Massif de la Colonne - partie septentrionale
Septième lune du printemps
Massif de la Colonne - partie septentrionale
Septième lune du printemps
Un panache de vapeur s’élevait de leurs bouches à chaque respiration, prouvant à Ries que le froid qui engourdissait ses membres n’était pas qu’une illusion. Ils avaient pénétré le matin même dans la partie la plus haute de la montagne, et avaient du se résoudre à laisser leurs chevaux entravés dans une prairie traversée par un glacial cours d’eau. A cette altitude, la montagne n’était plus qu’un immense amoncellement de blocs rocheux aux arêtes tranchantes, et des névés d’un blanc éblouissant cachaient de perfides crevasses. Ils ne progressaient que lentement dans cet univers hostile, et le col, but de leur expédition, était encore invisible.
- J’espère que tu sais où on va, Lilian, maugréa Ries pour la dixième fois.
L’elfe ne prit même pas la peine de lui répondre. Il était complètement gelé, sa faible constitution ne lui permettant que difficilement de supporter des températures aussi basses.
- De toute façon, fit Layne, si on ne trouve pas cette caverne avant le zénith, il faudra faire demi-tour. Une nuit dans ce froid nous serait fatale, quoi que je fasse.
L’elfe grogna à ces mots.
- Alors il faut marcher plus vite. Le col est encore loin, et la matinée est déjà bien avancée.
Ils accélérèrent le pas, escaladant des rochers hauts comme des maisons pour ne pas perdre de temps à les contourner. Les mains de Ries n’étaient que douleur, mais pires était les lancinements qui couraient dans son crâne. L’influence en forme de bottes de sept lieux qui les avaient sorti d’affaire avait drainé dans un premier temps toute son énergie, et s’il se sentait déjà mieux, lui restaient des courbatures de l’esprit comme jamais ses muscles n’en avaient subit. Il avait beau être motivé à l’idée de retrouver la trace de ses parents, il envisageait sérieusement de dire à ses amis qu’il ne servait à rien de s’acharner, quand Lilian poussa un soupir de soulagement.
- Nous voilà dans la vallée qui forme le col. La grotte est sur notre droite, un peu plus haut.
Le jeune mage leva les yeux du sol traître, et eut le souffle coupé. Devant eux s’enfonçait entre deux montagnes une gorge encaissée, qui descendait en pente douce vers l’ouest. Le soleil faisait briller d’innombrables plaques de neige, et un lac gelé luisait un peu plus bas.
- C’est beau, souffla-t-il. ça vaut presque le coup de souffrir autant.
- N’exagérons rien, rigola Layne. Il suffirait de demander à un aigle de nous monter, ça serait tout aussi beau et bien moins fatigant.
- En tout cas, fit Lilian en se frottant les bras sous la couverture qui l’entourait, heureusement qu’il fait beau. Notre expédition aurait tourné court, sinon.
- Ne perdons pas de temps, fit alors Ries. J’ai un sinistre pressentiment.
Ils s’attaquèrent donc au flanc du pic qui les dominait sur leur gauche, minuscules fourmis dans l’immensité inhumaine de la montagne. Layne eut soudain un cri étouffé.
- Regardez, en bas du plateau. Il y a un groupe en train de marcher, je crois.
Ses amis scrutèrent le décor accidenté, et les yeux perçants de l’elfe eurent tôt fait de retrouver les marcheurs.
- Sangdieux, murmura-t-il, ce sont des Gobs ! Mais que font-ils par ici ?
- Peut-être la même chose que nous, tout simplement, répondit Ries. Il existe bien des cols plus accessibles que celui-ci dans la Colonne.
Lilian grogna alors de déception.
- Il y a un Thanatos avec eux, je le crains. Il va falloir faire demi-tour.
- Non, Lilian, le contra Layne. Ils en ont au moins jusqu’au zénith pour arriver ici, ce qui nous laisse le temps de jeter un coup d’oeil à cette grotte avant de repartir. On n’aura pas fait tout ce chemin pour rien.
Ries acquiesça, et l’elfe dû se plier à la majorité. Ils continuèrent donc leur escalade d’un pas rapide, ne tenant pas à se retrouver nez à nez avec une troupe de Gobs menée par un mage noir. Une anfractuosité dans le rocher se dessina bientôt devant eux, et Lilian soupira.
- Nous y voilà. Les indications de tes parents étaient précises, bien heureusement.
- Alors on fonce, fit Ries. Ne perdons pas de temps.
Ils s’enfoncèrent dans un boyau sombre, juste assez haut pour pouvoir marcher sans avoir à se baisser. Ries dû murmurer une influence pour éclairer leurs pas. La galerie s’enfonçait en pente douce dans la montagne, et l’air se réchauffa au fur et à mesure qu’ils avançaient. Ils ôtèrent les couvertures qui les couvraient, Lilian se sentant tout de suite beaucoup plus à l’aise. Une chaude lueur devant eux naquit bientôt, et l’influence de Ries devint inutile. Il régnait une ambiance apaisante dans la grotte, due à la lumière et à la chaleur. Ils débouchèrent alors dans une petite salle naturelle, et s’arrêtèrent brusquement devant le spectacle incroyable qui se dessinait devant eux. La quasi-totalité de la grotte était recouverte d’un cristal doré et laiteux, qui pulsait doucement. De grandes stalagmites montaient rejoindre les stalactites pour former de grandioses colonnes de cristal, et une imperceptible vibration rendait l’atmosphère presque religieuse. Les trois amis restèrent un moment plongés dans le silence, émerveillés. Lilian leva bientôt la voix d’un ton excité.
- Regardez, il y a des inscriptions sur la paroi en pierre, derrière nous.
Ils se dirigèrent vers le texte soigneusement gravé dans le dur granit.
- Magique, souffla Layne, et Ries hocha la tête.
- Je vais le traduire, murmura Lilian en suivant les inscriptions du doigt. “Vous qui êtes ici, soyez les bienvenus. Vous êtes dans un temple élevé par la nature à la gloire d’Ys, Dieu de bonté et de compassion. Le cristal qui vous aveugle de sa lumière puissante est la voix de notre Dieu. Plongez-vous dans sa contemplation, et vous trouverez la paix”
- Lumière violente, tu parles, grogna Ries. Pas de quoi fouetter un chat.
- Ries, un peu de respect, s’il te plaît, fit Layne en se retournant vers le cristal. Ce texte date de plusieurs siècles, et peut-être que le cristal était plus lumineux à ce moment.
- Sans doute, répondit le jeune mage. C’est peut-être magnifique, mais je ne comprends pas ce qui à pu pousser mes ancêtres à rendre un culte à une veine de pierre semi-précieuse.
- Regarde dans le cristal, fit alors Lilian d’une voix étranglée.
Le visage de l’elfe était concentré, le regard plongé dans la contemplation de la pierre semi translucide.
Ries jeta un coup d’oeil vers le cristal, et oublia un moment de respirer.
- Sangdieux !
- On ne blasphème pas, jeune mage.
Les mots venaient de s’inscrire au sein même du cristal, et s’estompèrent doucement. Les trois amis se serrèrent les uns contre les autres, regardant avec effarement les tourbillons hypnotisant qui s’enroulaient en une symphonie lumineuse au cœur de la pierre. La clarté monta peu à peu dans la grotte, et des formes lumineuses se mirent à danser sur les parois.
- Qui êtes-vous ? demanda Layne d’un ton apeuré, sans vraiment attendre de réponse.
Mais des mots apparurent à nouveau dans le cristal, en réponse à l’interrogation de la jeune mage.
- Pour certains, je suis un dieu. Mais à mon avis, ce n’étaient que des esprits superstitieux. Je ne suis qu’un vaste esprit né du votre, attendant et errant, à la recherche de sa forme définitive.
- C’était la naissance dont parlaient mes parents, souffla Ries.
- Je le pense. Par deux fois déjà, les esprits majeurs ont empêché mon avènement. Ils sont sur le point de réussir encore une fois, à ma grande crainte.
- Mais comment ? fit l’elfe, incrédule. Qui sont ces esprits majeurs ?
- Vous les appelez Thanatos ou Gaïen, mais ce ne sont que des corps pétris de magie. Ces esprits sont arrivés il y a des milliers d’année de cela sur notre monde, attirés par le Pouvoir qui s’en dégage. Peu à peu, des êtres pensants ont fait leur apparition, et j’ai alors connu ma première naissance. Je tire mon existence de la structure même de leur esprit. Avec le développement de leur civilisation, j’ai compris que je n’étais encore que la forme embryonnaire de ce que j’étais destiné à devenir. Pensee pure, sans mains, ni yeux… Avec la création d’une structure sociale cohérente et civilisée, je pourrais évoluer vers un être aux pouvoirs équivalents aux dieux dont parlent vos légendes.
Je me nourris de création, d’art, je tire ma substance même de l’acte de concevoir. Cet acte n’est possible que lorsque la paix règne, et les esprits majeurs l’ont vite compris. Ne voulant ni d’une civilisation qui pourrait les menacer, ni d’un dieu plus puissant qu’eux, ils ont détruit la culture des nobles hommes et des grands nains. Puis, pris au jeu et goûtant au pouvoir de diriger les êtres pensants comme des marionnettes, ils revinrent régulièrement semer haine et discorde, dévorer l’âme des plus courageux, se repaître de la colère et de la peur.
- Mais que pouvons nous y faire, demanda Layne, comprenant que tant que ces esprits hanteraient le monde, aucune paix durable ne serait possible.
- Rien, je le crains. Seule ma forme mature serait a meme d’intervenir pour chasser les esprits. Cela ne sera pas possible tant que la paix ne sera pas un fait accompli.
Le cristal resta un moment vierge de tout mot, puis des caractères refirent leur apparition.
- Vous devriez partir, maintenant. Un Thanatos arrive pour détruire ce temple, et il se fera un plaisir de vous tuer par la même occasion.
- Il ne peut détruire ce lieu, intervint Ries, interloqué.
- Il va verser le sang d’un innocent, et cela faussera la structure même du cristal, m’affaiblissant par la même occasion. Fuyez, il faut que je me retire.
- Attendez, cria l’elfe. Comment pourrons vous vous contacter à nouveau ? On ne sait jamais, nous trouverons peut-être une solution.
- L’espoir est important, jeune gens, vous avez raison. Appelez de tout votre coeur, de toute votre âme le Dragon, et le gardien de mon dernier refuge viendra vous chercher. Partez, maintenant. Et prenez garde aux monstres qui rôdent dans ces montagnes, ils sont dangereux pour toute forme de vie.
La lumière dans le cristal s’estompa peu à peu, et les trois amis se regardèrent, ne saisissant que difficilement toute la portée de cette rencontre.
- Ne perdons plus de temps, fit Lilian.
Ils s’engagèrent dans le boyau, silencieux et pensifs, et retrouvèrent bientôt en frissonnant le froid glaçant de la montagne. Ils se couvrirent à nouveau, et émergèrent prudemment dans la lumière blanche et pure de l’extérieur. Ils fouillèrent du regard la vallée, et découvrirent les Gobs au pied du pic, s’apprêtant à grimper vers la grotte.
- Juste à temps, souffla Ries. Allons nous cacher, puis nous redescendrons quand ils seront rentrés dans la caverne.
L’elfe acquiesça, mais Layne les arrêta d’un geste, leur demandant d’une voix angoissée :
- Qu’a-t-Il voulu dire par “verser le sang d’un innocent” ?
Le cri apeuré d’un bébé leur répondit, éveillant des échos entre les deux montagnes. Les trois compagnons se regardèrent, hésitants.
- Même si c’est la dernière chose que l’on doit faire sur ce monde, nous allons essayer de sauver ce bébé, fit Layne d’un ton résolu. Trop de sang a déjà coulé.
Ries et Lilian se regardèrent d’un air désolé.
- Layne, intervint l’elfe, on ne...
- Partez si vous voulez, moi je reste, l’interrompit-elle, le regard aussi froid que de la glace. J’ai une mort à racheter pour la paix de mon âme. Ries haussa les épaules.
- Bon, alors c’est décidé. Avant de sauver le monde, un futur Dieu, et tutti quanti, occupons-nous de ce bébé. ça nous fera de l’entraînement. Lilian eut un rire nerveux.
- On fait vite, s’il vous plaît. Je vais mourir de froid avant que les Gobs n’arrivent, sans ça.
Le jeune mage eut un sourire mauvais.
- On va leur refaire le coup du brouillard. J’espère que ce n’est pas le Thanatos qui tient le gosse, sinon, c’est foutu d’avance, grogna le blanc en guise de conclusion.
La troupe Gob avançait à la queue leu leu, contournant en grognant blocs et névés. Le Thanatos tenait un paquet de lange hurlant et pleurant dans ses bras, et Lilian laissa échapper un juron.
- Attends quelques secondes avant de lancer ton sort, Ries.
L’elfe s’engagea en silence entre deux rochers, et disparut à la vue de ses amis. Le jeune mage attendit au maximum, puis Layne lui serra le bras.
- Vas-y, chuchota-t-elle.
Ries commença à murmurer, et un brouillard épais se mit bientôt à monter des névés. Le soleil ne fut rapidement plus qu’un disque pâle dans le ciel. Les cris gutturaux des orques se montèrent dans la purée de poix, et Ries se mit à incanter la deuxième partie de son sort. Le principe de leur sauvetage était simple. Il s’agissait de terrifier les Gobs pour les éloigner les uns des autres, puis de prendre à parti le Thanatos isolé, lui lançant un défi en espérant qu’il lâcherait le nourrisson. Ries voulait renouveler l’efficacité prouvée des hurlements de loup, mais des gloussements sinistres se mirent à jaillir du brouillard. Ries jeta un coup d’oeil vers Layne, tressaillant à chacun de ces rires, démoniaques et irréels.
- Efficace, Layne. Tu les tires d’où, ces cris là ?
La jeune mage secoua la tête, effarée.
- Ce n’est pas moi, chuchota-t-elle.
Des hurlements de douleur Gob les interrompirent. Les gloussements reprirent de plus belle, et des éclairs fulgurèrent soudain dans le brouillard, éclairant des formes incroyables qui bondissaient à une vitesse hallucinante. Les rires s’éteignirent peu à peu, et un violent vent magique se leva alors, dissipant le brouillard en quelques secondes. Ries serra la main de Layne, et ils se levèrent en prenant une profonde inspiration. Une scène incroyable apparut sous leurs yeux. Des cadavres d’orques et de gobelins jonchaient le sol, sanglants et démembrés, et le Thanatos se tenait seul, debout sur un rocher au bord du gouffre. Il leva tout de suite la tête vers les deux mages humains, et pris le bébé à deux mains au-dessus de lui.
- Vous allez immédiatement partir d’ici, jeunes impudents, et dire à vos sautillants alliés de me laisser en paix. Sinon, cet enfant fera le grand saut.
Ries lui répondit d’un ton qu’il voulait ferme.
- Pose le nourrisson, Thanatos, et retourne chez les tiens. Nous consentirons alors à ne te faire aucun mal.
Le mage noir grogna de rage, et laissa tomber l’enfant hurlant derrière le rocher. Une influence commença à se former dans l’ombre de sa capuche, mais Ries et Layne furent plus rapide. Le jeune mage, se souvenant d’un principe de base des coups fourrés étudiants, fit apparaître un nuage de gaz délétère autour de du visage du Thanatos. Il espéra que le mage avait un minimum de réalité physique, sinon ce sort serait inutile. Le Thanatos se mit à tousser, son sort interrompu. Un rayon de violente lumière partit alors des mains de Layne, et alla frapper le mage noir. Ce que ne savait pas Ries, c’est que ce gaz qu’il ne connaissait que par sa structure était inflammable. Une violente déflagration retentit dans la vallée, éveillant de sourds échos. Le Thanatos s’écroula, inerte. Ries se retourna alors vers la jeune femme pour la féliciter, mais ce qu’il vit lui fit pousser un cri.
- Attention ! Derrière toi !
Il se jeta sur Layne, la faisant lourdement chuter sur la roche froide. Des formes bondissantes passèrent au-dessus de leurs têtes, et Ries eut le temps d’apercevoir des quadrupèdes désarticulés, couverts d’une fourrure blanche et rêche. L’une de ces créatures se posa à côté du corps immobile du Thanatos, et planta de terribles mandibules dans son torse. Le mage noir se convulsa, poussant un terrible hurlement. Le monstre repartit en gloussant, portant sa proie, poursuivit par ses congénères, et ils disparurent dans la montagne, comme un mauvais rêve au matin. Ries, couché de tout son long sur Layne, lui caressa la joue, écartant les cheveux blonds de son visage.
- ça va ?
La jeune mage eut un sanglot, et des larmes perlèrent dans ses yeux.
- Le bébé, Ries.
- On a fait ce qu’on a pu, Layne, soupira doucement le jeune mage en continuant à lui caresser les cheveux pour la consoler. Il ne faut pas pleurer.
Une voix s’éleva alors, semblant provenir du fond de la vallée.
- Si vous voulez bien arrêter de vous congratuler, je vais avoir besoin d’aide pour remonter mon souriant fardeau.
Les deux mages se relevèrent d’un bond, et Layne eut un rire incrédule. - Lilian ? Tu as le bébé ?
- Il faut bien que je serve à autre chose qu’à déchiffrer des parchemins, de temps en temps, grommela l’elfe.
Ries se pencha au-dessus du vide, et découvrit Lilian perché sur une petite corniche, tenant le paquet de lange dans ses bras. L’elfe le regarda avec un large sourire, et eut une petite grimace.
- Je commence à être sérieusement gelé, Ries. Si tu pouvais me prendre le gamin...
Les trois amis redescendaient en riant la pente abrupte, Layne tenant avec adoration le nourrisson soigneusement emmitouflé.
- Il pourra remercier le Thanatos de l’avoir si bien habillé, racontait l’elfe. Il a rebondi deux fois sur le rocher en hurlant, et je n’ai eut que le temps de l’agripper au passage. Si ses langes avaient lâchés...
- Arrêtons de se faire peur inutilement, fit Ries, soupirant. Mais comment as-tu anticipé...
- Je crois que je commence à maîtriser la psychologie assez primaire de ces esprits majeurs.
Le jeune homme hulula de joie, mais Layne l’interrompit d’un mot, le visage tiré par la fatigue.
- Suffit, Ries. Tu vas faire peur au bébé.
Le jeune mage eut un sourire penaud vers la jeune femme. Elle allait rapidement devenir insupportable, avec ce mioche, pensa-t-il en soupirant. L’elfe lui posa alors une question en chuchotant.
- Au fait, n’était-ce pas des cris de loups qui étaient prévus ?
- Je crois que je vais arrêter, avec ces tours de jarnac. Impossible à maîtriser. J’ai peur de ce qui pourrait arriver la prochaine fois…
Ils parvinrent enfin à la prairie où les attendaient tranquillement leurs chevaux, et se laissèrent glisser dans l’herbe en soupirant. La fin de leur marche avait été une course contre l’obscurité, et l’ombre montait doucement sur l’herbe épaisse, amenant avec elle la promesse d’une nuit glaciale.
- Nous ne pouvons pas rester ici, fit doucement Layne pour ne pas réveiller l’enfant. Il faut trouver de quoi le nourrir, et il ne supportera pas une nuit sans chaleur. Je suis trop épuisée pour le protéger contre le froid.
Lilian se leva en grognant, et désentrava leurs montures.
- Alors, en route. Il doit bien y avoir une habitation quelconque par ici, nous sommes en plein royaume Noble.
Ries eut un grognement sceptique, mais rejoignit Layne et l’aida à monter sur son cheval. Ils s’enfoncèrent dans la pénombre en grelottant, leur épaisse couverture ne les protégeant que difficilement contre la température en chute libre. A l’aller, les deux mages s’étaient reliés pour les réchauffer magiquement par une Influence que connaissaient tous les initiés sans le sous, mais leurs efforts de l’après-midi avaient été trop violents. Au moins, cette fois, on ne s’est pas évanoui, sourit Ries. Lilian aurait eu bon dos, coincé sur son rocher.
- Mais ces enfants sont gelés, Marit ! Fais les vite entrer au chaud !
La solide matrone, aussi volumineuse que pouvait l’être une femme noble, les poussa dans une pièce chaude et accueillante. Un homme âgé, à la moustache incroyable et grise comme ses cheveux, les fit s’asseoir avec empressement dans des fauteuils confortables. Ils se présentèrent, claquant des dents, et le vieil homme leur dit s’appeler Farj. Marit ressortit aussitôt, pour s’occuper de ces pauvres chevaux, hurla-t-elle.
Les tremblements convulsifs des trois amis s’atténuèrent peu à peu, et ils purent enfin parler de manière intelligible.
- Nous vous...
- Remercions de tout coeur, continua Layne avec un sourire pendant le terrible éternuement de Lilian. Auriez vous un peu de lait pour le nourrisson, s’il vous plaît, il lui faut de la nourriture chaude, ou il risque de faire une hypothermie.
Marit rentra dans la pièce à ces mots, accompagnée d’un courant d’air glacial, et referma la porte en luttant avec le vent.
- Le printemps est bien doux, cette année, souria-t-elle, les joues rosies par le froid. J’ai cru entendre qu’il fallait du lait à cet enfant ? Suis-moi dans la cuisine, jeune femme, nous allons créer ça sur-le-champ et nourrir le bout de chou pendant que les hommes parlent.
Marit et Layne disparurent dans une pièce adjacente, et le vieil homme se leva pour allumer une pipe splendide. Ries posa alors une question qui l’angoissait un peu.
- Vous ne... Consommez pas de cette drogue, n’est ce pas, maître Farj ?
- Non, soupira le vieil homme. Je n’ai pas envie de vivre dans le passé, et c’est pourquoi ma femme et moi nous sommes retirés dans ces montagnes. Nous ne supportions plus cette lente déchéance.
- Je vous comprends, fit l’elfe en soufflant sur ces doigts pour les dégeler. L’ambiance qui régnait dans le village que nous avons traversé était sinistre.
- Finalement, fit Ries, seule l’oracle semblait vraiment vivante.
- L’oracle, l’interrompit Farj, surpris. Il n’y a plus d’oracle chez les nobles depuis des générations, voyons. L’usage constant de la magie empêche la naissance d’enfants aux pouvoirs psychiques.
- Mais, intervint Lilian, elle portait le bandeau de sa caste...
- Raison de plus, tonna le vieil homme. Les nobles n’auraient jamais souscrit à cette pratique barbare qui consiste à percer les yeux des enfants doués. Vous vous êtes trompés, ce n’était pas une noble.
- Pourtant, soupira Ries, interloqué, elle était grande, fine, et ses cheveux étaient de cette couleur rare qu’on ne rencontre que chez les femmes nobles.
Le vieil homme regarda alors avec attention le jeune mage, le détaillant des pieds à la tête. Le mage, gêné par cette étude poussée, se tortilla sur son fauteuil.
- D’où viens-tu, Ries ? demanda Farj d’une voix intense. Dis-moi qui sont tes parents.
- Je suis orphelin, soupira le jeune mage, et j’ai été élevé à Cytadine.
- Sangdieux, s’exclama le vieil homme, c’est tout bonnement incroyable !
La voix exaspérée de sa femme sortit de la cuisine.
- Farj, ne jure pas, s’il te plaît.
Layne eut un gloussement incontrôlable à ces mots.
- Mais Marit, c’est le fils de Karick et de Monie !
- Quoi ! fit la matrone en émergeant de la cuisine, le bébé en train de téter avidement son biberon perdu dans ses bras énormes. C’est impossible !
Ries se leva, le souffle coupé.
- Vous avez connu mes parents ! Dites-moi tout, je veux tout savoir !
Ries eut du mal à s’endormir, ce soir là. Malgré un repas chaud dans le ventre, un lit douillet, et une chambre pour lui tout seul, il se repassait sans arrêt ce que lui avaient raconté Farj et Marit.
Ses parents s’étaient présentés comme des prêtres d’un dieu qu’ils nommaient Ys, lui avait dit Farj après une hésitation. Ils avaient vécu un moment avec Marit et lui, profitant de la proximité de leur confortable petite ferme pour aller visiter régulièrement cette grotte-temple d’Ys, haut dans les montagnes. Ils avaient décidé de quitter la maison du vieux couple, qui les accueillaient comme leurs propres enfants, peu après que Ries ait été conçu. Ils voulaient en effet que leur enfant reçoive une éducation magique qui soit la meilleure possible, en prévision des affrontements qui allaient secouer le monde, selon eux. Ils étaient rentrés un peu plus de deux ans après pour retrouver le temple d’Ys, mais avaient prévu de revenir chercher leur fils au début de son adolescence. Un jour, ils s’étaient dirigés vers les montagnes, comme d’habitude, mais n’étaient jamais revenus. Farj était parti à leur recherche, mais il n’avait trouvé aucune trace de ses amis. Seuls de terrifiants rires retentissaient dans la haute vallée, et le vieil homme avait dû battre en retraite. Cela s’était passé il y avait presque dix ans, mais savoir que ses parents étaient morts touchait Ries presque autant que s’il venait de les perdre.
Il se retourna un moment dans son lit, à la recherche du sommeil, puis finit par abandonner. Il alla s’asseoir près du feu mourant, dans la salle à manger de la ferme, contemplant les braises rougeoyantes. Le bruit d’une porte s’ouvrant lui fit lever la tête. Layne émergea de sa chambre, délicieuse dans une chemise de nuit de Marit deux fois trop grande pour elle, les yeux encore fermés par le sommeil. Elle eut un regard interrogatif, et Ries lui fit signe de venir s’asseoir. La jeune femme traversa en silence la pièce, ses petits pieds perdus dans l’épais tapis qui recouvrait le sol. Elle se laissa glisser par terre, les jambes croisées, à côté du jeune mage, et celui-ci laissa alors échapper un soupir.
- ça va ? demanda gentiment Layne.
Ries se contenta de hausser les épaules.
- Je viens à peine de retrouver mes parents, et voilà que je les perds. Cette soirée était un vieux rêve d’enfant, mais elle aurait dû se terminer par leur entrée triomphante, pas par l’annonce de leur mort.
Layne se mordit les lèvres, ne sachant que dire pour consoler le jeune homme.
- Quand j’ai perdu ma mère, je savais à peine marcher, raconta la jeune mage. Pourtant, pendant des années, je me suis réveillée en pleurs, parce que je la retrouvais en rêve, si douce et si belle. Mais le rêve n’était qu’un rêve, d’où ma terrible peine. Mon père venait me prendre dans ses bras, me bercer pour que je me rendorme, mais il n’était pas vraiment là. Lui aussi était obnubilé par le souvenir de ma mère, qu’il aimait à la folie. Il m’a toujours traité avec une distance inconsciente, car il n’y avait dans son coeur que peu de place pour une deuxième personne. ça n’a pas tous les jours été facile, tu sais. Mon père avait toujours un mot involontaire pour me rappeler que je n’avais pas de mère, mais il n’a jamais rien fait pour essayer d’endosser son rôle. Il m’a élevé comme une disciple, pas comme une enfant. J’ai fini par me réfugier dans les vieilles légendes, qui racontaient de terribles mais belles histoires. J’en rêvais...
Layne avait prononcé cette tirade en murmurant, mais Ries l’avait écouté avec attention, touché par cette confidence, se perdant dans son doux regard aux reflets émeraude. Il eut une violente envie de la rejoindre sur le tapis et la serrer dans ses bras, pour qu’elle oublie toute cette peine accumulée, mais la jeune femme secoua alors la tête, reprenant d’un ton plus enjoué.
- Mais bon, on finit par s’y habituer, tu verras. Et puis, on est là, avec Lilian.
- Des fois, je me dis qu’on pourrait arrêter de courir, fit Ries en plongeant son regard dans le feu. On pourrait rester avec Farj et Marit, loin de tout, hors de danger. On n’apprendrait jamais ce qui serait arrivé, et nous aurions une vie tranquille sans plus de morts pour rien.
- Je comprends ce que tu veux dire, acquiesça Layne. Je ne supporte pas l’idée de perdre l’un de vous, comme nous avons déjà perdu Pilgrain et Grolin. Mais tes parents avaient un rêve, Ries, et nous sommes peut-être en mesure de changer le cours de ce cycle infernal.
- Comment ?, fit Ries avec une rage contenue. Que pourrions nous donc faire de plus ?
- On doit prévenir l’Empereur, déjà. Lui sera peut-être quoi faire, et s’il y a bien un créateur à même de provoquer la seconde naissance de cet esprit, c’est lui. Il est le plus grand mage créateur qui ait jamais existé Ries eu un soupir.
- Une bien longue route...
- On est habitué, maintenant, sourit Layne. Mes fesses ne sont plus que viande séchée, à force de rester assise sur une selle. Bon, il est temps de se coucher, maintenant, initié. L’heure du couvre-feu est depuis longtemps dépassée.
Layne se releva d’un mouvement gracieux, et se retrouva debout face à Ries. Il leva les yeux vers elle, et crut alors qu’il allait enfin pouvoir lui avouer ce troublant sentiment qui lui brûlait le cœur. Mais ce fut une toute autre déclaration qui sortit de ses lèvres.
- Je pourrais les voir, ces cals ? Je suis sûr de pouvoir y remédier...
La jeune femme rougit violemment, et partit vers sa chambre sans un mot. Ries se précipita, cherchant une formule pour s’excuser, pour lui expliquer que ce n’était pas du tout ce qu’il voulait dire. Mais la porte de la chambre se referma sur son nez, et il se mit mentalement un grand coup de pied dans les fesses.
- Sangdieux, mais quel imbécile je fais ! C’était exactement le genre d’ânerie à ne pas sortir !
Le jeune mage se dirigea vers son lit en soupirant. Quand arriverait-il enfin à dire ce qu’il pensait sans que ça ne devienne une blague de mauvais goût ?
Ries se réveilla tard, et rentra en traînant les pieds dans une cuisine agréablement éclairée par un feu ronflant, dans laquelle montait l’odeur alléchante du pain frais. Marit était en train de montrer à Layne comment donner le biberon à un nourrisson, et Farj et Lilian étaient invisibles.
- Où sont les hommes ? demanda Ries en s’asseyant et en commençant à se tailler une tranche de pain croustillant.
- Ils inspectent les chevaux, lui répondit Marit. Je te laisse, tu te débrouilles parfaitement, ajouta-t-elle à l’attention de Layne. Il faut que je trouve de quoi nourrir ce trou sur patte.
Ries eut un grognement, mais se jeta avec un rictus affamé sur le pot de miel que sortit l’imposante femme. Il leva le regard vers la jeune femme, pour lui demander comment se déroulait son apprentissage du rôle de mère, mais resta bouche bée, oubliant de parler. La jeune femme était penchée sur l’enfant, un sourire attendri aux lèvres, et un éclat de soleil jouait dans ses cheveux d’or aux reflets changeants. Un véritable tableau de maître, songea le jeune mage avec un soupir. Il murmura quelques mots, et replongea ses yeux vers son bol fumant. Layne eut un petit cri de surprise, et tira de ses cheveux une longue fleur blanche épanouie.
- Marit, tu ne devrais pas me faire de telle surprises quand je tiens le bébé, fit-elle avec un large sourire.
La large femme la regarda avec un air interloqué, mais Lilian et Farj rentrèrent dans la pièce à ce moment, faisant diversion.
- De bien beaux chevaux, faisait le vieil homme en se frottant les mains.
- Les hommes des plaines en ont d’encore plus impressionnants, lui répondit l’elfe. Vous auriez dû voir celui que Ries a maté ! Une montagne de muscle plus haute que moi !
- Tu exagères, Lilian, fit le jeune mage avec un rire gêné. J’ai eu de la chance, c’est tout, expliqua-t-il à Farj, qui le regardait avec une mimique appréciative.
- En tout cas, les chevaux sont prêts à reprendre la route, soupira Lilian, les ramenant à de plus tristes considérations.
- Tu es sûre que ça ne vous gêne pas, demanda alors Layne à Marit.
- Mais pas du tout, mon petit ! ça nous fera un peu de vie dans cette vide maison, et cela faisait bien longtemps que je n’avais pas tenu de petit bout entre mes bras. Ca nous rajeunira, hein, Papi ?
- Mais oui, Mamie, acquiesça le vieil homme. Ne t’inquiètes pas, Layne, nous en prendrons soin. Il aura une vie tranquille et enrichissante. Et si un jour l’envie de retrouver ceux qui lui ont sauvé la vie le prend, nous lui expliquerons qu’il n’a qu’à chercher les plus aventuriers des mages et historiens de Cytadine !
La jeune femme eut un sourire triste.
- Il est dommage que nous ayons à repartir si vite. Je commençais à m’attacher à ce bébé.
Ries jeta alors un regard désespéré vers tous les pots de confitures posés en rang sur la table, et qu’il n’avait pas encore eu l’occasion de goûter.
- Pouquwoi, on pawr quand ?, demanda-t-il, la bouche pleine et du lait lui coulant sur le menton.
- Dès que tu as fini de te goinfrer, fit Layne avec un rire moqueur, qui fit espérer à Ries qu’elle ne lui en voulait pas trop pour sa remarque grivoise de la veille.
Ils firent un dernier signe d’adieu à l’adorable couple qui les avaient accueilli, et au bébé perdu dans ses couvertures. Malgré le soleil montant , le fond de l’air était frais, et Ries ne regretta pas les rustiques mais épaisses tenues de cuir que leur avait confectionné Farj. Celui-ci avait tenu à leur donner quelque chose, en échange du cheval de Grolin qu’ils avaient décidé de laisser au couple. La petite ferme disparut bientôt entre les arbres, et ils commencèrent une lente descente vers la vallée des Nobles, à travers d’épaisses forêts. Ils parvinrent en fin de journée dans une petite clairière traversé d’un cours d’eau chantant, et décidèrent qu’il était temps de s’arrêter. Ils étaient revenus à une altitude plus habituelle, et le printemps avait fait sa réapparition. Ries coupa rapidement quelques branches sèches sur un arbre au sol, s’excusant à mi-voix auprès de son arme, qui laissait échapper un chant vexé, de lui faire subir un traitement indigne de son rang.
Une bonne flambée s’éleva bientôt, et Lilian sortit des paquetages un lapin préparé par Marit. Ries le regarda griller en soupirant, pensant aux carottes qui seraient dans peu de temps leur lot quotidien. Un silence pensif s’était instauré entre les amis toute la journée, car l’avenir était des plus incertains. Ils avaient peur de rencontrer un obstacle qui serait cette fois vraiment insurmontable, et surtout, de retrouver les Terres d’Alliance détruites par la guerre. Ries avait confiance en l’armée alliée, et en ces mages puissants qui vivaient au sein de l’alliance. On parlait du pouvoir de Nathaniel, mais toutes les guildes étaient fières de leurs grands maîtres. Le père de Layne à lui tout seul pouvait faire un massacre dans les rangs Gobs. Il n’avait dû faire qu’une bouchée du Thanatos qui les avait forcé à fuir, quelques lunes auparavant.
Mais les esprits majeurs étaient intelligents et rusés, et sans aucun scrupule. Ils faisaient régner leur loi sur le monde depuis des milliers d’année, et Ries craignait un coup en traître, qui ferait pencher la balance du côté des Gobs et de la fin de la civilisation. De toute façon, ils ne pouvaient que rentrer au plus vite prévenir l’empereur, et espérer que celui-ci, mis au courant de la vraie nature de ses ennemis, pourrait réagir de manière efficace. Le jeune mage rageait de ne pouvoir faire plus, mais était douloureusement conscient de ses limites.
Layne interrompit le cours de ses pensées, tirant le lapin du feu. - A table, fit-elle d’un ton enjoué, et ils furent bientôt tous en train de rogner sans honte les os du délicieux animal.
Une fois leur repas fini, il demanda à la jeune femme de l’aide pour monter les sentinelles magiques qu’il avait imaginé au cours de la journée. Ils se mirent au travail avec concentration, et Layne et Lilian ne purent s’empêcher de rire quand le jeune mage leur fit une démonstration. Les guetteurs magiques poussaient le bien connu rugissement de Maître Bert dès qu’un être pensant s’approchait de leurs champs d’action, assurant aux voyageurs un sommeil tranquille. Ries espérait que ce n’était qu’un réflexe paranoïaque, et que les esprits majeurs avaient bien autre chose à faire que de leur donner la course. Car sinon, ce ne serait pas quelques amusements magiques qui allaient les arrêter.
Le lendemain, ils pénétrèrent dans la vallée Noble, et dans ses champs abandonnés depuis des lustres. Ils parvinrent en vue du village où ils avaient passé quelques nuits, et Ries tint à s’y arrêter, dans l’espoir que l’oracle serait encore là. Ses amis ne firent pas de commentaires, se souvenant des commentaires de Farj. Mais quand ils arrivèrent devant le village, les portes de bois étaient fermées, et pas un habitant ne vint leur ouvrir, malgré leurs cris.
Le jeune mage murmura une influence, et les portes s’entrebâillèrent suffisamment pour qu’ils puissent passer. Le village était désert, même si du linge séchait devant certaines maisons. Ils se regardèrent, désabusés, et Ries secoua la tête.
- Partons d’ici, fit-il d’une voix sombre. Il n’y a rien ici pour nous. Ils laissèrent donc le village mourant, et se dirigèrent d’un trot résolu vers les pentes à l’Est de la vallée. Le vent caressa la joue du jeune humain, et Ries eut un murmure imperceptible.
- Adieu, Maman. Passe le bonjour à Papa.
Ils atteignirent bientôt le fait de la crête, et se retournèrent une dernière fois vers la magnifique illusion qui protégeait son peuple. Jalaad la resplendissante étincelait de tous ses murs, et le mage blanc soupira avant de lancer son cheval vers l’Est.
- A partir de maintenant, je suis un pur Cytadin, fit-il d’une voix forte. Allons sauver ma patrie, au lieu de contempler les cendres d’une ancienne gloire.
Lilian et Layne le suivirent, un pauvre sourire aux lèvres. Ils savaient que Ries avait perdu bien des rêves ces derniers jours, et que cette bravade cachait une grande peine. Ils en étaient tristes pour leur ami, mais celui-ci avait raison. Il était temps de rentrer chez eux.