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Lorindil resta bouche bée : ainsi le tueur que désignait l’aubergiste n’était autre que Kundïn. Retirant sa cape, il s’approcha silencieusement du groupe de nains. Une tension extrême régnait dans la salle. Les Maîtres des Epées se tenaient à l’arrière, prêts à intervenir à la moindre réaction hostile.

S’arrêtant devant le tueur, le Maître Mage effectua une respectueuse courbette, avant de saluer le meneur nain :

<< Lorindil de Tor Yvresse, Maître Mage et ambassadeur du Roi Phénix Finubar, pour vous servir.

- Kundïn fils de Fundïn, à votre service >>, répondit le Nain un peu surpris de voir ce grand Elfe débarquer dans la pièce et venir tout droit à lui. ajouta-t-il en donnant par-dessous la table un coup de pied à Dammïn qui contenait avec peine sa rage de voir des Hauts Elfes entrer ainsi dans une auberge Naine. Tous les Nains avaient remarqué que les Elfes postés à l’entrée avaient les mains sur les pommeaux de leurs épées, et tous se demandaient s’il s’agissait d’un guet-apens ou d’un piège quelconque, et cela les rendait très nerveux.

Déclara d’un ton le plus courtois possible Lorindil." Pourrions-nous nous asseoir à une table ? Je me dois de vous entretenir au nom d’Ulthuan d’une affaire de la plus haute importance...

- Très bien. Mais ne m’appelez pas Seigneurie, je ne suis qu’un Tueur errant et je n’ai aucun titre de noblesse", fit Kundïn un peu amusé par le ton solennel employé par son interlocuteur. La présence d’un ambassadeur Haut Elfe habillé de riches vêtements contrastait il est vrai avec le cadre crasseux de la taverne remplie de Nains déjà à moitié ivres.

Les deux chefs de groupe s’assirent donc à part tandis que Hurgar s’affairait auprès de ses nouveaux clients ( car pour lui un client était un client, fut-il Elfe ou Nain).

<< Alors, commença Kundïn, qu’avez vous à me dire de si important au nom d’Ulthuan ?

- Le Roi Phénix s’inquiète des agissements de votre Confédération, expliqua Lorindil. Nous craignons que certains de vos membres mènent des raids contre Ulthuan. Nos intentions sont pacifiques envers votre Confédération : la preuve : de nombreux princes se sont même portés volontaires pour épauler vos actions contre le Chaos ou Naggaroth. Personne en Ulthuan ne voudrait voir rejaillir d’anciennes querelles contre les Nains alors que les Sombres Serviteurs des Dieux Maléfiques s’agitent de nouveau...

- Je savais déjà que les Hauts Elfes s’étaient inquiétés de nos agissements, mais je ne pensais pas qu’ils m’enverraient un ambassadeur. Enfin, cela prouve que nous sommes pris au sérieux... Mais avant tout il faut que je vous explique : notre peuple est si dispersé sur la surface du monde qu’il m’est impossible de tout contrôler. Vous venez me trouver comme si d’un geste je pouvais me faire obéir ; mais je dois vous dire que j’ai mis le feu à un brasier que je ne peux plus éteindre. De nombreux Nains se sont joints à la confédération sans jamais m’avoir vu, et ils règlent leurs affaires personnelles sans recevoir d’ordres de ma part. Quant à moi, même si mon cœur désire plus que tout la réunification de notre vieil empire, je puis vous assurer que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour maintenir la paix dans le Vieux Monde entre les nations du Bien tant que cela sera possible. Je sais où sont nos véritables ennemis, ce sont les Peaux-Vertes, les Skavens et les monstruosités de ce que vous appelez les Dieux Maléfiques, et pour ma part je suis heureux de n’avoir de motifs de vengeance que contre eux. Mais pour comprendre les motivations qui poussent certains des miens à combattre les Elfes ou les Bretonniens, il vous faudrait être un Nain, Maître Mage Lorindil ! Avez-vous déjà entendu parler du Grand Livre des Rancunes ? >>

Lorindil ne put s’empêcher de sourire intérieurement : lui, le plus grand érudit de tout Yvresse au sujet du Vieux Monde, considéré comme un vulgaire serf inculque !

- Surtout dans les livres, maître Kundïn. Vous autres nains avez permis il y a de cela fort longtemps à un grand érudit d’en recopier une partie. Ce "Grimoire Naugrimii" reste d’ailleurs l’un des ouvrages les plus précieux de ma bibliothèque. Mais ne me prenez pas pour un ignorant ! Le très haut Roi Phénix ne me choisit pas au hasard. J’ai beaucoup voyagé dans le Vieux Monde, et même combattu auprès de Nains et d’Humains. Mais revenons à notre sujet. Au sujet de ces Nains rebelles à votre autorité, je crains qu’il ne soit tout de même de votre devoir de les raisonner...

- Par Grimnir, je sais encore ce que j’ai à faire, et ce n’est pas à un Elfe de me dicter ma conduite ! >> répliqua le Tueur en haussant le ton de colère. Immédiatement toutes les conversations cessèrent dans l’auberge et tous les regards se tournèrent vers la table des deux chefs. Kundïn, voyant que ses paroles avaient amené la tension à son comble se ravisa et jeta un regard à ses hommes pour leur faire comprendre que tout allait bien.

Mais en disant cela, Kundïn savait pertinemment que le Haut Roi des Nains n’occupait pas la place que lui-même avait acquis dans le cœur de ses frères de sang et que l’autorité de Thorgrim n’éclipsait pas encore son propre charisme. Pour tous ses hommes, il était encore et toujours le chef de la Confédération des Nains et il était clair que nul autre que lui ne pouvait rappeler à l’ordre les troupes des confédérés. En vérité, il voulait simplement se débarrasser de l’Elfe afin que celui-ci ne puisse intervenir dans une affaire intérieure Naine ; le fait que Lorindil possédât des extraits du Grand Livre des Rancunes l’avait fortement troublé et agacé, et il pensait s’être habilement débarrassé de son interlocuteur en l’envoyant au diable, mais en cela il se trompait.

Lorindil respira. Son petit discours sonnait favorablement dans son esprit, la situation semblait tourner en sa faveur. Maintenant, la balle était dans le camp du Tueur. Celui-ci, tout en se passant les doigts dans la barbe, semblait plongé dans de profondes méditations et fixait l’Elfe de son œil unique ( il avait perdu l’autre au combat et portait depuis un bandeau noir en travers du visage). La proposition de Lorindil le tentait car un tel appui en forêt d’Athel Loren était loin d’être négligeable, et même si ses réticences à se faire accompagner par une troupe de hauts Elfes étaient toujours assez fortes, il finit par se résoudre à accepter l’aide du mage d’Ulthuan.

Le Nain, considérant que la conversation était terminée, se leva rapidement et retourna s’asseoir à la table de son groupe où il se mit à discuter à voix basse avec ses compagnons dans leur langue natale.

Le lendemain matin, les elfes et les nains se réunirent devant l’auberge. Lorindil portait une grande robe blanche et un pantalon bouffant bleu turquoise. A sa ceinture incrustée de gemmes, plusieurs parchemins pendaient, ainsi qu’une imposante épée à deux mains. Kundïn, quant à lui, n’avait que sa fidèle hache runique à deux mains comme tout équipement.

Le petit groupe prit un chemin descendant en direction d’Athel Loren. Les montagnes étaient silencieuses, détachées du ciel par les premiers rayons du soleil. Lorindil et ses elfes avaient pris un repas frugal avant de se lever tôt, mais l’état de certains nains maladroitement hissés sur leurs poneys indiquaient que tous n’avaient pas suivi les mêmes règles de sobriété.

Lorindil soupira. Au moins avait-il eu la chance de tomber sur des nains capables de monter sur des poneys. Le voyage n’en serait que plus rapide. Malgré tout son respect pour la race des Nains, il ne supportait déjà plus ces réserves de bière ambulantes. Et les reniflements hautains de ses gardes indiquaient qu’il n’était pas le seul.

Les Nains avaient en effet veillé et bu jusque tard dans la nuit, et le réveil avait été dur. Cependant quelques-uns dont Kundïn avaient préféré se ménager, sachant qu’ils entraient dans la partie la plus dangereuse du voyage et que des propos d’ivrognes déplacés pouvaient les faire massacrer par les Elfes sylvains. Le voyage fut donc assez pénible pour les Elfes, mais les Nains qui étaient d’une endurance exceptionnelle et qui avaient l’habitude de telles beuveries cessèrent bientôt de vomir ou de tomber régulièrement à bas de leur monture et en furent quittes pour un bon mal de tête.

Quelques heures passèrent avant que le groupe n’atteigne une étroite vallée. Les coursiers elfiques se mirent subitement à hennir à la vue de la combe obscure. Inquiet, Lorindil fit signe à Kundïn de se rapprocher. Celui-ci, éperonnant son poney, se porta à la hauteur de l’Elfe qui cheminait en tête.

Lorindil n’eut pas le temps de répondre : un énorme rocher, dégringolant des pentes abruptes qui bordaient le sentier, vint s’abattre au milieu des Elfes et des Nains avec fracas. Prises de terreur, des montures se cabrèrent et firent chuter leurs cavaliers puis s’enfuirent en hennissant dans la vallée. Avant que quiconque ait pu réaliser ce qui se passait des Skavens sortirent par dizaines des fourrés en poussant leurs cris de guerres et se jetèrent sur les Elfes et les Nains.

Une effroyable mêlée s’ensuivit. Les Maîtres des Epées tranchaient avec une facilité presque arrogante de leurs grandes épées les Skavens qui osaient s’approcher. Ils avaient formé un cercle de défense autour du mage, et semblaient déterminés à se battre jusqu’au dernier. Les Nains avaient quant à eux réussi à mettre en déroute une partie de leurs adversaires, mais bientôt le flux incessant d’assaillants les poussa à se battre aux côtés des elfes.

L’escarmouche s’éternisait. Par moments, le groupe semblait prendre le dessus ; mais pour un Skaven abattu il en surgissait cinq autres.

Bientôt, il ne resta plus que la moitié des guerriers. Lorindil se battait désormais parmi les survivants, maniant avec précision sa grande lame elfique. Une clameur parcourut les nains : leur chef, Kundïn, venait de tomber. Du moins le pensa Lorindil, car scrutant les guerriers Naugrims, il ne distingua pas la silhouette du Tueur.

Dans un hurlement de rage, les derniers Elfes chargèrent les Skavens. La surprise fut telle que les guerriers se retrouvèrent derrière leurs agresseurs. Mais bientôt, une partie des Skavens les rejoignit.

<< Fuyez, messire ! Fuyez tant qu’il en est encore temps ! Lui conseilla Gaelen.

- Ma place est avec vous... voulut répondre Lorindil.

- Par Hoeth ! Fuyez avant qu’il ne soit trop tard ! lui ordonna le champion. >>

Lorindil ne discuta pas plus. Prenant ses jambes à son cou, il fonça droit en bas de la vallée. Après dix minutes de course effrénée, il s’arrêta. Se retournant, il scruta le haut du col à la recherche de survivants. En vain.

Puis, se retournant, il aperçut la frondaison des premiers arbres d’Athel Loren.

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