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Le Prisonnier

Le Piège

 

 

Il était quasi impossible de définir précisément ce qu’il ressentait, tout au plus une impression d’exister à peine, ou si peu qu’il était difficile de se prononcer. Et pourtant, il ne s’agissait pas forcément d’un état physique qui aurait établi qu’il était soit vivant ou soit mort, mais plutôt d’un état flou, entre la conscience et l’inconscience, dans lequel le temps se déconnectait de l’être et où tous les espaces multidimensionnels connus n’aurait plus formé qu’un seul et unique petit point qui résumait ainsi tout ce que l’on était à cet instant présent.

Depuis quelques temps déjà, une image floue ne cessait de tourner dans sa tête, comme une goutte d’eau qui infiniment heurterait l’immense étendue d’un lac, avec l’onde de choc qui se répercuterait inexorablement sur la surface parfaitement lisse, avec ses cercles de plus en plus excentriques et frissonnants, à moins que ce ne fût sa tête elle-même qui tournât autour d’une idée fixe, comme si elle aspirait en elle cette même goutte d’eau d’une surface redevenue lisse comme un miroir. Au même moment où il se fit cette remarque, les deux sensations autour de cette gouttelette qui semblait peser si fort sur l’univers se superposèrent dans sa tête et il ouvrit les yeux. Il se sentit encore lourd, très lourd, et si fatigué qu’il aurait immédiatement replongé dans ce même sommeil léthargique, sauf qu’une sorte d’alarme s’était déclenchée en lui et réclamait que son esprit se réveillât au plus vite. Malgré tout, sa nuque tomba à nouveau en arrière, à moitié inerte, dans une trajectoire molle de demi-cercle, un peu comme cette même surface vibrante du lac heurtée par la même petite goutte, puis se stabilisa à peu près à la verticale, en figeant à nouveau le temps et l’espace et toutes les autres dimensions autour de lui.

Tout restait encore flou mais ses nerfs et ses sens lui communiquaient déjà des informations plus précises sur un possible danger. Un début de tableau se formait sous ses yeux, au fur et à mesure que la réalité réapparaissait derrière l’étrange brouillard qui remplissait encore son cerveau. Avec les bras comme tombés en arrière, ses pieds étaient complètement coincés derrière ceux d’une chaise, tout comme son dos calé contre le dossier ferme et rigide qui lui rentrait dans les omoplates. Il avait dormi dans une position pas très confortable, mais plutôt stable, qui avait permis ce sommeil troublé. Il avait maintenant les yeux ouverts, à l’affût du moindre signe qui lui permettrait de comprendre où il se situait et ce qui s’était passé. Ou tout du moins parvenir à reconstituer une séquence logique entre ce présent et les quelques bribes de son passé dont il se souvenait encore, comme, par exemple, cette course poursuite après un groupe d’individus qu’il était sur le point de rattraper et d’anéantir. Il aurait pu à cet instant se demander ce qu’il faisait là, mais il préféra étirer son dos endolori par la position. Il remarqua seulement que des liens autour de ses poignets lui empêchaient tout mouvement. « Ligoté. Je suis ligoté ».

Ce n’est pas encore à cet instant qu’il paniqua, mais uniquement quand il comprit que ses pieds étaient eux-mêmes ligotés à la chaise et qu’il n’arriva pas pour autant à les rompre, alors qu’il savait qu’il avait normalement toute la force nécessaire pour y parvenir. Il lui suffisait de le vouloir très fort, beaucoup plus fort qu’il ne parvenait à l’instant, comme s’il n’avait plus ce pouvoir en lui. A dire vrai, il avait d’abord imaginé derrière lui des cordes autour de ses membres ankylosés, mais un cliquetis métallique les transforma dans sa tête instantanément en des chaines ou des menottes. Et les contraintes qu’elles imprimaient sur chacun de ses poignets et de ses pieds devinrent spontanément plus vives maintenant qu’il cernait enfin la situation.

Il ignorait encore comment, mais il se trouvait bien prisonnier dans une pièce quasi sombre, que de maigres faisceaux de lumière éclairaient derrière lui à travers une fenêtre sans doute encrassée au vue du délabrement des murs nus, jaunis et fissurés autour de lui. Et il était bien prisonnier. Prisonnier.

Or ce qui le préoccupait le plus à cet instant, c’était que le Maître des Clés lui avait certifié que rien ne serait jamais plus fort que sa force. Or le maître des clés disait toujours la vérité. « Et il m’avait affirmé que rien au monde ne surpasserait ma force si je puisais dans mon pouvoir». Alors pourquoi ne pouvait-il pas briser ses chaînes ?

C’était totalement illogique compte tenu de la nature de ses super pouvoirs. Alors, une idée dans sa tête germa qui pouvait expliquer l’impossible. Quelque part, sans doute, quelque chose l’empêchait tout simplement de les exercer.

 

Devant lui, l’espace de cette pièce était réduit. Tout du moins, l’espace qu’il pouvait en voir. De la chaise à la porte délabrée, il y avait tout au plus quatre ou cinq mètres. Seulement, il ne pouvait pas voir la fenêtre mais seulement la visualiser mentalement. Même en tournant la tête de gauche à droite, il ne pouvait pas non plus apercevoir le mur derrière lui et ni, par conséquent, ce qui pouvait s’y cacher. Depuis quelque temps déjà, il avait l’impression qu’il y avait comme une présence dans la pièce. Alors, à tout hasard, il appela.

-          Y a quelqu’un ?

-          Bonjour, mon ami. Bien dormi ?

Une gifle venue de nulle part fit violemment pivoter sa tête. Il n’avait nul besoin de voir la silhouette qui s’était tenu cachée derrière lui sur sa gauche pour reconnaître cette voix grave et ricanante. Une voix qui ne pouvait être là et qu’il n’était pas censé entendre. Une voix d’un autre monde. L’ombre fit quelques pas dans sa direction et se plaça au centre des rayons de lumière qui plongeaient plus en avant dans la pièce, juste à côté de la vielle porte, qu’un simple coup d’épaule aurait fait voler en éclat si ses chaînes n’avaient été préalablement ensorcelées par son adversaire.

Le coup qu’on venait de lui infliger ne cessait de répercuter dans sa tête. Au lieu de s’estomper, la sensation ne faisait qu’empirer. La voix qu’il avait entendue résonnait infiniment dans son crâne, un peu plus claire à chaque fois. En même temps, au fur et à mesure que l’écho répétait la phrase, un nouveau voile, plus coloré, se superposait sur la réalité qui avait initialement émergé du brouillard. « Bonjour, mon ami. Bien dormi ? ».

-          Bonjour, mon ami. Bien dormi ?

-          Bonjour, mon ami. Bien dormi ?

-          Bonjour, mon ami. Bien dormi ?

La sonorité de la voix avait fini par complètement changer, avec une intention plus douce et attentionnée, mais aussi possiblement ironique. En même temps, une silhouette s’était rapprochée pour se placer face à lui. Et, au fur et à mesure que les voiles s’entassaient devant ses yeux, un vert clair olive s’en dégagea, puis émergèrent un ovale agréable avec un séduisant sourire surligné de rouge à lèvre et de longs et fins cheveux blond très clair que traversait une lumière chaleureuse, au gré des mots qui semblaient sans cesse se cogner et butter dans sa tête.

-          Bonjour, mon ami. Bien dormi ?

La pièce qui se révéla autour de lui n’était plus du tout la même.

 

**

*

 

Il devait dormir. Ou il venait enfin de se réveiller. Les deux étaient possibles.

Toujours était-il qu’autour de lui, tout avait changé. La seule chose qui restait pareille était sa position sur sa chaise et les liens qui le tenaient fermement ligotés aux pieds et au dossier de la dite chaise.

Il n’y avait plus rien de lugubre ni de sale dans cette pièce. C’était au contraire une chambre bien feutrée qui baignait dans une belle lumière qui filtrait des voiles de rideau de part et d’autre d’une grande fenêtre, avec un immense lit en baldaquin avec ses étoffes vert olive. Au sol, il n’y avait plus ce béton gris, grossier et rempli d’humidité, mais un joli parquet en bois qui donnait à l’endroit une résonnance chaleureuse.

En face de lui se tenait la ravissante silhouette d’une femme qu’il connaissait parfaitement. Avec sa taille fine et élancée, sa longue robe assortie au vert de la chambre, avec des manches qui s’évasaient largement au niveau du coude, et son diadème de diamants autour de la tête, se tenait sa rivale depuis toujours, la Magicienne des Ombres. Par transparence, une partie de sa longue chevelure blonde éblouissait au travers du soleil qui brillait par la fenêtre, ce qui renforçait l’idée d’une apparition. Elle possédait réellement une beauté unique, époustouflante, qui avait pour beaucoup valeur du plus puissant des enchantements. Combien de fois en avait-elle usé et abusé ? Bizarrement, elle ne l’avait jamais exercé sur lui. De toute façon, elle n’était pas trop son genre. Trop blonde. Peut-être trop belle également. De toute façon, il y avait certainement encore dans cette jolie tête un mauvais tour qu’il lui faudrait déjouer une fois de plus.

Alors, à nouveau, il chercha à se défaire de ses liens car maintenant qu’il connaissait son adversaire, aussi forte et puissante était-elle, elle n’avait pas le pouvoir de le maintenir prisonnier. Elle sourit malgré tout en le voyant se démener de la sorte.

-          Oh, tu peux t’amuser longtemps… Je crains que, cette fois-ci, tu ne puisses t’en sortir aussi simplement.

-          Tu crois, ricana-t-il en se démenant davantage contre ses chaînes.

-          Oui.

Il continua de bouger les bras et les pieds. Elle s’amusa juste à tourner autour de lui pour le regarder se contorsionner en vain.

-          Continue…  Fais comme si je n’étais pas là. Mais, cette fois, tu vas voir, ensemble, on va bien s’amuser…

-          Et si je ne veux pas jouer avec toi ?

-          Parce que tu crois que tu as le choix ?

Quoi qu’il fît, le métal résistait. Il était véritablement prisonnier. Il détesta cette impression d’impuissance face à elle. C’était quelque chose d’impensable pour lui. Normalement, aucun maléfice, aucun métal n’étaient assez puissant pour le maintenir ainsi ligoté sur sa chaise, et pourtant, c’était ce qu’il constatait. Elle le laissait tranquillement faire, totalement certaine de son fait.

-          Vois-tu, comme toi, j’ai obtenu du Maître des Clés un don. Un don tout simple. Voilà, en ma présence, tes pouvoirs n’existent plus. Certes, tu les as toujours en toi, ils sont toujours aussi puissants, mais face à moi, tu deviens un homme comme les autres. Bien entendu, dès que je quitterai cette pièce, tu les retrouveras. Complètements intacts.

-          J’ai comme qui dirait une petite idée sur la manière dont tu l’as obtenu !  

-          Tu dis ça parce que ça t’arrange de le penser. Parce que je suis une femme dotée d’un physique avantageux qui sait séduire les hommes, alors je ne peux avoir d’autres solutions que d’user de mes charmes pour obtenir ce que je veux, c’est ça ?

Il avait maintenant en lui de la colère. Une colère contre cette femme qui l’humiliait. Une colère tournée contre lui-même de s’être ainsi laissé piéger. Une colère rouge et noire qui montait sans cesse et qu’il aurait voulu libérer sur ces chaînes qui le maintenaient assis sur cette chaise devant elle. Intérieurement, il bouillait. Il avait envie de mordre et de se battre encore, mais il semblait là uniquement pour écouter l’histoire que cette satanée femme se plairait à lui raconter. Prisonnier et totalement entre ses griffes. Mais toujours libre de la provoquer.

-          Pourquoi en serait-il autrement ?

-          Tu as raison. Pourquoi en serait-il autrement…

-          Tu dois bien t’amuser maintenant. Tu as dû bien te moquer de lui…

-          Tu te fais une bien piètre représentation du Maître des Clés. Et si je te disais qu’il a été déçu de la façon dont tu usais de tes pouvoirs ? Et que je n’ai pas eu à le forcer parce qu’il était très heureux de te jouer un tour, que répliquerais-tu ?

Il n’osa répondre. Peut-être disait-elle vrai ? Mais elle n’était pas comme le Maître des Clés, elle ne disait pas uniquement la vérité. Au contraire, elle excellait dans le mensonge et dans l’art de les revêtir des plus beaux artifices. Pour elle, vérité et mensonge ne formaient qu’un jeu. C’était à lui de démasquer le contenu de l’un et de l’autre. Dans ces cas-là, il fallait partir d’un axiome incontournable et, petit à petit, avancer et dérouler l’ensemble pour en extraire l’unique vérité. Or, à cet instant, le seul fait incontournable qu’il devait accepter, c’était qu’il n’arrivait pas à se libérer de ses chaînes et qu’effectivement, il était probable que la simple présence de la magicienne lui retirait tous ses pouvoirs. En tout cas, ça tenait la route. Seulement, aucune autre solution ne lui apparaissait pour se libérer.

Jusqu’à présent, il avait toujours réussi à déjouer les innombrables pièges qu’elle lui avait tendus. Il avait à sa disposition deux pouvoirs : une force insurpassable et une voix très grave. Il rajoutait toujours le second pour rire, parce qu’il trouvait le sien trop classique et parce qu’il avait effectivement la voix très grave. Il avait cependant un petit plus, cette certitude que, quoi qu’il ait envie de faire, il en aurait la force. Elle s’adaptait à chaque fois à la situation et y rajoutait juste ce qu’il fallait pour y parvenir. Il avait un autre pouvoir mais, celui-la, il le gardait secret car il le touchait intimement et créait un lien très fort entre lui et le monde. Un pouvoir presque effrayant lorsqu’il se révélait à lui et qu’il découvrait le poids de ses responsabilités autour de ce qu’il pouvait en faire.

Aussi, dès qu’il serait libéré, il savait que sa prochaine priorité serait de neutraliser définitivement cette maudite magicienne. Elle avait dépassé les limites, il fallait qu’elle paye. Et, seul ou avec l’aide des autres super héros, il saurait l’anéantir et lui en faire payer le prix exact.

 

Il y avait visiblement dans les yeux de la magicienne une véritable jubilation à le voir ainsi à sa merci. Elle devait y percevoir une délicieuse ironie qu’il devinait pour partie, mais dont il savait qu’elle en gardait l’ampleur pour en savourer graduellement toute la saveur raffinée qu’elle savait dans ce cas déployer.

Devant lui, avec son expression mutine, elle avait vraiment de jolis yeux gris vert, avec dans l’iris quelques lamelles dorées qui leur donnaient cet aspect quasi surnaturel. Pour la première fois, il remarqua combien son maquillage, à la fois discret sur sa peau, et au mascara et au rimmel au contraire plus appuyés sur les yeux, avait été disposé pour les magnifier, en accentuant leur intensité et en allongeant la finesse de ses cils pour créer cette image un peu fatale sous des atours promettant en même temps d’infinies douceurs. 

« Décidément, elle sait très bien combien elle est belle. Tout comme elle sait que je la regarde et qu’elle espère que je tombe sous son charme si elle insistait. Tu peux toujours courir ! Tu n’es définitivement pas mon genre !»

Il le devinait d’autant plus que son sourire était devenu plus enjôleur, presque malicieux. Il remarqua également qu’elle avait parfaitement dessiné ses lèvres d’un rose indien qui se mariait très bien aux teintes de ses cheveux clairs et de sa robe olive. Et il se fit également la remarque que sa longue coiffure qu’elle avait laissée librement tomber derrière elle, seulement maintenue de part et d’autre de son visage par son diadème, avait un éclat d’un blond encore plus claire que d’habitude, comme si le soleil avait l’avait soudain éclaircie pour lui donner l’image d’un ange.

« Tu parles d’un ange ! ».

Pour autant, la pièce autour de lui ne lui disait rien. Alors, pour la première fois, il imagina qu’il put s’agir de la chambre de la Magicienne des Ombres et qu’il était dans son palais, ce qui expliquait sans doute qu’elle semblait si assurée et si impassible, presque arrogante devant lui. D’ailleurs, on le disait empli d’enchantements et de maléfices pour quiconque s’y aventurait. On disait aussi qu’il était un immense labyrinthe pour ceux qui y rentraient sans obtenir ce qu’ils étaient venus y chercher. Combien d’amants avaient dû ainsi disparaître ? A dire vrai, il ignorait si quelqu’un en était un jour sorti vivant de son plein gré… Si tel était le cas, se débarrasser de ses liens ne serait qu’une petite partie du problème. Peut-être était-ce même le plus simple…

Elle le regardait, les bras repliées avec les mains sur ses hanches, sur lesquelles une natte légèrement plus claire avait été enroulée en guise de ceinture et dont les extrémités tombaient jusqu’entre ses jambes, soulignant ainsi sa taille tout en attirant sensuellement l’œil sur l’emplacement du nœud qui reposait non loin du pubis. Elle attendait, visiblement amusée, le moment propice pour dire ce qu’elle attendait de lui, car, après tout, elle ne l’avait pas tué. Inconsciemment, il nota dans sa tête qu’il s’agissait du second fait incontournable dont il disposait. De toute façon, derrière toute cette mise en scène, il y avait un enjeu qu’il ne mesurait pas encore et qui justifiait qu’il n’était à cet instant que prisonnier.

Elle le regardait toujours. Il devina qu’elle allait parler. Son sourire faisait maintenant adorablement briller ses jolis yeux vert clair.

-          Tu te demandes sans doute les raisons de ce piège ? Elles sont pourtant très simples. C’est une épreuve pour mesurer ta force. Les chaînes et les menottes qui entourent tes poignets et tes chevilles appartiennent au Maître des Clés. Et dans la boîte en ivoire que tu vois sur ma coiffeuse se trouve une dizaine de clés dont celle qui peut les ouvrir et donc te délivrer.

Immédiatement, il chercha au milieu des fioles et des peignes et autres produits de beauté cette fameuse boîte. Il la connaissait parfaitement. C’était effectivement celle qui appartenait au Maître des Clés. Se pouvait-il qu’il lui ait même confié certaines de ses clés ? Pourquoi ce revirement soudain et cet acharnement sur lui ? Après tout, s’il était devenu aussi puissant, c’était uniquement parce qu’il lui avait confié cette force insurpassable. Les implications et les enjeux devenaient trop grands. Ce ne pouvait être sa vraie boîte mais plutôt une copie ou un enchantement d’illusion. Avec elle, tout était possible. Seulement et visiblement, elle n’en avait pas fini.

-          Oui, c’est bien la boîte à laquelle tu penses. Et le plus drôle, vois-tu, c’est qu’autour de ton cou se tient également la clé qui ouvre cette boite. Donc tu as tout à ta disposition pour te libérer. Cela devrait être dans tes cordes, non ?

Il remua le torse et sentit effectivement un objet bougé sous sa chemise blanche, sans doute attaché autour du cou par un lacet. Il en apprécia presque l’ironie.

-          Voilà. L’épreuve est simplissime. Comme tu le vois, avec ou sans tes pouvoirs, je t’ai laissé tout ce que tu avais besoin pour te libérer. Tu auras ainsi toute la liberté de construire l’histoire qu’il te plaira de construire. Je t’avoue que je suis même déjà  impatiente de la découvrir…

-          Oui, mais, tant que tu es présente à mes côtés, si je comprends bien, je n’ai pas accès à mes pouvoirs, donc c’est impossible d’imaginer autre chose que ce que tu auras décidé.

-          Tu te reposes peut-être trop sur eux… Et qui t’a dit que j’ai du temps à perdre pour te regarder te libérer ou échouer ?

-          Mais c’est absurde. Si j’ai mes pouvoirs, alors je n’ai plus besoin des clés… Cela devient ridicule.

-          Tu oublies que ces chaînes appartiennent au Maître des Clés. Tu te mesures à moi, mais aussi indirectement à lui. Et il m’a confié un autre secret. Un enchantement qui devrait particulièrement te donner du fil à tordre et dont je suis très fière…

Si tout était si simple, alors il y avait forcément quelque chose qui clochait. Ou alors, elle continuait à lui cacher l’essentiel. Par exemple, pourquoi le Maître des Clés aurait-il d’un coup basculé dans son camp ? Avait-il lui aussi peur de lui ? Il y avait forcément une raison, car jamais le Maître agissait à la légère. Et encore plus, si elle disait vrai et qu’il lui avait révélé autant de secrets jusqu’à lui confier une partie des Clés du Destin… Il devenait impératif qu’il comprenne les enjeux qui se cachaient derrière la mise en scène de la magicienne. D’ailleurs, il devinait que cela faisait partie du jeu. Il devait tout avoir à sa disposition pour mieux s’en échapper comme si c’était là le piège, c’était en tout cas tout à fait dans l’esprit tordu de la Magicienne des Ombres.

-          Voyons voir si tu as compris mon petit jeu… Puisque rien n’est censé surmontée ta force, que se passerait-il si je montrais aux yeux de tous que je t’ai justement vaincu par la force ? Moi, une simple femme avec mes muscles ridicules et avec, pour ultime arme, mon sourire ravageur… Terrassé par la force d’un sourire. Quelle image tu laisserais !

-          Mais ce n’est pas ton sourire qui me terrasse, ce sont les pouvoirs du Maître des Clés ! Et tu le sais bien ! Et tout le monde le sauras !

-          Tu as raison. Oublions mon sourire et changeons légèrement le jeu.

Les traits de cette femme pouvaient très vite basculer, mais ils gardaient pour autant un irrésistible attrait. Il n’y avait plus de vrai sourire, mais un regard un peu plus vague, plus sérieux, avec même un léger voile mélancolique qu’il ne lui connaissait pas.

-          Tu connais le Maître. Il sait lui aussi fixer son prix…

-          Mais, si c’était le cas, pourquoi tu ne m’as pas tué tout de suite ?

-          Parce que ce serait la preuve que je ne t’ai pas vaincu. Tu ne comprends pas ?

-          Pas vraiment, non.

-          Pour que je gagne aux yeux du Maître, je dois te forcer à utiliser tes pouvoirs. Mais si tu réussis ainsi à te délivrer, alors, c’est moi qui gagne aussi.

-          C’est ridicule !

-          Tu ne sembles pas comprendre. Pour te vaincre, je dois aller encore plus loin. Je dois te forcer à capituler, à renoncer à jamais à qui tu es et à tes pouvoirs. Pour me montrer que tu es capable de me vaincre, il ne te restera qu’à te libérer sans eux. Seulement, autant te prévenir, il est possible, en renonçant à eux pour me vaincre, que tu ne les perdes à jamais. Le paradoxe est savoureux, non ? Pour te vaincre, je dois te forcer à te libérer ! Et pour que tu gagnes, tu dois me prouver que je suis plus forte que toi ! Avoue que c’est un joli chalenge pour nous deux ?

Seulement, il y avait dans cette dernière phrase comme un étrange accent de défaite. Au lieu de jubiler, elle semblait presque paniquer à l’idée de gagner. Jamais il ne l’avait sentie à ce point fragile et vulnérable. Il était possible qu’elle se jouait une nouvelle fois de lui, mais ses yeux tremblaient comme si elle retenait des larmes. Il commençait à deviner les enjeux. Du moins, l’étendue de ceux qu’on lui cachait…

Ce combat ne se situait plus entre elle et lui, mais entre elle et le Maître de Clés. La négociation avait dû être certainement rude et sans doute était-ce pourquoi la Magicienne des Ombres, en contrepartie, avait autant obtenu de lui. Mais si le prix avait été aussi élevé, pourquoi avait-elle orchestré ce vaste jeu ridicule ? Se pouvait-il qu’elle ne soit devenue qu’un pion entre les mains du Maître ? Et ce duel entre elle et lui n’était-il pas plutôt un affrontement à peine voilé entre lui et le Maître ? Les réponses à ces questions, pour l’instant, le dépassaient totalement. Il ne disposait à cette heure que de deux certitudes : les liens qui le retenaient étaient paradoxalement plus forts que lui et la magicienne ne l’avait pas tué. Le reste n’était peut-être que des mensonges ou des embrouilles dont elle avait le secret.

Elle se tut alors comme pour le laisser mesurer l’ampleur de ce qui l’attendait. Le silence qui les séparait dura ainsi pendant de longues minutes. Il en devenait si gênant que le prisonnier chercha comment l’interrompre.

-          En gros, je perds quoi qu’il arrive…

-          Non… Tu n’as rien compris… Rien du tout…

-          Parce que tu vas, comme ça, me laisser tout seul, récupérer mes pouvoirs avec une partie des Clés du Destin à portée de main ? Je ne te crois pas. Il y a forcément un piège.

-          Et pourtant, il va falloir. Et tu ne crois pas que la situation que je t’ai exposée est déjà suffisamment un vaste piège en soi ? Que te faudrait-il de plus ?

-          Je ne comprends toujours pas ce qu’attend le Maître de moi. Ou de toi.

-          Tu n’as pas à le savoir pour l’instant. La seule chose qui compte, c’est le défi que je te lance : si vraiment rien n’est plus fort que toi, alors je te défie de te débarrasser de tes liens. C’est tout. Certes, ces chaînes appartiennent au Maître des Clés, mais elles sont recouvertes de ma seule magie. Je veux savoir si elle peut être plus forte que toi. Tu comprends mieux l’enjeu ? Si rien n’est censé l’être, alors cela doit être chose facile. Si tu échoues, tu devras admettre que mon pouvoir est devenu plus fort que le tien. Tout le reste n’a pas d’importance. Seulement, je te laisse le choix sur la façon de gagner. Tu peux gagner pour que je perde. Ou tu peux gagner pour que je gagne. A toi de choisir ce que tu souhaites vivre.

Elle énonçait toutes ces phrases d’une voix presque fataliste, comme si le résultat ne l’intéressait plus vraiment. Le seul moment où il avait vu ses yeux briller avait été provoqué par la possible puissance de sa magie. Son attitude commençait d’ailleurs à l’agacer. Plus elle lui montrait l’étendue de son piège et plus elle semblait capituler face à son issue.  Or, à cet instant, c’était lui qui ne voyait comment sortir de son piège sans s’enfermer dans sa logique inexorable. Une impression qu’il détestait plus que tout.

Pourtant, il peinait encore à mesurer toute la portée de ce qu’elle avait dit, tout du moins, il n’en cernait pas pleinement les subtilités évoquées parce qu’il avait besoin pour ça d’être plongé dans le feu de l’action. Mais il se mit à sourire, car la magicienne avait écarté une hypothèse qui, soudain, lui parut avoir un certain charme.

-          Et je peux aussi perdre pour que nous perdions tous les deux… Tu sembles l’oublier…

-          Oui, tu peux aussi décider de nous faire perdre tous les deux… Mais ça, cela voudrait dire que tu n’as pas compris les vrais enjeux…

-          Mais comment puis-je être sûr que tu dis vrai sur toutes ces clés ? Admettons que je renonce à mes pouvoirs pour me libérer, tu es fort capable de te jouer de moi en ne me confiant que les mauvaises ?

-          Ah, je vois. Tu te dis que la magicienne joue une fois de plus avec la vérité et les mensonges. Tu veux jouer à ce jeu ?

-          Mais non, on ne joue plus. Tu cherches juste à prouver au monde entier que tu es la plus forte. C’est pitoyable !

-          Oui, c’est sûr. Toi, tu ne te poses jamais la question. Chaque matin, tu connais la réponse. Seulement, moi, je suis une femme, jamais je n’aurai ta force… C’est dans la nature des choses. Et pour autant, suis-je plus faible que toi ? Vois-tu, dans ce jeu, le but n’est pas de savoir qui de nous deux est le plus fort, contrairement à ce que tu penses, mais plutôt lequel de nous est le plus faible. Et aussi bizarre que cela puisse te paraître, l’un comme l’autre, nous sommes pitoyablement faibles. Ça en est même risible !

Les propos de la magicienne firent étrangement mouche. A cet instant, il douta qu’elle put mentir. En fait, jamais il ne l’avait sentie aussi sincère. A nouveau, il songea au prix qu’elle avait dû payer face au Maître des Clés. Sans doute était-il le seul à véritablement jouer, à tenir les tenants et aboutissants de cette mascarade ? Pour autant, il détestait se sentir prisonnier. Et en même temps, la façon de se libérer le répugnait. Ce sentiment était curieusement monté en lui au fil des entrelacs des mystérieuses formulations que la magicienne se plaisait à distribuer. Il y avait autour d’eux une logique à la fois vertigineuse et consternante qui se dérobait à lui à chaque fois qu’elle expliquait un peu plus le jeu qu’elle lui proposait. Tout paraissait limpide sur le moment, puis quelques secondes plus tard, il ne restait en lui que des paradoxes.

Il eut soudain hâte de se retrouver seul face à ce magma d’idées qui bouillonnait et s’entrechoquait dans sa tête. Il se disait que la vérité n’apparaitrait qu’en prenant un peu de recul. Seul face à lui-même et face aux chaînes qui lui tiraient les membres derrière lui, autour de cette chaise.

-          Un dernier mot. Tu veux vraiment savoir pourquoi je ne t’ai pas tué ? Parce qu’en toi se cache ce que je cherche. Et toi aussi, tu le découvriras dans cette boîte quand tu auras compris qui je suis vraiment pour toi.

-          Tu mens. Tu ne fais que mentir.

-          Oui, peut-être. Mais, ne trouverais-tu pas effrayant que l’un de nous disparaisse avant de découvrir ce que nous sommes l’un pour l’autre à cet instant ? Et en même temps, ce serait d’une incommensurable beauté, n’est-ce pas ?

-          Tu ne dis que des conneries !

-          Oui, tu as raison. De belles conneries. Seulement, moi, à la fin, quoi qu’il arrive, j’aurai acquis un dernier pouvoir : celui de faire jaillir de toi ton vrai visage.

Pourquoi avait-elle dit ça ? Il connaissait parfaitement l’homme qu’il était. Y compris quand une femme était en face de lui. D’ailleurs, il n’avait pas cédé, il la trouvait toujours aussi belle mais toujours pas à son goût. Elle se dirigea bientôt vers la porte derrière lui et il ne parvint plus à la suivre des yeux. Il la devinait encore quelque part dans la pièce.

 -          Sur ces mots, je te laisse à ton sort. Et surtout, amuse-toi bien…

Quand la porte se referma, un immense soulagement l’envahit. Tous ces échanges lui en avaient donné mal à la tête. Et en même temps, il voulait savoir si vraiment il était resté le même. Cela aurait été un nouvel élément tangible pour comprendre et raisonner. Pour ça, il n’avait qu’à contracter ses muscles et briser ses chaînes. Or tout le travail de la magicienne avait été de semer le doute dans son esprit. Et elle y était complètement parvenue.

Il devina combien elle devait sourire derrière la porte à le voir soudain hésiter. Il eut le désagréable sentiment qu’elle avait déjà gagné avant même qu’il ne commençât à jouer. Il y avait un autre élément tangible, sous sa chemise : quelque part sur son torse se tenait un objet qui ressemblait fort à une clé.

-          Résumons : tu es vivant et la magicienne ne t’a pas tué ; de son côté, elle a trouvé le moyen de t’immobiliser mais tu ignores lequel et tu as quelque chose autour du cou qui est peut-être une clé. Et cette clé est censée ouvrir la boîte qui te permettra de te libérer. Et, en plus, dans quelques instants, tu sauras si tes pouvoirs sont intacts. Tout est décidément parfait dans ce monde.

 

Pour autant, pour la première fois depuis qu’il avait reçu sa force surhumaine du Maître des Clés, il redouta de l’utiliser, comme si elle avait désormais le pouvoir de le briser lui-même.

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Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #21199 il y a 7 ans 7 mois
Il s'agit pour moi d'une idée qui traîne. En soi, ce texte reste assez proche de ce que j'avais posté dans Scripterium. Le style a été retravaillé et les thèmes mieux développer. En fait, j'ai cherché une meilleur cohérence avec ce qui m'a motivé à écrire.

Je l'ai eu en suivant la série Jessica Jones, et un peu aussi à force de voir des films Marvel avec mes enfants avec tous ces super héros qui se castagnent. Il y a quelque chose de ridicule dans tous ces pouvoirs qui font qu'ils ne peuvent rien leur arriver alors que le but de l'histoire est au contraire de montrer qu'ils restent vulnérables. Et bizarrement, toute honnêteté, on se laisse volontiers prendre, même si on n'est pas pour autant hyper angoissé pour eux.C'est assez curieux.

Donc j'ai voulu bâtir un texte sur une sorte de confrontation de deux super héros. Je voulais qu'il y ait un vrai enjeu et en même temps que les pouvoirs en question soient en quelque sorte l'enjeu du texte.Et puis, je voulais un méchant fascinant. Le tout avec un sorte de résonance intime sur les enjeux qui apparaîtraient au fil de l'avancée du texte.
Voilà pour l'idée de départ.

Le résultat final est assez différent de mes autres textes parce qu'il y une sorte de suspense, une logique qui font que la lecture peut être plus distractive. En tout cas, j'ai cette envie que le lecteur soit distrait et piqué par l'histoire et qu'il s'interroge sur ce qui se passera dans la seconde partie (qui s'appellera... suspense... L'Evasion). Et en même temps, on y retrouve des thèmes assez obsessifs chez moi. Donc ce n'est pas non plus un texte pyrotechnique avec des effets spéciaux. Non, question budget, j'ai fait très raisonnable. La preuve, j'ai pu lancer la suite dans la foulée. La 2eme partie est terminée mais j'aimerai d'abord avoir votre vision des choses sans connaître la toute fin de manière à avoir votre ressenti et connaître comment vous voyez la suite.

Après, bien sûr, il est possible que l'histoire ne soit pas qu'une histoire de super héros... Mais bon, pour l'heure, j'aimerais qu'elle soit lu comme telle.
Portrait de Iggy Grunnson
Iggy Grunnson a répondu au sujet : #21266 il y a 7 ans 6 mois
C'est lu!

Sans doute trop en vitesse malgré tout, il faut dire que comme chez Vuld on a l'impression en tant que lecteur qu'il y a quelque chose dans ce texte d'un dispositif destiné à mettre en scène un questionnement moral et/ou philosophique, un jeu de pensée dissimulé sous l'apparence d'une histoire de genre en quelque sorte. Vous vous êtes bien trouvés!

Ma critique, dans un premier temps au moins, se limitera vraiment au premier degré de lecture de l'histoire...
Le début est franchement excellent, déjà. Le réveil du héros, au niveau du style, fait partie des passages qui m'ont le plus impressionnés parmi ceux de tes textes que j'ai pu lire. Tu prends ton temps, tu arrives bien à rendre l'impression de chaos sensoriel, c'est à la fois très travaillé (et original!) et pourtant lisible - il faudrait peut-être couper un ou deux adverbes dans le lot, mais c'est du détail.
La deuxième partie, le dialogue, est pas mal elle aussi, mais un ton en dessous en termes d'intensité. Ca n'est pas que ce qui est raconté ne soit pas intéressant, mais j'ai l'impression que le texte pourrait être resserré, dire autant de choses en étant un peu plus court. En tout cas ce serait favorable du point de vue du suspense ; en l'état on a l'impression que tu t'intéresse bien davantage à ton "dispositif" (que je citais en introduction) plus qu'à nous faire vraiment vivre le danger de la situation. Ca va au-delà du simple monologue de méchant "James bondien", qui nous explique son plan alors qu'il pourrait porter le coup fatal au héros... Mais c'est peut être (sans doute!) là qu'est précisément ton intention.

En tout cas je suis curieux de lire la suite!

Iggy
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #21267 il y a 7 ans 6 mois

La deuxième partie, le dialogue, est pas mal elle aussi, mais un ton en dessous en termes d'intensité.

Tiens, j'aimerais bien que tu me donnes des précisions sur:
- ce que tu ressens du vécu du prisonnier.
- ta perception de la Magicienne
- Qu'est-ce qui t'a plu et déplu dans cet affrontement entre les deux personnages?
- Comment vois-tu la dimension fantastique du texte? Le monde qui est évoqué (même s'il n'est esquissé et secondaire) te parait-il un élément qui renforce le potentiel du texte ou le rend plus artificiel?

Mais tu as raison sur l'intensité mais ce n'est effectivement pas une dimension qui m'intéressait. A la place, je recherchais une sorte de suspense sur la façon dont le prisonnier peut s'évader et voir si toi, en tant que lecteur, tu avais déjà ta petite idée.

En tout cas ce serait favorable du point de vue du suspense ; en l'état on a l'impression que tu t'intéresse bien davantage à ton "dispositif" (que je citais en introduction) plus qu'à nous faire vraiment vivre le danger de la situation.

Oui, il ya effectivement un "dispositif" comme tu dis, mais je le vois plus comme une sorte de jeu avec le lecteur. Je lui donne une situation, je lui donne des options et je me demande en tant qu'auteur si il arrive à comprendre les enjeux qu'il y a. Sachant que je joue avec quelques paradoxes.
Mais, effectivement, il n'y a aucun danger puisque le prisonnier a tout pour se libérer. La question serait plutôt de savoir comment il va s'en sortir, sachant que chacune des options présentées a un prix. Laquelle te paraîtrait la plus logique?

Ca va au-delà du simple monologue de méchant "James bondien", qui nous explique son plan alors qu'il pourrait porter le coup fatal au héros... Mais c'est peut être (sans doute!) là qu'est précisément ton intention.

Toute la première scène a été faite en pensant à une scène avec Daniel Craig prisonnier (je ne sais plus lequel, Casino Royal je crois). Sauf que la Magicienne explique clairement pourquoi elle ne peut pas (ou plutôt doit pas) le tuer. Et comme elle le dit, l'enjeu n'est pas de savoir qui est le plus fort mais bien qui est le moins faible. Donc ce n'est pas une démonstration de superpouvoir.

Au delà de la notion de suspense et d'intensité dramatique, j'aimerai que ce texte pique la curiosité et intrigue de manière à ce qu'on ait envie de lire la suite comme s'il y avait un vrai suspense ou de l'intensité dramatique.
Portrait de Iggy Grunnson
Iggy Grunnson a répondu au sujet : #21268 il y a 7 ans 6 mois

Tiens, j'aimerais bien que tu me donnes des précisions sur:
- ce que tu ressens du vécu du prisonnier.
- ta perception de la Magicienne
- Qu'est-ce qui t'a plu et déplu dans cet affrontement entre les deux personnages?
- Comment vois-tu la dimension fantastique du texte? Le monde qui est évoqué (même s'il n'est esquissé et secondaire) te parait-il un élément qui renforce le potentiel du texte ou le rend plus artificiel?


Je ne sais pas si ça répondra à tes questions, mais je vais faire de mon mieux :

- Concernant la relation entre le héros et la magicienne, j'ai bien aimé la lassitude que laisse apparaître la magicienne quant à leur affrontement. Ca m'a rappelé "The Killing Joke" d'Alan Moore, cette histoire de batman qui apporte un éclairage similaire sur le lien entre batman et le Joker. Par contre, pour rééquilibrer la sympathie qui semble exister, jusqu'à un certain point, entre les 2 personnages, il aurait peut-être fallu renforcer la menace que constitue la magicienne. Par exemple en évoquant un épisode douloureux de leur passé (ex. elle a estropié l'acolyte du héros) ? En l'état, elle ne paraît peut-être pas assez maléfique, au-delà du fait qu'elle est "trop belle pour être vraie" et qu'elle ment comme elle respire.

- Sur "l'univers", je ne peux pas juger mais je me dis qu'à ta place j'y serais allé plus franco sur le côté BD. Par exemple, tu parles du maitre des clés, j'imagine un vénérable venu d'extrême orient, et tu pourrais évoquer à un moment ou un autre l'atmosphère de son office embrumée par l'encens. Idem pour la tenue des 2 personnages, j'y serais allée plus fort dans le lycra et le bariolé, pour revendiquer un peu plus la filiation avec les comics. Bon, ceci dit, l'approche que tu proposes fonctionne aussi, je n'ai pas eu l'impression qu'il manquait des explications quant aux règles régissant cet univers. A la limite, je supprimerais simplement le terme "super" du texte, on est quasiment dans la tête du héros et j'ai du mal à l'imaginer se référer à ses pouvoirs comme à des "super" pouvoirs, ou à ses collègues comme à des "super" héros.


Iggy
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #21269 il y a 7 ans 6 mois
Zara', je peux pas.

J'en suis arrivé très exactement là :

Pour la première fois, il remarqua combien son maquillage

Et j'ai laissé tomber.
J'en suis au troisième jet de mon commentaire parce que les deux jets précédents sont exécrables, j'y crache assez de poison pour remplir une piscine et honnêtement je préfère penser que c'est juste moi, que je me suis levé de mauvais poil ou peu importe.

En bref, et pour éviter de répéter le chapelet d'injures qui me sont venues, le texte m'avait promis de me parler d'un héros privé de ses pouvoirs.
C'était simple, c'était accrocheur même en sachant déjà le pourquoi du comment.
Mais le texte s'en fiche. Tu peux dire ce que tu veux, le texte s'en contrefiche. Les personnages s'en moquent. Le narrateur est aux fraises. Je bouffe description sur description pendant que tout stagne, et le prisonnier du coup ben c'est moi. Et je n'ai, aucune envie, d'être prisonnier.

J'ai attendu une éternité que le texte se décide à s'intéresser à sa propre intrigue, le texte me parle de mascara, je claque la porte.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #21270 il y a 7 ans 6 mois
C'est dommage qu'il te bloque à ce point... Parce que, vois-tu, c'est sans doute le meilleur texte de renard que j'ai écrit... Il condense sous forme allégorique un grand nombre des thèmes qui me tiennent le plus à coeur.
Et tu t'arrête juste quand le texte commence à jouer avec les paradoxes.

. Les personnages s'en moquent. Le narrateur est aux fraises. Je bouffe description sur description pendant que tout stagne, et le prisonnier du coup ben c'est moi. Et je n'ai, aucune envie, d'être prisonnier.

D'abord, tu fais un contresens totale sur le texte. il ne parle pas de quelqu'un qui perd ses pouvoirs, il parle de quelqu'un qui est prisonnier et qui a normalement tout pour se libérer et qui perdrait s'il utilisait ses super pouvoirs.Si le texte offre une promesse, c'est comment va-t-il faire pour se libérer? Mais tu n'en es pas là parce que tu n'as pas encore atteint le vrai piège/défi que pose la magicienne.

Mais le texte s'en fiche. Tu peux dire ce que tu veux, le texte s'en contrefiche.

Alors là, je ne comprends pas comment tu peux dire ça. Tu es dans un huis-clos. La seule chose qui compte en la matière, c'est la confrontation des deux personnages. Donc je suppose que c'est avant tout eux qui t'agacent à ce point.
Je ne comprends pas comment tu peux à l'avance décider de quoi parlera un texte... Surtout dans un texte qui effectivement ne parle pas de ce qu'il parle et qui n'est pas ce qu'il est...

Je veux bien croire que je me sois à ce point trompé (je pense que c'est mon meilleur texte notamment sur le traitement du fond et de la forme et de l’adéquation le la mise en scène avec la réflexion qui sous-tend tout ce texte), mais je pense que tu ne pourras juger et comprendre la totalité de ce texte que quand surviendra le point final de la seconde partie.
J'ai volontairement adopté une forme légère parce que le fond du texte est très austère. As-tu déjà une idée de ce qu'il aborde vraiment?
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #21275 il y a 7 ans 6 mois
Je dois avouer que la virulence de ton blocage m'a travaillé. On va admettre que tu as en partie raison sur la forme (ce qui rejoins le fond je suis d'accord, mais ce n'est pas ce fond là qui m'intéresse). Par contre, je pense qu'il vient aussi en partie de toi parce que ta démarche est trop "control freak". Il faut que tu admettes qu'il est logique que tu ne comprenne pas complètement les enjeux du texte à ce stade. En toute honnêteté, je pense qu'il faut au moins deux lectures (voire trois) pour comprendre ce texte en profondeur. Pour preuve, tu bloques sur une description. Or la nature de cette description fait entièrement partie du sens du texte. Et si tu bloques, sauf erreur de ma part, c'est justement que tu l'as intuitivement senti mais que tu te refuses pour l'instant d'envisager l'hypothèse qu'elle sous-tend.
Pour tout te dire, c'est un texte que j'ai essayé de rendre plaisant alors qu'il est profondément déplaisant. C'est un texte qui joue avec le mensonge. Quand je dis qu'il joue, c'est parce que c'est peut-être le lecteur qui est en train de se mentir et qui refuse de l'accepter...
Cette partie évoque le statut de prisonnier (tu en es là) puis, comme le nom l'indique, la mise en place d'un piège (c'est l'objet des pages que tu n'as pas lu). Bref, ce texte est peut-être un milieu très hostile pour le renard que tu es, j'aimerai que tu t'y plonges en oubliant que tu es un renard. Et, à la toute fin, le renard que tu es pourra me mordre jusqu'au sang si je ne lui ai pas servi un vrai texte de renard quand il se terminera... Mais je ne cacherai pas que j'ai été très ambitieux sur ce texte et que j'étais (je suis) très impatient de discuter avec toi de la réflexion qui sous-tend ce texte.
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #21280 il y a 7 ans 6 mois

Il faut que tu admettes qu'il est logique que tu ne comprenne pas complètement les enjeux du texte à ce stade.

Non.
Non.
"Après il est trop tard", c'est une règle de base, j'ai dû l'apprendre et la réapprendre et la répéter je ne sais combien de fois à je ne sais combien de personnes, tu n'y couperas pas.

Pour être sûr je suis retourné lire le premier paragraphe de "Flammes", de "La Flûte", de "Métal contre Métal" et à chaque fois le texte m'a dit exactement à quoi m'attendre. La Flûte avait d'ailleurs la subtilité d'un tracteur...
Alors reprenons le Prisonnier pas à pas.

Il était quasi impossible de définir précisément ce qu’il ressentait, tout au plus une impression d’exister à peine, ou si peu qu’il était difficile de se prononcer.

Laisse-moi enlever tout ce qui est inutile :

Il était impossible de définir précisément ce qu'il ressentait, tout au plus une impression d'exister à peine, ou si peu qu'il était difficile de se prononcer.

Yup. Le seul mot "en trop" est "quasi", parce que familier, en fait il faudrait plutôt le remplacer par "quasiment", auquel cas il deviendrait aussi indissociable que le reste.
Là la phrase nous martèle que :
1) Quelque chose existe. Le mot "exister" est au centre, tout y est aspiré. C'est ce qui est ressenti, c'est ce qui est atténué par absolument tout.
2) Le texte est subjectif. Ressenti, impression, se prononcer, plus tard le texte utilisera le terme de "flou". Ce qui nous amène à trois :
3) La précision. "Quasi impossible", "précisément", "tout au plus", "si peu", "difficile".
4) Le narrateur est impersonnel. Dû à la tournure en "il était" (deux fois).
Cette phrase me promet un texte volontairement flou parce que cherchant à faire exister quelque chose de difficile à impossible à définir. Je répète, le texte sera (1) flou pour (2) faire exister quelque chose d'insaisissable.

Et pourtant, il ne s’agissait pas forcément d’un état physique qui aurait établi qu’il était soit vivant ou soit mort, mais plutôt d’un état flou, [...] un seul et unique petit point qui résumait ainsi tout ce que l’on était à cet instant présent.

Voilà, j'ai enlevé l'inutile. Note qu'ici on retrouve le problème du "quasi", familier, avec l'histoire des "espaces multidimensionnels". Un peu comme la technologie futuriste du Stade. Qu'est-ce que ça fiche là.
Mais en oubliant tout ce blabla, on a exactement la même chose : un état flou, un point, un instant, philosophiquement insaisissables.

Depuis quelques temps déjà, une image floue ne cessait de tourner dans sa tête, comme une goutte d’eau qui infiniment heurterait l’immense étendue d’un lac, avec l’onde de choc qui se répercuterait inexorablement sur la surface parfaitement lisse, avec ses cercles de plus en plus excentriques et frissonnants, à moins que ce ne fût sa tête elle-même qui tournât autour d’une idée fixe, comme si elle aspirait en elle cette même goutte d’eau d’une surface redevenue lisse comme un miroir.

"Image floue", encore le flou, ouais ça c'est bon. La goutte d'eau c'est le point ou l'instant, ça colle toujours, on est de l'ordre de l'infinitésimal renforcé par l'infiniment.
Et là je pense que le texte essaie d'être programmatique. Et ce n'est pas pour rien que je voulais m'arrêter dessus.
Parce que c'est là que tout se joue.
L'idée fixe c'est l'idée floue, le texte nous dit exactement ce qui va se passer (ou devrait le faire ici) et c'est donc l'exact mouvement que je compte retrouver partout ailleurs. Paaartout.

Au même moment où il se fit cette remarque, les deux sensations autour de cette gouttelette qui semblait peser si fort sur l’univers se superposèrent dans sa tête et il ouvrit les yeux.

Donc là, arrêtons-nous un instant.
Déjà, c'est le fait de se faire la remarque qui a permis la superposition et l'ouverture des yeux. Non, ce n'est pas juste une coïncidence, un texte ne fait pas de coïncidences. Alors oublions la confusion sur la subjectivité qui serait double, là soudainement on a un acte de démiurge. La conscience amenait déjà à l'existence, ici la conscience (la remarque) mène à l'activité.
Je sais pas si tu vois à quel niveau tu as mis la barre. L'objet, enjeu du texte à ce stade, a quasiment donné vie au personnage. Ça ou alors le texte voulait juste dire que le personnage était inconscient mais que c'est bon, il s'est réveillé.

Il se sentit encore lourd, très lourd, et si fatigué qu’il aurait immédiatement replongé dans ce même sommeil léthargique, sauf qu’une sorte d’alarme s’était déclenchée en lui et réclamait que son esprit se réveillât au plus vite.

"Une sorte d'alarme", ah, ça va, le flou est encore là. Note par contre que le ton a légèrement changé, maintenant on a dû "immédiatement", du "au plus vite", du "réclamer" et honnêtement se sentir "très lourd" et "fatigué" n'a un peu rien à voir avec ce qui se disait avant.
Donc déjà là je suis en train de me poser des questions. Non, je m'en fiche de l'alarme, parlons de l'objet flou s'il vous plait.

Malgré tout, sa nuque tomba à nouveau en arrière, à moitié inerte, dans une trajectoire molle de demi-cercle, un peu comme cette même surface vibrante du lac heurtée par la même petite goutte, puis se stabilisa à peu près à la verticale, en figeant à nouveau le temps et l’espace et toutes les autres dimensions autour de lui.

Voilà donc effectivement l'alarme était anecdotique, le texte se rappelle de quoi il parlait et on retourne à la gouttelette, à l'instant. On dira aussi que "un peu comme" reprend le flou, mais c'est plus une transition qu'autre chose.
L'important c'est que désormais sa tête est comme la goutte (ou comme le lac ?) et qu'on fige à nouveau le temps et l'espace multidimensionnel, dit dans un registre qui passe mieux mais on se demande toujours quel est le rapport entre un objet insaisissable et les espaces multidimensionnels.

Tout restait encore flou mais ses nerfs et ses sens lui communiquaient déjà des informations plus précises sur un possible danger.

Flou, c'est fait. "Mais" la précision s'améliore et on retourne à l'alarme, au danger. D'aaaaaaccord...

Un début de tableau se formait sous ses yeux, au fur et à mesure que la réalité réapparaissait derrière l’étrange brouillard qui remplissait encore son cerveau.

Donc là je précise, "l'étrange brouillard" c'est ce dont on nous a parlé pendant deux paragraphes, c'est légèrement tout l'enjeu jusqu'à présent. La réalité elle est sympa' mais elle est en train d'effacer ce qui nous intéresse.

Avec les bras comme tombés en arrière, ses pieds étaient complètement coincés derrière ceux d’une chaise...

(Il est attaché.)

, tout comme son dos calé contre le dossier ferme et rigide qui lui rentrait dans les omoplates. Il avait dormi dans une position pas très confortable, mais plutôt stable, qui avait permis ce sommeil troublé. Il avait maintenant les yeux ouverts, à l’affût du moindre signe qui lui permettrait de comprendre où il se situait et ce qui s’était passé. Ou tout du moins parvenir à reconstituer une séquence logique entre ce présent et les quelques bribes de son passé dont il se souvenait encore, comme, par exemple, cette course poursuite après un groupe d’individus qu’il était sur le point de rattraper et d’anéantir. Il aurait pu à cet instant se demander ce qu’il faisait là, mais il préféra étirer son dos endolori par la position. Il remarqua seulement que des liens autour de ses poignets lui empêchaient tout mouvement. « Ligoté. Je suis ligoté ».

Oh mon dieu il est attaché ! Je ne l'avais pas vu venir !
Donc je rappelle, les deux paragraphes qui précèdent se résument ici à "sommeil troublé", et on a totalement changé d'en jeu pour "où on est" et "kékispass". Alors oui, je pourrais dire que le personnage est à nouveau démiurge, il "reconstitue" à partir de bribes, ça compte comme du flou, mais c'est du détail.
Non, le problème c'est que le personnage, qui "aurait pu à cet instant se demander ce qu'il faisait là" ("instant"), préfère se soucier de la douleur. Ce qui est logique, pour un personnage. Sauf que :
1) Il est où l'objet insaisissable ?
2) Y avait pas une alarme ? Un danger ?
Non parce que formuler comme ça, le personnage a juste envie de s'étirer.
Et je ne dis rien sur "anéantir" mais on en revient aux espaces multidimensionnels. Ici par contre c'est clair, le personnage est un grobourrin(tm), un monstre d'Alquières, un parfait cliché et ce vocabulaire est celui de l'aventurier.

Ce n’est pas encore à cet instant qu’il paniqua, mais uniquement quand il comprit que ses pieds étaient eux-mêmes ligotés à la chaise et qu’il n’arriva pas pour autant à les rompre, alors qu’il savait qu’il avait normalement toute la force nécessaire pour y parvenir.

Ouais alors pour la panique déjà on repassera...
Et donc d'accord, il n'arrive pas à rompre ses liens. Bon, ben les liens sont en duracier ou quelque chose, bof.

Il lui suffisait de le vouloir très fort, beaucoup plus fort qu’il ne parvenait à l’instant, comme s’il n’avait plus ce pouvoir en lui. A dire vrai, il avait d’abord imaginé derrière lui des cordes autour de ses membres ankylosés, mais un cliquetis métallique les transforma dans sa tête instantanément en des chaines ou des menottes.

Ouais, c'est un démiurge. Tout ce qui existe n'existe qu'à travers sa perception.
Tout cela est bel et bon mais continuons.

Et les contraintes qu’elles imprimaient sur chacun de ses poignets et de ses pieds devinrent spontanément plus vives maintenant qu’il cernait enfin la situation.

Noter "spontanément" et "cerner la situation" pour plus tard.

Il ignorait encore comment, mais il se trouvait bien prisonnier dans une pièce quasi sombre, que de maigres faisceaux de lumière éclairaient derrière lui à travers une fenêtre sans doute encrassée au vue du délabrement des murs nus, jaunis et fissurés autour de lui. Et il était bien prisonnier. Prisonnier.

Naway. Tu veux dire qu'il ne s'était pas ligoté lui-même hier soir après une beuverie ?
Mais bon, on est arrivé au titre, ça fera bien dans le trailer, c'est de bonne guerre et ça ne dérange pas du tout. L'effet reste sympathique.
Bon par contre le "il ignorait encore comment" est absurde vu que c'est un démiurge, autant lui il peut ne pas comprendre l'étendue de ce qu'il fait, autant moi je suis là "non mais c'est facile comment, c'est toi qui décides". Noter cette description de la pièce pour plus tard.

Or ce qui le préoccupait le plus à cet instant, c’était que le Maître des Clés lui avait certifié que rien ne serait jamais plus fort que sa force. Or le maître des clés disait toujours la vérité. « Et il m’avait affirmé que rien au monde ne surpasserait ma force si je puisais dans mon pouvoir». Alors pourquoi ne pouvait-il pas briser ses chaînes ?

Et là je ne l'ai peut-être pas précisé, mais même en connaissant la réponse j'accroche à la question. Plus question de duracier ou quoi que ce soit, on a une équation simple et efficace : il devrait pouvoir s'échapper, il ne peut pas, pourquoi ?
La question pourrait d'ailleurs rappeler l'enjeu de départ, un objet insaisissable.
Mais attendons encore un peu avant d'y venir...

C’était totalement illogique compte tenu de la nature de ses super pouvoirs. Alors, une idée dans sa tête germa qui pouvait expliquer l’impossible. Quelque part, sans doute, quelque chose l’empêchait tout simplement de les exercer.

... "Mes pouvoirs devraient fonctionner mais ils ne fonctionnent pas. C'est donc que quelque chose les empêche de fonctionner !" Je euh... je sais pas quoi dire... oui, et le feu ça brûle aussi.
Accessoirement, acte démiurge, il est en train de créer sa propre prison. Mais j'y reviens bientôt.

Devant lui, l’espace de cette pièce était réduit. Tout du moins, l’espace qu’il pouvait en voir. De la chaise à la porte délabrée, il y avait tout au plus quatre ou cinq mètres. Seulement, il ne pouvait pas voir la fenêtre mais seulement la visualiser mentalement. Même en tournant la tête de gauche à droite, il ne pouvait pas non plus apercevoir le mur derrière lui et ni, par conséquent, ce qui pouvait s’y cacher. Depuis quelque temps déjà, il avait l’impression qu’il y avait comme une présence dans la pièce.

Et maintenant stop.
Question.
Où est le flou ?
Cinq paragraphes qu'on n'en parle plus. Ce passage est encore l'endroit le plus flou, parce qu'il ne peut pas voir et tout ça, et une fois encore, simplement en demandant s'il y a quelqu'un il va créer quelqu'un, cette mécanique-là je l'ai très bien comprise.
Mais où est le flou ?
Parce que c'est pas flou, ça. Ce n'est pas insaisissable, c'est juste caché. Et le "caché", c'est l'alarme, c'est le danger, c'est une distraction de l'étrange brouillard qui m'intéresse moi. La sensation fondamentale qui a tout démarré, le coeur du texte, sa conscience même, quand est-ce que le texte aura envie d'y retourner ?
Parce que là le texte n'est pas flou, la narration n'est pas floue, il n'y a aucune approximation ni aucune véritable nuance, pas le moindre effort pour tenter de saisir quelque chose même du coin de l'oeil. On a juste un héros dont le pouvoir dépasse apparemment son propre entendement et d'aussi loin que je puisse juger, le texte donne toutes les apparences de s'entêter à ne pas vouloir dépasser ce stade.

Une gifle venue de nulle part fit violemment pivoter sa tête.

Alors je pourrais demander pourquoi une gifle. Je pourrais demander pourquoi un être aussi puissant que lui plie face à si peu, pourquoi on utilise le mot "pivoter" (parce qu'on s'attendrait à "basculer" ou autre) et pourquoi il ne se demande pas non plus pourquoi son incommensurable force est déjouée là aussi...
Mais en vérité je m'en fiche.
Non moi ma question c'est IL EST OÙ LE FLOU ?!
La gifle est aussi définie que le mot "gifle" dans le dictionnaire. Le "nulle part" est situé très exactement là où le texte a passé tout le paragraphe précédent à diriger mon attention, avec même une réplique question de bien mettre des repères. On me décrit l'effet somatique de la gifle sur le héros comme un manuel technique. Où. Est le flou.

Il n’avait nul besoin de voir la silhouette qui s’était tenu cachée derrière lui sur sa gauche pour reconnaître cette voix grave et ricanante.

Et le simple fait qu'il la reconnaisse annihile tout flou. Est-ce qu'il pourrait s'intéresser à ce qu'il ne reconnaît pas ?

Une voix qui ne pouvait être là et qu’il n’était pas censé entendre.

À part toutes les fois où le texte m'a répété qu'il était démiurge...

Une voix d’un autre monde.

Ce qui, vu les espaces multidimensionnels, n'est probablement pas très impressionnant.

L’ombre fit quelques pas dans sa direction et se plaça au centre des rayons de lumière qui plongeaient plus en avant dans la pièce, juste à côté de la vieille porte, qu’un simple coup d’épaule aurait fait voler en éclat si ses chaînes n’avaient été préalablement ensorcelées par son adversaire.

L'objet le plus flou se place là où il est le moins flou possible, et je précise que la pièce fait quatre mètre quarante-huit sur sept mètres neuf cent dix-sept.
Donc là clairement, clairement, à ce stade du texte je suis totalement préoccupé par la possibilité de s'enfuir, l'épaisseur de la porte et le fait que l'ombre soit hostile. Pourquoi est-ce que je me préoccuperais d'une sensation indescriptible, n'existant que dans le flou, et qui a complètement disparu depuis plusieurs pages...

Le coup qu’on venait de lui infliger ne cessait de répercuter dans sa tête. Au lieu de s’estomper, la sensation ne faisait qu’empirer. La voix qu’il avait entendue résonnait infiniment dans son crâne, un peu plus claire à chaque fois. En même temps, au fur et à mesure que l’écho répétait la phrase, un nouveau voile, plus coloré, se superposait sur la réalité qui avait initialement émergé du brouillard.

Hello old friend.
Donc là le coup qui se répercute rappelle la goutte et ses cercles concentriques (c'est déjà mieux qu'une nuque), et on reparle de la sensation qui empire (ce qui est normal, à mesure que le texte se développe). La voix fait pareille et on a de nouveau la clarté, et inversement (les deux sensations opposées) on a un "nouveau voile" (flou) qui se superpose du "brouillard" (flou).
Autrement dit c'est une action-réaction, il imagine, ça devient réalité, la réalité le fait imaginer. Pas mal de métaphores possibles au passage.
Tout cela est bel et bon, on ne peut plus dans le sujet mais je ne vais pas tarder à reposer une question familière, tout bientôt.

La sonorité de la voix avait fini par complètement changer, avec une intention plus douce et attentionnée, mais aussi possiblement ironique. En même temps, une silhouette s’était rapprochée pour se placer face à lui. Et, au fur et à mesure que les voiles s’entassaient devant ses yeux, un vert clair olive s’en dégagea, puis émergèrent un ovale agréable avec un séduisant sourire surligné de rouge à lèvre et de longs et fins cheveux blond très clair que traversait une lumière chaleureuse, au gré des mots qui semblaient sans cesse se cogner et butter dans sa tête.

IL EST OÙ LE FLOU ?!
Et là tu peux être surpris, parce que quand même, on a des voiles, et puis des mots qui cognent dans la tête, et puis une silhouette et puis qu'est-ce que tu veux à la fin ?
Du flou. Je veux du flou. Je veux un tout petit peu ce que le texte m'avait promis au départ, la description d'un objet insaisissable à travers le flou. Là y a pas de flou. Le texte se contente de me décrire ce qui, au contraire, est rendu clair, et je passe donc complètement à côté du brouillard, à regarder les effets au lieu de la cause. J'ai l'impression de regarder le doigt et pas la lune, bouge la caméra...

Il devait dormir. Ou il venait enfin de se réveiller. Les deux étaient possibles.

Oui, grosso modo je confirme, les deux sont possibles.
Et là, tu vois, c'est flou. Là on est dans le sujet.

Toujours était-il qu’autour de lui, tout avait changé.

Eeeeeeet on n'y est plus. Fini le flou. Retour à la clarté. Merci pour rien, texte. Merci pour rien.

La seule chose qui restait pareille était sa position sur sa chaise et les liens qui le tenaient fermement ligotés aux pieds et au dossier de la dite chaise.

JE M'EN FOUS ! Je ne m'intéresse pas au pareil, je m'intéresse au différent, au flou ! Ça fait dix ans que je sais qu'il est ligoté, ça en fait trois qu'il a oublié d'être alarmé, mais surtout là le texte fait "il s'est passé un truc super-important mais s'te plait, concentre-toi sur la chaise". Non. Non, c'est une distraction, je ne veux pas.
Et je veux dire oui, je travaille avec des hypothèses risquées, à savoir (1) qu'il serait démiurge, ce qui est quand même un peu facile et osé, (2) que la chaise n'est pas pertinente, si ça se trouve c'est essentiel, comme (3) que le temps et les espaces multidimensionnels sont aussi importants qu'une inversion de polarité, qui sait, depuis le départ c'était un texte sur la théorie des mondes possibles ?
Mais ce que j'ai oublié de préciser c'est que le héros censé être paniqué a demandé bêtement "il y a quelqu'un" dans une salle vide, et qu'il s'est pris une gifle en retour, et que j'hésite désormais à appeler ce texte une comédie. Parce que quelqu'un d'attaché, paniqué dans une pièce sombre ne demande pas un générique "y a quelqu'un". Il fait "qui est là" ou bien "c'est bon, sortez" ou quelque chose...
Donc non. Le personnage en a ranacirer et tout le blabla sur l'alarme c'est du vent. La chaise n'est pas une métaphore sur la prison de la réalité. Il ne s'agit pas d'aller sauver le multivers.

Il n’y avait plus rien de lugubre ni de sale dans cette pièce. C’était au contraire une chambre bien feutrée qui baignait dans une belle lumière qui filtrait des voiles de rideau de part et d’autre d’une grande fenêtre, avec un immense lit en baldaquin avec ses étoffes vert olive.

On oublie les répétitions ("avec"), on oublie qu'avant on ne pouvait qu'imaginer la fenêtre parce que eh, on oublie que le lit à baldaquin a la pertinence de la chaise et on se concentre sur le fait qu'il n'y a pas la moindre once de flou là-dedans.

En face de lui se tenait la ravissante silhouette d’une femme qu’il connaissait parfaitement.

Flou. Pour rappel.

Par transparence, une partie de sa longue chevelure blonde éblouissait au travers du soleil qui brillait par la fenêtre, ce qui renforçait l’idée d’une apparition.

Parce qu'elle est apparue, ah ah ah, tu comprends ? Accessoirement le mot "transparence" est ici calculé, tout comme la totale absence de flou.

Elle possédait réellement une beauté unique, époustouflante, qui avait pour beaucoup valeur du plus puissant des enchantements.

Et elle en touchera un mot plus tard, mais "réellement", c'est "époustouflant" tout ce flou.

Combien de fois en avait-elle usé et abusé ? Bizarrement, elle ne l’avait jamais exercé sur lui. De toute façon, elle n’était pas trop son genre. Trop blonde. Peut-être trop belle également. De toute façon, il y avait certainement encore dans cette jolie tête un mauvais tour qu’il lui faudrait déjouer une fois de plus.

"Certainement", oui. Tellement de flou. La foire au flou. Le flou du roi. Pourquoi on est en train de me décrire le lit à baldaquins ? Je me fiche des rideaux de la fenêtre ou de la forme du parquet, ce sont des distractions et bon dieu quand est-ce qu'on revient au sujet...

Alors, à nouveau, il chercha à se défaire de ses liens car maintenant qu’il connaissait son adversaire, aussi forte et puissante était-elle, elle n’avait pas le pouvoir de le maintenir prisonnier.

MAIS TA MÈ- Donc jusqu'à présent on a établi que le personnage ne pouvait pas briser ses liens. Après que tout ait changé on a établi que la seule chose qui n'avait pas changé était que le personnage ne pouvait pas briser ses liens. Et là le personnage cherche à briser ses liens.
Mais le Scooby Doo des héros, ce mec.
Et inutile de préciser que pendant que môssieur se soucie de jouer les caricatures d'aventurier, moi je n'ai toujours pas la moindre once de flou pour ne serait-ce que tenter de faire quoi que ce soit. Une éternité que je poireaute comme une poire.

Fais comme si je n’étais pas là.

Ce ne sera pas difficile.

Parce que tu crois que tu as le choix ?

Oui.

Il détesta cette impression d’impuissance face à elle.

Aussi crédible que son alarme. Ah parce que oui, fut un temps il avait été alarmé.

C’était quelque chose d’impensable pour lui.

Je dirais bien que c'est pertinent mais en même temps c'est sa volonté, c'est bien qu'il est capable de le penser.

Elle le laissait tranquillement faire, totalement certaine de son fait.

J'ai arrêté de demander quand le texte se déciderait à être flou.

Vois-tu, comme toi, j’ai obtenu du Maître des Clés un don. Un don tout simple. Voilà, en ma présence, tes pouvoirs n’existent plus. Certes, tu les as toujours en toi, ils sont toujours aussi puissants, mais face à moi, tu deviens un homme comme les autres. Bien entendu, dès que je quitterai cette pièce, tu les retrouveras. Complètements intacts.

Bon alors je mets de côté le métadiscours. Je mets aussi de côté ce que ça implique pour l'énigme -- parce que bon, outre que je connais la réponse, elle ne nous a en fait rien appris. Elle est à l'origine du problème, non sans rire, et il a toujours son pouvoir, non sans rire, et pour l'homme comme les autres je me permets de douter, ses réactions pour le moment sont... héroïques.
Tout cela mis de côté, qu'est-ce qu'il reste ? Il reste que son discours n'est pas flou. Qu'on ne cherche à définir rien du tout. Et que je m'intéresse de moins en moins à son "don".

J’ai comme qui dirait une petite idée sur la manière dont tu l’as obtenu !

Je m'en contrefiche. Complètement. Je sais même pas par où commencer pour décrire le niveau de ranafitude. Moi ce qui m'intéresse c'est (1) le brouillard, (2) l'instant, (3) le flou. Le flou. LE FLOU. LLEE FFLLOOUUUUUUU...

Tu dis ça parce que ça t’arrange de le penser.

Non, il dit ça pour me distraire et ne pas se poser les bonnes questions. Je suis en train de subir l'Homer Simpsons des super-héros.

Il avait maintenant en lui de la colère.

C'est partagé. Beaucoup de colère envers ce héros. Esssketuvafèrtonboulobord-

Une colère rouge et noire qui montait sans cesse

Je m'ennuie tellement que j'essaie de définir le sens caché de ce choix de couleur.

Il avait envie de mordre et de se battre encore, mais il semblait là uniquement pour écouter l’histoire que cette satanée femme se plairait à lui raconter. Prisonnier et totalement entre ses griffes.

Je confirme, et le texte est en train de se foutre ouvertement de ma gueule. Pour le dire poliment. "Ah ah ah, tu pourrais être un lecteur actif, mais nooooon ! Tu vas rester assis là sagement à écouter l'histoire tragique de #483 au lieu de, tu sais, essayer de résoudre l'énigme qu'on t'a donnée..."
Normalement j'aurais dû claquer la couverture au nez du texte depuis longtemps, mais ch'est pas grave...

Et si je te disais qu’il a été déçu de la façon dont tu usais de tes pouvoirs ?

Je compatis, totalement, avec le maître des clés. Et je me moque que ce soit à double tranchant. Jusqu'à présent le héros n'a été qu'un tas de muscles dont le raisonnement le plus abouti était une lapalissade.

Mais elle n’était pas comme le Maître des Clés, elle ne disait pas uniquement la vérité. Au contraire, elle excellait dans le mensonge et dans l’art de les revêtir des plus beaux artifices. Pour elle, vérité et mensonge ne formaient qu’un jeu. C’était à lui de démasquer le contenu de l’un et de l’autre.

Alors en oubliant que le texte me rappelle la distraction perpétuelle dans laquelle on me force, on a là un nouveau contrat qui dit en gros "quand on te dit que c'est clair, c'est un mensonge".
NON, SANS RIRE.
Dix plombes que j'aimerais que le personnage principal s'active et m'aide à creuser un minimum.

Dans ces cas-là, il fallait partir d’un axiome incontournable

Attention logique !

Or, à cet instant, le seul fait incontournable qu’il devait accepter, c’était qu’il n’arrivait pas à se libérer de ses chaînes et qu’effectivement, il était probable que la simple présence de la magicienne lui retirait tous ses pouvoirs.

ON N'A PAS AVANCÉ D'UN MILLIMÈTRE ! C'est littéralement ce qu'on m'a dit y a une préhistoire de ça et qui me faisait déjà hurler.

En tout cas, ça tenait la route.

Parce que tu l'as décidé. Bord-

Il avait un autre pouvoir mais, celui-la, il le gardait secret car il le touchait intimement et créait un lien très fort entre lui et le monde.

Je sais que je devrais m'intéresser mais à ce stade j'ai juste envie qu'il meure, parce que démiurge ou pas ma véritable prison c'est lui.

Elle avait dépassé les limites

Ah la la, elle est très très meuchante. Cette fois elle a dépassé les bornes, attention ou je vais la gronder..."y a quelqu'un ?"

Il y avait visiblement dans les yeux de la magicienne une véritable jubilation à le voir ainsi à sa merci.

Le texte qui se paie ma gueule à nouveau. Pourquoi je suis encore là moi...

Elle devait y percevoir une délicieuse ironie qu’il devinait pour partie

L'ironie laisse supposer quelque chose de tragique vis-à-vis d'elle, et vu qu'elle n'existe supposément qu'à travers lui -- ou à travers le mensonge ou peu importe -- essentiellement je pourrais me soucier d'elle.
Mais je rappelle que le héros me tape formidablement sur les nerfs, que le texte se paie ma tête et s'entête à ne pas vouloir discuter de son sujet.

Pour la première fois, il remarqua combien son maquillage

Son maquillage a très exactement zéro rapport avec l'étrange brouillard, avec le flou, avec la moindre goutte d'eau, d'instant ou d'espace multidimensionnel. En ce qui me concerne il pourrait aussi bien être en train de décrire les lacets de ses chaussures.

Donc j'en ai marre. J'arrête. Je claque la porte. Ça fait depuis le Big Bang que je piétine et que le texte m'interdit de m'intéresser à l'énigme qu'il me donne, j'ai déjà repoussé les limites de ma patience et je n'ai pas envie de casser mon clavier.








Bref.

Pour tout te dire, c'est un texte que j'ai essayé de rendre plaisant alors qu'il est profondément déplaisant.

Oui. Il est profondément déplaisant.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #21281 il y a 7 ans 6 mois
Au départ, ta réponse m'avais tellement consternée que je voulais faire court et me contenter de:
"Non, ce texte ne parle pas de flou et tu le sais très bien. Tu veux démontrer quoi?"

A la place, je pourrais te remercier pour tout le temps que tu as passé à concevoir cette longue réponse qui t'a certainement pris plus de temps que de lire tout le texte dans son entier y compris sa suite. Mais effectivement, tu veux en venir où? Que le texte ne parle pas de flou et que tu le sais très bien? Et il te faut combien de pages pour remettre en cause une hypothèse que tu as déduite sur quelques lignes? Y a longtemps que j'ai compris que tu n'aimais pas ma première séquence., fallait pas te donner la peine. Donc si je comprends bien, le texte ne change pas quoi qu'il arrive même si je devais supprimer toute la première scène (ce qui est complètement envisageable)...

Donc si tu veux me faire comprendre qu'il y a des mots qui ont été mal choisis, c'est bon, n'en rajoute plus, j'ai compris...Et donc, non, ce texte ne parle pas de flou. Tu le sais, je le sais.Et c'est même tout l'inverse, ce serait plutôt de la réalité qui émerge du flou, mais toi t as décidé de voir le contraire, c'est ton droit.
Au passage, en quoi l'image d'une goutte d'eau heurtant un surface aquatique évoque le flou? Parce que cette entrée en la matière et cette question que le texte demande de se poser, toi, a priori tu ne te la poses pas parce que visiblement tu sais déjà tout du texte et que tu préfères te focaliser sur quelques mots qui ont été peut-être choisis sans imaginer une seconde qu'il pouvait à ce point réduire les chances que le lecteur comprenne tout de travers... Et ta vision du texte est tellement déterministe qu'au passage tu ne vois même pas que le texte parle de ça... Et tu ne vois même pas l'humour (franchement, me voir écrire sur les multi-dimensions, ça ne t'a même pas fait sourire? Pourtant, qui d'autre connait mieux me textes que toi?)....

Comme je te connais, je sais que la diplomatie et les compliments ne sont pas ton fort, je peux passer outre... Mais, que tu refuses d'aller plus loin dans la lecture en considérant que tu savais à l'avance tout du texte et que par conséquent il n'a rien à t'offrir ni ne peut te surprendre... C'est encore plus blessant...Limite humiliant.

Dur d'imaginer continuer si c'est pour en arriver là... Comme tu dis "et après c'est trop tard" ...
Ou alors on efface nos deux réponses... et on repart sur d'autre base. Ou alors, puisque tu as l'art de déduire des mots, je te laisse faire tes déductions qui sont en l'état des choses totalement logiques et assumer la seule conclusion possible de tout ça.
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #21282 il y a 7 ans 6 mois

Au passage, en quoi l'image d'une goutte d'eau heurtant un surface aquatique évoque le flou?

Troubler une surface lisse ? Non ?
Demande aussi pourquoi un point, un instant, évoquent le flou. Ce devraient être au contraire des unités parfaitement définies. Mais philosophiquement ce sont aussi ces unités minimales qui nous échapperont toujours -- tu connais le problème de la flèche qui n'atteindra jamais son but.

Donc si je comprends bien, le texte ne change pas quoi qu'il arrive même si je devais supprimer toute la première scène

Non, en fait c'est probablement la réponse. Supprime la première scène.
Toute ma réaction est effectivement due aux deux premiers paragraphes, aux promesses qu'ils font miroiter et donc aux attentes qu'ils créent. Supprime la première scène et je n'aurai plus à me soucier de flou, je n'aurai pas à me poser la question constamment parce que la question ne se sera jamais posée. Je pourrai confortablement me concentrer sur ce héros multidimensionnel et sa passion pour les fenêtres.

franchement, me voir écrire sur les multi-dimensions, ça ne t'a même pas fait sourire? Pourtant, qui d'autre connait mieux me textes que toi?

Je ne juge pas le texte par les réactions du lecteur ou par les intentions de l'auteur, je juge le texte par le texte. En tout cas j'essaie très fort. Donc non, ça ne me fait pas sourire.

Et il te faut combien de pages pour remettre en cause une hypothèse que tu as déduite sur quelques lignes?

Je te réponds par ton propre texte, littéralement :

Dans ces cas-là, il fallait partir d’un axiome incontournable...

On peut remettre en cause une hypothèse, ça fait partie du raisonnement. On peut remettre en cause une prémisse, ça fait échouer le raisonnement. On ne peut pas remettre en cause un axiome parce que c'est une vérité absolue, une règle fondamentale du système logique dans lequel on travaille et que sans elle tout s'effondre. Tout.
Alors peu importe le nombre de pages, on ne remet pas en cause un axiome.

Et non. Le flou, c'est une hypothèse. Le héros démiurge, c'est une hypothèse. L'importance de la chaise, c'est une hypothèse. Tout cela et bien plus peut être remis en cause cent fois.
Mais le texte est un système logique qui établit dès le départ ses axiomes, les règles pour le lire, et ces règles ne doivent pas changer.

Là, en l'occurrence, tu es en train de dire que les deux premiers paragraphes ne servent à rien, et ça va totalement à l'encontre de l'axiome du texte. J'ai une énigme à résoudre. Un puzzle de cinq mille pièces. Le mascara est censé être utile, la couleur des rideaux est censée être utile, LES DEUX PREMIERS PARAGRAPHES SONT CENSÉS ÊTRE UTILES.
Devoir nier DEUX PARAGRAPHES introducteurs revient à nier la règle avec laquelle je lis le texte et si je nie cette règle j'arrête de lire ! Oh tiens ! J'ai arrêté de lire !

Donc oui. Supprimer deux paragraphes résout le problème. Plus précisément, faisons commencer le texte là :

Avec les bras comme tombés en arrière, ses pieds étaient complètement coincés derrière ceux d’une chaise, tout comme son dos calé contre le dossier ferme et rigide qui lui rentrait dans les omoplates. Il avait dormi dans une position pas très confortable, mais plutôt stable, qui avait permis un sommeil troublé.

J'ai modifié à la fin le démonstratif par un indéfini, vu qu'on a supprimé deux paragraphes, et là qu'est-ce que le texte dit ?
1) On commence par une description, et le personnage y est "coincé". Attaché, donc. Situation aventuresque mais aussi situation passive.
2) La narration y est relâchée, "complètement coincés", "pas très confortable, mais plutôt stable". Le narrateur ne le prend pas au sérieux.
Le contrat de lecture change complètement, on va parler nonchalamment d'un prisonnier. Et à ce stade le texte ne promet rien de plus. De la description, un peu d'humour, tu me dirais que c'est un texte de Sàn, j'y croirais.
Donc oui. Ça fonctionne. Tu peux faire ça. Mais en échange ce qui va se passer est que :

Il avait maintenant les yeux ouverts, à l’affût du moindre signe qui lui permettrait de comprendre où il se situait et ce qui s’était passé. Ou tout du moins parvenir à reconstituer une séquence logique entre ce présent et les quelques bribes de son passé dont il se souvenait encore, comme, par exemple, cette course poursuite après un groupe d’individus qu’il était sur le point de rattraper et d’anéantir.

est lu littéralement, c'est juste un héros qui fait des trucs de héros et "reconstituer une séquence logique" c'est le héros qui "joue les Kira". Et l'énigme posée plus loin :

Alors pourquoi ne pouvait-il pas briser ses chaînes ?

N'est plus une énigme, c'est juste le héros qui se pose des questions héroïques du type "mais alors qui l'avait dénoncé ?" ou bien "pourquoi Margareth ne répondait plus à la radio ?"

Et c'est ça, l'axiome d'un texte. La règle avec laquelle tu le lis, qui est établie au départ et qui n'est pas censée être changée.

Et de mon côté je te promets que je m'insulte personnellement parce que je sais à quel point je suis injuste envers ton texte, surtout vu tes efforts et tes ambitions, parce que, aussi, je sens bien que ça doit venir de moi puisque je bloque aussi sur Diptyque fluvial (essentiellement, la narration est presque poétique pour me parler d'une canne à pêche, c'est pas bien grave mais bon...) donc je sens bien que je suis impatient et irritable, et je m'insulte également parce que bon sang, je me dis que le Prisonnier devrait être un texte fait pour moi, avec des tas de niveaux de lecture et d'énigmes, un véritable labyrinthe où me perdre et ça me rend fou de stagner au niveau du héros qui fait des trucs de héros.

Donc oui. C'est ma faute. Et je m'en excuse, et m'excuser ne suffit pas.
Mais je reste furieux à l'idée qu'on puisse supprimer deux paragraphes sans incidence dans un texte qui appelle des lectures multiples.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #21283 il y a 7 ans 6 mois
Attention, je ne dis pas que tu as tort. Pas du tout. Je dis juste que c'est exaspérant que tu focalise sur ce détail ou cette scène.
Cette qéquence, en toute honnêteté, tu ne peux pas vraiment la comprendre en l'état; Je dis qu'on peut la supprimer, c'est uniquement parce qu'elle peut effectivement être perturbante et parasiter la lecteure.
Tu veux un axiome sur ce texte? Il a été écrit pour être un tout. C'est un texte qui se dévoile à la fin pour remettre en perspective tout ce qu'on aura lu avant. C'est un peu la méthode Usual Suspects... L'axiome, c'est: on ne peut comprendre le texte qu'avec la fin et en le relisant une seconde fois. A moins d'être un super héros avec un super pouvoir. :lol: Donc pour un lecteur qui ne veut pas se laisser emporter le récit et qui veut tout contrôler, je pense effectivement que tu rentres en milieu hostile. D'où ta réaction finalement assez logique et épidermique.

Pour ma part, je ne fonctionne pas comme toi. J'accepte de ne pas tout comprendre quitte à y revenir. J'accepte que ça fasse parfois partie du jeu dans le texte. Et j'aime quand tes textes se révèle à moi après. Je ne peux pas lire un texte comme toi en étant en mode analytique à ce point dès le départ. J'ai besoin de rentrer peu à peu, de tester des hypothèses et de les abandonner parfois parce que je comprends que je fais fausse route. Ca fait partie du jeu de lecteure.
Mais surtout, SURTOUT, j'ai impérativement besoin d'avoir une vision d'ensemble pour chercher un sens à un texte. Donc j'ai écrit ce texte comme, moi, je fonctionne. J'ai besoin de voir la forêt pour comprendre les rabres. D'autres, sans doute comme toi, ont besoin de voir les arbres pour comprendre la forêt. Le résultat à la fin est le même mais la démarche diamétralement opposée. Et c'est quelque chose qui, je le sens bien, te dérange beaucoup dans mon écriture. Tu bloques sur des points sur lesquels moi je glisse totalement. Donc à travers ton regard si différent du mien, j'apprends beaucoup des lecteurs qui fonctionnent pas comme moi.

Je pense que tu devrai essayer non pas de changer ton approche, mais t'ouvrir sur l'autre approche. Tu comprendras le monde et les autres un peu mieux. Tout comme moi, j'essaie de le faire avec toi ou mon épouse qui est une pure affective et qui fonctionne uniquement à travers les émotions. Il n'y a pas de bonne et de mauvaise approche.
De mon côté, il faudra que je repense à ma première scène. Je ne suis pas entièrement convaincu par mes choix, même par cette image de la goutte d'eau...

Et c'est pourquoi ma première scène est pour toi à ce point déstabilisante. Si je peux te donner juste un conseil, dis-toi que ce texte est un jeu et où je m'amuse beaucoup. Mais que c'est le même humour qui se cache dans mes portraits. Très tordu et parfois également très noir et féroce. C'est cet humour qu'on ne peut, à mon sens, pas comprendre à la première lecture. Tant qu'on n'a pas accès aux intentions qui sous-tend le texte dans son ensemble, on a accès au premier niveau. Pourtant, j'aimerai que ce premier soit suffisant pour intriguer tout le monde. Et si je retoucherai le texte, c'est uniquement dans cette direction. Le reste, c'est surtout pour moi, et au cas où un lecteur se pose un peu plus de question sur ce qu'il aura lu et qui se dit qu'il a loupé un truc. Donc, oui, le texte est écrit pour qu'on loupe plein de trucs pour avoir le plaisir de le relire avec des surprises.
Du moins, tout ça, c'est dans mes rêves d'auteur génial! :lol:

Et si tu lis tout, promis, je défendrai un peu la nécessité de ma première séquence. Honnêtement, tu dois avoir à lire une dernière description pour que le texte commence à rentrer dans ton monde de renard.
Portrait de San
San a répondu au sujet : #21291 il y a 7 ans 5 mois
Bon, moi je n'ai pas trop aimé le début, je n'étais pas du tout dedans et j'ai failli laisser tomber à plusieurs reprises. Cette première scène est beaucoup trop longue je trouve. Vu tes explications je ne doute pas de sa nécessité, mais pour moi elle devrait vraiment être beaucoup plus courte.
Une fois tout ça passé par contre j'étais prise. Quelques fautes par ci par là mais rien de dramatique. Je vais lire la suite et je finirai de commenter sur la partie 2.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #21293 il y a 7 ans 5 mois
Content de revoir notre sorcière bondissante (dont l'avatar d’ailleurs ne bondit plus).:cheer:
Je voulais juste savoir pour toi où s'arrête la première scène et à partir de quel moment où tu es davantage rentrée dans l'histoire.
Accessoirement, j'aimerai aussi connaitre ton sentiment à l'égard de la magicienne et du prisonnier (en faisant si possible abstraction ici de la seconde moitié).
Et si tu as été "prise" comme tu dis, pourrais-tu me dire par quoi et à quoi tu imaginais pour la suite quand cette première partie se termine?
Merci à toi.
Portrait de San
San a répondu au sujet : #21295 il y a 7 ans 5 mois
En fait c'est sûrement inexact de parler de première scène, mais je voulais dire jusque là :
"Il devait dormir. Ou il venait enfin de se réveiller. Les deux étaient possibles."

Quand cette première partie se termine, je m'attendais à ce que le prisonnier n'ait pas retrouvé ses forces, qu'il doive renoncer à son pouvoir pour pouvoir retrouver sa liberté. Je ne saurais pas dire quels étaient mes sentiments à l'égard des personnages... Je pense qu'il n'y en avait pas bcp, juste de la curiosité.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #21338 il y a 7 ans 4 mois
En fait, Vuld, tu n'avais pas vraiment tort. J'ai relu mes notes de départ et, effectivement, l'idée du "flou" y était. Pas formuler ainsi, mais je pense que ça se rapproche de ce que tu avais en tête. Je voulais effectivement jouer avec la notion de réalité: réalité du prisonnier, réalité face aux mensonges de la magicienne et réalité même sur qui l'on est vraiment. Or il se trouve que j'ai révisé mon texte en supprimant ce qui y est faisait référence par la suite, notamment le passage clé qui consistait à refaire vivre l'expérience de Descartes. A la place, j'ai traité le thème de la liberté vs prisonnier, avec notamment un développement kantien (cf notre long débat sur la liberté et le déterminisme).

Et si j'ai revu mon texte, j'ai pas pensé à revenir autant au début. Surtout que, moi quand je relisais pour la énième fois ce texte, je ne voyais plus ce que toi tu as vu, tout ça était oublié. Le fait que tu l'aies vécu est intéressant et montre au contraire un vraie acuité de ta part. Et puis, surtout, je me demande si cette intuition de départ n'aurait pas été plus intéressante au bout du compte. Sans doute moins pesante pour le lecteur. Seulement, j'avoue que je ne savais pas comment traité les mensonges de la magicienne pour créer un principe cohérent pour le lecteur.

On va dire que ton approche de lecture a une certaine pertinence mais qu'elle était de toute façon un peu réductrice par rapport à mon projet global.