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Ndlr: Le texte original a été divisé en deux parties pour des raisons qui m'échappent totalement.


-Halte ! Qui va là ? cria le chef des Gnomes en faction quand la sonnerie du portail retentit.

-Valald, "marchand" Elfe de la Forêt d’Emrod, en voyage pour Caldift, afin d’acheter les perles vertes de la saison, fit l’arrivant, levant les mains pour montrer qu’il venait en paix.

-Z’avez un laisser-passer ? demanda le Gnome, ne baissant pas sa lance, de même que ses subordonnés.

-Certes, fit-il, fouillant à l’intérieur de manteau bleu brodé de croissants allongés pointes vers le haut, plein à la pointe droite, vide sur la pointe gauche, en fils d’argent, signe qu’il était un envoyé d’un Duc elfique. Il chercha ainsi pendant un temps plutôt court, mais que le Gnome trouva un peu long, et il envisageait de l’enfermer quand il lui tendit enfin le parchemin signé du Duc de Féréan, stipulant que Valald était en mission officielle, nécessaire à toute la communauté elfe de la région. Il le laissa passer en grognant, et l’Elfe s’éloigna vivement, marmonnant contre ses "protections" inutiles vus que seuls les Elfes pouvaient emprunter les portails de transport immédiat, pestant contre l’irascibilité, l’impatience des Gnomes et leur jalousie pour leurs prétendus "trésors" auxquels il ne croyait pas. Il avait chevauché depuis la capitale du duché à Féréan, où il avait pris ce portail l’emmenant dans cette cité gnome. Les distances étant énormes sur Irkice, et les voyages par conséquent très longs, les Elfes avaient mis au point ce système de portails permanents reliant les villes et cités principales de leur royaume et de ceux de leurs amis. Maintenant, c’était une traversée des Montagnes Noires qui attendait Valald, Caldift ne pouvant être reliée aux autres cités car les ondes maléfiques du Rift empêchaient la création d’un portail. Mais pour cela, il lui fallait obtenir l’autorisation du seigneur de cette cité, sans quoi il ne pourrait pas marcher sur le sol gnomique.

Il tenta de se rappeler comment il avait atterri ici : un jour, il avait été convoqué chez le Duc qui lui avait annoncé que lui, Valald avait été choisi pour partir à Caldift et acheter les perles vertes aux marchants Rakshasas. Pourquoi lui ? Parce qu’il fallait traverser deux fois la mystérieuse Jungle Endormie, ce qu’un Ovate comme lui est capable de faire sans éveiller les créatures cachées à l’ombre de ces lianes, mais aussi parce qu’étrangement, Valald possédait une moustache, chose exceptionnelle chez les Elfes, et que cet attribut permettrait au Duc d’économiser beaucoup de Fileins pour que son envoyé ait le droit de marcher sur les sols Nains et Gnomes. Valald avait accepté, plus à cause de la possibilité de traverser la Jungle que pour rapporter des perles, même s’il les trouvait magnifiques.

Pour continuer son chemin et devenir Druide, il est nécessaire que tout Ovate aille dans la Jungle Endormie, y vive plusieurs jours, la traverse, et revienne sans avoir éveillé une seule fois les Esprits puissants qui l’habitent, dérangé les Créatures de l’Aube, mais en étant entré en communion avec eux, et en ayant reçut un message des Créatures ou des Esprits. Toutes ces règles expliquent que beaucoup d’Elfes restent Ovate toute leur vie, et que les Druides, et à plus fortes raisons les Maîtres Druides, qui doivent passer des épreuves encore pus difficiles, sont extrêmement bien vus et très respectés dans l’Empire des Elfes. Valald n’avait que faire des honneurs, si grands soient-ils. Il les craignait, même, car il pensait que l’Elfe trop honoré ne devienne bouffi d’orgueil, odieux, irrespectueux, voire dangereux. Il n’avait pas tout à fait tort : on en avait vu beaucoup, parmi les plus vertueux Mages ou Druides elfiques, devenir tyrannique avec leurs compagnons, leur famille, et toute chose vivante après avoir reçu plusieurs hautes distinctions. Mais on avait toujours tôt fait de les ramener à l’ordre, heureusement. En tous cas, si Valald avait entamé une carrière de Druide, c’était pour être plus proche de l’essence de ce monde, Irkice, qui le fascinait, et découvrir la nature et ses éléments, voire même, pourquoi pas, se fondre dans certains éléments de ce monde, comme certains Maîtres Druides pouvaient le faire, mais alors sûrement pas pour porter ce riche manteau et être envoyé du Duc de Féréan. Enfin, il avait quand même put garder sa robe grise d’Ovate, mais pas question de la montrer aux Gnomes qui avaient en horreur la science des arcanes et exécutaient sommairement ses représentants.

Continuant de pester, mais cette fois contre le Duc, Valald se dirigeait vers la salle du Seigneur Gnome de la région, indiquée par la hauteur de galeries. Elles étaient plus hautes, non parce qu’elles menaient à un personnage noble, mais parce qu’avec des galeries hautes, l’attaquant ne voit pas les pièges, plus dangereux de surcroît si on peut en mettre des plus gros. Les pièges Gnomes étaient souvent conçus pour pouvoir transformer l’attaque en défense, ce peuple étant très impulsif et donc assez inapte à se faire attaquer et résister, mais plutôt à attaquer. Valald frissonna en pensant qu’au dessus de lui il y avait peut-être une énorme dalle de dix mètres cubes hérissée de pointes de deux mètres de longs, destinée à bloquer le passage en éliminant l’avant-garde, mais qui pouvait très bien se détacher et lui tomber dessus, le réduisant à l’état d’une passoire de Lutin sous le pied d’un Géant, car quoi, vérifiaient-ils souvent la solidité de leurs câbles, ces Gnomes "prévenants" ? Suicidaires, oui, ou fous, pensa Valald. Ce à quoi son mentor, Hélénon, aurait répliqué, sans se fatiguer (et pourtant Selièndeh, déesse des rêves, sait combien de fois il avait dû le répéter à son élève prompt à juger les autres) "il existe un bonheur fou que seuls les fous connaissent et sont à même de comprendre, Valald". Au souvenir de son maître, Valald reprit courage et, avançant plus vite, il se redressa. Ce simple geste déclenchant une vive douleur et lui arrachant un gémissement, il reprit sa pose habituelle, légèrement voûtée. En fait d’une pose habituelle, c’était une position récente pour l’Ovate, à laquelle il ne s’était pas encore habituée.

Ce dos voûté, Valald se rappelait parfaitement comment il l’avait acquis, car le souvenir datait de peu. Mais même s’il eût été ancien, il aurait quand même été frais dans son esprit, tant il était humiliant...

Ce dos voûté...ce dos voûté...ce dos voûté, ainsi que celui qui l’avait provoqué, Valald les haïssait et les craignait tout à la fois, car la peur est le premier instigateur de la haine. Il était hanté par ce souvenir douloureux, et il en rêvait toutes les nuits. Quelques fois, il rêvait que son dos devenait coquille, et qu’il rampait aux pieds d’Hélénon comme le mollusque qu’il était devenu ; d’autres fois, que l’être qui lui avait tordu l’échine frappait plusieurs fois de toute sa puissance, transformant ainsi sa colonne vertébrale en spirale. Une fois, il avait même rêvé qu’il était son tortionnaire, et il se voyait être frappé, réduit, humilié par ses propres mains. Ces cauchemars passaient devant les yeux de Valald, tandis que sa colère montait, avec sa honte d’avoir de telles pensées, de tels rêves.

Ce dos voûté... ce dos voûté... ce dos voûté qui était aussi une raison du choix du Duc. "Un Elfe voûté passera plus facilement qu’un autre dans les tunnels gnomes. De plus, il est humble, ce qui plaira aux petites-gens, qui nous trouvent hautains, ce qui me fera économiser des Fileins, de même que le fait que sa posture lui soit venue lors d’un combat. Et puis, pour parler, il sera à la hauteur." Telles étaient, mot pour mot, les paroles du Duc sur son dos, qui résonnaient encore dans les oreilles de l’Elfe, accompagnées des rires des serviteurs sur la dernière remarque du Duc. Ce n’était plus de la colère qui consumait maintenant Valald, pendant que ces souvenirs revenaient dans son esprit, mais de la rage, de la rage pure, et il le savait bien. Il en était heureux, car si la colère, émotion intermédiaire, est maléfique, la rage, comme toutes les émotions extrêmes, peut être un excellent moteur si elle est bien contrôlée. Et elle l’était, puisque c’était lui qui l’avait provoquée, en pensant au Duc, voyant que les images de ses cauchemars le faisait plonger dans la colère. Contrôlée, oui, du moins pour l’instant. Tôt ou tard, il lui faudrait la canaliser, car si elle s’accumulait sans issue, elle pourrirait, et avec elle, son esprit aussi. Cela ne devrait jamais arriver, car alors, il serait chassé de l’Ordre Druidique, et il en serait de même si la seule issue qu’il trouverait pour sa rage était l’explosion. C’était cela que Valald redoutait le plus : que sa rage explose, se libère de lui de manière inattendue, incontrôlée et incontrôlable, car cela lui vaudrait d’être banni de ce qui comptait le plus pour lui.

Une issue pour ma rage, une issue pour ma rage, se répétait Valald, en marchant, le regard fixé sur le sol de pierre, comme si cette montagne de granit, cette prison de pierre pour une nuit impénétrable et insondable allait lui donner la réponse, la solution à la question qu’il connaissait depuis l’aube de sa formation, car la rage était l’une des premières leçons pour un Ovate, mais qui n’avait jamais trouvée de réponse, ni en lui, ni en aucun autre Ovate à ce jour. Seuls les Hauts-Druides savaient se débarrasser d’une Rage avant qu’elle n’explose, ou ne pourrisse.

Comment une rage peut-elle s’enfuir ? L’utiliser comme moteur pour une action, une réflexion, cela ne la dissipe pas, mais la calme pour une temps seulement. Alors, comment faire pour m’en guérir ? Ces questions tournaient et retournaient sans cesse dans la l’esprit de Valald, comme elles le faisaient régulièrement depuis l’Accident qui lui avait coûté son échine. Pour se rassurer, Valald se dit qu’il avait encore du temps devant lui, il n’était qu’Ovate, la rage était jeune, et il devrait s’en débarrasser avant d’être Haut-Druide, s’il atteignait un jour ce niveau. Alors, les paroles de l’Ode au Temps lui vinrent en mémoire, chantées par la voix d’Hélénon, et, parfaitement calme à présent, il accompagna la voix de son maître :

 

Tout être, quel qu’il soit, t’est soumis, Temps.

Même les dieux descendent, effrayés, ton cours.

Sans t’émouvoir nullement des appels au secours,

Tu nous draines, traînes, entraînes, inexorablement.

 

L’Emotion, tu l’ignores, disent-ils,

Tous ces aveugles, qui sur le passé se lamentent,

Ne peuvent voir ton aide omniprésente.

Pourtant, elle est là, partout, subtile.

 

Tu nous aides, Temps, par ta forme sinueuse,

Ton lit, ton cours, tracé de multiples méandres.

Ils nous permettent de reprendre

Notre histoire avant qu’elle soit malheureuse.

 

Si nous faisions plus attention au Présent,

Nous pourrions alors, par tes grâces, refaire le Passé.

Mais trop souvent, nous gâchons notre vie, notre temps,

A pleurer, geindre, sans voir tes eaux enlacées.

 

Alors, après avoir passé tes méandres,

Tu nous rends, deux parties écœurées,

Aux dieux, c’est notre âme, qui encore va pleurer,

Observant ce corps devenir cendre.

 

Pendant ce temps, toi, le temps,

Ta route tu continues, et avec toi, nos enfants,

Qui, peut-être, verront tous les présents,

Que tu nous offres au gré de tes courants.

 

-Eh là, regarde un peu où tu vas, sac de légumes ! A moins que tes cheveux t’empêchent de te repérer, hurla une voix, comme Valald finissait son Ode.

-Je vous demande pardon ? Qu’y a-t-il donc qui me vaille d’être traité de la sorte ? Quoique ce soit, je gage que vous pourriez rester poli, répondit Valald, utilisant un langage soutenu, comme toujours quand il était surpris et pour tempérer son ardeur et celle de l’inconnu.

-Il y a que tu m’es rentré dedans triple andouille, et tu fais bien de me demander pardon. Franchement, ton cerveau est trop loin de ton cœur pour être oxygéné ou quoi ?

-Je vous prie de m’excuser pour cet incident, j’avais la tête ailleurs. Serait-ce un grand sacrifice pour vous que de vous repentir de vos insultes à mon égard ?

-Excuses acceptées, monsieur. Quant aux miennes, nous verrons si je vous recroise un jour. Maintenant, veuillez me laisser passer, s’il vous plaît, j’ai rendez-vous avec le chef de cette citée.

-Tiens donc, voilà une étrange coïncidence, il faut que j’aille le voir moi aussi. Nous pouvons faire route ensemble, si vous le désirez, annonça Valald, conscient que l’inconnu était subitement devenu plus poli, ce qui montrait deux choses : la première, c’est que la personne était un Nain, car eux seuls étaient capables d’associer ainsi la courtoisie et l’agressivité parmi les peuples à barbe de petite taille. La deuxième, c’était que Valald avait plu au Nain, et que l’incident était oublié.

-Pourquoi pas ? Mais il me semble que vous ne vous êtes pas présenté. C’est assez rare, un Elfe dans les Montagnes Noires.

-Oh, pardonnez ma méprise, je m’appelle Valald. Je suis un "marchand" mandaté par le Duc de Féréan, pour aller à Caldift chercher les perles vertes, qui arriveront de Port Halrâam dans quelques temps.

-Enchanté, je suis Kundïn Oakenshield, Ambassadeur en Mission Spéciale, concernant la Sécurité du Sud de la Cordillère.

-Merci, c’est très aimable à vous, remercia Valald, comprenant bien que le Nain lui avait fait une faveur en lui annonçant sa mission.

-Mais je vous en prie, cela nous concerne tous, répondit Kundïn, surprit que l’Elfe ait compris la valeur de ses propos.

Il marchèrent côte à côte pendant un centaine de mètres puis, à la lueur d’une torche, le Nain Ambassadeur s’arrêta net.

-Ah ça mais... ah ça mais... bafouilla-t-il, perdant tout son bon sens.

-Qu’y a-t-il ? s’inquiéta l’Elfe, terrorisé à l’idée que sa robe d’Ovate ait été vue par le Nain.

-C’est impossible, je dois rêver. Ou alors... enlevez-moi cette moustache postiche, monsieur ! Non, elle ne peut pas être fausse, elle est beaucoup trop courte et légère, comme celle d’un enfant. Mais alors, qu’est-ce donc que cela ?

-Une moustache, voyons, tout ce qu’il y a de plus normal pour vous, répondit Valald, soupirant de soulagement. Certes, pour un Elfe, c’est tout à fait inhabituel, mais Dientraël, dieu du Destin, à voulu qu’il soit ainsi pour moi.

-Voilà qui est fort impressionnant. Mais que vois-je ? Votre dos, il est... courbé, on dirait. Je me trompe ?

-Vous ne vous trompez pas, j’ai reçut une blessure il y a quelques semaines, et depuis, j’ai l’échine qui ploie légèrement.

-Vous n’avez pas fini de me surprendre, décidément. Une blessure de guerre avec de telles séquelles chez un Elfe à moustache, vous feriez fureur à toutes les cours de la Cordillère, assurément, et votre fortune serait rapide, avec la certitude qu’elle durera toute votre vie. Sans parler des honneurs qui vous seraient octroyés...

-Je sais, mais je ne recherche pas ces choses-là, qu’elles viennent des Elfes, des Nains, des Chilâsins, ou même des Dragons. L’honneur et l’or m’effraient même, je l’avoue.

-Voilà un marchand elfe pour le moins intriguant. Un Elfe qui craint les honneurs, ce n’est pas commun, mais un marchand elfe qui n’aime pas l’or ni les richesses, c’est plus que suspect. D’ailleurs, ça l’est pour tout marchand digne de ce nom.

-Zut, quel idiot je fais. Je suis découvert, pensa Valald, très nerveux.

-J’ai vu juste, vous n’êtes pas ce que vous prétendez être, fit Kundïn en voyant la mine subitement déconfite et cadavérique de son interlocuteur.

Il avait l’air très heureux de l’avoir démasqué, et l’Ovate, anxieux, se déporta un peu vers le mur, plus par réflexe que par réelle peur que le Nain voie la robe de son ordre.

-Bah, je ne dirai rien. C’est normal que le Duc essaie d’économiser de l’argent en vous envoyant, et un marchand aussi. Il a dû vous choisir parce que vous êtes un bon guerrier. Il n’ignore pas, en effet, qu’il faut traverser la Passe du Chaos pour rejoindre Caldift, et qu’on y trouve pas mal de sales bêtes. Donc, je ne dirai rien à personne. A moins, bien sûr, que vous ne soyez un Mage, un Druide, ou quoique se soit d’affilié, car ils sont interdits dans les citée Gnomes, n’oubliez pas.

-Merci beaucoup, fit-il, et, pour lui-même, essayons de jouer le jeu du guerrier. Quel fourbe ce Duc ! Mentir ainsi à un Ovate ! Les Druides ne vont pas apprécier, quand ils sauront cela, et leur châtiment sera très dur. On ne se joue pas comme cela d’un adepte de l’Ordre Druidique.

-Euh... je ne sais pas si je peux vous le demander, mais je n’en aurai peut-être plus l’occasion... commença Kundïn, visiblement gêné.

-Allez-y donc, demandez-moi.

-Voilà, euh..., j’aimerais beaucoup voir comment vous faites vos épées, vous les Elfes. Il paraît que vous les ciselez aussi finement que nous travaillons les bijoux, et que vous les incrustez de pierres. Cela m’intéresse beaucoup. Vous savez que nous autres Nains préférons la pratique à l’esthétique, en ce qui concerne l’art de la guerre, mais le fait est que si je suis devenu ambassadeur, c’est pour mon goût de la découverte des arts et des techniques d’autrui, et de les associer avec les nôtres. En plus, bien sûr, de mon exquise courtoisie, et de ma grande facilité a m’adapter à tout et n’importe quoi. Sans oublier que je sais comment accommoder les gens, leur présenter les choses sous le bon angle, les analyser entièrement en un clin d’œil ; mon incroyable talent de démagogue, mes capacités d’orateur, et toutes mes victoires en concours de rhétorique... mais je vais arrêtez de sortir toutes mes qualités, ma plus grande étant la modestie, et il sinon n’en restera plus pour après. Alors, je reviens dans le vif du sujet : Pourrais-je, s’il vous plaît Valald, observer votre épée ?

Valald se reprit aussitôt qu’il entendit son nom. En effet, avec le discours du Nain, il s’était passablement assoupi. Il hésita sur sa réponse, tout pris de court qu’il était, et ne possédant pas d’épée de surcroît, étant trop jeune, et trop peu élevé dans la hiérarchie des Druides pour en avoir une. Bien que vif, il ne sut trop quoi répondre :

-Ah oui, alors... euh... et bien... je suis désolé, mais... euh... cela ne va pas être possible... enfin... n’y voyez aucune chose vous concernant... vous ou les autres Nains...mais c’est que... vous comprenez...

-Tout à fait, vous n’en avez pas le droit,, c’est une épée familiale, qui ne doit être vue que par les amis ou ceux qui ne pourrons pas en parler après, sauf à leurs ancêtres...

-Pas du tout, vous vous méprenez. Je n’en ai pas, tout simplement. Les épées elfiques sont réservées aux soldats qui ont pleinement achevé leur formation, et font partie de l’armée. Je suis trop jeune pour en avoir une, et ma formation n’est pas terminée, expliqua-t-il, ne mentant qu’en très peu de choses.

-Quoi ? Mais alors, ce Duc a envoyé un jeune Elfe inexpérimenté traverser la Passe du Chaos ? Quel scélérat ! Tout cela pour de l’argent ! Ah, le fourbe ! Même nous, les Nains, qui adorons l’or, savons qu’aucun t’as d’or ne vaux la vie d’un des nôtres, surtout d’un jeune ! Il s’interrompit un instant pour réfléchir, puis reprit, d’un ton solennel, Moi, Kundïn Oakenshield, fait le serment d’accompagner et d’aider Valald dans ses voyages jusqu’à ce qu’il soit apte à se défendre, et bien équipé, où que ce soit, même dans la Jungle Endormie ou Dernier Espoir. De plus, je jure qu’avant la fin de l’année prochaine, je verrai le Duc de Féréan, et lui montrerai quel terrible ennemi peut être Kundïn Oakenshield, par la barbe de mes ancêtres.

-Kundïn, je suis très touché par votre sollicitude, et j’espère que vous n’avez pas prononcez vos paroles sur le fait de la colère. Quoiqu’il en soit, je suis très flatté, et heureux, de pouvoir vous compter parmi mes alliés. Mais je dois vous avouer que je ne suis pas démuni pour le combat, j’ai mon bâton, et aussi une dague que je suis disposé à vous faire voir, bien qu’elle soit moins belle que nos épées.

-Pfft, une dague vous servira peut-être contre un Gobelin, mais face à un Orque, vous pourrez commencez à faire vos prières. Et je ne vous parle pas de ce qui pourrait arriver si vous butez contre... Magnifique ! Voilà qui est tout à fait surprenant. Cela dépasse de loin ce que l’on m’avait raconté sur votre artisanat. Puis-je l’empoigner ? fit Kundïn, désignant la dague que Valald lui avait mis sous le nez, et qui avait coupé court à ses spéculations.

-Bien sûr, tenez.

-Merci.

Kundïn s’empara délicatement de l’arme de cuivre et d’acier d’un blanc éclatant. Toute la longueur, de la garde comme de la lame, était ciselée de gravures détaillées représentant surtout des animaux et des plantes. Elles s’accordaient parfaitement avec les formes délicates et harmonieuses de tous les éléments de l’arme. Le Nain, béat, en éprouva d’abord la solidité, à peine inférieure à celle de sa hache malgré son extrême finesse, puis l’équilibre. Impeccable, sans compter son poids dérisoire.

Tandis que Kundïn admirait son arme, l’essayait, et même jouait avec tel un enfant, Valald, lui, en profita pour détailler son nouveau et inattendu compagnon de route. Un peu petit, même pour un Nain, sa constitution et sa musculature étaient cependant impressionnantes, supérieures au commun de son peuple. Sa barbe, d’un brun tirant sur le roux, atteignait ses genoux, prouvant qu’il était assez jeune. Ses cheveux de la même teinte tombaient en cascade sur son dos, et en partie devant son visage, déjà bien mangé par son épaisse moustache. De son visage donc, Valald ne vit que son grand nez pâle et proéminent, et deux yeux vifs d’un bleu semblable à celui de l’éclair. Devant eux s’agitaient ses mains et la dague, pâles aussi, et calleuses, à force sûrement de manier la gros marteau de guerre en bronze qu’il portait à la ceinture. Kundïn était habillé assez simplement, mais l’absence de plis sous son pourpoint vert sombre témoignait que ses muscles ne le touchait pas, contrairement à ses braies d’un brun presque noir, où l’on discernait le roulement de ses chairs extrêmement bien charpentées. A le voir, on sentait bien qu’il était fait pour la guerre, que sa formation militaire était complète, à tel point qu’il en venait à prendre le combat comme un jeu. Il était né pour se battre, son physique le prouvait, et son mental complétait admirablement ce guerrier par une réflexion rapide et précise, une grande confiance en lui-même, une connaissance excellente de ses capacités, et de toutes les qualités qu’il avait mentionnées lui-même, sauf la modestie, pensa Valald. En fait, il était l’archétype parfait de l’Ambassadeur en ces lieux tourmentés : toutes les qualités morales requises y étaient, et on pouvait l’envoyer sans crainte sur le terrain, il s’en sortirait à vivant à coup sûr. Valald arrêta là ses observations, remarquant bien que Kundïn sentait son regard posé sur lui. Celui-ci se retourna, rendant enfin sa dague à l’Elfe, avec un air de contentement qui confirmait cette joie enfantine qui l’animait quand il fallait se battre :

-Cette arme est remarquable. Aussi bonne que les nôtres, bien qu’un peu moins solide, mais avec l’esthétique en plus. Avec des lames comme celles-ci, plus besoin d’apprentissage, le maniement est instinctif tellement il est agréable. Malgré tout, cela demeure une dague, et elle ne sera pas utile contre un véritable adversaire.

-Merci de ses compliments, fit l’Elfe. Et il continua, dans ses pensées : bon sang, "maniement instinctif", mais il devine tout ce Nain ! Heureusement qu’il n’est pas magicien ! Espérons qu’il n’ait pas découvert que ma dague d’Ovate est enchantée pour combler un enseignement martial moins élevé chez un Ovate que chez un Druide ou un Guerrier. Cet être est incroyable ! Fascinant et effrayant tout à la fois, dangereux même pour ses compagnons. Heureusement que je ne m’en suis pas fait un ennemi.

Chemin faisant, l’Elfe avait écarté son chemin de celui de Kundïn, se rapprochant du mur et des torches au fur et à mesure que ses réflexions l’amenait à s’inquiéter à son sujet. Il fut ramené à la réalité par la voix rocailleuse de l’Ambassadeur :

-Attention ! Votre manteau s’enflamme !

Valald, surpris mais possédant de bons réflexes, sauta rapidement sur le côté, tandis que Kundïn sortait une couverture de son sac, et l’utilisait pour éteindre la flamme. Valald tenta de l’en empêcher, mais c’était trop tard, le feu avait mangé dix centimètres de sa manche, et Kundïn aperçut le tissu gris piqueté de points noirs ou blanc, imitant le plumage de la gorge d’un Ergal, de la robe d’Ovate. Sa réaction ne se fera pas attendre, pensa Valald, il va me dénoncer, ou peut-être même me tuer sur place pour éviter des formalités administratives. Valald attendait, la gorge nouée, le cœur battant la chamade, que le Nain abatte sa hache sur sa tête. Mais il ne fit rien de tout cela. Il dit simplement :

-Voyons, contrôlez un peu vos genoux, on est à deux pas de la salle des Audiences. Vous êtes vraiment des petites natures, vous autres Elfes. Les blessures de guerre ne vous arrangent pas.

Complètement sidéré, l’Elfe reprit le contrôle de son corps, et raffermit l’attitude de son visage, pour essayer de démentir la remarque de Kundïn, mais aussi parce qu’elle passait difficilement dans son amour-propre. Il se redressa autant que son dos le lui permettait, et passa devant le Nain, d’un pas ferme et un peu agressif.

-Ah, voilà qui est mieux, remarqua-t-il. Mais soyez un peu moins agressif, sinon, on va vous mettre au cachot pour outrage au chef de la cité. Ils vont croire que vous allez les attaquez.

-Mais c’est pas vrai, ragea intérieurement Valald. Voilà qu’il m’explique la manière de me comporter chez les Gnomes maintenant. Cela signifie qu’il a deviné mon ignorance à propos des affaires et de la diplomatie.

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