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Voici le rapport d’action sur la zone 45.730.10. Il n’est que partiel, car le document est vieux et nous ne disposons pas du matériel adapté pour le lire. Ce qui suit est le fruit d’un travail de longue haleine des archivistes, qui ont ordonné et mis en page le rapport.

Kalth

 

Lorsqu’elle déboucha en salle de briefing, Elly était passablement contrariée. Ce qu’elle pouvait haïr ces haut-parleurs d’alerte criards et ces gyrophares rouges qui agressaient les yeux ! Un jour elle en fracasserait quelques-uns uns à coups de casques et cela lui ferait beaucoup de bien.

Elle glissa souplement son mètre soixante sur le siège qui lui était dévolu, alluma son pod de cartographie et attendit que l’officier commence. La plupart des membres de son escadron étaient déjà là, en tenue de vol plus ou moins ajustée. A sa droite, Jones, son navigateur, tentait désespérément d’ajuster son oreillette. Les yeux hagards, le visage creux dont la moitié seulement était rasé, des restes de mousse sous le menton, lui aussi avait été surpris au réveil.

Au moins cela éviterait à Elly durant quelques précieuses minutes d’entendre ses atterrantes blagues vaseuses de macho dépassé.

Comme beaucoup d’autre, Jones n’était pas insensible à la présence du lieutenant Elly McYvicht, mais n’aurait su le montrer plus maladroitement. Il faut dire que malgré sa petite taille, Elly était une femme superbe. Une chevelure courte mais soignée, des yeux verts en amandes qui vous figent, des courbes délicieuses à peine dissimulées sous les uniformes réglementaires, et surtout cette beauté rebelle...

 

Lorindil

 

Deux soldats passablement aigris sortirent du caisson de repos Xt-9856, leur uniforme de bord tout juste enfilé. Autour d’eux, d’autres soldats se ruaient vers l’armurerie, couraient en direction de la salle technique, ou se précipitaient une dernière fois aux toilettes : une fois dans l’armure de bio-composite, il ne leur serait plus possible de se soulager...

Les sirènes d’alerte raisonnaient à tue-tête, et leurs gyrophares rouges éblouissaient par moment les hommes hagards.

"Et merde, on va encore puer le fennec et bouffer des gélules nutritives à chaque repas pendant 3 mois...", râla le premier guerrier, un grand garçon un peu frêle au crâne rasé. Son long visage aux yeux noirs et aux oreilles légèrement en pointe lui donnait un air de vieux coureur des bois de Xanthla IV... Tout en déambulant dans les couloirs, ses plaques de platinium d’identification à microprocesseur s’agitaient contre sa poitrine, s’accrochant à ses galons de sergent*.

"Faut mieux se hâter, on est une fois de plus la dernière section à se pointer au rassemblement, sergent !", lui hurla une fille un peu petite, tout en muscles, en treillis noir rayé kaki, et portant constamment sur elle son casque noir de combat. Une tête brûlée, comme on en fait plus. Le genre de fille qui tirerait au Gartdel lourd sur son fiancé avant de le demander en mariage, tout en hurlant : "Tu vas répondre oui, raclure d’amour ?" Mais rien à faire, il l’aimait bien, sa petite caporal Shanny O’Yarell, même si parfois ses tâches de rousseur et sa longue mèche rousse tressée se faisaient un peu trop familières à son goût !

Une fois arrivés dans l’armurerie, les deux guerriers s’enfilèrent dans leurs armures lourdes : une structure peu gracieuse, mélange de plaques articulées noir kaki surmontées d’un casque d’astronaute au verre teinté. L’armure ne les quitterait pas durant un moment. A l’arrière, un caisson bio-informatisé de 15cm d’épaisseur formant une coque derrière le dos s’occuperait de leur corps : prise de gélules nutritives, auto-greffe de tissus endommagés, tranquillisants, adrénaline en injection sous-cutanée, antibios... Un vrai petit labo médical. Ajoutez à cela une balise Argos et un lecteur de musique/DVD (histoire d’occuper le soldat en cas de repos... ou pourquoi pas de combattre en rythme !), des munitions et vous obtenez le kit du parfait petit guerrier le plus high-tech jamais conçu.

Le sergent Woodkeeper (puisque tel était son nom...) saisit son fusil Delbrow d’assaut, une arme de 0.8 mètres de long, armée de cartouches explosives à champ répulsif, capables d’exploser n’importe quel adversaire, même entouré d’un champ de défense. Enfin, encore fallait-il bien viser la pile d’énergie de l’armure ennemie... Woodkeeper prit soin de vérifier son arme. Le Delbrow permettait avec son triple magasin de munitions et sa lunette à visée laser trois types de tirs : mitrailleur, sniper et fusil laser (le dernier magasin contenait 5 piles d’arganium 7000.F prévues pour cet effet). Une belle arme, comme on en fait plus. Shanny O’Yarell saisit son Gartdel lourd, une arme massive (1m45 de long pour 70 de large, 60 kg...) à double magasin (un stock de cartouches de plasma, un autre de cartouches explosives à champ répulsif, le genre de truc pulvérisant un gars en mille morceaux épars...). Elle ronronna de plaisir en vérifiant que tous les bios de son arme de destruction étaient OK, magasins remplis.

"Hey sergent, cette fois-ci le Leader* s’ra bien obligé de m’la donner, cette médaille du tireur le plus redoutable !", lui lança-t-elle, toute joyeuse, avant de saisir l’épée fine de titanium énergétisée, seconde arme obligatoire pour la troupe.

"Ouais, ben tâche de pas confondre ennemi et officier de la troupe cette fois-ci !", lui répondit le sergent, tout en se munissant de son pistolet laser.

"C’est pas d’ma faute si c’crétin d’major* Eldman se trouvait devant, sa radio coupée !", se justifia-t-elle, alors qu’ils quittaient l’armurerie.

"Peut-être..." Woodkeeper prit soin au passage de vérifier que son casque de terrain possédait bien une radio correcte. "Une chance qu’il devait se faire exécuter pour rébellion ouverte. Sinon, t’aurais été dans de salles draps !"

"Ouais ! J’fais vraiment tout ici ! Même la justice !", lança-t-elle tout en vérifiant l’attache de son casque de cosmonaute.

Les deux soldats déboulèrent sur la salle d’embarquement, où les hommes, rangés sur leurs emplacements de section, en tenue de combat spatio-transportés, s’apprêtaient à écouter leur nouveau major, le redoutable vétéran Bloodberry...


* Sergent : dans cette armée spatio-transportée, au doux nom encore inconnu, le sergent est un grade fort sympathique, puisqu’en plus de donner le commandement d’une section de 9 hommes soit-même compris, il dispense des corvées de chiottes et de conditionnement de patates au lard en gélules. Seul inconvénient, les lieutenants de n’importe quelle armée peuvent à tout moment de la bataille se faire un plaisir de vous rappeler que vous n’êtes qu’un sous-officier, et que c’est pas pasque le Leader de Combat est mort qu’il faut espérer prendre sa place, troufion !

* Leader de Combat : chef de formations d’assaut / défense / surveillance / apparat. Commande en moyenne 10 à 15 sections. Soit 10 à 15 sergents à ses ordres. Il peut disposer de sections d’infanterie (33% min), de sections d’artillerie (20 % min), de sections de véhicules blindés et de transporteurs armés (37 % max.). En cas de présence d’un lieutenant, le Leader s’empresse de lui rappeler que son grade est peut-être inférieur, mais qu’il connaît son boulot, et qu’il se fera pas mener par un blanc-bec, merde !

* Major : chef de bataillons, soit 10 formations d’assaut / défense / surveillance / apparat. Grade le plus élevé sur le terrain. Il n’est discerné qu’aux vétérans et aux premiers de promo de l’école militaire (pour les bataillons d’apparat défilant sur Yrkoon IV surtout... Les fameux réservistes ou planqués.) Il a un grade supérieur aux lieutenants, et aime à le leur rappeler plus ou moins délicatement.

 

Kalth

 

Enfin l’officier de briefing fit pivoter son pod et une carte tactique environnementale apparue au centre de la pièce. Simultanément, chacun recevait les informations propres à sa fonction qui lui seraient bientôt utile : forces d’attraction et courant spatiaux pour les pilotes, forces alliées déployées sur zones et codes de missions pour les liaisons, conditions de vide pour les servants, etc.

Jones, qui avait enfin réussi à mettre son oreillette, ne pût réprimer un tic nerveux en les découvrant. En gradé bien formé, et surtout en femme éprouvée, Elly ne laissa pas au contraire transparaître le moindre sentiment, bien que ce qui se présentait n’avait rien de réjouissant. Elle due remettre son examen à plus tard, le vieux grincheux donnait de la voix :

"Comme vous le voyez, c’est en zone 45.730.10 que nous avons détecté un écho fugitif. Il est de puissance variable et ne semble pas doué de contre-mesure. Impossible d’en déterminer la nature pour l’instant, il est donc jusqu’a nouvel ordre considéré comme hostile..."

Jusque là, aucune révélation.

"Pour aller à l’essentiel, nous sommes chargés de reconnaître cte putain d’écho, si possible avant que ces allumés de la troupe ne l’atomisent et s’en ventent une main sur une bière et l’autre sur les burnes."

Bof. Jones n’était même pas déçu. La routine quoi. Et aujourd’hui, cela lui convenait très bien. Si seulement ces maudits cerveaux de l’état major étaient un peu moins paranos et les destinaient à un vrai boulot ! Il se demandait tout de même quel genre de rencontre ils allaient faire cette fois : une poubelle géante, l’un de ces containers de milliers de tonnes qui dérivaient paisiblement depuis des centaines d’années, une carcasse, un astéroïde...

 

Lorindil

 

"Arrd’ à vous ! REPOS ! Les gars, va falloir jouer serrer cette fois-ci.", commença le major Bloodberry. "Autant vous le dire tout de suite, les gars d’la flotte* s’en foutent pas mal d’nous autres ! Alors va falloir leur en montrer de quoi sont capables les Cohortes Spatiales* ! Tâchez donc d’faire mieux qu’la dernière fois, et montrer qu’vous êtes fiers d’être humains, les gars !"

Le sergent Woodkeeper ne put s’empêcher d’esquisser un sourire ironique à l’évocation de la dernière intervention de la cinquième Cohorte : un fiasco total. Toute une cohorte mise en déroute suite à une grossière erreur tactique. Leur bataillon s’était particulièrement illustré par la rébellion de son ancien major, Eldman, un traître à la cause des Grabsushs*. Si Shanny ne l’avait pas confondu avec une de ces petites créatures reptiliennes, ils moisiraient tous dans un cachot putride à l’heure actuelle... Tu parles qu’on pouvait faire mieux ! En commençant par changer tout l’état-major, tiens...

"Autant vous dire qu’après un coup comme ça, les crédits nous ont vite été sucrés. Alors si l’on veut se doter d’un putain d’armement de pointe, va falloir faire mieux que ça, les gars !"

Et voilà. On leur avait encore collé un de ces fanas de gadgets high-tech... Woodkeeper soupira. En gros, on allait se foutre dedans pour faire de la lèche aux bureaucrates... Enfin, du moment que ça pouvait rabaisser leur clapet à ceux de la flotte...

"L’objectif ? Une putain de zone pourrie, comme on en fait plus. Là-bas, un cadeau du ciel : un vulgaire bidule, paumé en plein désert, à peu près ici !" Sur l’écran sensitif matérialisé derrière le major, un point rouge clignotait sur la mappemonde rouge vif. Zone 45.730.10. Bloodberry pointa son doigt à un bon mètre à gauche de l’objectif, effectivement en plein désert, mais facilement décalé de 1000 km de la cible. "Ça va être du gâteau, les gars !"

"Tu parles ! On est pas sortis de l’auberge", songea à voix basse Woodkeeper.

"D’ici 15 minutes, tout l’monde devra avoir embarqué ! Les blindés et l’artillerie sont déjà emballés, manque plus qu’vous à la fête ! Alors capturez-moi cet objectif, et plantez-y l’drapeau d’ la 5ème ! Bonne merde, soldats !"

"BONNE MERDE, SIR ! * "

Le briefing était achevé. Les sections rompirent les rangs. Deux lieutenants de la flotte s’approchèrent de Woodkeeper, visiblement peu ravi.

"Sergent Woodkeeper ; section IX, Formation Alpha, 5ème Cohorte ?", saluèrent les huiles.

"Ouais ?"

"Ordre de l’état-major, sergent. La civil-reporter Fran Gipane vous accompagnera sur le terrain. Objectif : couvrir l’offensive sur la zone 45.730.10." Les deux officiers se retournèrent, dévoilant derrière eux un bien singulier soldat. Avant même qu’il ait eu le temps de protester, ils retournèrent en direction du pont.

"Ravie de faire votre connaissance, heu ... Sergent Woodkerry ?" La jeune femme, nageant visiblement dans sa combinaison de combat, lui tendit sa main gantée. Sur son casque, des senseurs audio-vidéo et un autocollant "PRESSE" sur sa poitrine remplaçaient toute autre arme.

"Woodkeeper... Que les choses soient claires, Fran. Dans ma section, y’a que deux règles : 1, c’est moi qui commande ; 2, on discute pas le premier point. OK ?"

"Vous pourriez me la refaire sergent ? Je crois que le micro n’était pas allumé...", s’excusa la reporter, toute penaude.

"Eh ben, ça promet... ", pensa Woodkeeper.


* Flotte : terme désuet pour désigner le corps d’arme de l’aérospatiale en générale, et plus vaguement tout vaisseau spatial armé ou de combat en vol atmosphérique. Proviendrait d’une vieille tradition millénaire de l’infanterie.

* Cohorte spatiale : appellation officielle de l’infanterie de choc...

* Grabsushs : race mineure vivant sur Grabshu, leur planète, près d’Alderaban. Technologie comparable à l’âge de la fusion nucléaire. Conflit fréquent avec les Cohortes Spatiales, pour les ressources en minerais rarissimes des planètes telluriques de leur système.

* Bonne merde ! : expression tirée de la Guerre éternelle d’Haldeman !

 

Elfiriond

 

"...Cistaim fè lure...Cistaim fè lure...Cistaim fè lure"

Les trois bassins crios étaient décongelés depuis 5 minutes quand les occupants commencèrent à s’éveiller. L’alarme du vaisseau privé "Cistaim" résonnait aux oreilles de Gammorin Jenkin, pilote du vaisseau "à louer".

"Technologie irréprochable !? Technologie irréprochable disait votre pub monsieur Jenkin !", hurlait le passager mâle, monsieur Cargan.

"Un fè lure ??? Mais c’est impossible ! Pas en voyage crioconservatif ! Les systèmes de maintenance Gicrosoft sont les meilleurs de la galaxie Galahaïm !"

Se jetant sur le poste de pilotage, Gammorin se mit à rechercher l’origine de la panne, pianotant sur les touches multicolores de l’interface tactile. Les données s’affichaient à toute allure.

"Tout est en ordre ! Pourquoi le moteur est-il à l’arrêt ?!" "Cette jauge rouge, c’est normal ?", questionna monsieur Cargan dont la femme finissait de s’éveiller, "Je vous rappelle que nous avons un rendez-vous d’affaire de la plus haute importance sur Gigma-13 !" "Laissez moi faire mon..."

La jauge, elle était dans le rouge en effet... Gammorin se prit la tête à deux mains... Il avait oublié de faire le plein sur Tarulon ! Quelle honte !

"Je ne trouve pas l’origine de la panne, mais ce qui est sûr, c’est qu’avec un "fè lure", nous n’irons pas plus loin..." "Par les dents d’un lior*, qu’allons nous devenir ?" "Calme-toi Rachel ! Tu ne vas pas régler les problèmes en hurlant !" s’exclama le mari à bout de nerfs.

Gammorin consultait d’autres fichiers, des cartes de l’univers se réduisaient petit à petit, se rapprochant de galaxies, puis de systèmes, pour enfin se fixer sur une planète de couleur rouge. Le grossissement continuait... Un point s’afficha finalement.

"45.730.10, c’est là que nous allons ! Entrez dans la capsule je vous prie !" fit Gammorin saisissant son fusil Gauss*.


* Lior : bête gigantesque des déserts d’Ipo, ressemble à un félin de 50 mètres de haut, à ceci près qu’il respire uniquement le gaz néon (présent abondamment dans l’atmosphère d’Ipo) et que le poids de ces deux canines supérieures représente le tiers de la masse totale de l’animal.

* Gauss : type de munitions sans douille. Calibre 2mm, projeté à une vitesse de 100 fois celle du son grâce à des champs magnétiques placés sur le canon. Facteur de pénétration gigantesque et précision redoutable. Le prix des munitions pousse l’utilisateur à tirer pour tuer...

 

Lorindil

 

Les corvettes de transport attendaient patiemment leurs passagers humains sur le pont d’embarquement 35B. Dans un affairement général, les sections se dirigeaient vers leurs transports respectifs. Les consignes d’embarquement leur avaient été directement transmises via les radios de leurs casques, évitant ainsi aux leaders et sergents de s’égosiller par-dessus les sirènes du sas ...

Woodkeeper embarqua dans la corvette IX, un vieux caisson de débarquement en forme de coléoptère métallique. Ses hommes embarquaient par la passerelle arrière, sous les réacteurs et la tourelle du canon automatique. A l’intérieur, un couloir étroit. Contre les parois, les sièges de transport, sortes de grosses pinces à sucre permettant de bloquer le corps du soldat pendant tout le voyage. Au fond du couloir, des caissons de munition et d’équipement. Le minuscule sas de pilotage robotisé suivait ensuite, petite alcôve dépassant du vaisseau. Les deux mitrailleurs Delbrow qui en dépassaient lui donnaient vraiment la forme d’une tête d’insecte.

Shanny O’Yarell s’y tenait déjà, avec les 7 autres soldats sous ses ordres. Les pinces des sièges ne s’étaient pas encore refermées sur leurs occupants.

"Salut au Sergent !", gueula-t-elle à l’attention de ses subalternes. Les soldats plaquèrent leur fusil Delbrow contre le torse, dans un bruit de bottines tambourinantes.

"Bon, mettez-vous là et fermez-là. Compris ?", ordonna-t-il à Fran Gipane tout en lui désignant le siège vide du fond (ça tombe bien, hein ? 10 sièges par transporteur, alors qu’une section compte 9 hommes !).

"Soldats, vous ne me connaissez pas encore. Je suis le sergent Woodkeeper, chef de la section IX. Vous ne recevrez d’ordres que de moi, et de la caporale Shanny O’Yarell. Surtout pas de notre amie journaliste ici présente...", se présenta-il.

"Sergent, vous pouvez préciser ’la reporter Fran Gipane de Z-Space News’ quand je vous filme, s’il vous plaît ?", l’interrompit l’intéressée.

Woodkeeper ne répondit pas. Puis, se tournant vers les soldats :

"Vous venez remplacer l’effectif de l’unité, particulièrement réduite suite à notre dernière ballade sur le terrain. Hem... J’espère que vous tiendrez plus longtemps. Autant vous le dire tout de suite, je déteste me lier d’amitié" O’ Yarell esquissa un sourire. Pour ce qui la concernait, c’tait plutôt raté ! "Alors j’m’en fous pas mal de vos p’tits noms. Vous avez des numéros tactiques, gardez-les en tête. Bon, l’appel maintenant.", soupira-t-il. Encore 10 minutes à tuer avant le départ. Bon dieu que c’était long !

"N° 3 à 8 : Fantassins tactiques* ? Ok c bon."

"N°9 : Fantassin Lance-Grenades à Fusion ? Ok ça roule. Fais gaffe au cran de sécurité de ta pétoire, petit."

"Et N°10 : Fran Gipane, reporter de choc pour Z-Space News, en direct du croiseur tactique Endirboug de la Flotte pour une mission extra-ordinaire, chers senso-spectateurs ! Dans quelques instants notre corvette de transport va décoller, direction une planète inconnue, vers un objectif sensationnel ! Restez à l’écoute on se retrouve juste après une page de pub !", continua la journaliste pour les caméras de son casque.

La trappe se referma. Woodkeeper prit place à côté de Shanny. Les pinces se refermèrent sur les passagers, et dans un bruissement de turbine, l’insecte de métal décolla.

Un écran se matérialisa dans le couloir central. Devant eux, une carte de la zone d’atterrissage. 100 km ouest de l’objectif. 10 sections engagées. 2 sections de blindés. Corvettes de matériel déjà en descente dans l’ionosphère de la planète.

Une image vidéo apparut à l’arrière plan. L’image d’un continent gigantesque vu depuis l’espace y figurait, zoomant sans cesse sur une portion à la périphérie d’un grand désert.

"Atterrissage moins 20 minutes. Attention aux secousses lors de la traversée de l’atmosphère...", cracha une voix cybernétique.

"Et c’est parti ! On va tous les crever !!!", hurla O’ Yarell.


* Fantassins tactiques : comprenez troufion de base, standard, avec fusil Delbrow et épée de titanium.

 

Elfiriond

 

Les trois passagers étaient maintenant attachés aux sièges de la capsule d’évacuation. Le sas était fermé, les jauges de contrôle de la capsule toutes dans le vert (même celle de carburant). Gammorin délocka la mise à feu et pressa le bouton rouge. Le désarrimage ne se fit pas dans la plus grande douceur, ni l’allumage du réacteur et les passagers furent fortement malmenés par les vibrations.

Bientôt, tout devint stable, la capsule suivait sa trajectoire à vitesse constante, abandonnant le Cistaim, dérivant à présent dans l’espace, nouvelle épave céleste dans l’immensité galactique... Gammorin le regardait s’éloigner. Il en avait passé du temps dans son vaisseau. 36 bio-années terrestres, mais facilement 400 en sommeil crio dans le bassin n°1, toujours. Il en avait convoyé des êtres riches, de toutes les races. Le Cistaim était un vaisseau de luxe, Gammorin louait ses services là où son dernier voyage l’avait amené... Jamais la moindre défaillance, en plusieurs centaines d’années, et Gammorin avait trouvé le moyen de perdre sa seule richesse en oubliant de faire le plein ! Faire le plein ! Par la fenêtre rectangulaire aménagée à l’arrière de la capsule, le vaisseau ne ressemblait déjà plus qu’à un grain de sable parmi les étoiles.

"Qu’allons nous faire sur cette planète monsieur Jenkin !?" Le passager mâle était furieux. Monsieur Cargan était un humain bien blanc, aucune radiation, semble-t-il ne l’avait atteint durant sa vie. Sa femme était aussi humaine, mais elle devait avoir un lointain ancêtre béblon*, car avait les mains légèrement palmées et un visage assez inhabituel mais d’une grande beauté, avec des yeux d’un bleu très clair. Les deux hommes avaient l’air de paléo-naufragés, car les bassins crio du Cistaim n’arrétaient pas le dévelopement capillaire. Gammorin donnait au couple environ le même bio-age que lui-même. Rachel Cargan était peut être plus jeune...

"Qu’allons nous faire là bas ? Vous pouvez me le dire ?"

"Et bien, attendre les secours ! Un S.O.S. est émis par cette capsule une fois qu’elle est au sol."

"Un S.O.S. ? Mais qui l’entendra ? Et qui viendra nous chercher assez vite, au milieu de nul part ?"

"Calmez vous monsieur ! Le Cistaim est un vaisseau luxueux. Dans cette capsule, quatre humains peuvent survivre pendant un mois sur une planète hostile de catégorie 3*. Cela laisse le temps à n’importe quel vaisseau de passage de venir nous récupérer. S’ils reçoivent notre signal de détresse, ils sont légalement obligés de venir nous sauver."

"Légalement !? Qui respecte la loi dans l’espace ? La flicaille stellaire est plus corrompue que les pirates eux même ! Et je suis bien placé pour le savoir... Et puis c’est quoi ’une planète hostile de catégorie 3’ ?"

"C’est la pire des catégories pour une planète tellurique, ce qui est le cas de celle vers laquelle nous nous dirigeons actuellement, mais elle n’est peut être pas de catégorie 3... Il y a des combinaisons pressurisées, nous pourrons explorer les alentours... Mais il semble que notre destination se trouve au milieu d’un désert de roche."

Le passager était plein de colère que les lanières de sécurité contenaient à peine. Sa femme était blanche de peur, elle regardait par la fenêtre à l’avant. La planète s’approchait lentement, mais sûrement.

"Moi aussi je suis furieux monsieur, de cet accident ! Je vous signale que ce zinc était mon seul moyen de subsistance, mais je vous prie gardez votre calme... Nous devrons faire face à toutes les éventualités une fois arrivés. Etes vous armé ?"

Monsieur Cargan avait repris son calme. Les lanières étaient rentrées dans les parois, il n’y avait plus de danger. L’homme pour qui sa barbe et sa chevelure semblait un fardeau, se saisit d’une mallette qu’il avait pris en quittant le Cistaim.

"Je n’ai que ça... L’objet de mon rendez-vous sur Gigma-13 : une collection de paléo-arme, des 9 millimètres, tous en état de marche, avec des munitions. Berreta, Smith&Wesson, Colt... Des bijoux !"

"Hum, on ira pas loin avec vos jouets !"

"Des jouets ? Chacun d’eux vaut dix fois le prix de votre maudit vaisseau !"

"Vous n’aviez qu’a avoir votre propre vaisseau !!!"

Les deux humains étaient prêts à en venir aux mains, les visages empourprés, stimulés par la présence d’une belle jeune femme, après des mois de conservation crio...

"Entrée dans l’atmosphère dans une heure."

Cette voie synthétique les ramena à la réalité.

"Qui sait ce qui nous attend à 45.730.10 ? Nous devrions tous garder la tête froide si nous voulons nous en sortir."

"Il a raison Volka*, il a raison", dit madame Cargan.


* Bélbon : espèce aquatique intelligente qui vivait en harmonie avec la mer sur la planète Aguarioume, race aujourd’hui en grand danger à cause de l’implantation d’une colonie multiculturelle sur le continent d’Aguarioum, provoquant une terrible pollution maritime.

* Planète hostile de catégorie 3 : planète tellurique à atmosphère irrespirable, présentant une absence totale d’eau et de nourriture. Des vent jusqu’à 400Km/H et des températures s’éloignant à 1000°C de 0. Ce système de classement des planètes et celui de la galaxie Galahaïm, il en existe des milliers d’autres.

* Volka : prénom d’origine confuse...

 

Kalth

 

Il avait fallu moins d’une dizaine de minutes aux équipages pour rejoindre leurs appareils. Et à peine quelques-unes de plus à Elly pour sentir son calme s’envoler en fumée. Il lui avait suffi de voir décoller l’escadre de chasse devant elle pour que l’amertume lui serre la gorge. Tandis que les "collègues" s’en donneraient à cœur joie dans les vaisseaux les plus agiles de la flotte, elle se bornerait à jouer les gardes-chiourmes et les convoyeurs pour une bande de décérébrés dont les deux principaux mots de vocabulaire étaient pisse et baston ! Et tout ça parce qu’elle avait eut le malheur de s’emporter sur cet abruti de gradé. Et l’administration ne rigolait pas avec l’insubordination... Cette mise à pied n’était pas définitive, mais commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs !

Elle s’installa rageusement à sa place, alluma avec tout autant de douceur les dizaines d’interrupteurs qui lui faisaient face et poussa un long soupir. Jones entamait la check-list, tandis que leur second responsable des systèmes s’affairait.

"Champ magnétique ?"

"Enclenché"

"Circuits environnementaux ?"

"Sur on"

"Préchauffage propulsion ?"

"à 20%"

"Circuits internes ?"

"Sur on"

"Natops inertie ?"

"Fonctionnel"

"Propulsion ?"

"à 68%"

Puis ce fut à Elly d’intervenir :

"Clapet à bouffons ?"

Lidnirol, le 3ème homme, se fendit d’un large sourire en annonçant :

"Intrasons sur off."

Le Wersus TLZ qui abritait notre attachant équipage faisait partie de cette série de vaisseaux multi-rôles qui étaient à la mode à l’état major quelques années auparavant. Il excellait dans les missions d’assaut toutes conditions, mais pouvait également avec un matériel adapté être utilisé dans les guerres de systèmes (communications, désinformation, transmission), faire de la reco, ou comme aujourd’hui du transport. Les barges de transports semi-automatiques dans lesquelles s’entassaient les unités de la troupe lui étaient virtuellement attachées. Cela était géré par un complexe système de navigation, où étaient prévues les manœuvres évasives en cas d’interceptions ainsi que toute sorte de situations qu’ils pouvaient rencontrer. Si on l’apercevait de l’espace, ce convoi faisait immédiatement penser à la mère cane suivie de ces canetons... D’où le surnom donné au vaisseau dans ces missions : "La Cane" (qui n’a rien à voir avec celle de Jane). Quant au circuit intrason, il permettait de communiquer directement avec les barges. Le couper n’avait rien de réglementaire, mais c’était tellement reposant...

"Propulsion à 96% de préchauffage."

Jones profita de cette phrase pour se laisser envelopper par son biosiege qui le protégerait des accélérations brutales. Ce fut une voix féminine qui pris le relais

"De Wersus Tango Lima Zoulou, désarrimage du pod Delta 89-2, sortie zone amirale estimée 3 minutes."

"De central, vous êtes clear. Bon vol !"

"Allez vous faire foutre !"

Et en plus ils s’offraient le luxe de se payer sa tête ! Un jour, elle ajouterait les types de la vigie à ses haut-parleurs pour la liste des choses à fracasser avant d’aller dormir.

Mannettes au tableau* ! Histoire de voir ce que le coucou avait encore dans le bide. Et puis cela secouerait correctement les bouseux dans les bétaillères derrière !

Patience, à peine une demi-heure de vol...


* Manette au tableau : cette expression date des chasseurs à post combustion du 20ème siècle, où pour augmenter la poussé, le pilote poussait devant lui la manette des gaz, en direction du tableau de bord.

 

Gulzan

 

Solo étouffa un bâillement tandis que le radar continuait sa ronde silencieuse. Il se gratta les cheveux, arrachant les derniers champignons qui s’étaient développés dans son cuir cheveu depuis les quatre dernières semaines passées sur sa couchette, relié au frigo par les fils d’intraveineuse qui lui injectaient en permanence de l’ouski et de la soupe au pois. Pendant quelques secondes, il se demanda pourquoi il s’était levé, puis se rappela que ledit réfrigérateur était vide et que de lui dépendait sa survie.

"Bizarre, pourtant je devrais être arrivé depuis longtemps."

En effet, Death-Star, sa destination, n’était qu’à deux semaines de voyage sous propulsion HawKing*. Le manque de nutriments avait évité au convoyeur de se retrouver à plusieurs années-lumière de sa destination. Solo se remercia de s’être retenu d’avoir rempli les cuves de ouski et de soupe à ras bord avant de partir.

"Au moins, la cargaison n’est pas périssable. C’est déjà ça de gagné."

Il aurait été pour le moins étrange, il est vrai, que les millions de couches Pampers* qui étaient empaquetées dans la soute du vaisseau de spin* soient pourries suite à une erreur informatique. Car, Solo n’en doutait pas, la cause de ce retard était attribuable au système informatique. Ce système, que son beau-frère avait lui-même construit, et qui avait vécu tant d’aventures... Solo se reprit. Il ne devait pas laisser ses souvenirs reprendre le contrôle de ses pensées. D’un geste négligeant, il se saisit de son BR* préféré et le glissa dans le lecteur de la chaîne stéréo qui trônait dans un coin du poste de pilotage. Aussitôt, les enceintes rugirent et le pilote se mit à battre la mesure d’un pied. Il tapait sur son clavier, levant à peine les yeux de l’écran. Finalement, alors que commençait la deuxième piste, Solo localisa la source du problème. "Défaillance du pilote automatique", lut Solo dans la petite grise qui indiquait une défaillance de Gicrosoft.

"Merde ! On ne peut vraiment pas faire confiance à ces putain de machines".

Il faut dire que la version Milliardaire du programme le plus cher de la galaxie que lui avait fournit son beauf n’était certainement pas la plus fiable. Durant plusieurs minutes, Solo s’évertua à essayer de réparer les dégâts. Il essaya les anti-virus les plus courants, mais rien à faire. Il devait avoir chopé un virus lors de sa dernière visite non-officielle dans la mégasphère. Finalement, il se rabaissa à lancer un appel au secours. Mais avant, il chercha dans l’amas de papiers et de cartes qui recouvrait son plan de travail. Finalement, il localisa la station de dépannage spatial la plus proche. Il nota mentalement le numéro et le retapa sur l’ordinateur de bord qui signalerait automatiquement à la station la situation dans laquelle se trouvait le convoyeur.

"Voyons... Code universel de défaillance informatique... Ah ! 911-98... Maintenant le numéro de la station... 45.730.10... Et voila !", fit Solo tout en appuyant sur Enter. Quelques secondes plus tard un nouveau message apparut.

"Coordonnées corrigées. Nouvelle destination : 45.730.10."

"Et merde ", jura l’hominidé. Le virus, non content d’avoir détruit le pilote automatique, avait aussi endommagé le système directionnel. Solo retourna consulter ses carte. 45.730.10 : un trou perdu rocailleux et désertique.

"Si au moins j’étais tombé sur un monde paradisiaque...Mais non ! Il faut que j’atterrisse sur une planète de bouseux."

En désespoir de cause, Solo remplit le frigo en puisant dans les cuves cloniques. Puis, tandis que la quatrième chanson arrivait à sa fin, il se coucha.

"And she is buying a Stairway to Heaven...", soufflèrent les enceintes.

"Ouais ben moi pour l’instant, j’ai gagné un escalier en enfer alors..."

Et, d’une pression, éteignit le poste pour sombrer dans les limbes d’un sommeil nutritif.


* Propulsion HawKing : propulsion utilisant le principe de l’anti-matière (apparition la plus commune : trous noirs) et de l’énergie qui se libère lors de l’explosion contrôlée d’un Trou (minuscule vide contenu à l’arrière du vaisseau).

* Pampers : comme quoi même les entreprises les plus incongrues survivent aux millénaires.

* Vaisseau de spin : vaisseau spatial utilisant la propulsion HawKing.

* BR : Blue-ray, CD a capacité de mémorisation plus élevée (10 000 %)

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