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Bonjour, mon âme,

Le ciel est magnifique aujourd’hui. De grands cumulonimbus poussés par le vent, teintés de crème, de gris, de bleu. Derrière eux, l’azur intense, et les rayons de soleil qui percent et se cachent, jouent avec les gouttes d’eau, et réchauffent les cœurs. Je me demande si tu vois tout ça de là-haut.

Je t’avais parlé de mes réflexions sur l’enfer terrestre. Après un long débat intérieur, et bien qu’on se soit destinés au purgatoire, au mieux, voire aux plus chauds des cercles intérieurs, moi en tant que démon ensorceleur, toi en tant que sorcière démoniaque, j’ai finalement décidé que tu devais être au paradis. Ça me semble plus juste, parce que tu es quelqu’un de vraiment bien, et que tu as fait beaucoup pour ceux qui te sont chers. Je sais que tu tiens à cette image de démone de la luxure, mais la vue doit être meilleure de là-haut, quand même. Maintenant qu’on en parle, je suis convaincu que tu es montée là-haut, simplement pour voler, parce que ça te plait. Et quand le paradis t’ennuie, tu as certainement déjà noué des liens avec quelques démons de cercle inférieur qui peuvent te permettre de te promener dans les mondes souterrains et de satisfaire ton insatiable curiosité. Ou que tu viens arpenter les rues et les chemins terrestres. Avoir l’éternité pour observer le monde, les gens, les paysages infinis et toujours changeants de cette petite planète, ça doit te plaire aussi. J’espère que tu ne t’en lasses pas. Telle que je te connais, je n’imagine pas comment tu pourrais t’en lasser.

Mais est-ce que tu es encore cet esprit que je connaissais mieux que moi-même ? Que fait le temps à une personne comme toi ? Que peut faire l’éternité ? J’espère que tu n’es pas triste. Une éternité de tristesse, ça donne le vertige, ça me fait mal presque physiquement. Ne sois pas triste, je t’en prie. Regarde, je ne le suis pas. Je pense à tout ce qu’on a partagé, à cet amour plus beau que tout, à toutes ces folies, à nos rêves, nos espoirs et la chance inouïe qui nous a fait nous rencontrer, et tout ce que je peux faire, c’est sourire, parce que c’est merveilleux. Et ça vivra pour toujours en nous.

Je me demande si tu viens me voir. A ta place, est-ce que je viendrais ? Oui, de temps en temps, pour veiller sur toi. Pas trop souvent, parce que c’est aussi bon que douloureux de te voir, te voir si belle, et vivante, voir que tu es toujours une personne que j’aime de tout mon cœur, mais qui ne peut plus me toucher, à qui je ne peux plus parler. Je pense que tu es venue. Il y a des jours où je me suis réveillé en étant persuadé de t’avoir serrée dans mes bras, des soirs où je suis possédé par ta présence et un besoin impérieux de t’embrasser. Je ne t’en voudrais pas si tu ne venais plus, si c’était trop difficile. Je sais que tu m’aimes. On n’a jamais eu besoin de se voir pour ça.

Tu sais, depuis que tu es partie, j’ai des sensations bizarres dans tout le corps. On pourrait dire que je ne me sens pas très bien. Quelque part au cours des derniers mois, mon cerveau a accepté le fait que je ne ferais plus l’amour avec toi, que je ne sentirais plus tes envies répondre aux miennes pour les déchaîner, que je ne sentirais plus tes lèvres et ton désir me dévorer. Que mon corps serait un peu moins vivant. Et bien, l’accepter est une chose, mais constater le manque d’énergie, de tonus, le manque physique provoqué par ton absence, voilà une toute autre chose. Le fait est que je n’ai pas mis toutes les chances de mon côté. Je crois que je ne voudrais pas retrouver ce niveau de sensations, pas avec quelqu’un d’autre. Pas encore, en tout cas. Je ne veux pas risquer mes souvenirs de toi les plus éclatants. Ca n’en vaut pas la peine.

Je n’ai pas vraiment envie de te parler de mon travail, de mes collègues, des sandwichs que je mange le midi – je ne mange plus que ça, en pensant à toi. Tous ces détails qui faisaient partie de notre vie d’avant. Je ne sais pas trop ce que je peux te dire sur moi qui ne fasse pas pâle figure devant l’éternité de nos sentiments. Mais je trouverai.

Je reviendrai te parler très prochainement. Je t’aime.

Tendrement, A toi

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour, mon âme,

J’ai parlé de toi à ma psy.

Finalement ! Tu dois sauter de joie sur ton nuage, je sais que tu voulais que je le fasse. Cette fois je ne pouvais vraiment plus le cacher, j’étais maussade à nos derniers rendez-vous sans raison valable et elle voulait me prescrire tout un tas de médicaments qui finissent par « bique », ça ne me semblait pas une bonne idée.

En fait, je lui ai dit que je te parlais. Je voulais présenter ça comme un journal intime que j’adressais à mon âme sœur imaginaire, et je n’ai pas réussi à prononcer le mot « imaginaire ». Pour le coup, mes discussions avec mon âme sœur… Avant de me déclarer bon pour la camisole, la psy a creusé davantage, et du coup je lui ai tout raconté. Ça nous a pris plusieurs séances, ponctuées de pas mal de larmes et de beaux sourires. J’en suis sorti éprouvé, et vraiment heureux. Je n’ai pas très souvent l’occasion de parler de toi, et depuis ta disparition, c’est la première fois que je retrace notre histoire comme ça. Tu as dû en entendre parler là-haut. La psy semble penser que tu es une sorte de sainte. J’ai peut-être un peu trop insisté sur tes bons côtés et pas assez sur les vilaines blagues que tu faisais sur ma taille, ou sur le fait que tu te servais de moi comme d’un esclave sexuel…

Mais je te raconte tout dans le désordre. J’ai rêvé de toi cette nuit. Tu le sais sûrement déjà, sorcière, puisque c’est toi qui m’as envoyé ce rêve, ça ne fait aucun doute. Alors, je me demande une chose : où as-tu trouvé un ange doté d’autant d’appendices sexuels ? Enfin, si ça existe, bien sûr que tu l’as trouvé. Merci de me l’avoir envoyé dans ce cas. On s’est bien amusés tous les deux, et je ne sais pas quand tu es venue nous rejoindre, mais je sais que tu étais là, en moi, quand l’orgasme m’a secoué. Je te sentais encore plus unie à moi que si on faisait l’amour, fondus l’un en l’autre, nos sens complètement fusionnés. C’était une expérience inédite, et magnifique.

Dans un registre un peu moins sensuel, mais tout aussi fantastique, il faut que je te raconte mon trajet en bus ce matin. Il y avait cette vieille dame, exactement comme tu l’imagines, avec une charlotte sur la tête, une robe à fleurs et des charentaises à carreaux, qui n’arrivait pas à monter. J’essaie de l’aider, impossible de trouver comment lui prendre le bras correctement, pour la soutenir sans lui faire mal. Elle grimace, finit par me chasser. Derrière elle, il y avait cette jeune femme, qui lui a posé la main sur l’épaule, doucement. Elle lui a dit quelque chose tout bas, et comment dire, il s’est passé quelque chose. C’est bien la première fois que ça me semble aussi manifeste, je ne sais pas si c’est de parler souvent à un esprit entre les mondes qui me rend plus sensible à ce genre de chose, en tout cas j’ai vu quelque chose. Une sorte de halo lumineux, une onde de chaleur et d’énergie qui irradiait depuis la main de la jeune femme. Je l’ai senti glisser sur ma poitrine comme une vague, et pénétrer en moi, me traverser, réchauffer mes os. J’ai vu la vieille femme se redresser et monter dans le bus, sans rien dire, en souriant.

Je ne sais pas vraiment de quoi avait l’air cette jeune femme, ou comment elle était habillée, elle aurait pu porter un sari ou un baggy que ça serait pareil. Me connaissant, tu comprends sûrement que j’étais un peu secoué. Je suis sûr que tu n’as pas besoin de sa description pour voir l’énergie qu’elle déployait. C’était magique. J’ai adoré ce moment, et tu étais là, j’en suis persuadé.

Cette pensée réchauffe encore mon cœur au moment où je t’écris, et je suis sûr que mes rêves seront tout autant emplis de toi.

Je t’aime, plus que tout.

Dans ton cœur, Amoureusement

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour, mon âme,

Je reprends ici le récit que j’avais interrompu pendant quelque temps. C’est un peu difficile de t’en parler. Je ne sais pas si tu approuverais.

Voilà, je crois que je suis en train de tomber amoureux.

Il n’y a rien de concret encore, mais il y a des signes. Mon pouls qui s’accélère, mon corps qui réagit sans que je m’en rende compte, mes pensées qui dérivent et me ramènent à une image, un fragment de scène, une vision. Ça me rappelle tellement de choses. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment, je ne sais même pas si je veux de ça, mais il se passe quelque chose en moi, et je ne crois pas que je puisse l’empêcher. Je ne sais pas si tu voudrais que je l’empêche.

Oh, je pourrais changer d’horaire de bus, et ne plus jamais la revoir. Mais il me semble que ça serait fuir. Et puis je ne veux pas ça. Je ne sais pas quoi faire. Elle est là, jour après jour, mes yeux croisent les siens (ils sont noirs) et je la regarde aussi peu que possible. Avec le courage que tu connais, je n’ai pas changé d’horaire de bus, et je ne lui ai pas adressé la parole non plus. Qu’est-ce que tu voudrais que je fasse, toi ? Si seulement tu pouvais me le dire. Est-ce que tu sais de quoi il s’agit, où est-ce que je mets les pieds ? Tu y voyais toujours beaucoup plus clair que moi. Est-ce que ça serait bien ? Est-ce que je ne dois pas ? Quand je la regarde et que je pense à toi, une vague de chaleur me traverse de la tête aux pieds. Quel genre de signe est-ce que c’est ?

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour, mon âme,

C’était un signe, n’est-ce pas ? Je prie pour ne pas m’être trompé. En même temps, je ne vois pas comment j’aurais pu faire autrement.

Quand elle s’est assise à côté de moi, j’ai cru que mon cœur allait exploser, il tambourinait tellement fort. Je n’osais plus bouger, je ne sais même pas si je respirais. Au bout d’un ou deux arrêts, mes mains tremblaient. Je ne pensais pas ressentir à nouveau tout ça, tu sais. Quand elle s’est tournée vers moi, ses longs cheveux m’ont caressé l’épaule, et je n’avais qu’une chose en tête : l’impression que c’était un cadeau, un simple cadeau, sans arrière-pensée, que tu me faisais. Ça m’a fait sourire. Et puis elle a parlé. Elle avait besoin d’appeler quelqu’un mais elle n’avait plus de batterie et elle était vraiment désolée de me déranger mais c’était vraiment très important. Je regardais ses lèvres bouger, elle a dû voir mon regard trop intense, elle a eu un mouvement de recul. J’ai fait de mon mieux pour me calmer et retrouver des manières de gentleman impeccables en lui répondant que mon téléphone était à sa disposition. Elle a appelé son correspondant, et j’ai fait mine de me plonger dans ma lecture alors que je me faisais bercer par le son de sa voix. J’ai cru comprendre qu’elle appelait sa mère. Sa voix était profonde et douce.

Quand elle m’a rendu le téléphone, elle m’a souri. Un sourire charmant vraiment, qui montait jusque dans ses yeux. Je ne peux pas dire qu’il était aussi beau que le tien, mais il m’y a fait penser, et ça aussi, c’était vraiment bien. Je ne sais pas trop quoi ajouter. Je ne la connais pas, je ne sais pas quelle est cette connexion que je sens. Mais j’aimerais arpenter ce chemin. Voir où il mène. Est-ce que tu veux bien m’accompagner ?

 

 

 

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Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20593 il y a 8 ans 3 mois
Globalement, je trouve le style moins bon que dans l’autre. Le ton y est moins flottant. En fait, ce qui pêche un peu, c’est qu’on est plus dans une pseudo analyse des sentiments, ce qui fait que, du coup, l’émotion passe moins car il s’adresse plus au cerveau en quelque sorte.
Bien entendu, la surprise est de découvrir que le narrateur est un homme et qu’il parle d’une femme. Et, cic, on se demande s’il te décrit implicitement quelqu’un qui te ressemble ou si tu brosses un vrai portrait de femme. Telle que je te perçois (d’une manière forcément superficielle, je l’avoue, mais bon, on ne peut s’empêcher d’imaginer qui sont les autres derrière leur pseudo), j’imagine qu’il y a ci ou là quelques airs de famille. Ce qui est somme toute logique quand on écrit à la première personne. On met un peu de soi soit dans le narrateur soit dans son ou ses interlocuteurs…

Mais le reste m’a moins intéressé (exemple : les questions métaphysiques sur le cercle intérieur). En fat, le point qui m’a dérangé, c’est la certitude de l’amour partagé. Cela montre un personnage prétentieux (ce qui ne colle pas avec le texte).
1ere partie : J’aime bien le côté désordonné des idées qui, à mon sens, est très judicieux par rapport à ce type de récit à la 1ere personne. L’évocation du rêve m’a fait penser à ces mangas pornos… Tu ne fais qu’effleurer l’imagerie mais tu restes suffisamment explicite tout en évitant d’aller trop loin, d’autant que tu évoques, si je comprends bien, une sorte d’expérience hermaphrodite ? Il est d’ailleurs logique que tu n’ailles pas plus loin puisque la lectrice supposée est censée connaître le rêve en question.
2eme partie : Pour ce qui est de l’évocation de la femme dans le bus, je me demande si un homme l’aurait décrite ainsi. Par exemple, le fait de choisir les termes Sari et baggy ne me parait pas coller parce que, moi, ça ne me parle pas… Ou alors tu as un narrateur très portée sur la mode féminine. Avec l’expérience qu’il a vécu dans son rêve, on va finir par croire qu’il est transsexuel ! Or, l’histoire le montre très différent… Pour moi, un homme aurait foncièrement plus visuel et plus explicit. Il ne se serait pas intéressé aux vêtements mais à la coiffure, à son décolleté, à la longueur de sa jupe ou si elle portait un pantalon. A la limite, tu aurais même pu t’amuser avec l’ignardise de l’homme qui aurait voulu employer le bon terme pour décrire ses vêtements ou qui s’y empêtrerait.…
En fait, tu esquives volontairement la description mais les seules éléments que tu donnes dénotent à mes yeux un regard plutôt féminin (qui te trahit). Mais même si tu ne veux pas la décrire, tu aurais pu aller plus loin. Je dirais que se limiter à « c’était magique » n’est pas intéressant. L’intéressant pour le lecteur est de savoir ce qui était vraiment magique. Et le travail de l’auteur est justement de faire de ce moment quelque chose de magique sans forcément le dire, juste en le faisant sentir. Je trouve que c’est une chose très intéressante à écrire parce qu’elle oblige à plonger dans la tête du lecteur pour savoir comment lui faire partager ce qu’on souhaite. Et ce que je trouve passionnant pour ma part, c’est qu’elle t’oblige en tant qu’auteur à voir à travers les yeux de l’autre (en l’occurrence ici un homme).
Pour ce qui est du suspense, je dirais qu’il ne pèse pas lourd dès ce passage et qu’il est assez peu crédible qu’un homme qui ne soit pas un jeune ado soit aussi naïf sur ce qu’il éprouve à l’égard d’une femme…

Patie 3 : Bon, les soupçons du 2- se sont avérés justes. Je rajouterais que le changement est très brutal. Sur le plan des émotions, l’histoire va à 10 à l’heure. On n’a pas pu partager vraiment ce que le narrateur ressentait vraiment avec la première femme qu’il change déjà de crèmerie. Par contre, je dirais qu’il y a un profond contraste entre les mots du narrateur et le portrait qui transparait de lui. Les mots sont doux, sensibles, un peu fleur bleue quelque part (et ce n’est pas un reproche) alors qu’i se montre cruel et égocentrique l’égard de la défunte. Il est même profondément antipathique alors qu’il essaie de se faire passer pour une victime et un être malheureux…
Mais je persiste dans ma vue qu’il n’est pas très crédible. Dans la partie 1, tu le montres experimenté, capable de payer et de vivre une analyse chez un psy, avoir déjà une sexualité élaboré, mais ici, on le voit que comme un jeune ado qui découvre l’amour (heu.. parce que ses questions en direction de la défunte sont un peu neuneu, non ?)

Partie 4 : Ce narrateur apparait vraiment comme une sorte de monstre antipathique à mes yeux. Il parle à son « âme » qui est morte et il lui dit qu’il aime déjà une autre ? L’anecdote sur le téléphone est assez juste pour traduire tout le sentiment amoureux, mais qu’il puisse s’adresser à cette âme de la sorte en fait à mes yeux un mufle fini…
En soi, ce ne serait pas un vrai adulte, il ne s’adresserait pas à un amour défunt, cela collerait, mais ton personnage manque à mes yeux un peu d’épaisseur psychologique. Par exemple, le fait qu’il n’exprime aucun remord rend un peu artificiel le procédé narratif. Le machisme latent du texte est sans doute très juste (et certainement encore plus son aveuglement à cet égard) et c’est, je dirai, la force du texte que de dire des choses d’une manière très douce des choses au final très dures. Mais ce qu’il ressent ne me parait pas assez mature pour que cela m’intéresse. En fait, moi, l’histoire qui m’intéresse se serait celle de cette femme dans le bus, ou mieux, ce que ressent la femme qui reçoit de tels message, mais pas celle de cet homme. Disons que je suis resté sur ma faim… L'autre texte me parait vraiment plus riche et abouti.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20602 il y a 8 ans 3 mois
Je crois que je me suis planté complètement sur ton texte.
J’ai jeté un coup d’œil sur le blog que tu avais évoqué. Et je me dis que j’ai certainement eu une vision très biaisée de ton texte. D’une part, parce que j’ai moi-même un projet de texte sur la même thématique et que j’ai reproduit dans le tien ce que je voulais faire. Ensuite,à force de chercher des textes tordus, on finit par s’égarer et enfin, je suis certainement imprégner de ma propre vision du couple. A toi de me dire si cette nouvelle vision du texte est plus conforme à ce que tu souhaitais.
Si on voit ce texte avec un glissement sur un couple plus libre et moins portée sur la monogamie, il offre une lecture plus équilibrée et plus « sensible ». On comprend mieux la démarche du narrateur et la perception du regard de la lectrice change. Et là, je dirais qu’il y a transcription intéressante de ce que peut vivre ce couple. Reste à mon sens le problème de la relative immaturité de l’homme à l’égard de ce qu’il ressent. Il y aurait peu de changement à faire pour que le texte fonctionne davantage.
Le premier serait de laisser davantage de doute sur la vraie nature de la relation Narrateur/Défunte, de manière à jouer un peu avec les préjugés des lecteurs (en gros, comme moi). D’ailleurs, je suis sûr que même si tu étais un peu explicite, la plupart des lecteurs n’y feraient pas attention et continueraient d’avoir le regard que j’ai eu (et que j’aurai sans doute continué d’avoir). D’ailleurs, cela me parait intéressant de pouvoir s’amuser avec le lecteur pour lui donner à voir ce qu’il ne veut pas voir voire refusera de voir. J’ai relu le texte, tu brosses effectivement le portrait d’une femme a priori assez « libre », et quelque part, j’avais de quoi ne pas me tromper à ce point… Mais j’avais retenu un personnage de femme au contraire un peu caricatural. En fait, le texte n’invite pas assez à mon sens à se représenter la vraie relation de ce couple. On le devine très actif sexuellement, avec une femme qui serait la force motrice sur ce plan-là, mais le narrateur parait figé, passif face à ça. Il lui manque un point de vue. Et à nouveau, il devient un peu immature. A mon sens, le texte devrait marquer davantage son ressenti : adhèrait-t-il ? en souffrait-il ? a-t-il lui-même joué ce jeu ?
Le second serait de redonner à ton narrateur un peu plus de lucidité. Imagine qu’il sait pertinemment ce qu’il est en train de vivre. D’un seul coup, on a un personnage qui gagne une personnalité puisqu’il ne demanderait plus l’avis sur ce qu’il ressent mais sur ce qu’il s’autoriserait à vivre ou pas. Un point de vue intéressant serait aussi de le voir chercher à se justifier et petit à petit comprendre que l’amour de la défunte n’a pas besoin de cette justification, car elle ne lui a jamais réclamé. Bref, ce genre de chose.
Avec ces petits changements, pour ma part, je m’intéresserai davantage à ton narrateur.
D’ailleurs, tu pourrais terminer ton texte par une phrase du genre : « Je sais que désormais tu m’aimeras à ton tour davantage ».
Au final, ton texte, si c’est vraiment l’orientation que tu as souhaité lui donner, m’a fait me poser des questions intéressantes. Et j’y vois maintenant davantage de points intéressants : la première lettre est intéressante parce qu’elle peut se jouer avec le lecteur. Pour ma part, je pense qu’on pourrait aller plus loin dans cette direction. Mais d’un autre côté, plus je le lis, plus je me dis qu’il y a déjà plein de choses que je n’avais pas voulu voir. Le point fort ici, c’est que je partage mieux l’intensité de cette relation et les sentiments du narrateur.
La seconde lettre montre combien ce couple était complice et surtout, de ce qu’il n’a pas besoin pour exister par rapport aux « autres » couples. Maintenant, j’ai l’impression que tu sous-exploites le potentiel des échanges avec le psy. Pour ce qui est de la séquence du bus, elle est très bien. Peut-être que la fin pourrait réutiliser les réflexions avec la psy.
La 3eme lettre me parait à revoir car c’est ici que ton narrateur n’est pas vraiment crédible.
La 4eme lettre : autant le début de la romance est bien transcris, autant l’introspection reste à mon sens superficielle. Et la fin mériterait à mon sens d’être un peu retravaillée.
Au final, la douceur du texte devient crédible. La relation entre ces deux êtres qui transparait indirectement place le lecteur face à ses propres préjugés, ce qui est intéressant. Même si je préfère toujours l’autre texte, je revise en grande partie mon premier jugement négatif à son sujet.
A toi de dire si cette fois, je me suis moins trompé...
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20603 il y a 8 ans 3 mois
Merci Zara pour tes commentaires. Il faut que je précise une chose : pour moi le lecteur ne se trompe pas, et n'a pas tort. Il trouve des choses dans le texte et le lit et l'interprète à l'aune de ce qu'il est, et il peut s'agir de tas de choses diverses. Je n'en réfute aucune. Ta première lecture est pour moi tout aussi juste que la seconde, ou que toutes les autres qui pourraient suivre. J'ai souvent fait l'expérience de relire un texte plusieurs fois à des années d'intervalles, et d'y trouver quantité de choses nouvelles ou de comprendre complètement différemment certaines choses. Ce n'était pas pour autant erroné, pas plus que la nouvelle lecture n'est vraiment juste. C'est pour moi toute la richesse de l’œuvre, que de susciter de nouvelles choses à chaque relecture.

Oui la première femme c'est moi, et oui le personnage masculin est un peu bi, très branché fringues (ça existe, les hommes branchés fringues ^^), et passe d'une relation avec une défunte à une relation avec une vivante en culpabilisant un peu mais en allant résolument de l'avant. Il a une approche poly, ou monogame en série si l'on veut, dans ce texte, mais le texte ne dit que ce qu'il veut bien dire, et on ne connait toujours pas le narrateur à la fin du texte, au final. Il est un peu obtus au sujet de ses sentiments, a du mal à les identifier et à les assumer face à un tiers. Cette ambivalence entre l'homme expérimenté et l'ado qui découvre l'amour. Et parfois les trucs qu'il fait qui donnent envie d'hurler, jusqu'à ce qu'on comprenne ce qui se passe. Oui, c'est bien lui, pas de doute ^^

Tout comme "Pour toujours proche de toi", ce texte n'avait pas vocation à être lu par un lecteur, et il est certainement bourré de défauts. Moi je l'aime bien comme ça, même si je suis d'accord, la fin mériterait d'être retravaillée, je n'avais pas la matière pour l'écrire plus en détail je crois. Je suis en tout cas contente qu'il t'ait fait réfléchir, et que tu aies eu une surprise disons sympathique.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20604 il y a 8 ans 3 mois
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi sur le lecteur. Ici, on est dans une démarche de comprendre le texte et de se mettre un peu à la place de cl'auteur. Donc toi, en tant qu'auteur, il y a des choses que tu as volontairement mise, tu avais des motivations pour l'écrire. Si on te dit que ce texte est une métaphore de la fonte glaciaire, tu en penses quoi? Heu... ça te dérangerait, non? Si deux lecteurs te disent. Là, tu te demandes comment tu as fait pour qu'il y ait un tel malentendu.
Bref, ce qui est intéressant ici, est de comprendre tes intentions véritables. Et surtout de discuter ensemble de ton texte, de ce qui parait fonctionner ou pas par rapport à tes intentions.

Bien entendu, pour partie, tu as raison quand même. Le lecteur nous fait parfois redécouvrir notre propre texte. Et s'il se plante vraiment par rapport à ce que l'auteur a cherché à traduire ou faire passer, c'est qu'il est un peu responsable. Et plus les lectures convergent avec ce que tu veux mettre, plus c'est qu'il fonctionne. Bien entendu également, il y a des textes qu'on écrit volontairement de manière un peu ouverte, ceux-là, il est normal qu'il y ait un peu des interprétations différentes. C'est la cas ici, mais tu seras d'accord avec moi que ma première lecture n'était pas pleinement satisfaisante pour toi, j'y lisais une forme d'ironie que tu n'avais pas mise notamment sur ton narrateur...


Bref, je pense qu'ici, tu as le droit d'être plus exigeant avec tes lecteurs qu'ailleurs parce que nous écrivons aussi. Et c'est très intéressant d'avoir la discussion après, entre écrivain amateur. Alors, je t'en pri, lance la discussion, dis-nous ce qui te plairait d'aborder ou de creuser... Tu sais, on n'a pas mille texte à se mettre sous la dent pour ça, tu peux te lâcher! :laugh:
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20606 il y a 8 ans 3 mois
On pourrait tout à fait voir dans ce texte une image de fonte glaciaire et l'argumenter, je vois d'ici Fufu faire ça. Mais pour ce qui est de tes lectures, elles sont intéressantes toutes les deux, et correctes toutes les deux, vraiment. Et la seconde se rapproche beaucoup plus de l'état d'esprit dans lequel j'ai écrit le texte, effectivement. Beaucoup beaucoup :)
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20608 il y a 8 ans 3 mois
Ce serait quand même une sacrée fonte glaciaire, mais on peut effectivement proposer une fable écologiste où la nature personnifiée est ici déclarée morte, dans un écosystème déréglé, avec, à la fin, une sorte de résignation à un système plus artificiel (le bus) où la nature (la magie) peut encore se trouver.

Le texte est interprété par le lecteur, qui aura mille interprétations différentes selon ses propres idées, idées qui évoluent forcément. Quand j'essaie de multiplier les interprétations possibles j'essaie surtout de donner un "miroir" au lecteur, le texte devient ce qu'il a envie d'y voir et s'il y faisait attention, il se verrait lui-même. Enfin ça c'est l'idée.
Mais le texte doit aussi donner des instructions, inévitablement (le texte est fini et figé) et même si une interprétation comme l'écologie folâtre est possible, elle ignore assez largement les instructions du texte. J'ai appris "à la dure" que la majorité des instructions étaient accidentelles, dans les textes que je commentais, et parce que "Bonjour, mon âme" n'est pas destiné à un lecteur, probablement que tu n'y a pas prêté d'attention non plus.

Aussi, cela n'aide pas que je sois complètement étranger à ces problématiques.
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20609 il y a 8 ans 3 mois
Cela te manque-t-il?
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20610 il y a 8 ans 3 mois
Mon message continuait avec une digression sur les romances.
Les romances ont ce comportement étrange de ne s'intéresser qu'à la relation. On ne voit que les moments où les amoureux sont ensemble, et quand ils sont ensemble la seule question qui les intéresse est de savoir s'ils s'aiment. C'est encore plus agaçant dans un texte où on sait par avance qu'ils vont finir ensemble, et ça semble toujours très largement arbitraire.
Du peu que j'ai entendu autour de moi, le déroulement est différent. Oui, il y a tout le côté passionnel avec les doutes et tout ça, mais au-delà de la relation il y a aussi deux individus avec deux vies qu'il s'agit de concilier. Des considérations très terre-à-terre qui en général, dans une romance, sont expédiées sur un "on se débrouillera" et tout s'arrange toujours. À mes yeux, c'est plutôt dans les sacrifices et dans les concessions consenties des deux côtés qu'on voit vraiment l'amour en acte.

Les romances à mes yeux ont tendance à réduire ces deux individus avec leurs deux vies à de simples aimants (ah ah) soumis aux lois du magnétisme. Et tes textes n'y coupent pas.
Dans le premier, le narrateur ne peut pas faire son deuil quand soudain paf, une femme dans le bus, bon ben deuil fait, "kestuveu, elle a casté charme +2". Dans le second texte, la narratrice refait carrément sa vie avec un fantôme. Dans les deux cas la raison même de faire son deuil, à savoir que la vie continue, est complètement ignorée. Ces personnages ont pour seul but d'être avec le pôle positif le plus proche et c'est tout.
Et je comprends que le sujet d'une romance soit la romance, et pas les comptes d'apothicaire, ce serait aussi déplacé que d'avoir un dragon dans un policier (moderne), et je ne vais pas non plus dire à des gens qui ont connu l'amour comment aimer. C'est juste que pour moi, étranger à la chose, on pourrait aussi bien me donner un cours de physique mécanique.

C'est pour ça que je me suis surtout intéressé au côté mystique, avec la question de savoir si les fantômes et la magie et toutes ces choses évoquées étaient des divagations ou une réalité. Et dans ce dernier cas, comment ça fonctionne, les conséquences pour l'univers que tu décris.
Notamment tu ne t'aperçois probablement pas de la passivité de tes personnages, à qui il arrive des choses et qui se contentent d'y réagir. Passivité explicable face à la mort -- "on ne peut rien y faire" -- mais qui, sur deux textes, donne surtout l'impression de girouettes. Tu aurais pu rajouter un paragraphe au second texte, où la narratrice dit "j'ai rencontré Brad ce matin, il a les dents blanches et il n'y a pas de place pour trois dans la salle de bain" sans aucunement remettre en question la cohérence du texte. Ce qui est fou quand même.
Je pense qu'Impe' dirait qu'il n'y a pas de point de référence, pas de repère pour juger les sentiments qu'ils décrivent. Normalement il n'y a pas besoin de repère parce que tout le monde est censé avoir un minimum d'expérience mais voilà.

Pour moi, soit la personne décide de ne pas tourner la page, et on va la voir lutter avec acharnement contre la réalité même -- 'a s'appelle une tragédie -- soit la personne sait qu'elle doit tourner la page et on la voit lutter au contraire pour contrecarrer le ressac des souvenirs.
Mais là tes personnages ne choisissent rien, ils constatent et changent d'avis en une phrase.
Et c'est quand même très beaucoup dommage.
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20611 il y a 8 ans 3 mois
"j'ai rencontré Brad ce matin, il a les dents blanches et il n'y a pas de place pour trois dans la salle de bain"
Hormis le nom, Brad, que je réfuterais, le reste aurait effectivement sa place ^^
Je comprends qu'il n'y a pas d'enjeu et de ressort dramatique à ces textes. C'est vrai, il n'y en a pas. Bon. Voilà qui est dit :p
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20612 il y a 8 ans 3 mois

Vuld Edone écrit: Mais le texte doit aussi donner des instructions, inévitablement (le texte est fini et figé) et même si une interprétation comme l'écologie folâtre est possible, elle ignore assez largement les instructions du texte. J'ai appris "à la dure" que la majorité des instructions étaient accidentelles, dans les textes que je commentais, et parce que "Bonjour, mon âme" n'est pas destiné à un lecteur, probablement que tu n'y a pas prêté d'attention non plus..

Je suis à la fois d’accord avec toi et en désaccord.
Tu as raison de parler d’instruction pour le lecteur. Moi, je dirais qu’il manque peut-être un contexte de lecture. Si tu fais attention, il y a ci et là des instructions, seulement, moi, je les avais survolés en partie parce que j’avais le sentiment de savoir où le texte allait me conduire (ce qu’il a fait, mais en même temps, ce qu’il n’a pas fait).
Si tu lis attentivement le texte, il y a plein de signes et d’explications du contexte de lecture. Seulement, on ne veut pas les voir et, surtout, on ne veut pas les comprendre parce que le regard qu’invite à prendre ce texte va à l’encontre de ce qu’on doit habituellement comprendre et ressentir. Il te confronte à nos propres préjugés, et je pense que toi tout comme moi avons abouti aux mêmes conclusions non pas par la faute du texte mais par ce que nous voulions impérativement voir alors qu’il ne cesse à nous inviter à prendre un autre regard (et à dépasser en quelque sorte notre conformisme).

Aussi, cela n'aide pas que je sois complètement étranger à ces problématiques

C'est marrant parce justement, je pense qu'il est beaucoup plus facilement de lire le texte pour ce qu'il est en ne se focalisant pas sur la romance mais sur ce qu'elle nous dit. L'émotion ne passe pas pour moi par les "sentiments" mais plutôt sur l'intellect à comprendre le moteur de ce couple qui fait que la situation décrite a un impact sur moi parce que je l'ai intellectualisée. En soi, je ne peux pas ressentir ce que le couple a vécu parce que ce n'est pas ma vision, mais, présenté ainsi, j'y vois indéniablement une émotion singulière à me la faire partager.
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20613 il y a 8 ans 3 mois

Je pense qu'Impe' dirait qu'il n'y a pas de point de référence, pas de repère pour juger les sentiments qu'ils décrivent.

Et sinon, il est où, Impe?
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Vuld Edone a répondu au sujet : #20614 il y a 8 ans 3 mois
Il est surchargé par son travail et stressé comme pas possible. On ne le verra pas ici avant encore des mois.
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20615 il y a 8 ans 3 mois
Passe lui le bonjour ;)