Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

"Pourquoi pas ces histoires d'exploration.... Mais il y un truc qui me turlupine et me chagrine en même temps.

"Et de quoi s'agit-il ?

"Quand même... Tu ne crois pas que c'est que du passé, tout ça ?

"Du passé ? De quel point de vue ?

"Hé bien... Écoute : à une époque, il y a quoi, cent ans, cinquante ans encore, on pouvait bien avoir encore des endroits à explorer, des lieux jamais vus, des champs non-connus. Sur la terre, sous l'eau, au sommet des montagnes. Imagine un peu arriver là où tu sais que tu es le premier être humain à respirer cet air, à avoir froid, à attendre que le rien t'envahisse, et toi seul. Franchement c'est beau. Mais il n'y a plus d'endroits comme ça.

"Crois-tu ?

 "Oui... Je crois... Et pourtant, ça, j'aimerais y croire, tu sais ! Tellement, j'aimerais y croire ! Maintenant, à peine un nouveau volcan pointe son nez dans le Pacifique, avec sa tempête de flammes et ses crachotements de vieillard, et tous les satellites sont au courant, et très vite toute la Terre est au courant, et en un claquement de doigts des cargaisons de badauds sont là, chacun avec leur bonne raison, des milliardaires collectionneurs d'île, des savants pétris de bonne conscience rationalisée, des journalistes pleins de leur suffisance à rallonger la grande chaîne humaine de l'information en temps réel à une échelle cosmique, comme si tous on avait besoin de savoir, de sentir ensemble la même pulsation. Alors qu'est-ce qu'on fait des explorateurs solitaires ? Plus moyen de se poser au bord de la coulée noire trouée comme du gruyère en savourant l'intense plaisir d'être le seul à dorloter des crevasses vierges du bout des doigts.

"Des crevasses vierges... En voilà une drôle d'idée.

"Hé ! Je sais ce que tu vas dire. Je te connais, va. Des volcans comme ça, ça s'enfonce vite. Ça s'esquive. En moins de deux secondes, mes crevasses sont sous les eaux. Mais même là j'aurais du plaisir à les dénicher, du fond de ma barque, la main dans l'océan. Quel besoin de posséder, savoir et transmettre ? Juste être là, mince... Ça me suffirait bien, à moi.

"Voyons... Que dis-tu ? Le savoir est la raison même de l'exploration.

"Je crois pas. Pour moi ce n'est pas ça. Pour moi c'est le calme, le tranquille. Et du calme, il n'y en a plus nulle part. Tout est brouillé par les ondes.

"Bien des lieux sur la planète permettent de savourer un instant de tranquillité. Le silence n'est pas que dans le neuf.

"Ça ne suffit pas. Non ! Ça ne me suffit pas. Il faut abreuver le goût du tranquille et de l'orgueil à la fois. Si une seconde seulement de signal humain a franchi la place c'est fichu. Ça ne suffit pas. Il faut du rien, du rien humain pour aller avec le silence. Même pas pensé, même pas sur les cartes, jamais saisi par personne.

"Alors ton souhait n'a pas vraiment de résolution. À moins que...

"À moins que quoi... ?! Je sens que tu vas me raconter une histoire de confins, encore ? J'ai raison ?

"Il y a bien une histoire de confins qui répond à ce double absolu de la solitude et de l'exploration. De l'in-connu au sens le plus strict. Toutefois, pour y parvenir il nous faut quitter la Terre.

"Quitter la Terre ? C'est-à-dire ?

"L'espace. L'espace ! N'est-ce pas l'espace que tu cherches ?

"Mmh... Tu sais quoi de l'espace, toi ?

"Personne ne sait grand chose de l'espace. Ou plutôt non. Clamer l'ignorance ne serait pas exactement juste. Sur l'espace, beaucoup de paroles ont été émises. Beaucoup d'ondes, comme tu dis. Elles ne nous intéressent pas. Il y a de meilleures histoires.

"Tu sais bien que c'est toujours celles-ci qui me bottent le plus !

"Sur l'espace, il y a beaucoup de savoir, notamment grâce aux télescopes, et ce depuis plus de quatre siècles. Mais le savoir sur l'espace est un savoir si ancien... L'image qui s'affiche sur la large lentille de la prothèse humaine qui nous permet de projeter le regard, cette image a des années-lumières d'existence. L'étoile qui scintille, l'étoile dont on croit distinguer les éclats de contour, peut-être est-elle déjà morte.

"Et alors, ton histoire ?

"En somme, l'humanité a toujours dressé des cartes du ciel. Fût un temps elle les peuplait avec son imaginaire. Elle l'habitait de géants, de monstres, d'animaux mythiques, de créatures hybrides. D'incroyables chimères dont la Terre n'aurait pas voulu. Maintenant les cartes du ciel sont à la fois plus précises et plus mystérieuses, encore, pour la pensée humaine. Elles sont des toiles abstraites où des sphères gigantesques, aux couleurs digitales et chamarrées, produits d'une pure représentation numérique, technique, mécanique, s'animent devant un rideau noir, entièrement noir.

"Ton histoire...

"Un peu de patience, l'histoire vient mais le spectacle commence par le dévoilement de la scène. Et la scène spatiale n'est pas anodine, justement parce que nous croyons la connaître, nous croyons savoir la dessiner, figurer dans ce creux un trou noir, dans ce recoin un astéroïde, et dissimuler la surface de planètes dont nous savons mesurer la masse, la taille, et la composition, mais que nous sommes incapables de figurer autrement que par d'intenses et vagues volutes en deux dimensions. La cartographie spatiale est un art de la représentation distante, scientifique, méthodique, patiente, pas du premier pas précipité.

"Il vient quand, ton premier pas ?

"Ici commence l'histoire, précisément. Par un premier pas. Imagine un spationaute terrifié par l'idée que ce qu'il sait de l'espace, ce qu'il a appris dans les multiples ouvrages de ses études sur ces cieux fascinants, les illustrations gravées des livres, visions d'artistes, ce savoir et ces images ne sont que des spéculations de l'esprit. L'un rationalise, les autres enjolivent, mais tous ne font que ratiociner sur le même thème des suggestions mentales, renvoyées par l'écho trompeur des distances de l'univers. Lui aimerait vivre l'espace, et plus seulement l'observer. De là sans doute son envie de voyage. Les rêves ne lui suffisent plus.

"Hé... Dénigre pas les rêves comme ça ! Je suis sûre qu'il en a plein les rêves de son espace, qu'il en déborde. Il rêvait des étoiles, pas vrai ? La loupiote au bord du lit longtemps allumé après que ses parents avaient éteint les grandes lumières pour s'émerveiller des beautés à la fenêtre. C'était là qu'il voyait le vide, par le haut. Et le vide, ça attire.

"Un jour, une mission lui est confiée. La mission qu'il attend depuis longtemps, peut-être depuis l'enfance. Il doit aller explorer une nouvelle zone de l'espace. Depuis quelques années les voyages d'entraînement se multiplient ; il s'agit maintenant de dépasser la Lune, petit à petit, pas à pas. Il aura une navette et trois compagnons.

"Alors il n'est pas seul... Mais, petit, c'est tout seul qu'il rêvait l'espace ?

"Le décollage se passe dans les conditions les plus idylliques. Ils atteignent rapidement la Lune, laissent orbiter la station, préparent le second lancer. Il s'agit de se rendre à plus de mille kilomètres au-delà de la face cachée. Là-bas, notre spationaute le sait, aucun autre homme n'a jamais approché le vide qui compose la scène immense et vierge de l'espace. Il s'en délecte. Ils vont l'envoyer vers l'au-delà, il sera le premier.

"Et il sera seul !

"Il sera seul puisqu'il faut prendre des précautions, ont dit ses supérieurs. Leurs ordres sont stricts, et sévères : pour assurer le retour de la mission, il faut qu'au moins trois individus survivent dans la fusée principale. Si l'exploration se passe mal, ils rentreront sans lui.

"Il le sait, ça aussi... Il le sait, j'en suis sûre ! Il sait qu'ils n'enverront personne s'il se perd. C'est pas par bravade qu'il est volontaire, c'est par délice.

"Son véhicule d'exploration personnelle s'avère léger mais suffisant. L'habitacle est solide, mais le teint de la vitre permet de bien distinguer toute l'immensité des lieux. Il doit parcourir les mille kilomètres, prendre quelques clichés du ciel depuis ces lieux, enregistrer à la voix ses observations, si possible en noter par écrit. Ses compagnons lui souhaitent bonne chance. Il sera toujours en liaison radio avec eux, via les ondes, pour leur décrire le voyage. Au départ il se livre à la contrainte vocale, et à cet égard fait appel à toutes ses connaissances scientifiques pour identifier le nom des étoiles, des planètes, des astéroïdes. Pas une fois il ne se trompe. Sa cartographie est parfaite.

"Trop parfaite pour être honnête...

"Pendant deux, trois, quatre heures, il ne cesse de parler avec ses compagnons demeurés à l'intérieur de la station. Il ne cesse de noter, à la main, sur des feuillets encrés, d'innombrables calculs d'orbite, de trajectoire tellurique, de géodésique spatio-temporelle, pour s'approprier mentalement le moindre objet céleste dont ses propres yeux lui transmettent la forme, les miroitements striés, sans qu'il ne sache vraiment si ces échos sont de véritables strates où des illusions d'une optique cosmique à laquelle l'homme, muni de ses prothèses que sont les télescopes, les caméras astronomiques, les navettes, les scaphandres et les casques, ne connaît qu'une surface. Qui sait si les voiles rosacés de la grande nébuleuse d'Orion ne sont pas que les déguisements d'une grande exhibition spatiale. Que trouverait-on derrière ? L'image irréelle de cette constellation légendaire, à laquelle les hommes des temps anciens ont donné le nom d'un géant aveugle et mélancolique tué par la flèche d'une déesse, et depuis condamné à s'épancher dans le ciel en amas d'étoiles, lui vient tout d'un coup. Il la cherche, se rend compte qu'il n'est pas dans la bonne orbite, croit l'espace d'un instant distinguer la flèche d'Artémis, la toge du géant, entendre son cri, même, puis se reprend à l'écoute de son poste ondulatoire. Ses compagnons l'appellent. Tout à ses pensées il n'a rien dit pendant plusieurs minutes. Ses compagnons s'inquiètent. Il les rassure une première fois, et enfin voit Orion, ou plutôt pense distinguer, au passage d'une astéroïde, des reflets familiers des ouvrages d'astronomie ; les voiles incertains de la nébuleuse. À cet instant le compteur lui annonce qu'il a atteint les mille kilomètres. Il doit revenir.

"Non, je ne veux pas qu'il revienne. Il faut qu'il voit Orion.

"Ses compagnons le préviennent à nouveau, insistent, crient presque dans le poste, à travers les ondes. Il leur dit qu'il n'en a pas pour longtemps. Il souhaite parcourir encore quelques kilomètres. Mais là n'est pas la mission ! Pourtant il prolonge les distances, vers Orion, attiré.

"Voilà ! C'est la vraie mission qui commence, maintenant ! La véritable histoire !

"Il se passe encore du temps, un temps long avant que tout contact soit éteint. Alors, exactement la radio, les ondes, lui servent de point de repère. Pendant une traînée interminable d'heures il entend les voix de ses compagnons en orbite de l'autre côté de la Lune. Il entend d'abord leur colère. Il entend ensuite leur effroi. Enfin il les entend abandonner, en un sens, lorsqu'ils n'essayent plus de communiquer avec lui mais s'en retournent rétablir la liaison avec la Terre, chercher les ordres au sol, comme dans un long relais d'ondes, un long fil de sécurité qui relierait le spationaute égaré par ses propres rêves au terreau sensible et connu des territoires terrestres. Pendant que les voix s'écoulent, tremblantes autant d'affolement que du grésillement familier des communications spatiales, le véhicule léger poursuit son chemin, accumule les distances, prolonge l'éloignement. Lui ne fait qu'admirer, de ses propres yeux, et noter encore et encore, désormais sous la forme de schéma abstraits plutôt que de calculs, puis en de naïfs et puérils croquis, les chemins qu'il traverse de l'autre côté de la vitre de sa navette.

"Plus loin, encore ! Plus loin !

"Les grésillements se font plus présents. Les autres voix des hommes ne sont plus que d'infimes parasites. Mais tant qu'il les entend toujours, il poursuit son chemin, heureux enfin de se dire qu'il transmet de lui-même et rend compte de la parole humaine au milieu d'un vide jamais parcouru par la chair et le sang. Parfois l'indicatif reconnaissable de la base terrestre le réveille et, paradoxalement, l'amène à poursuivre encore son épopée. Il sait jusqu'où il veut aller. Il veut aller jusqu'au silence.

"Seulement jusqu'au silence ?

"Le silence vient. La radio ne transmet plus. Les ondes sont mortes. Alors seulement il immobilise son véhicule, s'allonge du mieux qu'il peut à l'intérieur de la cabine, et, comme il faisait étant enfant à la fenêtre, propage son regard à travers les lamelles infinies du verre de qualité optique. Ici il est le premier. Alors seulement il décide de revenir.

"Quoi ? Tu rigoles ! Il est à quoi, maintenant ? Deux mille, quatre mille, cinq mille kilomètres depuis la Lune ? Il ne va pas s'arrêter en si bon chemin ! Il a tout l'espace pour lui ! Tout ce qui lui tend les grands bras du rêve et de l'enfance.

"Il lui faut rentrer ! Cet homme est une pièce de savoir, désormais. À quoi sert l'exploration si elle n'est pas partagée avec le reste de l'humanité ? Il ne pourra passer toute sa vie dans l'espace.

"Et je te dis qu'il le peut ! Tu le crois incapable ? Je te dis qu'il le peut, et il le fait. Il lui faut peu de temps pour rallumer les machines, voir qu'il a assez à manger pour plusieurs mois, pour lui et pour sa machine. Des rations de survie, du carburant. Pas question de se dégonfler. Il a encore Orion à découvrir !

"Enfin.. Orion est à plus de mille années-lumières...

"Tant pis ! Il ira le plus loin possible, pour lui-même, pour son plaisir ! Ça ne te dit rien, ça le plaisir personnel ? L'orgueil de soi ! Laisse le faire son tour de manège. Il accélère un peu le tempo de son engin. Il ne s'agit plus de noter, maintenant. Au diable les crayons, les calculs et les livres d'images ! Ce n'est plus que de la sensation. Le vide qui l'engouffre, tout autour de lui. C'est super, tu sais, de sentir tout ce rien jamais conquis par l'homme, et le savoir pour soi seul. Orion, ce n'est même pas un but, juste une direction, pour maintenir un cap. Pour le reste il laisse faire la machine. Si elle va à gauche, tant mieux, si elle va à droite, tant mieux aussi. À chaque fois c'est un nouveau paysage, un éblouissement ; et pendant tout ce temps il laisse la radio allumée pour bien sentir le silence, le géant silence de la Terre sous ses pieds, de toute cette masse de milliards de terriens ridicules dont il sait parfaitement qu'il ne fait plus partie ; lui, il est un habitant d'Orion, et il y retourne, dans ses pénates. Il y retourne sans hésiter. Il l'aura rien que pour lui. Silence dans la radio. Vertige du vide. Il se laisse aller, lâche les commandes, fait de la place comme il peut, ouvre le toit en verre, se jette dans le vide et ferme les yeux. Voir ne sert plus à rien ici. Être suffit bien. Il n'est plus au monde, il est à l'univers. Sens un peu comme il dérive, comme il profite, à sa façon. Les premiers gestes du premier homme dans ce recoin de la galaxie. La première main qui caresse le vide. Saisissant. Quand il est de retour dans la cabine, il a plus qu'une envie : recommencer la ronde du carrousel, et sans les mains cette fois !

"Qu'il lui soit permis au moins de retrouver le contact avec la Terre... Juste un signal à travers le poste.

"D'accord ! Admettons ! Un signal ! Mais longtemps après, hein ? Incalculable en temps terrestre, bien entendu. Des jours, des mois sûrement. Moi je te le dis : il a dépassé Mars, en tout cas. Le seul temps qu'il a passé est dans sa tête, dans son corps jeté au vide humain. Enfin à sa place. Alors un signal, oui, un signal qui lui parvient. Allons-y !

"Il n'aurait jamais pu survivre plusieurs mois... Mais puisque tu m'accordes ce signal, reprenons. Un signal terrestre qu'il capte, à sa plus grande surprise. Une voix d'homme. Au début il n'en perçoit que des bribes informes, mais il sait reconnaître, à l'intonation précise, aux inflexions spécifiques des tonalités saccadées, la voix d'un être humain, et non l'écho d'une poussière céleste, ou les crépitements d'une étoile agonisante. Il n'est plus seul. Sa curiosité le pousse à vouloir en savoir plus, ainsi que la soif abondante de raconter son incroyable épopée. Il repositionne l'antenne depuis l'intérieur de l'habitacle. Il parvient à trouver la fréquence la plus juste, celle qui lui permet de comprendre la provenance des sons. Sur ses feuillets éparpillés il reprend ses calculs, ajuste l'angle de la transmission. L'être humain qui l'atteint à des milliers de kilomètres de distance se situe dans la bonne orbite par rapport au soleil. Le message a bien comme origine la Terre. Les paroles se font de plus en plus claires. Il comprend qu'on lui demande s'il y a quelqu'un.

"Et si une surprise l'attendait à l'autre bout...

"Une surprise ? Quelle surprise ?

"Non, rien, vas-y, continue, continue...

"Désormais les termes exacts de la conversion répétée sont de plus en plus nets. L'oscilloscope de bord décrit des courbes régulières, la conversation se stabilise. La conversation la plus lointaine de l'histoire de l'humanité. Le terrien lui demande qui il est. Il donne son nom. Le terrien s'enthousiasme : enfin il a trouvé quelqu'un ! Enfin, cela faisait des mois qu'il cherchait ! La satisfaction de l'intonation résonne dans l'habitacle, et dans le vide. Les voix du sol se répandent si loin à présent.

"Et qu'est-ce qu'il lui raconte l'autre, alors ?

"Les croisements de l'oscilloscope trahissent la gorge nouée de joie du terrien. Si longtemps... Depuis si longtemps il cherchait... Il lui redemande encore son nom, plusieurs fois, dans tous les sens et dans toutes les langues comme pour s'assurer qu'il ne s'agit pas d'un débris d'écho mort qui parcourraient les airs.

"Et là, le terrien lui demande où il se trouve.

"Dans l'espace bien sûr. Grâce à ses instruments de précision il peut lui affirmer de la façon la plus scientifique possible son positionnement dans l'espace.

"À l'autre bout : silence... Plus rien. Le vide, encore le vide. Pourtant son fichu oscillo-truc lui dit bien que la communication n'a pas été coupée. Alors mince, quoi ! Qu'est-ce qui se passe ?

"Que racontes-tu ?

"Il y a quoi ? Trois minutes, quatre minutes... Cinq longues, mais looongues minutes avant que la voix de l'autre type de l'autre côté du mur du vide ne crache encore, et si la voix est nouée, ce n'est pas parce qu'il est joyeux, non. Il lâche cette phrase comme s'il suppliait sa propre mère, comme s'il se remettait à croire en Dieu : "Vous n'êtes pas sur Terre ?". Et à peine le spationaute a le temps de trouver une réponse évidente à cette question absurde que le terrien commence à débiter sa propre histoire, entrelardée par les coupures intempestives des ondes radio, comme si l'espace refusait de laisser le conteur conter. Il parle d'une catastrophe, de morts, d'océans soulevés, de tremblements de la terre, d'angoisse infinie des survivants, et de disparition progressive du reste de l'humanité. Il gémit : "Je suis le dernier homme sur Terre".

"Le dernier homme sur Terre ? Mais c'est de la science-fiction...

"Ça dépend... Promis, je peux te trouver une explication rationnelle. Regarde : en voyageant dans l'espace, ton spationaute a aussi voyagé dans le temps. Longtemps... Longtemps... Il n'y a pas une théorie comme ça, dans l'histoire ? Le voyageur de l'espace qui se retrouve dix fois plus jeune quand il rentre sur Terre ? Cinq mois ont passé pour lui, mais le signal qu'il capte à cinquante ans de plus sur Terre, et en cinquante ans il y a le temps de s'en passer des choses... Elle a le temps d'arriver, l'Apocalypse. C'est important de savoir comment ? Non, je ne crois pas. Alors ils sont là tous les deux, comme des imbéciles, à un bout et l'autre du signal, chacun seul dans sa solitude, l'un sur Terre l'autre dans l'espace, chacun dans sa panique de vide de rien, dans sa beauté de vide, de rien.

"Le terrien survivant est certainement désespéré ! Il tente de trouver un autre survivant sur Terre depuis des années. Il lui aura fallu deux ans avant de remettre en l'état l'appareillage radio : trouver les composants électroniques disséminés dans les multiples caches, dans les maisons abandonnées, toujours plus vides, toujours plus silencieuses à mesure qu'il espérait, à chaque visite, entendre la voix familière d'un être humain, quelque part sous les décombres, alors qu'il posait sur le dessus du guéridon d'entrée, de guingois, un billet obsolète pour l'emprunt d'un transistor ou d'une antenne, comme si par l'appel de l'argent le fantôme d'un habitant allait resurgir et lui tenir compagnie. Dessiner les routes, les multiples chemins qu'il a entrepris tout ce temps. Et combien d'années encore à ajuster le signal pour le projeter suffisamment loin, espérer atteindre l'ensemble des terres humaines, expérimenter toutes les fréquences possibles, dans toutes les directions possibles, augmenter la puissance de l'émetteur pour projeter au-delà des océans vainqueurs le premier S.O.S. Il n'est finalement pas étonnant qu'après avoir tout essayé, seul l'espace lui ait répondu, que seule une autre solitude ait intercepté l'appel, à des centaines de milliers de kilomètres et à des dizaines d'années de distance.

"Tu ne crois pas plutôt que c'est un peu une chance, finalement ?

"Comment parler de chance ?

"Hé ! Demande-toi quelle probabilité il y avait pour qu'une onde, une minuscule onde radio tout droit venue de la Terre se hasarde à flirter avec la Lune avant de s'aventurer, infidèle à ses premiers amours, en direction d'Orion, un peu comme si le bon gros géant d'étoiles l'attendait pour l'accueillir dans ses larges bras. Et en chemin, quoi ? Un humain ! Le dernier humain de l'univers. Enfin, l'avant-dernier, du coup. Moi je dis : une chance sur un milliard ! Et je ne suis pas la seule à le penser. Dans sa cabine minuscule, entouré par l'infinité de l'espace, le spationaute sourit et dit : "Ça doit être beau toute cette Terre pour toi tout seul."

"Voilà une surprenante considération...

"La Terre s'est retournée sur elle-même, elle s'est fait refaire le visage, et ça rien que pour toi vu que tu es le dernier terrien !

"Qu'en est-il de toi dans l'espace ?

"Moi je suis le dernier spationaute, et ça veut dire que j'ai tout l'espace à explorer, pour moi tout seul, jusqu'à la mort. Je peux m'asseoir sur les nébuleuses et regarder des double soleils se lever ; je peux plonger ma navette au milieu des gaz incandescents de géantes hydrogénées pour découvrir pour la première fois (et peut-être la dernière !) les effets des corps extraterrestres ; et je peux glisser mes doigts curieux dans les crevasses des astéroïdes de passage. Je peux laisser mes traces à la surface de Mars en sachant que je suis non seulement le premier homme, mais aussi que je serais le dernier ! Et tout ça c'est aussi ta chance. Réécrire les cartes ! Habiter où tu veux ! Changer tous les jours de vie, aussi. Posséder tout et rien et la fois. Imaginer tes propres mots. Il n'y aura personne pour te contredire. Et moi depuis l'espace je serais comme ton dernier ami imaginaire, le dernier compagnon de la nouvelle enfance de la planète, qui vient te bercer et t'empêche de sombrer dans la folie - à moins que je t'y encourage !

"Au sol le dernier terrien regarde autour de lui, depuis le secret refuge de l'observatoire qu'il a choisi comme demeure et comme tombeau. Au-dessus de lui la nuit vaste se prolonge en toile dans la fissure flanquée par les catastrophe du toit voûté, alors que le monstrueux télescope a été abattu, couché sur le flanc, son oeil unique brisé en éclats sur le carrelage de la grande salle de mesures. Il n'a plus pour comprendre le ciel que sa propre vue, et cette radio, et les mots de son interlocuteur, comme lui prisonnier du silence humain, mais bien plus loin, bien plus haut, et c'est à travers lui seulement, à travers sa description fantasmagorique des facéties spatiales, qu'il recommence à interpréter le ciel, à le cartographier à l'oreille, comme ferait un sonar. En réponse il lui récite les nouvelles apparences de la planète, les lacs jaillis au milieu du désert, les nouvelle rangées de montagne, les affaissements de l'océan au large des côtes, les sommets volcaniques fièrement dressés et jamais entrepris. Sortant les annotations sténographiques de ses carnets de voyage, il lui raconte la vie à l'état de traces dans les habitations silencieuses : ici une pendule a stoppé son battement à la première heure du nouveau jour ; là la mort a saisi un enfant angélique en sommeil ; là-bas la végétation abondante protège en gardien du foyer le toit affaissé d'une maison d'ardoises. Le dernier spationaute et le dernier terrien, jusqu'à la fin des temps, s'envoyèrent les découvertes de leurs solitudes.

Connectez-vous pour commenter

Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20174 il y a 9 ans 3 mois
Okay wow.

J'ai vu le texte, et j'étais déjà persuadé qu'il irait rejoindre les autres que "je dois absolument lire mais va comprendre je le fais pas". Je commence à lire et... d'une traite.
Pour être honnête, ce sont ces textes où deux narrateurs ce parlent, cet exercice qui m'ont permis le plus d'élaborer la théorie inspirée de l'interactionnisme où, vraiment, l'auteur discute avec le lecteur, au sens fort où le lecteur est actif et doit, pour que le texte fonctionne, ajouter ses propres interventions.

Ou, pour l'imager sobrement, entre chaque phrase ajouter une phrase du lecteur.

Ici la discussion fonctionne tellement bien qu'arrivé à la fin j'ai voulu cliquer sur "suivant". Même en sachant que c'était la fin. Et quand un narrateur fait "elle commence quand l'histoire ?" j'étais au contraire "non mais prends ton temps". Donc forcément, tout mon commentaire va être pour essayer de comprendre pourquoi j'ai été si facilement pris dans l'histoire.

Les premières répliques ne sont pas forcément efficaces. C'est une amorce classique où un personnage est préoccupé, et donc curiosité, on veut savoir pourquoi.
Ce qu'il dit, c'est qu'il regrette le temps de l'exploration pour l'exploration. Étrangement, il peut exposer toute sa vision et cela reste intéressant... je me demande toujours ce qui, dans ce qu'il disait, pouvait être aussi accrocheur. Peut-être les exclamations. L'idée que ça compte pour lui (elle), et donc que ça compte pour nous, par identification.
La discussion évolue en un désaccord : l'exploration pour la science, contre l'exploration pour le silence.
Et c'est là qu'à nouveau les deux narrateurs s'inventent une histoire, comme une expérience de pensée cette fois (à aucun moment ils ne clament que c'est vraiment arrivé) pour tester leurs arguments. Il y a cette idée où chacun contrôle le cours et doit négocier avec l'autre, ce qui donne une dynamique assez vive. On ne sait jamais qui va l'emporter, mais on sait où chacun veut l'emporter et ça devient un match de tennis. Et comme leurs voix s'entrecroisent, on a carrément des passes d'arme.

C'est là peut-être, pour moi, les deux attraits principaux du texte :
1) La dynamique. On sait ce que veut chaque personnage, et on sait comment ils peuvent y parvenir. On a donc les règles et le but du jeu, on peut profiter de la partie.
2) L'activité. Les personnages se soucient de ce qui se passe. On est loin des personnages qui racontent une histoire qui ne semble plus les toucher. Ici chacun a envie d'imposer sa vision des choses. C'est la différence entre un discours savant mais froid et un discours populaire, accrocheur.
C'est pour cela que, même quand l'histoire ne commence pas vraiment, qu'on en est encore à mettre en place le voyage, l'histoire a pour autant déjà commencé : un narrateur est en train de placer ses pions sur l'échiquier, c'est déjà déterminant.

Mh.
C'est vraiment étrange. Le texte était si prenant que, alors que j'ai été interrompu en cours de lecture, à peine revenu j'ai repris comme si de rien n'était.
Je ne pense pas que l'activité des personnages, et le principe d'identification, suffisent à expliquer comment le texte peut à ce point impliquer le lecteur. Je sens que je vais passer encore quelques jours à devoir y réfléchir...
Portrait de Mr. Petch
Mr. Petch a répondu au sujet : #20189 il y a 9 ans 3 mois
Merci de ta lecture !

Ma démarche avec les Confins est vraiment de m'améliorer à chaque texte, de résoudre dans le suivant les problèmes ayant émergé dans le précédent. Mais globalement le principe est le même, et ce mode de narration "dialoguée" m'intéresse vraiment de plus en plus. Il me vient moins pour des questions d'interaction qu'avec comme visée la question un peu basique : comment un récit peut naître d'un discours ? Ça m'intéresse parce que j'ai envie de revenir aux fondements même de la narration qui est "une histoire racontée par quelqu'un". De là l'idée de "mettre en scène" ce quelqu'un, et son action de raconter.
En tout cas c'est une question qui m'anime beaucoup ces derniers temps

L'autre enjeu, mais il était déjà présent dans Les Cimes et dans Les Martyrs, c'est "comment s'affranchir du narrateur ?". Avec, les textes dialogués des Confins, je me pose la question ; est-ce que je m'affranchis du narrateur ? Est-ce qu'il n'y a vraiment pas de narrateur au-dessus des deux personnages, seulement moi et eux, en sommes ? C'est pour ça que ton essai autour d'Impossible m'a interpellé dans sa construction, et notamment dans ton rapport avec Homs. Dans le fond, où est le narrateur ? Qui est le narrateur ?
Et enfin, ce qui me fait reboucler avec ta question de l'interaction auteur-lecteur, c'est ça : peut-on arriver à un texte narratif, de fiction, où le rapport auteur-lecteur est direct, sans en passer ni par un narrateur omniscient "faussement" invisible (et c'est là que ta façon de considérer Homs m'interroge : peut-on vraiment avoir un narrateur complètement invisible), ni par un "je" artificiel (comme moi dans Les Cimes).

Voilà un peu toutes les questions que j'essaye de résoudre avec les Confins... Et je compte bien continuer.

Pour répondre sur le texte :

Ou, pour l'imager sobrement, entre chaque phrase ajouter une phrase du lecteur.


Là-dessus, il y a eu une évolution intéressante de mon texte en l'écrivant. Au début, le personnage "1", celui qui engage le dialogue, devait être dans une posture d'auditeur-interventionniste. Mais pas du tout dans une posture de narrateur : il ne devait faire qu'écouter et commenter (c'était le cas dans les deux premiers Confins : un narrateur et un auditeur). Puis, finalement, je me suis rendu compte qu'il devait intervenir. Que la dynamique du dialogue l'obligeait à prendre une part active dans le récit, ne pas se limiter à lui être extérieur.

C'est pour cela que, même quand l'histoire ne commence pas vraiment, qu'on en est encore à mettre en place le voyage, l'histoire a pour autant déjà commencé : un narrateur est en train de placer ses pions sur l'échiquier, c'est déjà déterminant.


Je crois que c'est ce qui change le plus par rapport au précédent Confins, et ce que j'ai essayé de corriger : l'enjeu est plus clair dès le départ et, en un sens, la question posée par le personnage au début ("est-il encore possible de découvrir d'autres mondes") est au centre de l'histoire tout du long.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20238 il y a 9 ans 1 mois
C’est marrant comment tous les trois on se penche sur la problématique du lecteur. Chacun a sa vision pour lui proposer en quelque sorte son petit jeu.
Pour ce qui est du « tout dialogue », j’avoue ne pas être encore totalement emballé. Cela dit, je constate de nets progrès par rapport au précédent. Je pense que le début ne fonctionne pas tout à fait, parce que les interruptions fonctionne vraiment comme des interruptions et non comme un dialogue. Ici le les premières phrases du 2eme intervenants restent trop artificielles, du moins, on sent trop l’intention d’en faire une sorte de double du lecteur (qui renforce le côté artificiel du texte). Pour ma part, je reste persuadé que le texte fonctionnerait mieux avec une longue introduction de type monologue, comme si le narateur 1 s’adressait uniquement au lecteur. Et d’ailleurs, si on y regarde, c’est ce qu’il fait. Il cherche à piquer sa curiosité.
Pour moi, le texte commence vraiment quand il y a la vraie confrontation (cf : « Que dis-tu ?). Ici, on n’a plus un narrateur/narrateur et narrateur : lecteur mais deux protagonistes. Je pense que commencer directement par une confrontation accélèrerait la dynamique du texte et l’immersion, là où tu installes d’abord un cadre pour ensuite te lancer. La difficulté serait de trouver comment tu arrives à reglisser les propos de ton récit dans la nouvelle structure (faire une sorte de flash-back dans le dialogue).
Ensuite, il y a pour moi dans le dialogue aussi une facilité à dire les choses qui fait qu’on peut très vite en dire trop (et faire trop de dialogue). Je pense que c’est le cas. Il y a certainement parfois un excès de texte qui t’éloigne du dialogue et qui fait que, pour ma part, j’ai parfois envie de sauter des lignes comme si ce que je savais en gros ce qui m’attendait. Pour ma part, je suis entré dans une optique less is more concernant le dialogue dans des textes classiques, qui fait que, malgré tout, vos démarches m’intriguent. Le fait d’avoir cette impression montre pour moi quand même qu’il y a « trop » de dialogue. Ou plutôt trop de monologue dans ton dialogue qui donne l’impression d’un narrateur qui s’écoute parler… Ce pourrait une forme de défi si tel était l’enjeu (un narrateur qui devient lecteur de ce qu’il dit…), mais ce doute que ce soit le cas.

En fait, je trouve que toutes les justifications technologiques, même si sans doute nécessaire, me paraissent alourdir. En tout cas, moi, je m’en moque, ça ne m’intéresse pas. Je vois cette histoire plus comme une expérience cérébrale abstraite, donc en t’efforçant à rendre réaliste le texte, je ne suis pas sûr que tu le rendes meilleur. A dire vrai, tu nous places en situation de tout accepter et c’est là que tu réussis ton texte. Y compris quand tu soulignes son côté improbable et irréaliste.
Pour ce qui est de l’intrigue, il y a effectivement deux très beaux thèmes qui se croisent : la tragédie du dernier des hommes et celle de l’homme perdu dans l’immensité de l’espace. Et que tu aies réussi à les combiner et à les lier donne vraiment une dimension poétique et émouvante. Globalement, ton texte m’a fait penser à deux films que j’ai vus très récemment : Interstellar et Moon (que je conseille fortement si vous ne connaissez pas. A regarder en ayant écouté avant Space Oddity de Bowie avec son inaugural « Ground Control to Major Tom »). L’un des passages que j’ai le plus apprécié fut pour ma part celui où le personnage s’éloigne petit à) petit et qui se coupe de tout et de tous (en soi, très proche de ce que j’ai ressenti en regardant Moon justement ou même Gravity).

Pour finir, comme le signale Vuld Eldone, il y a effectivement une petite frustration quand vient la fin. Pour moi, c’est sans doute lié à sa mise en route qui n’est pas assez immédiatement immersive et qui trouve son équilibre surtout quand l’autre narrateur devient actif et prend le contrôle du récit. Et aussi sans doute parce que ce texte aurait été plus bluffant si tu avais réussi le coup du Prestige des magiciens (l’effet final inattendu qui soit une surprise sur la surprise). J’ai effectivement le sentiment que tu avais de quoi rallonger la fin du texte. En fait, j’attendais soit une sorte de confrontation soit que le narrateur 1 reprenne l’initiative.
Portrait de Mr. Petch
Mr. Petch a répondu au sujet : #20249 il y a 9 ans 1 mois
Merci Zara de ton commentaire (et j'ai honte de ne pas avoir pris le temps de commenter le renard au harnais v3... mais vous avez l'air tellement pris dans votre discussion avec Feurnard... Bref...)

our ce qui est du « tout dialogue », j’avoue ne pas être encore totalement emballé. Cela dit, je constate de nets progrès par rapport au précédent. (...) Pour ma part, je reste persuadé que le texte fonctionnerait mieux avec une longue introduction de type monologue, comme si le narateur 1 s’adressait uniquement au lecteur.


Mmh... OK... Il faut vraiment voir les Confins comme de la R&D. Je tâtonne, je tâtonne. Et j'ai déjà beaucoup appris depuis le premier. Mais je retiens l'idée du long monologue.
Une question toutefois. Quand tu dis :

on sent trop l’intention d’en faire une sorte de double du lecteur (qui renforce le côté artificiel du texte).


Tu entends "artificiel" comme un avantage ou un inconvénient. Car c'est une question que je me pose avec les Confins : je n'arrive pas à écrire du "dialogue naturel". Mes dialogues ont toujours un côté très artificiel, comme si détacher le dialogue de toute mise en scène en faisait des monstres. Je ne sais pas si c'est moi ou si c'est le procédé...

A ce propos :

Je pense que commencer directement par une confrontation accélèrerait la dynamique du texte et l’immersion, là où tu installes d’abord un cadre pour ensuite te lancer.


Voilà une autre question : chaque Confin étant unique, avec de nouveaux persos, je me sens obligé d'installer leurs relations dès le départ, avec comme tu dis, un "cadre". J'ai peur, en commençant directement dans le sujet, que le texte ne soit pas clair, même si plus dynamique.

Ensuite, il y a pour moi dans le dialogue aussi une facilité à dire les choses qui fait qu’on peut très vite en dire trop (et faire trop de dialogue). Je pense que c’est le cas. Il y a certainement parfois un excès de texte qui t’éloigne du dialogue et qui fait que, pour ma part, j’ai parfois envie de sauter des lignes comme si ce que je savais en gros ce qui m’attendait.


Quand tu dis un excès de texte tu veux dire un excès de répliques ? Trop de répliques différentes et pas assez de souplesse par rapport au procédé du dialogue ?

Globalement, ton texte m’a fait penser à deux films que j’ai vus très récemment : Interstellar et Moon (que je conseille fortement si vous ne connaissez pas. A regarder en ayant écouté avant Space Oddity de Bowie avec son inaugural « Ground Control to Major Tom »).


Space Oddity, ou Gravity, oui, à fond :woohoo: Interstellar nettement moins... :( Ou alors pour ses défauts : peut-être que mon texte a les mêmes défauts de cérébralité et d'obsession du contrôle que le film de Nolan. Dans ce cas, la comparaison se vaut.

Et sinon, pour terminer :

Pour ma part, je suis entré dans une optique less is more concernant le dialogue dans des textes classiques, qui fait que, malgré tout, vos démarches m’intriguent.


De mon côté, la raison de ma démarche dialoguiste est simple : je vais chercher à aller à l'origine de l'énonciation du récit par la parole. Considérer que toute histoire est fondamentalement un dialogue, et seulement un dialogue, et qu'elle naît du vide avant la parole. D'où l'absence de non-dialogue : ce qui n'est pas récit n'a pas lieu d'exister dans le monde des Confins.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20250 il y a 9 ans 1 mois
Tu enten

ds "artificiel" comme un avantage ou un inconvénient. Car c'est une question que je me pose avec les Confins : je n'arrive pas à écrire du "dialogue naturel". Mes dialogues ont toujours un côté très artificiel, comme si détacher le dialogue de toute mise en scène en faisait des monstres. Je ne sais pas si c'est moi ou si c'est le procédé...

Artificiel dans le sens qu'on sentait qu'il y avait un artifice. Tu l'as d'ailleurs précisé, tu es dans un travail de R&D, et cela se sent parfois.

J'ai

peur, en commençant directement dans le sujet, que le texte ne soit pas clair, même si plus dynamique.

Je crois qu'on sousestime les capacités du lecteur. Plus on est dans le brouillard et plus on est attentif pour y voir clair. Mon idée, c'était juste d'inverser un peu le dédoulement: commencer "fort" pour créer une tension, puis revenir à l'explication plus tard. Je pense qu'on aura pas les mêmes préidspositions pur lire. Et puis, je pense que cela solutionnera certains de tes problèmes, notamment au début où il y a des interventsions qui ne servent à rien si ce n'est montré qu'on est dans un dialogue.

Quan

d tu dis un excès de texte tu veux dire un excès de répliques ? Trop de répliques différentes et pas assez de souplesse par rapport au procédé du dialogue ?

J'avais parfois l'impression de répliques trop longues qui me donnait envie de les survoler parce que, soit je dévinais où ça allait soit le dialogue n'en était pas un mais on était dans un "texte" classique.

Space Oddity, ou Gravity, oui, à fond Interstellar nettement moins...

Pour l'info, "Moon" est un film réalisé par le fils de Bowie (heu, Duncan Jones, je crois, car Bowie s'appelle en fait Jones). Et sans que la chanson n'y figure, on n'arrête pas d'y penser. C'est vraiment un très beau film, surprenant et inattendu, avec un matériau très minimaliste. Vraiment, c'est l'un des meilleurs film de SF que j'ai vu ces dernières années. Pour Interstellar, c'est pas au niveau des sensatin (on est effectivement plus dans Gravity), mais sur le tème du temps dans l'espace et d'aller au-delà d'une limite.. J'aime pour ma part bien le côté "cérébral" et "contrôle" de Nolan. Je trouve qu'il te dresse un programme ambitieux, te le déroule en retombant sur tes pattes, tout en donnant un chouia plus. Mais entre Gravity et Interstellar, le meilleur, c'est Moon! :laugh:

Merci Zara de ton commentaire (et j'ai honte de ne pas avoir pris le temps de commenter le renard au harnais v3... mais vous avez l'air tellement pris dans votre discussion avec Feurnard... Bref...)

C'est un texte pour moi très expérimental. Il a un côté tres... Nolan justement... :laugh: Mais si tu pouvais juste me dire en 2 mots si le piège a fonctionné avec toi et quelles impressions il t'a laissé pour que j'ai une idée de l'effet qu'il produt et s'il fonctionne, ça maiderait beaucoup... Autant sur certains textes, j'arive à sentir certaines choses autant je suis dans le brouillard ici. Je sais assez précisément ce que j'y ai mis, mais je n'ai aucune idée de ce qu'il produit sur un lecteur exterieur à mon fonctionnement et ma logique.