-Fiers défenseurs des couleurs de Luccinni ! Ca y est, notre heure de gloire est proche !
Le brouhaha de la salle cessa rapidement quand l’orateur monta sur une table et prononça ces mots. Il était habillé d’une tunique rouge et blanche, et portait un chapeau plat rouge orné d’une plume blanche. La foule qui remplissait la salle regarda dans sa direction. Voyant qu’il avait attiré l’attention, il reprit :
-Oui, notre heure de gloire est proche. Bientôt, nous serons célèbres dans tout le pays. Les plus grands d’entre nous seront adulés en véritables héros et feront parti de la légende. On se souviendra de nos actes courageux, et nous serons des modèles pour les générations à venir.
Il fit une pause, autant pour reprendre son souffle que pour souligner l’importance de cette dernière phrase. Ce court silence n’eut pas l’effet escompté sur l’assistance.
-Nous connaissons tous nos ennemis que ttrop bien : ces chiens de Verezzo...
Quelques personnes dans la salle lancèrent des "OUUUH !" qui, quoique faibles, traduisaient bien leurs sentiments envers les habitants de la cité voisine.
-...qui nous infligèrent, il y a quatre anns, une honteuse et cuisante défaite. Mais depuis, nous nous sommes entraînés sans relâche, nous avons amélioré notre équipement et peaufiné nos tactiques. Après ces années de préparation, nous sommes enfin prêts à affronter nos ennemis sur leur propre terrain !
Il avait haussé la voix sur ces derniers mots, espérant ainsi motiver ses troupes quelque peu mollassonnes. Il ne parvint malheureusement qu’à leur arracher quelques cris timides et de courte durée. Visiblement, l’assemblée n’était pas émue par cette pensée. Mauvais, pensa l’homme debout sur la table.
-Et nous l’emporterons, car nous sommes les plus résistants, les plus forts, les plus déterminés. Notre entraînement a fait de nous des êtres INVINCIBLES ! Notre équipement est le MEILLEUR ! PERSONNE ne peut rivaliser avec nous !
Il commençait sérieusement à être à court d’idées pour stimuler les hommes, et ce manque de motivation pourrait les conduire à la défaite. L’orateur se résolut à changer de vocabulaire.
-Nous les écraserons par la force et la fureur ! Nous leur infligerons une raclée telle qu’on en a jamais vu ! Ces bâtards à l’haleine putride devront se débattre dans le sang de leurs blessés et de leurs mourants !
Apparemment, cette technique fonctionnait. L’auditoire le regardait, l’air passionné. Il poursuivit.
-Au cœur de la mêlée, chaque coup porté contribuera à la victoire. Les vêtements des héros seront couverts de sang et de gloire à l’issue de l’affrontement ! La destruction totale de nos adversaires : voilà notre but ! A ces mots, un membre particulièrement bien musclé de l’assistance hurla : "On va leur défoncer la gueule !"
Des cris et des hurlements accueillirent cette intervention. Une personne se tenant à l’extérieur de la salle aurait cru à une explosion. Voyant les succès de son entreprise, l’orateur descendit de sa table. Peut-être avait-il un peu exagéré la description de la rencontre ? Mais peu en importait, il avait réussi à tirer ces hommes de leur torpeur. Ils n’avaient plus besoin lui : leur entraînement et leur détermination feraient le reste. En chantant à tue tête, les hommes quittèrent la salle pour aller se préparer.
Le même jour, les deux camps étaient en présence. Les troupes de Luccini et de Verezzo, face à face, déployées selon leur plan respectif. Chaque homme avait une lueur dans ses yeux et était impatient d’en découdre. Le cor sonna. Les hommes de Luccini se précipitèrent sur ceux de Verezzo avec une rage bestiale. Des décennies d’inimité avaient abouti en cette rencontre, la plus âpre et la plus disputée dans l’histoire des deux cités états. Les premiers coups furent portés, avant que le chaos n’envahisse le terrain. Les blessés étaient remplacés par des troupes fraîches. Aucun des deux camps ne prenait l’avantage, et ils redoublèrent d’efforts. Soudain, les hommes de Luccini ouvrirent une brèche dans les rangs ennemis. La ligne de défense de Verezzo fut prise de panique. Un jeune homme de Luccini profita de la situation. Il s’empara du ballon et fonça vers l’en-but adverse. Effectuant un magnifique plongeon, il atterrit derrière la ligne blanche. Les spectateurs se levèrent et hurlèrent : "TOUCHDOWN !"