astara Sandari, paladine de Saranélia, Déesse de la lumière. Elle n’était pas aussi belle que son amie elfe, mais n’était pas pour autant éclipsée par Malinaë car la lumière de sa déesse rejaillissait sur son doux visage. Son armure de plaques, argentée, rehaussée d’or et parfaitement ajustée, protégeait son corps fin et musclé. Tous ceux qui l’affrontaient au combat étaient étonnés par la force et la résistance de cette jeune femme à l’apparence si délicate. A ses hanches se balançaient deux poignards à doubles lames recourbées et à son bras était fixée une rondache qui jamais ne s’était fissurée sous les coups. Le petit bouclier arborait le diamant, symbole de sa déesse. L’émeraude des prunelles d’Astara contrastait avec sa chevelure de feu tandis que son port altier imposait à tous le respect.

Leur dernier compagnon était un colosse répondant au nom de Madornar Rystek, prètre du Dieu de la justice Herlor. A côté de ses compagnons à l’apparence physique peu impressionnante, il paraissait une montagne. Il portait un harnois si lourd, que trois hommes avaient peine à le porter. Il avait pour habitude de manier une masse d’arme dont le fer aurait pu servir d’ancre à un navire et dans son dos, se trouvait un pavois marqué de la balance de la justice. Son incroyable force ne l’empêchait d’user d’une grande délicatesse lorsqu’il soignait les blessés ou aidait les pauvres gens. Son visage encadré de cheveux noirs reflétait la bonté, mais derrière ce masque brûlait un feu qui faisait naître le trouble dans le cœur et l’esprit des êtres maléfiques.

Ils étaient devant les portes d’acier et de diamant des remparts quand soudain un garde posté sur la tour cria : « Les voilà ! Ils reviennent ! » Lorsque les quatre amis se retournèrent, ce qu’il virent leur glaça le sang. De la grande armée de Lusaka il ne restait que des lambeaux. Sous le soleil de midi, des hommes blessés et mutilés, plus morts que vifs rampaient pour gagner l’abri des remparts. Alertés par la cloche d’alarme, les habitants de la ville partirent au devant des soldats blessés. Parmi ces derniers se trouvait le roi, porté sur une litière par deux membres de sa garde. Certains soldats qui avaient conservé leur santé mentale révélèrent aux officiers du guet, qui avaient pris le commandement, que l’ennemi les suivait de près. La garnison de la ville tenta d’organiser tant bien que mal la défense de la cité malgré le manque d’effectif. Tout homme en état de porter une épée fut recruté et posté sur les remparts. Les quatre compagnons apportèrent leur aide partout où ils purent : Emelor usa de son carquois magique pour approvisionner en flèches les défenseurs. Malinaë enchanta nombre d’armes et usa des ses pouvoirs pour renforcer les murailles. Astara passa dans les rangs pour donner de précieux conseils aux nouvelles recrues et soutenir leur moral. Madornar enfin, aida à soigner les blessés de l’armée, mais malgré ses efforts et ses compétences il ne put guérir la blessure maléfique infligée au roi.

A la tombée de la nuit, tout ce qui pouvait être fait pour la défense de la ville avait été réalisé. Tous les défenseurs étaient massés sur les remparts, mais ils paraissaient tellement peu nombreux en comparaison de l’armée qui se profilait à l’horizon, que tout espoir avait quitté le regard des hommes.

 

***

 

Malgré le courage des habitants de la ville, malgré les cents héros nés, puis morts en cette funeste nuit, la horde maléfique avait débordé les défenseurs et s’était répandue dans toute la cité. Les quatre étrangers n’avaient rien pu faire pour inverser la supériorité de l’armée malfaisante, hormis tenter de retarder l’ennemi pour protéger la retraite des survivants vers le palais royal. Partout dans les rues s’entassaient des cadavres et des décombres. Les hommes avaient été mutilés, les femmes violées, les enfants capturés pour être envoyés dans de sombres mines. Les murailles avaient été abattues par la force des armes de siège et la porte étoilée avait volé en éclat sous l’assaut du bélier. Le port avait été réduit en cendres, l’escalier aux milles marches dégoulinait de sang vermillon. La place du marché n’était plus qu’un amas informe de tissus chiffonnés, de nourriture écrasée et d’objets brisés. Les jardins avaient été dévastés pour fournir des torches aux monstres et les fontaines fracassées répandaient leur eau telle les larmes de la ville blessée. Les greniers avaient été pillés puis détruits par les catapultes. Les habitations n’étaient plus que des ruines en flammes, sans distinction entre les riches demeures des nobles et les modestes maisons du peuple. Cette scène était uniquement éclairée par la lumière des incendies, ce qui la rendait d’autant plus saisissante.

Le halo orangé crée par les flammes éclairait quatre silhouettes, les armes à la main, qui se tenaient debout au milieu du pont reliant le palais au reste de la ville. La pointe de la rapière d’Emelor était teintée du sang de ses ennemis et son carquois s’était vidé, puis magiquement rempli maintes fois. Malinaë n’était plus vêtue que de sa longue robe fendue et son bâton émettait une douce lueur. Partout dans la ville, des monstres gisaient, abattu par un couteau habilement lancé. Les dagues d’Astara avaient fait couler suffisamment de sang pour remplir les fontaines de la ville. Sa rondache était griffée, témoignage des coups qu’elle avait parés. A la masse de Madornar s’accrochaient encore certaines pièces des armures qu’elle avait enfoncées. Son pavois quant à lui était bosselé d’avoir protégé aussi bien son porteur que ses compagnons. Dans les esprits des quatre aventuriers, les images de la nuit défilaient sans cesse, alimentant leur fureur et leur détermination.

A l’entrée du pont se tenait la masse grouillante des assaillants qui n’attendaient qu’un ordre pour se ruer à l’assaut du palais sans autre défense que sa porte de bois précieux. Ils savaient qu’à l’intérieur se terraient les survivants, quelques soldats qu’il avait fallu forcer à rentrer, mais pour la majorité des femmes et des enfants. Que d’heures de tueries et de tortures en perspective. Mais plus que tout, leur maître leur avait ordonné de s’emparer de cette épée qu’il désirait ardemment. Cet ordre était implanté en eux aussi bien par magie que par la peur du châtiment qui les attendait s‘ils revenaient bredouilles. Puis les rangs désordonnés de la vermine s’ouvrirent pour laisser passer un demi dragon. Il impressionnait par sa stature, il était plus massif encore que Madornar, et surtout par les ailes noires qui étaient pour l’instant repliées dans son dos. Il était protégé par une armure d’écailles de dragon rouge qui s’accordait avec sa peau noire et reptilienne. A son flanc battait une épée à deux mains qui donnait une impression aussi massive que son porteur. Il fit quelques pas en direction des quatre derniers défenseurs de la cité. Puis, visiblement avec plaisir, déploya ses ailes. Il prit un temps pour profiter de la caresse du vent dans les puissantes voilures, puis il détailla longuement les aventuriers, s’attardant plus que de raison sur l’ensorceleuse, s’attirant par là même un regard empli de menace de la part d’Emelor. Puis il se mit à parler d’une voix profonde où perçait l’excitation de celui qui vient de perpétrer une nuit de massacre et qui sent l’imminence de sa victoire, mais aussi la froideur de ceux qui ont abandonné toute morale. « Je suis Vernorian, le Capitaine de cette armée. Vous voici donc dressés devant nous misérables. Que croyez vous pouvoir faire face à nous ? Vous êtes faibles, terrifiés et s’il vous reste le moindre espoir c’est que vous n’êtes que des fous. Laissez nous passer et je vous promets que votre mort ne sera pas trop longue. » Les aventuriers ne bougèrent pas d’un pouce.

Les regards d’Emelor et de Malinaë se croisèrent une fraction de seconde. L’elfe ne lut que la détermination dans le regard de sa bien aimée, puis au dernier moment une lueur d’affection et d’amour. Rien ne le laissait paraître, mais l’éclaireur savait qu’elle avait peur, cette même peur qui s’était emparée de lui et de ses compagnons. Jamais ils n’avoueraient cette peur à leur ennemis, ils ne leur donneraient jamais ce plaisir. Il sourit a cette idée. L’ensorceleuse remarqua le sourire sur le visage de son amant. Sa peur fut voilée par ce sourire qu’elle avait tellement vu, tellement chéri. Au fond, mourir aux côtés de son aimé n’était peut être pas plus mal. Sur son visage naquit alors un sourire qu’elle fit partager à celui qui occupait son cœur. Le demi dragon semblait prendre plaisir à cette attente silencieuse, laissant jouer le vent dans ses ailes. Astara observa rapidement ses compagnons, ils semblaient inébranlables et emplis de confiance. Mais elle savait que tout comme elle, aucun ne pensait voir un nouveau jour se lever. Malgré tout ils se battraient pour emporter le plus possible d’ennemis dans les limbes. Non pas pour la gloire et les chansons. Ils refusaient seulement de laisser le plus fort dicter sa loi sans s’y opposer. Leur dernier plaisir aura été d’être l’épine dans le pied de ce demi dragon et par là même de son mystérieux maître. Cette perspective la fit sourire. Le demi dragon semblait maintenant agacé par le silence de ses ennemis. Madornar pensa à ses compagnons, il aurait voulu pouvoir les sauver, mais tout bien réfléchi, mourir à leur côté serait le plus grand des honneurs. Puis son regard se posa sur Vernorian, c’était un ennemi de valeur et il lui hâtait de l’affronter. Il sourit par anticipation au plaisir de combattre un tel ennemi.

Le demi dragon perdit cette fois-ci son calme devant le flegme et le sourire des quatre personnes qui semblaient le narguer : « Alors ! Que décidez-vous ? »

La voix calme et posée d’Emelor se fit froide et menaçante : « Si je suis sur ce pont, ce n’est pas pour vous laisser passer librement. Pour passer il vous faudra payer le prix du sang. Mais croyez-moi, vous ne passerez pas. » Il prit lentement une flèche qu’il encocha sans toutefois lever son arc. Un frisson d’appréhension parcouru les premiers rangs de l’armée maléfique.

Puis Malinaë, à la voix habituellement douce et chantante se fit froide et tranchante comme la glace. « Qui penses-tu être pour nous poser un ultimatum ? Crois-tu vraiment que tes menaces nous font quelque effet ? Vous ne passerez pas. » Elle affermit sa prise sur son bâton et une aura de magie fusa peu a peu d’elle. Faisant tressaillir tous ceux de ses ennemis qui pouvaient la voir.

Astara arbora un sourire narquois et prit la parole d’une voix cassante et enjouée : « Vous croyez nous faire peur ? Vous qui tirez fierté d’avoir vaincu de simples citadins ? Par le diamant inaltérable de ma déesse. Vous ne passerez pas. » Puis elle éclata d’un rire cristallin en dégainant ses dagues. Ce rire entama la confiance des monstres qui se dressaient face elle.

Enfin Madornar, dont la voix d’habitude profonde et chaude dit d’une voix de stentor qui se répercuta sur les falaises et la façade du palais : « Il y a derrière ces portes des innocents sans défense que nous avons juré de protéger. Aussi ce pont n’est il pas à votre disposition. Vous ne passerez pas ! » Les dires du prêtre furent entendus par toutes les oreilles, humaines ou non, depuis les murailles abattues jusqu’au plus profonds souterrains du palais, couvrant le ronflement des incendies et les hurlements des monstres. Ces paroles apaisèrent un moment la peur des malheureux terrés dans le château et cette même peur s’insinua à son tour dans l’esprit des êtres maléfiques.

Seul le demi dragon ne parut pas impressionné par ses opposants, seulement ennuyé. Il se tourna vers ses troupes, et dans un grand cri leur ordonna : « Chargez ! ». Semblable à un raz de marée noir, les monstres se ruèrent sur le pont, engloutissant leur capitaine tel un écueil. Pendant ce temps les serviteurs des deux déités prononcèrent une courte prière qui attira sur les quatre combattants la lumière divine. Emelor décocha ses flèches si vite que l’œil ne pouvait le suivre, les orques abattus faisant trébucher dans le vide ceux qui les suivaient. Malinaë et Madornar libérèrent la puissance de leur magie sous forme de boules de feu incroyables, créant de grandes brèches dans les rangs serrés. Brûlés, percés de flèches ou précipités dans le vide par le souffle des explosions, les premières lignes ennemies tombaient les unes après les autres. Malgré tout la masse grouillante continuait d’avancer vers eux aussi inexorablement que la marée. Au bout de quelques minutes les orques et les gobelins arrivèrent à quelques mètres des compagnons, ces derniers qui étaient jusqu’alors alignés sur le pont modifièrent leurs positions comme ils l’avaient si souvent fait. La paladine et l’imposant prêtre se portèrent en avant tandis que l’ensorceleuse se mettait en retrait, protégée par l’arc et la rapière de son compagnon.

La première ligne des défenseurs supporta le choc incroyable de l’impact d’une armée contre leurs boucliers. Le contraste était édifiant entre Astara, toujours en mouvement et usant des ses dagues avec dextérité, se servant de ses doubles lames pour parer et contre attaquer deux ennemis à la fois. Et Madornar, immobile tel un roc, qui faisait de grands moulinets avec son impressionnante masse, fracassant boucliers, armures et os, emportant plusieurs ennemis à chaque coup. Derrière eux Emelor continuait à faire jouer la corde de son arc, empêchant les monstres de déborder ses amis par les flancs, tandis que ceux qui réussissaient à passer étaient cueillis par la pointe de sa rapière ingénieusement introduite sous un heaume ou dans un défaut d’armure. Malinaë enfin, protégée par ses compagnons lançait ses sorts en avant des deux combattants lourds pour ralentir le flot incessant d’ennemis qui se jetait sur eux.

 

Vernorian avait pris un peu de recul. Il aimait ce spectacle de combat acharné éclairé par les seuls incendies qu’il avait en partie lui-même allumés. Néanmoins il ne s’attendait pas à une telle résistance de la part des quatre importuns. Ses orques et ses gobelins se faisaient massacrer, brûlés par le feu, l’acide et la glace de cette maudite magicienne. Percés par les traits et la rapière de l’elfe. Il devait bien s’avouer non pas impressionné, mais surpris par cette si délicate combattante en armure qui s’opposait sans difficultés à des orques faisant deux fois sa taille. Quant au prêtre, il était un ennemi de valeur, s’il survivait encore un peu, peut être s’en chargerait il lui-même. Pourtant ses propres troupes mettaient du cœur à l’ouvrage, ils se bousculaient sur le pont pour aller affronter leurs ennemis. Ils se poussaient tant que régulièrement un orque ou un gobelin passait par-dessus la rambarde et allait s’écraser sur les rochers au pied de la falaise après une chute vertigineuse. Il imagina un instant le plaisir qu’il pourrait prendre à un tel piqué en redressant au ras des vagues. Il sourit en voyant un groupe de gobelins projeter dans le vide l’orque qui venait d’écraser un de leur compagnon. Puis avisant quelques minotaures qui commençaient à s’impatienter il fit signe à leur chef d’avancer. On allait voir si cette paladine était aussi forte que ça.

La dizaine de minotaures s’engagea sur le pont, les orques et les gobelins s’écartant sur leur passage. Ils portaient de lourdes cottes de mailles et brandissaient masses, épées et haches. Peu à peu leur marche s’accéléra jusqu’à atteindre une véritable charge, faisant trembler le pont sous leurs sabots. Malinaë cria : « Emelor ! Des minotaures ! » Ce dernier rangea sa rapière, encocha une flèche, visa et tira. La flèche atteignit le minotaure à l’œil. Il s’écroula. L’elfe tira à nouveau et un bovin supplémentaire tomba. Une boule de feu heurta de plein fouet un monstre et un éclair en transforma un autre en chairs carbonisées. « Astara ! Madornar ! Attention ils arrivent ! » hurla Emelor en fichant un trait dans la gorge du minotaure le plus proche. L’un des bovins chargea Astara les cornes en avant. La paladine s’effaça d’un pas. Aidée par sa dague courbée, s’accrocha à la corne puis emportée par l’élan sauta sur le dos du monstre. Et d’un geste précis l’égorgea. Elle se laissa tomber juste avant que sa victime ne bascule par-dessus la rambarde. Madornar lui aussi subit la charge, mais il se campa sur ses jambes, le pavois en avant. Il supporta le choc sans reculer. Un orque fut désarticulé, pris entre les deux colosses. Profitant d’un instant d’hésitation du minotaure, le prêtre abattit sa masse sur le crâne de son adversaire qui s’écroula pour ne plus jamais se relever. Deux bêtes armées de haches passèrent barrage des combattants et se dressèrent face à Emelor. Il dégaina sa rapière. Esquiva habilement un coup de taille. Enfonça sa rapière dans la cuisse du monstre. Fit tourner la lame dans la plaie. Il avait touché un nerf, le bovin mit genou à terre. L’elfe évita de justesse la hache du deuxième monstre. Lui gifla le visage de sa lame, l’aveuglant. Le monstre beugla de douleur, se mit à tituber avant de basculer par-dessus le parapet. Emelor se retourna. Fut surpris de voir le blessé en train d’abattre sa hache sur lui. Il ferma les yeux. Puis il sentit un grand froid face à lui. La hache se tenait à quelques centimètres de son visage dans les mains du minotaure transformé en glace. Il jeta un regard vers l’ensorceleuse qui lui fit un clin d’œil avant de lancer un couteau qui brisa en millions de cristaux scintillants son éphémère statue de glace. Le dernier minotaure s’attaqua à Astara qui combattait trois orques. Il lui asséna un coup de massue que la paladine para de sa rondache. Le coup fut tel qu’elle en eu le bras brisé. Cette blessure et la fatigue l’empêchaient de se mouvoir aussi vite qu’une heure auparavant et elle reculait face à ses adversaires. Une flèche élimina un orque. Des projectiles magiques les deux autres. Tandis que le minotaure s’écroulait les reins brisés par la masse de Madornar. Quand elle regarda autour d’elle, un mur de flammes barrait le pont et les seuls ennemis à proximité étaient réduits à l’état de cadavres. Elle se laissa glisser le long du parapet de pierre pour s’asseoir en soutenant son bras cassé.

Ses compagnons se précipitèrent autour de la paladine blessée. Madornar lâcha sa masse et son grand bouclier pour s’accroupir auprès d’elle. Il prit délicatement le membre entre ses grandes mains qui se firent infiniment délicates. Il psalmodia une courte prière, une lumière divine fusa de ses paumes et la douleur disparu peu à peu du visage d’Astara. « Merci, dit simplement cette dernière.

_ De rien, par contre je crois que ta rondache ne te sera plus d’une quelconque utilité.

_ Oui, il va falloir que je sois plus rapide, lâcha-t-elle désespérée, je suis si fatiguée.

_ Elle à raison, reprit Emelor résigné, nous ne tiendrons plus très longtemps. »

Comme il prononçait ces paroles, Malinaë chancela et il la reçu dans ses bras. Elle avait perdu son aura de magie et sa beauté semblait fanée par la fatigue. Seul le prêtre gardait le sourire, de nouveau il se mit à réciter une incantation. Les quatre amis furent entourés d’un halo de fumée noire qui peu à peu devint aussi blanche qu’un nuage d’été. La fatigue qui embrumait les esprits et alourdissait les bras s’estompât peu à peu. Les visages s’illuminèrent de nouveau et les prises sur les manches des armes se raffermirent.

De son poste d’observation, Vernorian commençait à s’impatienter. Le mur de flamme créé par l’ensorceleuse empêchait ses troupes d’achever les quatre aventuriers à bout de force. Quand il vit les fumeroles autour de ces derniers il crut un moment à un sort de téléportation, mais en voyant les silhouettes voûtées se redresser il comprit que tout était à refaire. De nouveau il devrait sacrifier la vermine orque, ce qui ne le dérangeait que peu, mais aussi engager par la suite des troupes d’élite qui subiraient des pertes pour éliminer ces redoutables ennemis.

 

Quelques minutes plus tard le mur de flammes céda et les orques se jetèrent à nouveau sur les aventuriers. L’attaque était encore plus violente que la précédente. Les défenseurs qui se tenaient initialement au milieu du pont commencèrent à reculer peu à peu. Ils purent stopper leur retraite lorsqu’ils atteignirent un énorme bloc de pierre utilisé comme projectile de catapulte. Malinaë lévita jusqu’à son sommet, laissant ses amis, n’ayant plus à la protéger, une plus grande liberté de mouvement. Le bloc de pierre, hier soubassement d’un temple ou d’un manoir, était maintenant un îlot, refuge cerné d’une mer maléfique et menaçante. L’ensorceleuse était entourée d’un halo crépitant de magie pure et son bâton s’était transformé en un éclair de lumière éblouissante. Quand un ennemi se hissait jusqu’à elle il se retrouvait bientôt engloutis par la vermine, un couteau fiché dans l’œil. En dessous d’elle ses compagnons se battaient encerclés par des dizaines d’adversaires.

Les mouvements d’Emelor avaient la souplesse et la précision d’un félin, si bien qu’ils paraissaient comme lents à côté de la brusquerie des orques. Il se baissa pour esquiver un coup d’épée. Glissa sa rapière sous la cuirasse de l’assaillant. Se retourna en giflant au passage le visage d’un orque. Transperça la gorge d’un autre. Encocha une flèche et lâcha un trait mortel. Sentit un coup dans le bas du dos arrêté par sa cotte de maille. Sans même un regard en arrière châtia le gobelin responsable.

Astara se déplaçait si vite que ses ennemis semblaient des statues. Elle para un coup de hache de la main gauche. Contre attaque avec l’autre lame, égorgeant l’orque. Dans le même temps elle planta sa dague de droite dans la cuisse d’un adversaire. Profita de sa chute pour lui donner un coup de pied dans la tête. Esquiva un coup de taille vertical. Eventra l’assaillant, déchiquetant de sa lame chairs et métal. Ecrasa son point ganté d’acier dans la face d’un ennemi. Se baissa pour éviter un coup horizontal. En profita pour trancher les tendons de deux orques. Leur sectionna la moelle épinière dans leur chute.

Madornar était campé sur ses pieds tel un chêne, sa puissance effrayant même les orques les plus robustes. Il para de son pavois un fléau. Brisa la jambe de l’ennemi avec sa masse. Coupa la tête de l’orque avec la tranche de son pavois. D’un revers fracassa la tête d’un autre. D’un moulinet défonça la poitrine d’un adversaire en face de lui. En assomma un d’un coup de pavois. Ecrasa un gobelin de sa botte d’acier. Porta un coup qui fit exploser le bouclier d’un ennemi et l’acheva en défonçant son casque.

 

Les combattants avaient perdu toute notion du temps. Aucun n’était capable de dire depuis combien de minutes ou d’heures ils se battaient sur ce pont. Leur seule indication temporelle était le ciel qui commençait à rosir à l’Est. Une nouvelle fois la fatigue s’insinua dans les esprits et les muscles des quatre aventuriers. Leurs coups se firent moins puissants, leurs gestes moins précis et les égratignures se multiplièrent sur les armures. C’est à ce moment que Vernorian choisit d’abattre sa carte maîtresse. Des bruits de sabots se firent entendre sur le pont qui recommença à trembler.

Malinaë par sa position surélevée fut la première à les apercevoir : c’était la garde personnelle du demi dragon. Des rescapés de la bataille lui avaient dit qu’à eux seuls ces huit chevaliers lourds aux armures vermillon auraient pu gagner face à l’armée du roi. Ils chargeaient la lance en avant, faisant fit des orques et des gobelins précipités dans le vide ou écrasés par les sabots de leurs chevaux caparaçonnés. Elle projeta une boule de feu qui heurta l’un des chevaliers de plein fouet, il ne fut pas tué sur le coup, cependant le souffle de l’explosion le projeta dans le vide. Emelor trouva une fraction de seconde pour décocher un trait qui vint se ficher dans la fente du heaume d’un autre chevalier qui tomba de sa monture. Un troisième fut touché par un éclair, répandant autour de lui une horrible odeur de chairs brûlées. Puis ce fut le choc. Emelor fut le premier touché sous le regard horrifié de Malinaë. L’éclaireur parvint à esquiver une première lance, mais celle d’un deuxième chevalier le percuta à la poitrine, le projetant dans les airs. L’ensorceleuse ne vit même pas arriver le coup qui l’atteint à l’abdomen et la fit tomber de son refuge. Astara quand à elle aurait pu éviter le coup si un orque ne l’avait pas soudain bousculée, occupé qu’il était à fuir les chevaliers. La paladine subit le même sort que ses compagnons elfes et mordit la poussière. Madornar fut le seul à supporter l’assaut, il dévia la lance de son bouclier et fit tomber le cheval avec sa masse. Il profita de la chute du chevalier pour le frapper jusqu’à ce qu’une marre de sang noir entoure la carcasse d’acier. Quand il regarda autour de lui pour s’enquérir de ses amis il vit que les coups portés par les lances les avaient projetés près de dix mètres en arrière jusqu’au perron du palais. En face de lui un chevalier venait de cabrer sa monture pour qu’elle le frappe de ses sabots. Emporté par sa fureur Madornar ne recula pas. Au contraire il avança et commença à pousser sur le cheval déséquilibré jusqu’à ce que l’équipage ne bascule par-dessus le parapet.

Les armures des trois compagnons de Madornar les avaient protégés du fer des lances, mais pas du choc de la chute. La cuisse gauche d’Emelor était brisée et de sa jambe sortaient les fragments de ses os. Quand il regarda autour de lui il vit sa compagne. Son bras formait un angle inhabituel tandis que la peau de son doux visage avait été arrachée par le frottement contre les pavés. L’elfe poussa un hurlement de rage et de désespoir en rampant vers le corps de sa bien aimée. Astara gisait immobile contre les marches, son bras fragilisé s’était à nouveau brisé. Seul un léger mouvement de sa poitrine trahissait la vie qui s’accrochait en elle.

Les trois derniers chevaliers concentraient leurs attaques sur Madornar qui ne pouvait que se protéger de son pavois. « Par Harlor je vous abattrai tous ! » Hurla le prêtre pour se donner du courage. Emelor rampait toujours vers son amante lorsqu’il entendit le cri de son ami. Il l’aperçu vaguement entre les chevaux de ses assaillants. Il encocha une flèche. Se concentra pour calmer le tremblement de ses mains dû à la fatigue et à la douleur. Encore une fois il fit mouche et un chevalier quitta les étriers. Puis son regard se porta à nouveau sur le visage méconnaissable de Malinaë. Emelor dans un dernier effort rampa jusqu’à elle. Il la prit dans ses bras en prenant mille précautions pour son bras blessé. Puis il se mit à pleurer silencieusement en berçant le corps de sa compagne.

Le flot jusque là incessant d’orques et de gobelins s’était tari, ils attendaient alignés à quelque mètres du combat. Vernorian les avait arrêtés. Il se tenait devant eux et observait avec attention le prêtre se battre face à ses gardes. Grâce à l’archer, Madornar maintenant face qu’à deux adversaires. Il s’arque bouta contre le flanc de l’un des chevaux, son pavois au dessus de lui pour le protéger des coups d’épées qui pleuvaient. Il poussa de toutes ses forces contre l’animal le faisant lentement basculer sur le côté, coinçant la jambe de son cavalier. Le prêtre se tourna vers le dernier chevalier monté, il brisa les jambes du cheval d’un coup de masse et sans lui laisser le temps de se relever, il écrasa le heaume du chevalier dans un écœurant gargouillis. Lorsque Madornar se retourna, son dernier adversaire s’était relevé, il se tenait prêt au combat l’épée dans une main, le bouclier dans l’autre. S’en suivit un court mais farouche duel, chacun des deux adversaires frappant de toutes ses forces pour créer une brèche dans la garde de l’ennemi. A ce petit jeu le prêtre était le meilleur. D’un coup il fracassa le bouclier et démit l’épaule du chevalier. Ce dernier chargea et fut reçu par le fer de la masse qui l’emporta sur le coup.

Madornar se redressa et explora le pont du regard. Ses amis semblaient plus morts que vifs contre les marches du palais. A l’opposé se tenait Vernorian. Le demi dragon se mit à applaudir. « Bravo ! Bravo ! Très impressionnant pour un abbé.

_ C’est ton tour il me semble, répliqua Madornar » Il fit face au reptile, jeta son pavois et pointa son ennemi de sa masse. « Alors, aurais-tu peur d’un abbé ? » Le demi dragon dégaina son immense épée et se jeta sur le prêtre. Lui porta un coup formidable que l’humain para. Ce dernier contre attaqua, tenant sa masse à deux mains. Le coup porta et le reptile chancela. Il se rua sur le prêtre et lui asséna un coup qu’il ne put parer mais que son harnois encaissa. Dans le jour naissant, les deux colosses se rendaient coup pour coup. Ils ne faisaient même plus l’effort de parer, laissant à leurs armures la tâche de contrer les attaques.

Aucun des duellistes ne semblait en mesure de prendre l’avantage, jusqu’au moment où Vernorian commença à chanceler sous les coups de Madornar. Sentant qu’il perdait du terrain, le demi dragon s’envola à quelques mètres du sol. Il inspira profondément. Le prêtre fit une roulade vers son pavois. Vernorian lâcha son souffle enflammé. L’humain n’eut que le temps de se protéger, accroupis derrière son bouclier. La puissance et la chaleur des flammes étaient telles qu’il ne pouvait plus bouger. Il se résigna, il avait enfin trouvé un adversaire à sa hauteur, supérieur même. Madornar commençait à sentir la brûlure se répandre à partir de son bras gauche. D’abord ce fut l’épaule, puis la poitrine. Il avait toujours cru qu’il mourrait d’un coup d’épée, pas qu’il finirait rôti dans sa propre armure. Mais ce qui l’énervait le plus, c’est qu’il ne pouvait rien faire pour riposter. Il était impuissant. Maintenant tout son corps semblait enflammé. Il sentait l’odeur de ses cheveux en train de roussir. L’air qu’il respirait était de feu. Il brûlait, impuissant.

 

Le bouclier du prêtre rougissait sous les assauts des flammes. Le demi dragon jubilait, c’en était finit de ces quatre insectes. Ils lui avaient donné du fil à retordre mais ils allaient bientôt tous être morts. Qui étaient-ils donc pour le défier, lui le grand Vernorian. Il lui hâtait tant d’entendre le prêtre hurler de douleur et le supplier de l’achever. Il augmenta encore la puissance de son souffle enflammé. Soudain, une incroyable douleur le fit retomber lourdement sur les pavés du pont. Quand il regarda son aile, il y vit une déchirure d’où son sang jaillissait. Quand son regard se porta sur le prêtre qui lentement se relevait, il vit derrière lui Emelor qui abaissait son arc. L’elfe était toujours affalé contre les marches, le corps de sa bien aimée sur ses genoux. Son visage était dur et seuls les sillons que les larmes avaient tracées sur son visage sale et ensanglanté trahissaient une émotion autre que la haine.

Madornar et Vernorian se relevèrent en même temps. Le demi dragon chargea l’humain. Le prêtre harassé s’arque bouta pour supporter le choc. Il fut jeté à terre et lâcha sa masse qui roula un peu plus loin. Vernorian leva son épée avec un sourire carnassier, prêt à achever sa proie. Soudain il vit un flot de sang jaillir de son poignet comme son épée tombait sur les pavés. Il recula vers ses troupes en tenant son bras blessé. Il aperçut la paladine. Elle s’était relevée, son bras gauche pendait mollement le long de son corps. Elle souriait malgré le sang qui coulait de la commissure de ses lèvres. Sur le pont, à côté de l’épée à deux mains gisait une dague caractéristique. Madornar parvint à se relever. Il ramassa sa masse. Titubaa vers ses compagnons et se posta devant eux. Astara se porta à ses côtés. Vernorian se tourna vers ses troupes. « Tuez-les ! Démembrez-les ! Faites ce que vous voulez ! Mais faites les souffrir ! »

Sans plus attendre la vermine se rua vers les quatre compagnons. Madornar et Astara restèrent debout pour affronter la mort. Emelor se lova contre le corps de Malinaë pour que les monstres ne la piétinent pas et ferma les yeux. Il sentit une douce lueur sur son visage. Le soleil se levait pensa-t-il. Un barde aurait trouvé ça magnifique. Mourir à la lueur des premiers rayons du soleil. Peut-être était-il déjà mort. Il ouvrit les yeux, persuadé d’être dans une magnifique forêt. Mais il était toujours à Lusaka. Les créatures maléfiques s’étaient figées à quelques mètres des marches du palais, elles semblaient à la fois émerveillées et emplies de terreur.

Quand Madornar tourna la tête vers les portes du palais, il vit qu’elles étaient ouvertes. Un être se tenait dans l’ouverture. C’était de lui que venait la lumière qui rendait celle du soleil levant chétive. Des hurlements le firent se retourner. Les créatures de Vernorian s’enflammaient les unes après les autres. En quelques secondes il ne restait de l’armée que des cendres volant dans le vent marin. Seul le demi dragon se dressait encore sur le pont. Il jeta un regard mauvais aux aventuriers et au nouvel arrivant. « Vous avez exterminé mon armée et empêché de remplir ma mission. Soyez maudits ! Nous nous reverrons, et ce jour là vous regretterez d’avoir attiré sur vous la colère de mon maître. » Puis il déploya ses ailes et, malgré sa blessure, s’envola vers l’Est, où il disparu bientôt dans le soleil levant.

Astara regarda à nouveau vers les portes. La lumière s’était estompée, l’être n’était ni un elfe ni un homme. Il portait une armure de cristal par-dessus des vêtements d’or. Il avait à la main une épée magnifique. La paladine se laissa tomber sur une marche aux côtés de Madornar. Le prêtre essayait d’oublier les brûlures qui le faisaient souffrir. Il aurait aimé soigner ses amis, mais il était tellement épuisé qu’il ne pouvait faire appel à ses dons. Son regard se posa sur celui qui les avait sauvés. Il se dirigeait vers Emelor qui berçait le corps de Malinaë en pleurant. Posa sa main sur l’épaule de l’elfe. La douleur disparu soudain du corps meurtri de l’archer. Il leva son visage décomposé et désespéré vers l’être de lumière qui lui parla d’une voix chaude et apaisante. « Je ne peux ressusciter les morts mon fils. Mais sois sans crainte, je la guérirai. » Alors il se tourna vers les habitants de Lusaka qui sortaient lentement du palais. « Je ne peux ressusciter les morts. Mais les blessés seront sauvés. Je ne peux reconstruire vos maisons. Mais vos greniers seront rebâtis et remplis, vos remparts redressés et les quais restaurés. » A nouveau la lumière jaillit de l’être et se répandit sur toute la ville. Partout dans la cité les blessés, hagards, se relevèrent et les bâtiments publics furent rebâtis.

Emelor ressentit d’abord des picotements dans sa jambe. Quand il la regarda il vit que ses blessures s’étaient refermées. Il sentit Malinaë remuer dans ses bras. Il baissa les yeux et fut émerveillé de voir que le visage de sa bien aimée avait retrouvé sa beauté. Quand elle ouvrit ses grands yeux bleus, les larmes de désespoir se muèrent en larmes de bonheur. L’ensorceleuse le gratifia d’un magnifique sourire. Naturellement leurs lèvres se rencontrèrent dans un baiser passionné. Leur étreinte dura de longues minutes, puis, un raclement de gorge leur fit lever les yeux. Astara et Madornar étaient debout devant eux. La paladine avait retrouvé l’usage de son bras et le prêtre arborait son habituel sourire. Les deux elfes se relevèrent, l’humanoïde à l’armure de cristal se tenait face aux quatre aventuriers. « Je dois vous féliciter, vous avez sauvé les habitants de cette ville. J’aurai besoin de compagnons pour poursuivre Vernorian et son maître. Je crois que vous seriez d’agréable compagnie et d’une aide précieuse. » Les quatre aventuriers se regardèrent un moment. Puis Malinaë prit la parole : « Emelor et moi serions heureux de vous aider.

_ Astara et moi même avons des engagements envers Saranélia et Herlor. Nous nous devons de recueillir leur assentiment avant de pouvoir vous répondre.

_ Ne vous inquiétez pas pour eux, répondit l’être avec malice. Mes petits-enfants ne peuvent rien me refuser. »

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