Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

“Messire ? Messire ?


     Mederick se réveilla brusquement sur les mots du serviteur. Tout de suite, il s’inquiéta : où était Thorlof ? Habituellement, c’était lui qui venait le réveiller. Il regarda par la grande vitre : le soleil était déjà haut dans le ciel, mais il demeurait froid. Ses rayons ne réchauffaient personne, surtout pas Mederick ; pourtant, ce dernier ruisselait de sueur. Comme chaque nuit, les visages de ses victimes l’avaient hanté, les cauchemars l’avaient submergé.


- Messire, j’ai de graves...

- Il suffit ! Laisse-moi seul.

- Mais...

- Me forceras-tu à renouveler mon ordre ?

- Jamais, messire !”

     Tremblant, le serviteur se hâta de sortir de la chambre. Mederick se leva puis, las, s’assit sur son lit ; il se prit la tête entre les mains.


     Au même moment, Fadamar Lametrouble atteignait la demeure de sa cible, située dans le quartier riche. Elle était immense, mais son jardin l’était encore plus, un véritable parc, où les plantes les plus exotiques côtoyaient les statues les plus exquises, où les chemins parfaitement pavés sinuaient parmi la végétation luxuriante, où l’air pur ne faisait que répondre à la vivifiante fraîcheur installée par la verdure. Finalement, la villa, plus banale avec ses murs de marbre blanc, ses balcons décorés avec goût et ses grands vitraux quasiment transparents, passait presque inaperçue à côté de cette merveilleuse nature. Cependant, cette dernière n’émut pas le moins du monde l’assassin, qui n’était là que pour une seule chose : tuer. Il disposait de renseignements très précis, Thorlof L’Fyls s’étant refusé à laisser planer le moindre doute sur la mort du noble. C’était mal connaître Fadamar, qui laissait toujours une chance à sa cible de survivre.

     Il s’introduisit facilement dans le parc, cinq gardes seulement protégeant ce lieu immense. Oh, l’un d’entre eux crut bien entendre un léger grincement mais, après deux minutes de recherches, il l’oublia. Lametrouble s’orienta dans le jardin grâce au plan qui lui avait été fourni ; bientôt, il arriva à son objectif : une petite place encadrée par quatre arbres identiques, des melletiers, croulant sous de petits fruits jaunes. L’assassin, après un bref examen des environs, sortit de son manteau ses récents achats, soit deux Soleils noirs, deux imitations seulement. Se plaçant à égale distance des quatre troncs, il détacha délicatement la pièce de son pendentif ; ce fut en la lançant à deux reprises qu’il détermina les deux arbres qui accueilleraient chacun un fruit mortel. Ce rituel terminé, il remit la pièce à sa place, puis s’approcha du premier choisi. À ses pieds, le sol était jonché de melles ; dans ce tas de fruits, il laissa tomber un Soleil noir. Il fit de même avec le deuxième arbre déterminé.

     Puis il repartit aussi furtivement qu’il était venu. Seul le Hasard déciderait du sort de sa cible, comme Fadamar l’avait annoncé à ses employeurs.

 * * *

     Thorlof gisait sur le sol de marbre noir de sa chambre, mort. Son torse et son visage étaient couverts de blessures causées de façon évidente par une épée ; le sang qui maculait le sol était sec : sa mort datait d’au moins une dizaine d’heures. Il avait vraisemblablement succombé aux coups des nobles envoyés par Olaf N’Maiz ; cependant, un détail pouvait surprendre qui avait connu Thorlof : les yeux de ce dernier marquaient un affolement, une certaine panique, expression à mille lieues de la sérénité habituelle de Thorlof, ou de ses sarcasmes réguliers. Qu’avaient pu lui faire subir les deux nobles ? Pour y répondre, il fallait déjà retrouver ceux-ci... Cela ne devrait pas être bien difficile, puisque les deux épées de L’Fyls, elles aussi couvertes de sang, indiquaient qu’ils étaient au moins blessés.

 * * *

     Mederick marchait rapidement dans les ruelles du quartier nobiliaire ; il n’avait pas pris la peine de dissimuler ses riches vêtements tant le temps pressait. Égaré dans les méandres de ses pensées, le Vampire avançait presque au hasard ; certes, Olaf avait attenté à la vie de Thorlof, mais ce n’était définitivement pas lui qui l’avait tué. Jamais son ami n’aurait montré le moindre signe de peur, jamais ; il ne craignait rien de ce qu’il pouvait combattre par l’épée. Restaient les hypothèses de l’empoisonnement, peu crédible, et celle du sortilège ; malheureusement, la mort n’était pas assez récente pour que des énergies soient toujours visibles. La magie utilisée demeurait un mystère, un mystère qu’il fallait impérativement élucider. Pour venger Thorlof.

     Il tomba au détour d’une ruelle sans nom sur une des quatre tavernes majeures du quartier, la Hache brisée. Parfait, tout ce qu’il cherchait ; il poussa ce qu’il restait de la porte et entra. Le lieu était bondé : à l’heure du déjeuner, tous les habitants se retrouvaient dans ce genre de taverne, dans ce qui constituait le rare rayon de soleil d’une vie de misère, d’un vide miséreux. La chaleur collante, le bruit assommant, mais aussi les délicieuses odeurs des plats cuisinés heurtaient de plein fouet celui qui entrait, en l’occurrence Mederick. Ce dernier, désorienté un bref instant, se fraya ensuite tant bien que mal un chemin vers le tenancier.

“Vous v’lez quoi... messire ?

- Je cherche des mercenaires, de préférence assez fins.

- J’vous trouve ça pour dix pièces d’argent.

- Tu en auras deux.

- Marché conclu, messire !”

     Sur ce, le tavernier disparut dans la foule. Mederick se trouva une chaise puis attendit, s’occupant en regardant les pauvres jouer aux dés ou cracher sur telle ou telle mesure prise par le roi. Ah, qu’il aurait aimé leur acheter ne serait-ce qu’une partie de leur insousciance ! Mais ce serait les déposséder de leur dernière richesse, du dernier lien, peut-être, qui les rattachait encore à la vie. Il était plongé dans ces pensées quand le tenancier réapparut.

“J’ai trouvé. Si vous v’lez bien m’suivre...”

     Deux minutes plus tard, il l’abandonna, non sans avoir réclamé l’argent promis, à une table occupée par trois individus à l’apparence très différente.

     Le plus robuste d’entre eux avait un visage barbu couvert de cicatrices, de même que ses bras ; ses cheveux étaient châtains et courts, ses yeux verts, son regard inquisiteur. Il portait des vêtements usés, faisant penser à un mendiant, mais ceux-ci révélaient en même temps une armure de cuir, et le fléau d’armes fixé à son dos par des courroies imposait le respect. De toute évidence, cet homme était un vétéran.

     Le deuxième individu était en réalité une fille aux cheveux bruns noués en une queue de cheval, aux grands yeux marrons, à la peau claire ; bref, une jeune fille magnifique. Le sourire qui illuminait son visage aurait suffi à faire céder le cœur de tout homme, quel qu’il fut. On en oubliait presque l’arbalète et le carquois de carreaux qui pendaient dans son dos, sa dague, mais aussi la petite bourse attachée sur son côté droit.

     Enfin, le dernier attisait plus la curiosité. Certes, son aspect pouvait être considéré comme banal : un visage pâle, des cheveux roux, des vêtements sans histoire, une rapière comme il en existe tant d’autres, révélant comme seul fait légèrement inhabituel que l’homme était un gaucher. Non, ce qui intriguait, c’était plutôt son rôle : il ne ressemblait ni à un guerrier, ni à un assassin, ni même à un voleur. Alors quoi, un mage ? Lorsque celui-ci prit la parole, Mederick comprit son erreur.

“Bienvenue, noble sire !

Nous achevons nos rires,

Attendons le plaisir

De vos mots découvrir !

- Je veux, mercenaires, que vous meniez une enquête.

- C’est au sujet de la mort du roi ?

- Pardon ?

- Eh bien, vous savez, l’assassinat.

     Les propos du guerrier désarçonnèrent Mederick. Quoi ? Le roi aussi, le roi lui-même, avait succombé ? “Olaf, tu paieras pour tes crimes.” Si ce n’était pas déjà fait. Mais, pour l’instant, Thorlof primait sur le roi.

- Peu importe ; ce sont les circonstances de la mort d’un ami que je cherche à élucider.

- Qu’en dis-tu, Cytise ?

     La voix qui s’éleva alors planait doucement dans l’air, tel le goéland au-dessus de l’océan.

- Cela pourrait nous changer des chasses à l’homme habituelles ou des lassantes missions de protection.

- Nous acceptons la quête.

Le temps que l’on s’apprête,

Nous mènerons l’enquête

Et trouverons la tête !

- Bien. Le mort se nomme Thorlof L’Fyls ; vous trouverez son cadavre chez un noble du nom de Kjeld V’Fohs, actuellement logé à la Lumière de cendres.

- Le nécromancien ?

- Exact. Prenez ce médaillon et dites en le montrant que vous venez de la part de Mederick T’Nataus ; les gardes vous laisseront passer. Votre solde sera à la hauteur de votre peine.

- Nous y comptons bien.”

     Se détournant, Mederick partit pour le château.

 * * *

     On avait enfin retrouvé les nobles. Ou plutôt leurs cadavres, car tous les deux avaient le cœur percé. De toute évidence, leur bourreau avait été Thorlof, avant que lui-même ne succombe. Olaf l’avait sous-estimé : sans un événement encore inexpliqué, il aurait survécu à la tentative de meurtre.

     Le Roi avait péri d’une façon similaire. Son corps avait été retrouvé à l’endroit-même où il se trouvait lorsqu’il avaient tous quitté la salle à manger, la veille. Avec l’assassin. Il n’avait qu’une seule blessure, très nette : sa gorge avait été tranchée d’un geste de toute évidence vif et précis. Aucun doute ne pouvait demeurer. Et pourtant, il était difficile de ne pas rechercher une raison précise à ce meurtre, suffisante pour pousser un homme de la qualité d’Olaf N’Maiz à un tel acte.

 * * *

     L’Arme de chair glissait silencieusement dans les rues du palace des pauvres, se rétractant sous les regards de tous alors même qu’elle s’y trouvait exposée. En un instant, elle fut dans la ruelle du Pendu. Personne. Étonnant : le soleil allait pourtant bientôt se coucher. Soudain, une voix venue de nulle part s’éleva.

“Retrouvez-moi à la boutique du mort.”

     De plus en plus étrange : pourquoi lui demander de venir en un lieu désormais évité de tous ? Qui plus est, en un lieu que l’assassin détestait, car situé du côté de la Voie magique. Tant pis, il irait.

     La silhouette s’évapora.

     Ce fut dans l’échoppe du décédé Soran qu’elle réapparut, une ombre comme tant d’autres dans le bâtiment abandonné. Ohran Thrixx n’était pas là. Ah, si, voilà un bruit. Non, plusieurs bruits... provenant de différents endroits : cinq personnes l’encerclaient. Un piège. Un sourire naquit sur le visage de l’Arme de chair. Cela faisait bien longtemps que personne n’avait commis une telle erreur ; cela faisait trop longtemps qu’elle n’avait pas pu s’amuser autant.

     Ce fut le petit marchand qui sortit de l’obscurité le premier, apparemment satisfait.

« Bonsoir, maître assassin. Excusez-moi pour ce désagrément, mais j’ai été suivi ; mes recherches ont mis ma vie en danger.

- As-tu des informations à me livrer ? Ohran prit un air contrit.

- Hélas, hélas ! J’ai reçu l’ordre de ne pas vous renseigner.

- Qui t’a donné cet ordre ?

- Ah ! Que vous importe, puisque vous allez périr. »

     Il brandit une arbalète, tira ; déjà l’Arme de chair avait disparu. Ce fut alors qu’il ressentit la douleur, atroce : un poignard était enfoncé dans son pied ! « Comment... Comment a-t-elle fait ça ? Si vite ? Impossible ! » Ohran arracha la lame avec des cris de douleur, puis dégaina une rapière. L’assassin réapparut à sa droite, seul un réflexe sauva la vie du marchand : une dague tomba par terre. Il sourit. Avant de se rendre compte que l’autre avait une nouvelle fois disparu ; soudain, un couteau de lancer se ficha dans son bras. Il hurla, se tourna vers l’origine de l’arme ; une dague s’enfonça dans son dos.

« Il me semble, petit marchand, que ton employeur a préféré te laisser périr ; je devrai donc me passer de ton aide pour découvrir son identité... Adieu. »

     Non, cela ne se peut ! Pourquoi ? Pourquoi ses hommes n'étaient-ils pas intervenus ? Ohran s’écroula, percé d’un poignard, d’un couteau et d’une dague, mais avant tout victime de ses illusions.

     L’Arme de chair se lança à la poursuite des hommes qui avaient laissé le marchand mourir. Ils étaient pour l’instant sa seule piste.


     La traque se révélait particulièrement ardue, même pour un assassin tel que l’Arme de chair : ces hommes n’étaient pas de jeunes voleurs inexpérimentés, mais bien des professionnels. Cependant, ombre parmi les ombres, elle était devenue la leur. Ils ne pouvaient tout simplement pas lui échapper, même s’ils savaient pertinemment qu’ils étaient suivis. Alors, ils firent ce qu’il faut faire dans ces moments-là : ils se séparèrent en trois groupes, mais la forme ne put distinguer leur nombre. Elle ne marqua pas le moindre moment d’hésitation devant cette stratégie et prit en chasse un groupe au hasard, qui se dirigeait vers le quartier est. Bien sûr, elle aurait pu mettre fin à leur course effrénée ; cependant, cela aurait été se priver d’une chance de découvrir l’instigateur de tous ces meurtres : une belle prime serait probablement à la clef. Tous ses espoirs s’envolèrent lorsque ses proies stoppèrent leur fuite dans une petite place du palace des pauvres ; décidément, ces hommes avaient bénéficié d’un entraînement aussi exceptionnel que l’était leur fidélité. Tant pis, elle pourrait tout de même tenter de leur arracher des renseignements.

     Trois hommes l’attendaient. L’assassin avança tranquillement et d’un air assuré vers eux.

« Enfin, vous avez compris qu’il était vain de fuir.

     La lueur d’étonnement qui brilla un bref instant dans les yeux de deux d’entre eux ne lui échappa pas. Un détail particulièrement intéressant...

- Effectivement ; nous nous sommes dit qu’éliminer notre chasseur serait plus simple.

     Ils dégainèrent chacun une petite épée courte, ainsi qu’une targe, un équipement plutôt luxueux.

- Vous vous avancez, il me semble... Ignorez-vous que vous êtes déjà morts ? »

     L’Arme de chair s’évada de leur vue dans les ténèbres de la place.

 * * *

     Olaf N’Maiz sortit comme d’habitude à la tombée de la nuit, escorté par pas moins de six gardes du corps. Comme d’habitude, il alla faire un tour dans son immense jardin, empruntant tel ou tel sentier selon son humeur. Comme d’habitude, il termina sa promenade en passant dans l’allée des melletiers, se penchant pour ramasser un fruit bien mûr, qu’il goûta. Satisfait, il rentra en emportant le Soleil noir.

     Le Hasard avait rendu son verdict.


     Eh bien, voyageur ? Pourquoi détournes-tu les yeux ? Je t’avais prévenu : ce monde est impitoyable. Ces nobles, ces marchands, ces mercenaires, ces pauvres, tous ne sont que des pions sur l’échiquier de la vie. Un mauvais coup et ils sont balayés, emportés par le souffle glacé de la mort. Alors, tu penses bien que chaque acte est le fruit d’une mûre réflexion ; mais seuls les plus habiles parviennent à survivre - je n’ai pas dit vivre. Comprends-tu désormais le pourquoi de ce jeu de massacres ?

     Maintenant, réponds-moi, ami : était-ce réellement différent dans ton monde ? Ah, n’esquive pas mon regard ! Car tu viens de réaliser : ce monde est ton monde, ce monde est le monde. Tu ne veux pas t’y résoudre ; comme je te comprends ! Allez, poursuis ta contemplation ; pourquoi ne pas observer quelque chose de moins macabre ?

 

     Les trois mercenaires marchaient dans les ruelles du quartier nobiliaire, en silence. Le guerrier, du nom de Therk Poingtonnerre, prenait la tête, pendant que les deux autres avançaient côte à côte. Ils avaient passé l’après-midi à questionner les pauvres dans les trois autres tavernes majeures de la zone, sans beaucoup de succès. Tout juste avaient-ils appris qu’il arrivait à une mystérieuse personne encapuchonnée de venir recruter des pauvres sans le moindre talent. Le lendemain, il faudrait changer de quartier.

     En attendant, ils parcouraient les lieux, espérant croiser un individu louche ou assister à un événement inhabituel. En vain. Rien de louche, rien d’inhabituel ne s’offrait à leurs yeux. Alors, ils retournèrent à la Hache brisée où ils avaient une chambre, payée grâce aux chansons et aux poèmes du barde. Lorsqu’ils entrèrent dans le bâtiment, l’atmosphère était à la fois morose et pesante : les pauvres le désertaient désormais dès la tombée de la nuit, effrayés par la vague d’assassinats qui sévissait dans leurs quartiers. Tant pis, il allait falloir déclamer devant quelques individus seulement. Ah, qu’elle était loin, l’époque où Arandir le Fabuleux bénéficiait d’un public conséquent !

« Oyez, gens courageux !

Oyez le Fabuleux

Mettre à vos cœurs le feu,

Faire pleurer vos yeux !

- Eh, barde, quelle arrogance ! Nos cœurs sont secs et sinistres, comment comptes-tu les faire pleurer ?

- Bah, n’écoute pas ce ménestrel de pacotille, il n’en vaut pas la peine...

     Arandir fut abasourdi par ces réactions agressives : pourquoi une telle hostilité ? Il y avait anguille sous roche, forcément. Il fallait éclaircir ce nouveau mystère : peut-être était-ce leur premier semblant de piste ? Pour cela, une seule chose à faire. Sautant avec agilité sur une table, il chantonna un poème où transparaissait toute son amertume.

- La vie est un théâtre où des pions s’animent

Et recherchent sans cesse et un but et un cœur,

Ballottés par l’amour mais aussi la rancœur,

Sans cesse illusionnés par un dessein qu’ils miment.


Parfois un fil se rompt et la personne heureuse

Vit mais rêve sa vie, pas plus vraie que les autres,

Perdue mais retrouvée au milieu des apôtres,

Sœur de toutes ses sœurs et copie malheureuse.


Ce ne sont plus des gens, ce sont des marionnettes

Manipulées, trompées par un destin perfide

Qui s’amuse de voir ces grains de sable avides

Parler de liberté, du sens voulu et net


De leur vie. Quelle ironie ! Quelle vantardise !

C’est un mirage qui les guide, une chimère !

Courez, courez après, pauvres pantins amers

S’il vous reste de l’espoir pour la convoitise ! »

     Lorsqu’il s’arrêta, le silence régnait dans la salle. Arandir promena son regard autour de lui : certains se mordaient les lèvres, d’autres baissaient la tête, d’autres encore le fixaient intensément, d’autres enfin l’observaient d’un air noir ; un léger sourire planait sur le visage de Therk, alors que celui de Cytise resplendissait comme elle regardait le barde. De manière générale, le poème avait provoqué un certain malaise dans la taverne. Brisant l’immobilité générale, le guerrier se dirigea vers le comptoir et demanda trois bières. Le tenancier les lui offrit.

     Sans un son supplémentaire, les trois mercenaires gagnèrent leur chambre, à l’étage.

 * * *

     Dans une certaine maison d’un certain quartier, huit hommes s’agenouillèrent devant un trône occupé par une personne portant des vêtements noirs comme la nuit, ainsi qu’une longue cape et un capuchon de la même couleur.

« Racontez-moi, les enfants, racontez-moi votre journée, je vous prie. Et n’omettez aucun détail...

- Oui, père ! »

     La réponse avait fusé de huit bouches en même temps, fière, farouche, folle.


      Qu’attends-tu ? Qu’attends-tu pour observer le visage de cet homme ? Eh, je te parle, étranger ! Ne reste pas hypnotisé ainsi, ose regarder ! Je vois, il est sans doute encore trop tôt ... Dommage, tu te forces à attendre, tu te forces à regarder plus longtemps ce monde. Libre à toi ! Mais, s’il te plaît, écoute cette mise en garde : n’y prends pas goût.

Connectez-vous pour commenter