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La forteresse de Karak Kadrin, ancienne demeure du clan nain Paci, réserva un accueil chaleureux à Kundïn et à son compagnon. Mais si le Tueur était content de retrouver son peuple après un séjour parfois difficile en Athel Loren, il n’en fut pas de même pour l’Elfe qui se sentait plus seul que jamais au milieu de cette masse de nains braillards et avinés. Le banquet de Karek contrastait, il est vrai, avec celui noble et élégant du roi des forêts, et malgré le fait que Lorindil soit traité avec toute la politesse et la serviabilité possible chez les Nains, et ce sur ordre de Kundïn, il resta muet durant toute la soirée et fut bien aise de pouvoir aller se coucher avant tout le monde dès qu’il eut une occasion de s’éclipser. Tard dans la nuit Kundïn vint le rejoindre dans la chambre d’hôtes qu’on leur avait réservée et fut surpris de trouver l’Elfe encore debout, accoudé à la fenêtre, le regard perdu dans l’obscurité.

<< Cette chambre donne sur une belle vue d’Athel Loren, fit le Nain, mais vous feriez mieux de vous reposer Lorindil ! Demain nous avons un long chemin à parcourir, et d’après ce que je viens d’apprendre nous aurons besoin de toutes nos forces et de toute notre présence d’esprit pour affronter les dangers de la route... la guerre est proche, savez-vous ?

- La guerre, Maître Kundïn, est également l’alliée du destin. Ne vous en faites pas pour moi. Ce soir, il me faudra veiller tard, afin de me préparer magiquement en vue de la bataille. Je devrai interroger les Dieux sur l’avenir, chose ardue qui nécessite une immense concentration, ce dont je manque à la vue de l’ouest. >>

D’un geste élégant, il désigna par l’embrasure de la fenêtre la forêt d’Athel Loren. Mais levant sa main vers le ciel, il continua :

<< Pour la première fois de ma vie, je suis confronté à un terrible choix : reviendrai-je en Ulthuan, ou abandonnerai-je un siècle de travail pour une jeune sorcière romanesque, aussi belle et gracieuse soit-elle ? La question mérite vraiment réflexion...

- Hmmm... je vois, répondit le Nain. Eh bien discutez-en donc avec les Dieux, toute la nuit si vous le voulez, mais ne faites pas de bruit je meurs de sommeil. >>

Et tout en disant cela, Kundïn se laissa tomber sur le lit qui lui avait été réservé (et qui était beaucoup plus petit que celui de l’Elfe) et ne tarda pas à s’endormir ; bientôt la pièce fut remplie de ses ronflements sonores. Lorindil, levant les yeux au ciel, soupira profondément et tenta de reprendre sa concentration.

Le lendemain matin le Nain fut réveillé par les premiers rayons du soleil qui lui chauffaient le visage. Il se leva, s’étira et constata que l’Elfe avait quitté la pièce et qu’il semblait ne pas avoir dormi car ses draps n’étaient même pas défaits.

Et répondant à l’appel implacable de son estomac, Kundïn se dirigea droit vers les cuisines.

Déjà attablé, Lorindil faisait preuve d’un féroce appétit. Plié en deux par une chaise et une table trop basse, il dévorait poulardes et pâtés, il ne s’arrêtant que pour ingurgiter une pinte de bière.

Tandis que Kundïn s’asseyait et se servait une chope de délicieuse bière de Bugman, l’elfe continua son récit.

Un sanglier farci fit son entrée dans la grande salle. Le cuisinier en chef de la forteresse s’approcha du mage.

<< Voilà votre pichet d’eau monseigneur...

- Ha tout de même !

- C’est que, l’eau est d’habitude réservée aux bêtes... >>

Le pauvre cuisinier essuya le regard hautain du mage et préféra retourner à ses fourneaux. Kundïn était pensif ; la Confédération avait engendré une situation totalement différente de son projet initial, et il se sentait las de toutes ces complications imprévues. La présence des Hauts Elfes et sans doute des Elfes Sylvains ne le gênait pas, au contraire : il connaissait la valeur des peuples elfiques au combat et avait réellement besoin d’eux. Cependant, il savait pertinemment que de tels alliés ne plairaient pas à tous ceux de son peuple, et que la méfiance et la rancune risquaient malheureusement de diminuer l’efficacité des troupes naines et elfiques.

songea-t-il.

<< Quant à moi, ajouta le Tueur, j’ai appris hier soir une information importante... et inquiétante : le maître des runes de Karak Paci, qui revenait d’un voyage dans le nord des montagnes et qui a vu l’armée de nos ennemis en rentrant ici, m’a dit avoir décelé une forte perturbation dans les courants de magie autour du camp ennemi. Selon lui, un être terrifiant accompagne l’armée de Skavens et de Peaux-Vertes. Il ne veut pas se prononcer sur la nature exacte de cet être, mais une telle puissance ne se dégage habituellement que de créatures extrêmement redoutables comme des seigneurs sorciers ou certains démons...

- Un démon ? releva le mage Haut Elfe. Je n’ai rien senti de tel... Il pourrait s’agir d’une invocation de la part des Skavens. j’ai entendu dire que certains de leurs chefs peuvent revenir à la vie sous la forme de Verminarques, les Démons du Rat Cornu... >>

Tout en mangeant, les deux compagnons se mirent à débattre de démonologie. Lorindil et Kundïn n’avaient qu’une connaissance somme toute assez mince de ces créatures magiques, mais pour le mage de Tor Yvresse, la présence de démons aurait déjà été signalée par les mages sylvains alors qu’ils se trouvaient encore en Athel Loren.

<< A moins que... Le regard de l’elfe sembla se perdre au loin. Non, ce ne peut être possible...

- Eh bien quoi ? fit Kundïn qui commençait à s’impatienter. A quoi pensez-vous ?

- Les serviteurs Humains de Khorne sont les seuls capables d’invoquer le plus puissant des lieutenants de leur Dieu, le Buveur de Sang. Et si tel est le cas, alors nous avons affaire à un très gros problème. Il me faut voir au plus vite ce seigneur mage et réunir les principaux seigneurs nains présents dans cette forteresse pour ce soir. Mes renforts devraient arriver d’ici là. Nous n’avons plus affaire à une simple alliance de "vermines", mais à une véritable Légion Maléfique... >>

Le tueur ne répondit rien, le regard perdu dans le vide. Des images du passé défilaient dans sa tête, et les détails douloureux de certaines scènes qu’il avait souvent tenté d’oublier lui revenaient en mémoire. La présence possible d’un Buveur de Sang au sein de l’armée ennemie venait de lui révéler l’ampleur de la menace qui pesait sur eux.

L’ost des Elfes Sylvains arriva peu de jours après. Traversant le col séparant Karak Paci d’Athel Loren, les guerriers sylvains avançaient en rangs épars. La plupart d’entre eux étaient des éclaireurs. De temps à autre, des régiments groupés d’archers, de cavaliers ou de gardes franchissaient le défilé.

Admirant la progression de leurs alliés du haut des remparts, Kundïn et Lorindil aperçurent un détachement de guerriers humains approcher au loin : ainsi l’empire avait pu répondre à temps à leurs appels. Lorindil ne put retenir sa joie lorsque, débouchant du sud, il aperçut les fières bannières blanches d’une colonne de Hauts Elfes : ses messages magiques avaient porté bien au-delà de ses espérances, et une garnison de la colonie commerçante de Tor Massili, l’enclave Haut Elfe la plus proche d’Athel Loren, avait été dépêchée sur place.

Les trois armées se rencontrèrent devant les murailles de la forteresse naine. Les échanges furent courtois et rapides. Chacun se mit à monter son campement et des patrouilles furent envoyées à l’avant. Les nains ouvrirent leurs lourdes portes à leurs alliés, et bientôt les trois races brisèrent leurs rangs pour se mêler à des distractions collectives.

Dans la plus grande salle de la forteresse, les plus hauts chefs de guerre se réunirent. Le seigneur Fingolfin du Clan des Pins, le Prince Malleryon de Tor Massili et le général humain Mercusio prirent place autour de la grande table de chêne aux côtés du maître mage Lorindil, du Tueur de Démons Kundïn, du seigneur Karek Longue-Barbe de Karak Paci et de son maître des runes. De nombreux aides de camp étaient également présents dans la salle aux côtés de leurs généraux respectifs.

Le prince Malleyron l’interrompit :

Les derniers mots de Malleyron se perdirent dans un brouhaha de discussions et de cris de protestations. Les esprits s’étaient vite échauffés et Nains, Elfes et Impériaux s’invectivaient de chaque côté de la table. Kundïn aperçut Lorindil soupirer, l’air désabusé, tandis que le prince Malleyron et Mercusio s’étaient lancés dans une dispute plutôt animée. Le général humain soutenait ouvertement les Nains car l’Empire avait de nombreux intérêts dans les activités commerciales de ses alliés. Mercusio, de plus, n’aimait pas les Hauts Elfes et leur arrogance l’énervait au plus haut point. Fingolfin sépara les deux adversaires avant qu’ils n’en viennent aux mains et réussit à imposer le silence.

<< Nous avons mieux à faire que de ranimer d’anciennes querelles. Oubliez vos différends pour le moment, ils ne sont rien en comparaison de la menace qui pèse sur l’ensemble de nos peuples. Nous avons un ennemi commun, qui n’a pas pour but de régler une question d’honneur mais d’anéantir purement et simplement les nôtres.

La tension était retombée et l’Elfe sylvain reprit :

- Chacune de nos armées gardera son propre général et n’obéira qu’à lui. La fierté de chaque peuple sera ainsi respectée. Cependant, et dans notre intérêt commun, il vaut mieux mettre sur pieds un bon plan de bataille pour que nos forces combattent efficacement. Voici un rapport sur l’état et les positions de l’ost ennemi, que m’ont transmis mes éclaireurs tout à l’heure. >>

Fingolfin tira de son pourpoint un rouleau de parchemin qui semblait être fait de feuilles, et l’étala à plat sur la grande table. Sur la carte figuraient d’innombrables petits rectangles rouges et noirs.

<< Que représentent ces rectangles ? demanda Mercusio.

L’Elfe Sylvain tourna le regard vers l’Homme et lui répondit :

- Les unités ennemies. >>

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