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L’Elfe et le Nain se courbèrent bien bas devant leurs hôtes, et sans dire un mot ils prirent place à table aux côtés du roi et de la reine de la forêt. Lorindil était assis à la gauche d’Orion tandis que Kundïn avait été placé à la droite d’Ariel. Jamais pareil honneur n’avait été accordé à un Nain et Kundïn qui en était parfaitement conscient était un peu honteux de n’être habillé que de vêtements en lambeaux alors qu’il se trouvait assis aux côtés d’une des plus belles dames Elfes du vieux monde. En cet instant il se surprit à envier l’existence libre et joyeuse des Elfes Sylvains, lui qui avait grandi et vécu dans d’antiques et austères forteresses comme tous ceux de sa race. Il avait du mal à présent à comprendre ceux des Nains qui haïssaient les Elfes et détruisaient leur domaine, et le fait que la Confédération soit à l’origine de nouveaux heurts avec ce peuple le remplissait d’amertume.

Une série de mets plus délicieux les uns que les autres commencèrent à défiler autour des convives. Affamés, les deux invités ne tardèrent pas à faire honneur aux cerfs rôtis, sangliers farcis et autres venaisons. Luthien faisait-elle aussi partie de cette table d’honneur. Une immense joie s’était emparée de la sorcière, car elle siégeait pour la première fois au milieu des plus grands nobles d’Athel Loren.

Lorindil jugea bon de laisser parler Kundïn en premier, afin que ce dernier puisse remplir son rôle de représentant de la Confédération des Nains auprès du Roi de Loren.

Kundïn fut interrompu par un murmure d’étonnement mêlé d’indignation qui parcourut les tables du banquet. Seul Orion et sa dame restèrent impassibles et ne montrèrent aucun signe d’énervement envers Kundïn ; leurs sujets étaient cependant à présent beaucoup moins joyeux et le fait de savoir que le responsable de la mort de quelques-uns de leurs frères de sang était assis à la table du roi à côté de leur Reine les emplit d’amertume. Cependant personne n’osa exprimer ses sentiments à haute voix tant qu’Orion n’était pas intervenu.

Kundïn, un peu désorienté par l’effet qu’avaient produit ses paroles, continua d’un ton moins assuré :

<< Je sais quels torts certains des miens ont fait à votre peuple, et je le regrette beaucoup surtout depuis que j’ai pu contempler les merveilles de votre royaume ; sachez néanmoins que j’étais en mission sur ordre du roi Thorgrim pour mettre fin aux conflits entre vous et certains membres de ma Confédération, avant que nous tombions dans une embuscade Skaven l’Elfe Lorindil et moi-même. Nos hommes furent massacrés et nous sommes les seuls survivants j’en ai peur. Mais puisque le destin m’a emmené devant vous, je pense que le moment est venu de vous demander quelle est la situation présente dans les combats entre Nains et Elfes Sylvains, et ce pour y mettre fin le plus rapidement possible.

- Votre sagesse est grande, maître Kundïn, et je sais déjà tout de vous et des vôtres depuis longtemps. Apprenez cependant que vous arrivez trop tard pour sauver les membres dissidents de votre Confédération : le dernier d’entre eux qui a pénétré dans Athel Loren pour se venger de mon peuple y a trouvé la mort voici quelques jours déjà. Je suis navré que cette affaire ait pu se terminer ainsi, mais telles sont nos lois. Votre présence ici me rend cependant quelque espoir de voir s’écarter un conflit meurtrier dont nous ne voulons pas, ni l’un ni l’autre... >>

Kundïn se tut, atterré par cette nouvelle. Il savait que chez les Nains, le sang appelle le sang et que le conflit contre les Elfes Sylvains serait bien difficile à éteindre, et que de toute façon tous ces motifs de vengeance seraient inscrits dans le Grand Livre des Rancunes, conformément à l’usage millénaire en vigueur chez son peuple. Cependant il n’arrivait pas à en vouloir aux Elfes qui ne faisaient que se défendre, bien qu’il ne pût exprimer véritablement ses sentiments sans avoir la conscience de trahir son peuple. Un Nain ne prenait jamais ouvertement parti contre un autre Nain devant un membre quelconque d’une autre race, fût-il roi des forêts de Loren. Aussi il garda le silence, et au bout de quelques secondes Lorindil prit à son tour la parole :

Quelques hourras saluèrent le discours du Maître mage : sans attendre l’avis de leur Roi, les Elfes Sylvains avaient choisi leur camp : celui de l’alliance et non de la guerre.

Le Roi Orion se leva de son trône. Le silence s’abattit sur l’assemblée.

Le banquet reprit dans l’allégresse générale. Les discussions allaient bon train. Lorindil, Luthien et Ariel dissertaient sur l’emploi de la Haute Magie. Un débat une fois de plus fort ennuyant pour le Tueur Nain. Mais heureusement, Kundïn s’était découvert une passion commune avec le mythique Orion pour la "chasse" aux Trolls.

Les convives mangèrent et festoyèrent toute la nuit autour des feux allumés dans la clairière et bientôt l’aube apparut sur la cime des arbres. Kundïn voulut partir au plus vite pour retourner à la forteresse du roi Thorgrim afin de l’informer au plus vite de l’embuscade Skaven dans laquelle ils étaient tombés la veille. Il y avait en effet de fortes chances pour que cette attaque soit en réalité le début d’une invasion Skaven, car ces derniers procédaient assez rarement à de petites escarmouches sans suite et préféraient sortir en masse de leurs réseaux souterrains pour envahir les royaumes humains, nains ou elfes.

La fête se prolongea tard dans la nuit. Entre deux chopes de bière, Kundïn eut juste le temps d’apercevoir Lorindil et Luthien quitter discrètement le banquet. Le lendemain, les deux héros se réunirent pour décider de l’avenir de leur mission. Lorindil fut long à se décider à partir car il aurait aimé rester quelque temps dans le royaume des Elfes Sylvains, mais il sentait que sa mission n’était pas encore terminée et qu’il devait découvrir pourquoi ses hommes étaient morts. Avec grand regret il fit ses adieux à Orion et Ariel, puis s’éloigna à nouveau avec Luthien quelques minutes.

<< Ainsi tu as décidé de partir... soupira-t-elle.

- Luthien... Nous en avons parlé hier soir. Tu sais bien que mon devoir est de suivre Kundïn. Lorindil semblait profondément peiné.

- Et moi ? Que deviendrai-je ? Lui lança-t-elle d’un air chargé de reproches. Jamais je ne pourrai vivre sans toi... >>

Lorindil lui sourit et l’embrassa.

<< Suis-moi jusqu’en Yvresse... lui proposa-t-il.

- Mais tu sais très bien que mon destin est lié à cette forêt !

- Ecoute, nos chemins ne se sépareront pas ici. >> Retirant de sous sa tunique un imposant saphir marqué d’une rune elfique, il prit la main de la sorcière et y déposa la magnifique pierre précieuse.

<< Prends ce talisman. Il te protégera des blessures ennemies. Ainsi, nous serons toujours unis.

- Mais, Lorindil, c’est...

- Ma seule protection durant les combats, je sais. Mais prends-la. je reviendrai très bientôt

- Attends ! Laisses-moi au moins te raccompagner jusqu’aux Montagnes Grises ! >>

Les deux amants s’enlacèrent dans un baiser passionné, avant de rejoindre les autres.

Lorsque Lorindil et Luthien revinrent près des feux de la clairière ils trouvèrent le roi Orion en grande conversation avec Kundïn et Thricromnur l’homme arbre. Ce dernier parlait d’une voix très grave et très sonore et semblait tout à fait joyeux, éclatant parfois d’un grand rire qui résonnait dans les bois.

ajouta-t-il en lançant au mage et à la sorcière un regard amusé. Luthien rougit jusqu’aux oreilles et Orion la regarda d’un air désapprobateur. Le roi des Elfes sylvains était assez sympathique avec ses invités mais manifestement il n’aimait pas voir une femme de son peuple approcher de trop près un Haut Elfe.

Après avoir remercié longuement le roi des Elfes Sylvains et son peuple pour leur hospitalité ils reprirent leur route perchés comme à l’aller sur les épaules de Thricromnur. L’homme arbre et Kundïn s’étaient découvert une passion commune pour le chant dans le registre des basses (et plus bas encore pour Thricromnur !) et tout au long du voyage ils entonnèrent de nombreuses chansons qui faisaient fuir tous les habitants de la forêt qui se trouvaient à moins de trente pas d’eux.

Quelques heures plus tard, le petit groupe déboucha à la lisière de la forêt. Luthien et Lorindil s’échangèrent un regard entendu chargé de promesses, sous le regard toujours aussi désapprobateur du roi d’Athel Loren. Ariel ne put s’empêcher de s’esclaffer : elle savait qu’en les capturant dans les filets de l’amour, Isha avait déjà uni les deux mages, quoi qu’en pense son époux.

Kundïn salua bien bas le roi et la reine de la forêt, et s’entretint en Khazalid avec Thricromnur, qui comprenait de nombreux langages du vieux monde. Le Nain et l’Homme-Arbre se séparèrent en riant après une bonne poignée de main (et de branches), au grand étonnement de tous leurs autres compagnons : en effet, l’inimitié qui opposait leurs deux peuples était millénaire et presque légendaire et cette scène d’adieu était tout à fait inhabituelle.

Ariel, qui comprenait elle aussi la langue des Nains, avait écouté discrètement leur conversation et était encore plus surprise que les autres. Elle demeura un instant songeuse, puis s’approcha de son mari et lui glissa à l’oreille :

Le roi des forêts la regarda, perplexe, puis eut un large sourire qui en disait long sur les doutes qu’il éprouvait devant les conclusions de son épouse... Ariel, voyant qu’Orion ne la croyait pas, n’insista pas et garda le silence.

Le Tueur et le Haut Mage reprirent la route, à travers les montagne grises, en direction de la grande forteresse de Karak Kadrin. Après plusieurs jours de voyage les deux compagnons arrivèrent en vue d’une antique forteresse naine que Kundïn connaissait de nom, et dont le roi n’était autre qu’un des plus anciens Confédérés, Karek Longue-Barbe. D’un commun accord ils décidèrent de s’y arrêter pour la nuit.

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