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Récit pour Halloween

Texte écrit spécialement pour Halloween à la demande générale de Gulix. J’aborde l’imagerie des zombies différemment (enfin, peut-être que ce sont les textes que j’ai lu qui sont différents^^). A vous de voir si ça plaît... (j’espère quand même :D )

L’homme se réveilla, alerte. Quelques gouttes de sueur perlèrent au niveau de son front. Il avait bien entendu... Les échos des cors de guerre se répercutaient sourdement de maison en maison... Bondissant hors de son lit, il se chaussa, passa sa cape rapidement sur lui, puis serra sa ceinture. Sans perdre un instant il y ceint sa dague, son épée, puis jeta par-dessus son épaule un carquois garni de flèche et d’un arc. Sortant alors de sa chambre, il fut bousculé par sa mère.

« - Ô mon fils, reste ici, je t’en supplie. Ne va pas combattre une mort certaine ! »

« - Mon frère est encore en ville, je dois y aller. Le cor a sonné, mon devoir est de combattre ! »

Devant la résolution de son fils, la mère tomba à terre, retenant désespérément les jambes de son enfant.

« - Il restera en sécurité... Que vais-je faire toute seule ? »

« - Je reviendrais, je te le promets ! Et puis je dois venger mon père ! »

« - C’est ce que lui-même avait dit, ne commets pas la même bêtise, je ne veux pas te perdre. Penses à tout ce que tu pourras accomplir dans le futur... une fois grand. Mais pour cela tu dois survivre... »

En un sanglot, elle serra avec encore plus de force le pantalon de son fils. Ce dernier lui caressa un instant les cheveux, lui donna un baiser sur le front, puis se dégagea de son étreinte. Elle leva alors des yeux implorants vers son fils, en une dernière supplique silencieuse.

« - Je reviens dès que j’ai trouvé mon frère » lança l’homme, se détournant soudainement de la femme à terre. Une larme coulait le long de sa joue, mais il ne tenait pas à ce que sa chère mère voie sa détresse. Une fois la porte fermée, cette dernière se laissa gagner par les sanglots, et murmura un silencieux « Faelion » avant de s’évanouir.

Arrivant dans la rue de la cité, l’homme sentit un froid glacial lui mordre son corps au plus profond de lui-même, s’insinuer dans son cœur et se répandre maladivement dans ses membres. Ses gestes se firent plus lents, n’arrivant à se dégager de cette étreinte glaciale. Pourtant, songea-t-il, il était en pleine période estivale. Le mal était à l’œuvre. La lune était voilée d’un pudique nuage qui cachait aux yeux des hommes le vice du Chaos s’infiltrer sournoisement dans leur âme et les remplir de haine.

L’être regarda avec peur autour de lui, se sentant gagné par la terreur. Il n’y avait rien, rien d’autre qu’un silence maladif. Les lumières des tours de guets n’étaient plus qu’un faible point à l’intensité sans cesse décroissante, et il n’apercevait aucun autre de ses congénères. Tout ceci était anormal, les hommes vaillants n’avaient point peur de la guerre, et un appel était toujours respecté. Normalement il devrait être bousculé par d’autres soldats comme lui, se faire héler par ses supérieurs... Mais là il était seul, terriblement esseulé, telle une proie sans aucun secours possibles...

Refoulant sa crainte au plus profond de lui, il s’avança jusqu’à la place du centre-ville tout en rasant les murs. Un vent macabre lui faisait flotter ses cheveux et s’épandait sous ses vêtements. Une brise à glacer le sang de tout vivant... un zéphyr de mort flottait au-dessus des rues, tel un cadavre ballotté par les vagues, lequel parfois disparaissait dans un remous, mais était de nouveau projeté vers le rivage, toujours plus déliquescent.

L’homme retint son souffle en apercevant une masse informe allongée à terre, raide. Ses vêtements étaient déchirés, et s’enroulaient autour du défunt tel une spirale infernale. Les membres du cadavre étaient putréfiés, des bubons apparaissaient sous la peau à présent violacée, et éclataient, laissant échapper de leurs limbes des torrents de pus. Les ongles s’étaient allongés, décharnés, et leurs teintes jaunâtres luisaient sous les réverbères comme un poignard parcourant les derniers mètres jusqu’à sa victime. Enfin, le corps était complété par une tête déformée, massacrée. Son front était percuté, et s’ouvrait, béant, sur une abyme sans fond. Où que Faelion portasse le regard, il ne pouvait apercevoir que ce noir, ce vide vertigineux, ce fossé mortel qui s’étendait sous ses pieds. Et qui l’attirait, le fascinait toujours plus...

Il sentait un pouvoir infini dans ce simple trou... Sans même le remarquer, il s’était mis à genoux, et baissait toujours plus son visage vers cette anomalie. Déjà son champ de vision n’était plus qu’occupé que par le noir, ténèbres occultant de sa compréhension la réelle nature de la blessure... Se penchant toujours plus, oubliant l’odeur nauséabonde qui refluait dans ses narines, il parvint à entendre des gémissements, des cris de douleur, des râles d’agonie étouffés par une entité maléfique. Il plaqua alors ses oreilles contre ce qu’il restait du front, sentant le squelette granuleux attaquer sa peau mince. Une voix résonnait, un appel si doucereux qu’il n’avait plus qu’une envie : se laisser enchanter. L’accord était si doux, telle une mélopée guidant les âmes mortes au paradis... Le chant gagnait de l’ampleur, bientôt il pourrait se laisser enivrer par les paroles...

Un cri brisa l’envoûtement, le démon intérieur avait cru la victime trop tôt en son pouvoir... Faelion se recula instinctivement, comprenant le danger qu’il venait par chance d’éviter. Il ferma un instant les yeux, éblouis par la luminosité, vive en comparaison du noir absolu dans lequel il avait failli se noyer. Il voulut se relever et partir au plus vite de cette scène macabre, mes ses jambes étaient bien trop faibles. Il ne tint en équilibre que quelques secondes avant de tomber face contre terre, au dessus du cadavre. Il ferma un instant ses yeux, imaginant parfaitement ce qu’il allait découvrir. Il songea un instant à sa maison qu’il venait de quitter, au cocon familial qu’il avait fui pour échouer ici, à mi-chemin entre la vie et la mort... Il les ouvrit finalement. Deux orbites vides le contemplaient au travers d’une couche de croûtes et de sang écaillé, haillons laissant apparaître dans leurs creux le squelette émacié. La bouche de l’être n’était plus qu’un amas de peau, d’abcès et de zone rougeâtre, derniers témoins de la lèvre et des mots que l’être avait prononcés. Elle était encore ouverte sur l’inconnu, figée à jamais, et dévoilait derrière ce rideau de blessures des dents pointues, acérées, d’un blanc de nacre.

Et alors il le vit : un collier en or, seule tache de lumière, comme un dernier soleil d’une vie disparue à jamais ! Il l’avait vu depuis tant d’années, se balançant au gré des foulées de son frangin... Et là, il était comme inséré dans le squelette, comme étranglant en une éternelle agonie son frère adoré.

Par réflexe, il attrapa le bijou, et le tira vers lui de toutes ses forces. Mais il ne parvenait à avoir une bonne prise, le cadavre semblait lutter, mû par une cupidité supérieure à la simple volonté d’un esprit. Puis le squelette se libéra de l’étreinte même de la mort et une main attrapa soudainement le bras de l’homme, une main - ou plutôt un reste d’os brisés - qui enserrait avec de plus en plus de hargne le membre du frère, comme ils avaient si souvent fait enfants. Mais le contact était ici froid, glacial, paralysant même, et seulement une terreur submergeait peu à peu Faelion, non les plaisirs d’antan. Il savait que cette fois-ci son frère ne lâcherait prise que quand il lui aurait brisé le bras... Lui aussi allait devoir se battre, bien qu’il lui en coûtait de faire du mal à son frère...

Il dégaina sa dague, la lame irradiant durant un instant des reflets chatoyants qui disparurent lorsque l’arme pénétra entre ce qui restait du radius et du cubitus. Faelion résista au dégoût lorsque des mares de pus giclèrent des pustules jusqu’à la place de son coeur. Au lieu de diminuer comme il s’y attendait, l’emprise augmenta, broyant finalement le bras de l’homme en un craquement mat. Le cri de douleur que poussa Faelion ne reçut aucun écho, comme étouffé par le brouillard qui s’amassait autour de lui.

Alors la bouche du cadavre s’anima et s’ouvrit de plus en plus, et à la place des orbites apparurent deux caillots, fixant obstinément la future victime. Leur regard était vide de toute lumière intérieure, et seulement une pointe de cruauté perçait de la masse rougeâtre.

Faelion imagina plus qu’il ne sentit un souffle froid suinter en direction de son bras, anesthésiant son membre de terreur. Il se mit à trembler, à défaillir presque, il ne parvenait plus à se contrôler... Seulement maintenant il comprenait sa posture... Il allait mourir, il n’avait plus aucune chance d’en réchapper, comme son frère n’en avait plus aucune de l’épargner... Qu’il avait été stupide... Et lui qui avait promis à sa mère de grands rêves... Son frère allait le tuer, il sentait déjà sa conscience s’éloigner, se retrancher dans les fosses protectrices de l’inconscient... Il n’avait plus le courage de lutter... Se débattre pour être rattrapé quelques instants plus tard... Et sa main qui s’approchait encore de la gueule béante de son frère... Faelion criait de toutes ses forces, mais rien n’y faisait, son frère ne prêtait plus aucune attention à ses suppliques, et approchait toujours ses crocs acérés des doigts graciles de l’homme.

Du froid, un contact maladif. Puis une étrange chaleur, comme une épidémie se répandant au travers de son corps, annihilant toute vie dans ses veines... Et la vision qui se troublait, se brouillait dans ses larmes.

Enfin un relâchement, il devait en profiter. Faelion assena de ses dernières forces un violent coup à son frère, et se releva, chancelant. Il trébucha jusqu’à un mur, où il appuya son moignon sanglant. Le regardant, il ne put réprimer un frisson d’horreur : la blessure avait déjà virée au violet. Il était affecté, il rejoindrait dans quelques instants son frère... Non, s’il parvenait à rejoindre l’hospice, il aurait peut-être une chance... Son frère était possédé, même blessé et désespéré, il n’aurait jamais agi d’une telle manière...

Les réverbères semblaient regagner en intensité, il apercevait même le feu des tours de guet... Il percevait enfin les bruits d’autres de ses congénères, sans parvenir à les voir. Et ses forces lui revenaient, une chaleur intérieure affluait en lui ! Il devait suivre la rangée rectiligne de la lumière, au bout il trouverait le soleil, il en était sûr, ainsi qu’une protection... Il s’accrochait désespérément à ce brin d’espoir, si ténu, et pourtant si important, seule source de courage dans cette nuit de ténèbres.

Une ombre apparut à côté de la sienne, glaçant Faelion sur place. Il avait trop hésité... Déjà ses pieds ne touchaient plus le sol : deux mains cadavériques l’avaient saisies au niveau de son cou... Il ne se laisserait pas ainsi faire ! Il mordit à son tour son frère, ne comprenant même pas quel instinct l’avait poussé à agir ainsi. Ce dernier, surpris, relâcha son emprise. Faelion dégaina aussitôt sa rapière, et l’enfonça profondément dans le cœur de son frère. Mais il restait encore debout, telle l’incarnation même des enfers.

Le cadavre lança un regard sans vie à son frère, puis secoua la tête, entraînant en un ballet macabre des lambeaux de chair encore rattachés au corps, avant de se saisir de l’arme et la pointer à son tour vers le cœur de son frère. La lame était sombre, son éclat avait disparu, aspiré par la nuit... Et elle s’approchait toujours plus de Faelion, ce dernier était hypnotisé par la pointe. Il ne ressentait plus aucune peur, presque de la joie, pouvoir enfin sortir de ce cauchemar... Mieux valait la mort que ce qui était arrivé à son frère... Dans un instant il allait pouvoir se laisser emporter par des bras joyeux, et monter au ciel, par-dessus les nuages, proche du soleil et de son onde réconfortante.

La pointe perça sa chair. Plus rien ne pouvait maintenant l’empêcher de mourir. Il était transi, son corps se refroidissait déjà. Et son frère qui enfonçait encore plus profondément l’arme, faisant ressortir la lame dans son dos. Quel ami, il accélérait encore son décès. Il n’avait certes pas touché le cœur, mais il lui pardonnait cette erreur... Sa vue se brouillait enfin, les lumières disparurent avec toute notion de chaleur, et Faelion tomba à terre. Bientôt son âme fuirait cette enveloppe corporelle pour découvrir un paradis nouveau...

Mais alors qu’il s’attendait à être réchauffé après sa mort, un nouveau frisson le parcourut, encore plus puissant que les autres, il n’était pas mort, pas encore... Il ouvrit les yeux, et comprit avec terreur qu’il voyait de nouveau. Ses pupilles s’étaient habitués aux ténèbres, et il n’avait nul besoin d’une quelconque luminosité pour discerner sans mal les traits de son frère. Il avait été privé même de la mort, seule délivrance qu’il pouvait réclamer... Il était condamné, condamné à jamais par faute de son frère !

Il se tourna vers le mur, espérant y voir une traînée sanguinolente, une preuve inéluctable de son décès... Mais il n’y avait rien. Il était debout, sa propre épée dans son buste. Et son frère qui le toisait... Peut-être qu’il pouvait encore se libérer de cette étreinte, de cette malédiction...

Il sortit vivement son arme de son corps, et débuta un duel fratricide, un duel qui ne trouverait une fin que dans les limbes de l’enfer, quand devant Charon ils se présenteraient, armes aux poings, et exécuteraient une ronde mortelle, balançant leurs chairs en tous sens, faisant exploser leurs furoncles à chaque esquive.

 

Le vent souffla sur la scène, aspirant durant un bref instant la brume marécageuse entourant la place centrale. Un spectacle de désolation s’offrit alors aux yeux de ceux encore debout. Partout des cadavres affrontaient leurs anciens camarades, des maris fouettaient les peaux de leurs femmes, de jeunes bébés ne sachant marcher maniaient de toutes leurs forces des sabres.

Une vision de chaque jour pour les despotes du chaos ; mais pour tous les humains une vision de l’enfer...

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